Sélection jurisprudentielle : concubinage/liquidation du régime patrimonial, divorce, état civil/parent transgenre, mariage, mineur/enlèvement, régimes matrimoniaux
Quelques beaux arrêts cette semaine !
- Concubinage/liquidation du régime patrimonial
- Divorce
- État civil
- Mariage
- Mineur/enlèvement
- Régimes matrimoniaux
- Concubinage
La demande d’indemnité au titre de l’occupation sans droit ni titre par un ancien concubin d’un immeuble appartenant à son ex-concubine entre dans le règlement et le partage de leurs intérêts patrimoniaux que le JAF a à connaître (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-25.044, 231 FS-B+L) – Aux termes de l’article L. 213-3, 2°, du code de l’organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales connaît de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des concubins.
Les intérêts patrimoniaux des concubins s’entendent de tous leurs rapports pécuniaires, y compris ceux nés de la rupture du concubinage.
Pour renvoyer une ex-concubine à mieux se pourvoir sur sa demande d’indemnité d’occupation, après avoir relevé que celle-ci sollicitait la fixation du point de départ de l’indemnité à la date de la séparation du couple, une cour d’appel retient que, fondée juridiquement sur l’occupation sans droit ni titre d’un immeuble lui appartenant et non sur la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des concubins, sa demande ne relève pas de la compétence du juge aux affaires familiales.
En statuant ainsi, alors que la demande d’indemnité au titre de l’occupation sans droit ni titre par l’ex-concubin d’un immeuble appartenant à son ex-concubine était née de la rupture de leur concubinage et entrait dans le règlement et le partage de leurs intérêts patrimoniaux, la cour d’appel a violé l’article L. 213-3, 2°, du code de l’organisation judiciaire.
- Divorce
Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : déductibilité rétroactive de la dette de prestation compensatoire (Com., 5 avr. 2023, n° 21-11.827, 268 F-B) – Une dette de prestation compensatoire dont le montant a été arrêté postérieurement au fait générateur de l’ISF, soit au 1er janvier de l’année d’imposition, ne peut être rétroactivement déduite de l’assiette de cet impôt qu’à condition que le divorce ait été prononcé par une décision devenue irrévocable avant cette date, peu important qu’un accord des parties sur le principe du versement d’une prestation compensatoire ait existé au jour du fait générateur.
Dès lors qu’un jugement du 4 février 2016, devenu irrévocable par l’acquiescement réciproque des parties, intervenu le 24 mars 2016, a prononcé le divorce du mari et de son épouse et mis à la charge du premier le versement d’une prestation compensatoire, il en résulte que la dette correspondant à la prestation compensatoire que l’époux a été condamné à payer n’était pas née au 1er janvier des années 2014 et 2015 et qu’elle n’était donc pas déductible de l’assiette de l’ISF dû au titre de ces années.
- État civil/parent transgenre
Impossibilité légale pour un parent transgenre d’indiquer son genre actuel, sans lien avec sa fonction procréatrice, sur l’acte de naissance de son enfant conçu après le changement de genre : non-violation de la Conv. EDH (CEDH, 4 avr. 2023 A.H. et a. c/ Allemagne, 7246/20 et O.H. et G.H. c/ Allemagne, n° 53568/18).
NB – Autant dire que la Cour de cassation n’est pas encouragée à revenir sur sa jurisprudence en la matière : v. Civ. 1re, 16 sept. 2020, n° 18-50.080, AJ fam. 2020. 534, obs. G. Kessler et E. Viganotti.
- Mariage
Le silence du tribunal judiciaire au-delà d’un mois ne vaut pas mainlevée de l’opposition au mariage (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-15.196, 245 F-B) – Selon l’article 171-7, alinéa 5, du code civil, saisi par les époux d’une demande de mainlevée de l’opposition à la transcription de leur mariage sur les registres français de l’état civil, le tribunal judiciaire statue dans le mois. En cas d’appel, la cour statue dans le même délai.
Le non-respect de ces délais n’est assorti d’aucune sanction et ne saurait entraîner de plein droit la mainlevée de l’opposition.
- Mineurs/enlèvement
Enlèvement international d’enfant : le formalisme excessif est proscrit (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 22-21.863, 305 FS-B) – Le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même.
En faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée par le père sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, le principe de l’obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d’appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par le père en qualité d’appelant incident, la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif et a, partant, violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et 1210-4 du code de procédure civile.
NB -V, à propos d’une autre affaire d’enlèvement d’enfants, CEDH, 5 nov. 2015, Henrioud c/ France, 5 nov. 2015, n° 21444/11 où la Cour de cassation s’est vu reprocher d’avoir fait preuve d’un formalisme excessif en déclarant irrecevable le pourvoi du père du fait de l’omission du procureur général. Aujourd’hui, la Cour en tire les leçons…
- Régimes matrimoniaux
Exclusion, sauf convention contraire, de l’apport en capital de la contribution aux charges du mariage (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-22.296, 233 FS-B) – Il résulte de l’article 214 du code civil que, sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l’amélioration, par voie de construction, d’un bien personnel appartenant à l’autre et affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Pour rejeter la demande de créance formée par l’ex-époux à l’encontre de son ex-épouse au titre du financement d’une partie des travaux d’édification d’une maison sur le terrain appartenant à celle-ci, une cour d’appel, après avoir constaté que le premier avait réglé une facture de construction de la maison d’un montant de 36 240,83 € à l’aide de capitaux provenant de son épargne personnelle, relève que l’espèce concerne le financement de la construction d’un bien personnel de l’épouse et non celui de la part indivise du conjoint, que le montant de la facture demeure relativement modeste et constitue une dépense ponctuelle, qu’il n’est pas établi de sur-contribution aux charges du mariage de l’ex-époux et qu’il n’est pas contesté que celui-ci a bénéficié avec les enfants du couple d’un hébergement dans le bien immobilier considéré. Elle en déduit que le paiement de la facture relève de sa contribution aux charges du mariage.
En se déterminant ainsi, sans constater l’existence d’une convention entre les époux prévoyant l’exécution par l’époux de sa contribution aux charges du mariage sous la forme d’un apport en capital, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
NB – V. dernièrement Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-21.277, AJ fam. 2022. 445, obs. J. Casey ; 9 févr. 2022, n° 20-14.272.
Commentaires récents