Sélection jurisprudentielle de la semaine : Autorité parentale, Divorce/DIP, Filiation, Indivision, Majeurs protégés, Mineurs/Enlèvement, Succession
De belles décisions cette semaine dont j’attends avec impatience les commentaires pour l’AJ famille :
- Autorité parentale
- Divorce/DIP
- Filiation
- Indivision
- Majeurs protégés
- Mineurs/Enlèvement
- Succession
- Autorité parentale
La vraisemblance des violences alléguées et du danger exposée par la mère suffit à justifier les mesures restreignant l’exercice de l’autorité parentale du père sans qu’il soit besoin de constater un danger encouru par l’enfant (Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-22.600, 287 FS-B) – Lorsque le juge aux affaires familiales estime qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel est exposée la victime et que celle-ci est parent d’un ou plusieurs enfants, il peut, pour assurer sa protection, interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer le ou les enfants, ainsi que d’entrer en relation avec eux, de quelque façon que ce soit, autrement qu’à l’occasion du droit de visite qu’il lui a, le cas échéant, accordé, et de se rendre au domicile familial où la victime demeure avec eux.
Ayant retenu qu’il existait des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables les violences alléguées et le danger auquel était exposée la mère, une cour d’appel, qui n’avait pas à se prononcer sur l’existence d’un danger encouru par l’enfant, a estimé qu’il devait être fait interdiction au père de recevoir ou de rencontrer l’enfant commun ou d’entrer en relation avec lui autrement qu’à l’occasion des droits de visite qu’elle a organisés, et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision au regard des articles 515-9 et 515-11, 1° et 1° bis, du code civil.
- Divorce/DIP
Détermination de la loi applicable au divorce dans l’ONC, recevabilité du pourvoi et excès de pouvoir (Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-17.049, 289 FS-B) – Est immédiatement recevable le pourvoi formé contre un arrêt qui, statuant sur appel d’une ordonnance de non-conciliation a, en décidant de la loi applicable au divorce, tranché dans son dispositif une partie du principal.
Il résulte des articles 252 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et des articles 1110 et 1111 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, que le juge aux affaires familiales n’a pas le pouvoir de statuer, dans l’ordonnance de non-conciliation, sur la loi applicable au divorce si cela n’est pas requis pour trancher une contestation pertinente de ses attributions. Ce n’est pas non plus le cas de la cour d’appel qui, saisie de l’appel d’une décision de cette nature, statue dans la limite des pouvoirs de ce juge.
- Filiation
Séparation de deux épouses après PMA : l’adoption de l’enfant peut être prononcée si, en dépit du refus, sans motif légitime, de la mère de procéder à la reconnaissance conjointe, elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, souverainement apprécié par le juge en considération des exigences de sa protection (Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-20.069, 286 FS-B) – En l’occurrence, il s’agissait de savoir si le législateur, dans ses dispositions transitoires, en prévoyant que « Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige », a entendu subordonner le prononcé de l’adoption à une condition autonome tenant à l’exigence de protection de l’enfant.
Ce dispositif transitoire a été créé pour régler la situation des couples de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation à l’étranger avant la loi du 2 août 2021 et qui se sont séparées, de manière conflictuelle, depuis le projet parental commun.
Il ressort de l’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de l’article 9 précité que celui-ci a pour objectif de ne pas priver l’enfant issu de ce projet parental de la protection qu’offre un second lien de filiation, du seul fait de la séparation conflictuelle de ses parents et du refus consécutif de la femme inscrite dans l’acte de naissance d’établir la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi relative à la bioéthique. Selon ce même exposé, l’adoption ne sera prononcée que si ce refus n’est pas légitime et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.
Admettre que le législateur ait posé une exigence supplémentaire supposant de démontrer concrètement que la mesure d’adoption est indispensable pour protéger l’enfant d’un danger, conduirait à limiter considérablement la possibilité d’adoption plénière alors même que le refus de reconnaissance conjointe serait injustifié. Une telle interprétation s’inscrirait ainsi en contradiction avec l’objectif recherché par le législateur.
Dès lors, il y a lieu de considérer qu’au regard du projet parental commun dont a procédé l’assistance médicale à la procréation réalisée, l’adoption de l’enfant peut être prononcée si, en dépit du refus, sans motif légitime, de la femme qui a accouché de procéder à la reconnaissante conjointe, elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, souverainement apprécié par le juge en considération des exigences de sa protection.
La cour d’appel a relevé que la naissance de l’enfant, sa grande fragilité et l’attention constante qui lui était nécessaire, avaient pu déstabiliser le couple que formaient depuis plusieurs années la mère et son épouse, laquelle avait préféré s’éloigner pour ne pas exposer l’enfant à des disputes incessantes, mais que la mère n’en considérait pas moins son épouse comme l’autre parent de l’enfant auquel elle avait donné naissance.
