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Sélection jurisprudentielle de la semaine : adoption, concubinage, droit pénal de la famille, filiation, libéralités et succession

16/05/2024

Jurisprudence3En attendant l’importante décision qui sera rendue demain par la Cour de cassation en matière de responsabilité civile des parents séparés (n° 22-84.760) et commentée dans le colonnes de l’AJ famille par Jérémy Houssier, voici ma sélection pour cette semaine :

  • adoption
  • concubinage
  • droit pénal de la famille
  • filiation
  • libéralités
  • succession

  • Adoption 

La révocation de l’adoption suppose que soit démontrée l’existence d’un motif grave résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d’adoption (Civ. 1re, 2 mai 2024, n° 22-14.175, 207 F-D) – Il résulte  des articles 353, alinéa 1er (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019), et 370, alinéa 1er, devenu 368, alinéa 1er, du code civil, que la validité du consentement de l’adopté, en tant que condition légale à l’adoption, est vérifiée au moment où le tribunal se prononce sur celle-ci, de sorte que la contestation ultérieure du consentement de l’adopté, qui est indissociable du jugement d’adoption, ne peut se faire qu’au moyen d’une remise en cause directe de celui-ci par l’exercice des voies de recours et non à l’occasion d’une action en révocation de cette adoption, laquelle suppose que soit rapportée la preuve d’un motif grave, résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d’adoption.

Pour accueillir la demande de l’adoptée en révocation de son adoption simple, par le mari de sa mère, une cour d’appel retient, d’une part, que l’adoptée démontre un premier motif de révocation tenant en ce que, durant sa jeunesse, l’adoptant avait capté son affection au détriment de sa relation avec son père biologique, cet élément étant aggravé par l’existence d’une rupture familiale durable, et, d’autre part, que le contexte suspect entourant le recueil, indirect, du consentement à l’adoption donné par elle constitue un second motif grave de révocation. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas constaté l’existence d’un motif grave de révocation de l’adoption résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d’adoption, a violé les textes précités.

NB – Cette décision sera commentée dans le numéro de juin de l’AJ famille par Pascale Salvage.

La Cour juge contraire à la Convention une règle du secret des informations relatives aux adoptions (CEDH, 14 mai 2024, Mitrevska c/ Macédoine du Nord, n° 20949/21) – Une femme adoptée a tenté, en vain, à deux reprises d’obtenir des informations sur ses origines biologiques et la santé de ses parents biologiques. Parce qu’on lui avait diagnostiqué un trouble d’anxiété dépressive et des problèmes d’élocution et que ses médecins avaient demandé des informations sur les antécédents médicaux de sa famille afin de déterminer si elle souffrait d’une maladie héréditaire, elle avait demandé une copie de l’ensemble du dossier d’adoption, et notamment les informations suivantes : son nom avant l’adoption, son lieu de naissance, son dossier de santé, si elle est née dans le cadre du mariage ou hors mariage, les noms et adresses de ses parents biologiques, leur état psychologique et de santé et les motifs de son adoption, la date de son adoption et le numéro de dossier de la décision d’adoption, ainsi que toute note importante du dossier. Pour la CEDH, le refus des autorités macédoniennes, qui se fondent uniquement sur le droit national – spécialement sur la règle qui soumet toutes les adoptions au secret d’État, sans mettre en balance les intérêts concurrents en jeu -, méconnaît l’article 8 de la Conv. EDH.

Dans son communiqué, la Cour relève : 

Premièrement, la Cour relève que l’accès des enfants adoptés à des informations concernant leurs origines biologiques est une question éthique délicate qui exige que soit ménagé un équilibre entre les intérêts privés et les intérêts publics, et plus précisément que soient mis en balance, d’une part, le droit de connaître sa filiation, qui fait partie intégrante de la notion de vie privée, et, dans le cas de la requérante, le droit de connaître aussi des informations pertinentes pour sa santé, et, d’autre part, l’aspiration des mères biologiques à ne pas voir divulguées des informations les concernant et concernant leurs enfants aux stades de la grossesse et de l’accouchement.

Toutefois, les autorités n’ont pas cherché à établir si les parents biologiques de la requérante avaient réellement exprimé le souhait de maintenir le secret concernant son adoption.

De plus, lorsqu’elles ont rejeté la demande d’informations de la requérante sur ses origines, les autorités administratives et judiciaires se sont appuyées uniquement sur l’article 123-a de la loi sur la famille, qui dispose que toutes les informations relatives aux adoptions relèvent du secret d’État, sans prévoir la possibilité d’obtenir des informations non identifiantes sur les origines biologiques, l’adoption ou l’enfance d’une personne. La loi ne prévoit pas non plus d’exception à la règle du secret pour raisons médicales. En conséquence, les autorités ont manqué à leur obligation d’établir les intérêts concurrents en jeu et de les mettre en balance.

Partant, il y a eu violation de l’article 8.

 

  • Concubinage

Réalisation et financement de travaux dans le domicile de son concubin : il faut déterminer le montant de la plus-value immobilière constitutive de l’enrichissement injustifié du concubin (Civ. 1re, 2 mai 2024, n° 22-16.707, n° 215 F-D) –  Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 1303 du code civil (dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) une cour d’appel qui, pour fixer à 91 741,14 € l’indemnité due par la concubine au concubin au titre de l’enrichissement « sans cause », retient que celui-ci justifie d’un nombre important de factures payées pour un montant total de 91 741,14 €, ce dont il résulte un appauvrissement du second et un enrichissement corrélatif de la première pour un même montant, sans rechercher, comme il lui incombait, quel était, au jour de l’introduction de l’instance, le montant de la plus-value immobilière constitutive de l’enrichissement de la concubine puisque l’indemnité due au titre de l’enrichissement injustifié est égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

NB – v. Civ. 1re, 3 mars 2021, n° 19-19.000, AJ fam. 2021. 301, obs. J. Casey. – Cette décision sera commentée dans le numéro de juin de l’AJ famille par Quentin Prim.

