L’article 706-113 du Code de procédure pénale issu de la loi 2007-308 du 5 mars 2007 prévoit que « le procureur de la République ou le juge d’instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l’objet ».
Le 28 septembre 2010, la Cour de cassation a confirmé le rejet d’une demande tendant à l’annulation d’un interrogatoire d’un majeur protégé fondée sur l’avis tardif du juge des tutelles, celui-ci ayant été informé en janvier 2010 d’une mise en examen datant de… septembre 2009.
Sans précision sur la nature de la sanction applicable au défaut d’information, la Cour paraît cependant ouvrir la voie à l’annulation.
Si elle ne la retient pas en l’espèce, c’est au motif que le curateur avait été avisé en temps utile et que, par suite, le retard invoqué n’avait pas eu « pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne mise en examen ». (Crim., 28 sept. 2010, n° 10-83.283).
Cette affaire est peut-être l’occasion d’une réflexion sur la place et le rôle du protecteur des organes de protection.
En pratique, sont-ils connus, compris et assurés de façon satisfaisante ?
Laurence Gatti
Faculté de Droit de Poitiers – ERDP – EA1230
Vous les avez probablement déjà repérés. Dans le doute, je vous signale tout de même leur réédition en septembre 2010.
Philippe Malaurie, Les personnes, La protection des mineurs et des majeurs, Defrénois, 5e éd. : 33,25 euros
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Annick Batteur, Droit des personnes des familles et des majeurs protégés, LGDJ, 5e éd. : 32,3 euros
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Après deux tentatives infructueuses, la fille de Liliane Bettencourt avait finalement obtenu, le 17 novembre 2010, du Tribunal d’instance de Courbevoie qu’il ouvre une procédure de mise sous protection de sa mère. La question de la recevabilité de la requête en l’absence de certificat médical est délicate, mais, à l’évidence, pas insurmontable (V. en ce sens notre billet du 8 octobre 2010). Seulement, depuis, Françoise Bettencourt-Meyers a fait savoir qu’elle abandonnait « toutes les poursuites judiciaires ». Le juge des tutelles peut-il être aussi facilement dessaisi dans cette matière qui touche à l’état des personnes ? Ne peut-il pas continuer son instruction ?
En même temps, on lit dans la Presse que Liliane Bettencourt a finalement accepté de signer un « mandat de protection future », et de se soumettre à un premier examen d’un médecin expert, dans les prochains jours, puis tous les six mois. Le cas échant, un mandataire gèrerait alors à sa place ses affaires (Le Monde, 8 décembre 2010).
Le mandat de protection future est une alternative aux mesures de protections judiciaire…
J’aimerais bien avoir votre sentiment sur cette affaire qui, au-delà de son aspect médiatique, pose de véritables questions juridiques.
La question du financement de la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) a longtemps opposé les départements à l’État. On pouvait croire le sujet clos avec la publication de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, largement retardée du fait des négociations sur le sujet. Pas du tout. Lire la suite…
Pensez que l’on ne peut solliciter une mesure de protection sans certificat médical à l’appui est une erreur. Certes, l’article 431 du code civil requiert que la demande soit « accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République ». Mais on oublie souvent que la Cour de cassation a déjà admis, dans un arrêt du 10 juillet 1984 (n° 83-10.653) notamment, que : si « l’altération des facultés mentales ou corporelles du malade doit être médicalement établie et constatée par un médecin spécialiste, préalablement à l’ouverture d’une tutelle ou d’une curatelle, la personne qui fait l’objet de cette mesure n’est pas fondée à se prévaloir de l’absence de constatation médicale de l’altération de ses facultés lorsque, par son propre fait, elle a rendu cette constatation impossible en se refusant à tout examen » (V. sur ce point l’article de Thierry Verheyde publié au Recueil Dalloz sur l’affaire Bettencourt : D. 2010. 2052). Autrement dit, comme nous l’ont rappelé Laurence Pécaut-Rivolier et Thierry Verheyde qui animaient, hier après-midi à Avignon, l’atelier Omnidroit « Pratique du droit de la protection des majeurs », rien n’interdit d’obtenir du médecin spécialiste un procès-verbal de carence. À condition toutefois qu’il ne se contente pas de dire : « j’ai convoqué M. ou Mme X qui n’est pas venu », mais qu’il décrive les démarches entreprises pour rencontrer l’intéressé, qu’il relate le comportement, voire les réponses éventuelles de celui-ci, etc.
Peut-être ne suis-je pas tout à fait objective dans la mesure où Laurence Pécaut-Rivolier et Thierry Verheyde sont des rédacteurs fidèles de l’AJ famille, mais leur intervention était, de l’avis général, tout simplement « exceptionnelle ». Je ne crois pas exagérer en affirmant que tous les participants à leur atelier sont repartis enthousiastes, avec une tas d’idées nouvelles, de tactiques procédurales en poche. Dommage que, finalement, il n’y ait que si peu d’avocats à avoir conscience de l’importance qu’il y a pour eux à s’intéresser aux tutelles. Aujourd’hui ce sont près d’un million de personnes qui font l’objet d’une mesure de protection. Et demain ? Il est temps que les avocats s’emparent de cette matière, d’autant que la loi du 5 mars 2007 les invite fortement à investir ce champ de compétence et que les majeurs protégés eux-mêmes en ont besoin pour faire contrepoids à « l’omnipuissance » des juges des tutelles.
Interrogée sur les moyens à la disposition du juge des tutelles pour protéger un majeur sous curatelle ou tutelle, particulièrement en cas d’addiction aux jeux, aux achats, la garde des Sceaux rappelle que le majeur protégé a droit à l’intimité et à la confidentialité de la correspondance. Dès lors, le fait de priver une personne protégée d’un libre accès à Internet ne se justifie a priori pas, sauf à démontrer un réel danger pour la personne protégée (Rép. min. n° 71227, JOAN Q 25 mai 2010, p. 5846).
La Cour européenne des droits de l’homme ne saurait admettre qu’une restriction absolue aux droits de vote soit imposée à toute personne placée sous tutelle partielle indépendamment de ses facultés réelles (CEDH, 20 mai 2010, Alajos Kiss c/ Hongrie, requête no 38832/06). L’État doit fournir des raisons solides lorsqu’il applique une restriction des droits fondamentaux à un groupe particulièrement vulnérable de la société, tel celui des personnes atteintes d’un handicap mental. En l’occurrence le requérant a perdu son droit de vote en raison de l’application d’une restriction automatique et générale au droit de suffrage des personnes placées sous tutelle partielle. Or, traiter les personnes atteintes de handicaps mentaux comme un groupe unique revient à opérer une classification contestable. Si bien que la Cour conclut à la violation de l’article 3 du Protocole no 1 (droit de vote, droit de se porter candidat à des élections).
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