Elle a retenu que le fait que l’épouse ait refusé tout contact avec celui-ci au début de la crise sanitaire, au mois de mars 2020, ne traduisait pas un désintérêt de sa part mais la volonté de le protéger de tout risque de contamination, dès lors qu’elle exerçait la profession d’aide-soignante.
Elle a souligné que celle-ci portait un grand intérêt à l’enfant qu’elle considérait comme son fils, le recevait dans un cadre adapté à son bien-être, sans vouloir se l’approprier de façon exclusive, et était en capacité de repérer ses besoins et d’y répondre.
Elle a estimé que l’enfant, qui était né d’un projet parental commun, devait pouvoir être adopté par l’épouse, afin de s’inscrire dans deux familles qui le considéraient comme leur petit-fils.
De l’ensemble de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a souverainement déduit que l’adoption plénière de l’enfant par l’épouse était conforme à l’intérêt de l’enfant. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
- Indivision
Évaluation de la créance du concubin sur l’indivision au titre du financement du bien indivis (Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-11.649, 292 F-B) – Il résulte de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil que pour les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis, dont fait partie le règlement des échéances de l’emprunt ayant permis son acquisition, il doit être tenu compte, selon l’équité, à l’indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu’il a faite et le profit subsistant. Le profit subsistant représente l’enrichissement procuré au patrimoine indivis.
Pour limiter à une certaine somme le montant de la créance du concubin sur l’indivision au titre du financement du bien indivis, une cour d’appel retient qu’ayant financé la part de sa concubine dans une certaine proportion, il doit lui être tenu compte dans cette même proportion de la différence entre la valeur actuelle du bien indivis et le prix de son acquisition.
En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait d’établir la proportion dans laquelle le règlement par lui des échéances de l’emprunt, en capital et intérêts, avait contribué au financement global de l’acquisition, incluant les frais d’acquisition et le coût du crédit, puis d’appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l’acquisition, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite, la cour d’appel a violé l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil.
- Majeurs protégés
Le majeur protégé peut relever seul appel de la décision maintenant la mesure de soins sans consentement (Civ. 1re, 15 mai 2024, n° 22-24.110, 246 F-D) – Il se déduit des articles 415 et 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique que tant la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d’obtenir la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement que l’appel de sa décision maintenant une telle mesure, constituent des actes personnels que la personne majeure protégée peut accomplir seule.
Viole ces textes un premier président qui, pour déclarer irrecevable l’appel formé par le majeur protégé, retient qu’il a été relevé par celui-ci, seul, par l’intermédiaire de son conseil, sans représentation de son tuteur qui n’a, ni relevé appel lui-même, ni régularisé l’appel de l’intéressé.
- Mineurs/Enlèvement
Dans la procédure de retour immédiat de l’enfant illicitement déplacé, le formalisme excessif n’est pas de mise (Civ. 2e, 23 mai 2024, n° 22-11.175, 458 FS-B) – Le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même.
Pour confirmer l’ordonnance ayant déclaré caduque la déclaration d’appel de la mère dont l’enfant a été déplacé par le père de l’Ukraine vers la France, en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 (sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants), le principe de l’obligation, pour l’appelant, de signifier sa déclaration d’appel à tous les intimés y compris le procureur général, ce qui, à défaut d’une telle signification au ministère public a eu pour effet de rendre caduque sa déclaration d’appel à l’égard de l’ensemble des intimés, alors qu’elle avait constaté que le procureur général avait conclu devant elle et que la déclaration d’appel avait été signifiée au père, la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif et a violé l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et les articles 905-1 et 1210-4 du code de procédure civile.
- Succession
Un testament olographe dont la date a été ajoutée par un tiers n’est pas nécessairement nul (Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-17.127, 288 FS-B) – Selon l’article 970 du code civil, le testament olographe qui n’est pas daté de la main du testateur n’est pas valable. Toutefois, lorsqu’un testament olographe comporte une date dont un ou plusieurs éléments nécessaires pour la constituer ont été portés par un tiers, la nullité de celui-ci n’est pas encourue dès lors que des éléments intrinsèques à l’acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu’il a été rédigé au cours d’une période déterminée et qu’il n’est pas démontré qu’au cours de cette période, le testateur ait été frappé d’une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.
Pour déclarer nul le testament olographe portant la date du 26 mars 2009, une cour d’appel retient qu’il résulte du rapport d’expertise judiciaire déposé le 1er juin 2021 que la défunte n’est pas l’auteure du « 9 » de la date du « 26 mars 2009 » apposée sur le testament litigieux, ce dont il résulte que celui-ci n’a pas été entièrement écrit de la main de la testatrice, et que ce vice formel suffit à en emporter la nullité, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré de l’insanité d’esprit de la testatrice.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en dépit de cette irrégularité, des éléments intrinsèques à l’acte, dont faisait partie la mention « 26 mars 200 » écrite de la main de la testatrice, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, ne permettaient pas d’établir que le testament avait été rédigé au cours d’une période déterminée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
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