  • Droit pénal de la famille

Peine pour non-représentation d’enfant : le juge doit préciser les éléments de personnalité et de situation matérielle, familiale et sociale qu’il prend en considération (Crim., 2 mai 2024, n° 23-84.660, 524 F-D) –  Ne justifie pas sa décision une cour d’appel qui, pour condamner une mère, poursuivie du chef de non-représentation d’enfant, à six mois d’emprisonnement avec sursis, énonce que, compte tenu de la nature des faits et de leur persistance, ainsi que des éléments de personnalité sociaux et familiaux concernant la prévenue, la peine prononcée par le premier juge sera confirmée, alors que ses motifs ne contiennent aucune précision sur les éléments de personnalité et de situation matérielle, familiale et sociale qu’elle a pris en considération.

  • Filiation

Non-renvoi d’une QPC relative à l’article 343 du code civil (Civ. 1re, 2 mai 2024, n° 24-40.001, 324 FS-B) – Faute de caractère sérieux, la Cour refuse de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité rédigée en ces termes : « L’article 342-11 du code civil, en ce qu’il impose aux couples de femmes ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur de procéder à une reconnaissance conjointe anticipée pour établir la filiation à l’égard de la femme qui n’accouche pas de l’enfant, porte-t-il atteinte au principe d’égalité et en particulier au principe d’égalité entre les hommes et les femmes, à la liberté personnelle, au droit à une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée ainsi qu’au principe fondamental reconnu par les lois de la République de gratuité de l’établissement des actes de l’état civil ? »

  • Libéralités

Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation (Civ. 1re, 2 mai 2024, n° 22-14.140, 204 F-D) – Viole l’article 860, alinéa 1er, du code civil une cour d’appel qui, alors que la donation soumise au rapport datait du 2 mai 1984, retient, pour fixer à 21 700 € la valeur d’une parcelle à la date la plus proche du partage dans son état au jour de la donation, que c’est en 1958 qu’a eu lieu la donation-partage attribuant au défunt une parcelle de terrain, à partir de laquelle la parcelle litigieuse, objet de la donation consentie le 2 mai 1984 en faveur de l’épouse, a ensuite été créée, que c’est donc à juste titre que l’expert s’est basé sur l’état du bien en 1958 et que le prix retenu apparaît adapté. Car le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation : en 1984 donc et non en 1958.

  • Succession

Nullité du contrat de révélation de succession lorsque le généalogiste ne révèle aucun droit successoral : seule indemnisation possible du généalogiste sur le fondement de la gestion d’affaires  (Civ. 1re, 2 mai 2024, n° 22-15.801, 210 F-D) – En l’occurrence, après avoir énoncé qu’aux termes de l’article 1131 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), l’obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet, la cour d’appel a relevé que les contrats de révélation de succession litigieux portaient sur la révélation de droits à faire valoir dans une succession et contenaient une clause selon laquelle l’héritier reconnaissait ignorer cette vocation successorale et acceptait que le généalogiste lui révèle ces droits. Elle a ensuite retenu que les intéressés avaient, préalablement à l’intervention du généalogiste, connaissance à la fois de leur qualité d’héritiers du défunt, de l’existence du terrain dans la succession de celle-ci et de leurs droits héréditaires sur ce terrain.

De ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise sur la connaissance des héritiers, avant l’intervention de l’étude de généalogie, de la persistance de leurs droits sur le terrain, en déshérence administrative depuis 60 ans, en retenant également que l’intervention du généalogiste avait permis à ceux-ci, qui s’étaient désintéressés du terrain litigieux, de découvrir qu’il était occupé par des voisins en revendiquant la propriété et de faire valoir leurs droits sur ce bien, a exactement déduit que les contrats de révélation de succession étaient nuls pour défaut de cause et que l’intervention du généalogiste, qui avait présenté, pour eux, une utilité se situant en dehors du champ de ces contrats, pouvait seulement lui donner droit à indemnisation sur le fondement de la gestion d’affaires.

NB – Cette décision sera commentée dans le numéro de juin de l’AJ famille par Quentin Prim.

 

Appréciation du caractère manifestement excessif de la prime versée sur le contrat d’assurance sur la vie : la situation patrimoniale et l’utilité du contrat doivent aussi être prises en compte (Civ. 1re, 2 mai 2024, n° 22-14.829,  209 F-D) – Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d’appel qui ordonne la réintégration du capital versé (86 719,45 €) en exécution de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie souscrit le 4 janvier 2000 par la défunte (qui n’avait alors  pas de revenus propres et n’était pas assujettie à l’impôt sur le revenu) au profit de sa fille qui venait de devenir sa curatrice au moment du second versement, sans rechercher, pour apprécier le caractère manifestement exagéré de la première prime au regard de la situation patrimoniale globale de la défunte, si, ainsi qu’il était soutenu, celle-ci et son époux ne disposaient pas, à la date de souscription, d’un patrimoine immobilier, d’une épargne sur divers comptes d’un montant de 80 832,38 € et de revenus d’un montant de 132 385 francs en 1999, et sans apprécier le caractère manifestement exagéré des primes versées les 6 novembre 2002 et 2 mars 2010, au regard de l’âge, de la situation patrimoniale et familiale de la souscriptrice et de l’utilité du contrat pour celle-ci aux dates de leurs versements.

NB – Cette décision sera commentée dans le numéro de juin de l’AJ famille par Quentin Prim.

 

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