Pas de reconnaissance de la gestation pour autrui
Vous avez très certainement déjà eu connaissance des deux arrêts de la première Chambre civile du 13 septembre 2013 qui refusent de donner effet à une convention de gestation pour autrui conclue à l’étranger par un Français.
Dans le premier arrêt (n° 12-30.138), la Cour de cassation justifie le refus de transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil.
Dans le second (n° 12-18.315), elle approuve la cour d’appel d’avoir déduit d’une telle fraude que la reconnaissance paternelle devait être annulée. En présence de cette fraude, ni l’intérêt supérieur de l’enfant que garantit l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant, ni le respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sauraient être utilement invoqués.
Cette décision nous rappelle bien évidemment celle du 6 avril 2011 : « en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil » ; « ce principe fait obstacle aux effets en France d’une possession d’état invoquée pour l’établissement de la filiation en conséquence d’une telle convention, fût-elle licitement conclue à l’étranger, en raison de sa contrariété à l’ordre public international français » (n° 09-17.130, AJ fam. 2011. 262, obs. Chénedé ; ibid. 265, obs. B. Haftel ; ibid. 266, interview M. Domingo).
Mais cette décision nous évoque également la circulaire « Taubira » fort contestée du 25 janvier 2013, dont je vous rappelle les termes : «Vous veillerez, dans l’hypothèse où de telles demandes [de délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger de Français à la suite d’une gestation pour autrui] seraient formées, et sous réserve que les autres conditions soient remplies, à ce qu’il soit fait droit à celles-ci dès lors que le lien de filiation avec un Français résulte d’un acte d’état civil étranger probant au regard de l’article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
S’il s’agit là uniquement d’une reconnaissance de nationalité, et non d’une reconnaissance de filiation, les deux décisions de la Cour de cassation viendront peut-être rassurer ceux qui ont pu croire que la porte était ouverte à la GPA… et qui ont redoublé de colère avec la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Comme l’a relevé Romain Omer (Le nouvel observateur, 10 juill. 2013), si la circulaire reconnaît aux enfants nés d’une GPA la nationalité française (mais sans aucune transcription de l’acte de naissance étranger sur le registre de l’état civil), elle ne le fait que pour les enfants nés dans les pays où la GPA est légale et encadrée, et où ces enfants bénéficient d’un état civil (Etats-Unis, Canada, notamment). Ce qui n’est pas le cas pour les enfants nés dans des États où le droit du sol n’existe pas, comme en Inde ou en Ukraine. En définitive, ces enfants paieront cher le comportement de leurs parents : ni nationalité française, ni filiation.
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