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Sélection jurisprudentielle : adoption, autorité parentale, divorce, filiation, libéralités et successions

15/04/2023

Jurisprudence3Plusieurs arrêts sélectionnés cette semaine. De nombreux rappels…

  • Adoption
  • Autorité parentale
  • Divorce
  • Filiation
  • Libéralités/successions

 

  • Adoption

Avis consultatif concernant l’adoption d’un enfant majeur (CEDH, avis, 13 avr. 2023, 16-2022-001) – En réponse à une demande formulée par la Cour suprême de Finlande, la CEDH est d’avis que :

. les procédures judiciaires relatives à l’adoption d’un enfant majeur peuvent être considérées comme affectant la vie privée du parent biologique au sens de l’article 8 de la Convention. Ce parent doit se voir offrir la possibilité d’être entendu et ses arguments doivent être pris en compte aux fins de la décision dans la mesure où ils sont pertinents. Eu égard, toutefois, à l’ample marge d’appréciation dont l’État dispose dans l’encadrement de la procédure d’adoption d’un adulte, le respect de l’article 8 n’exige pas que le parent biologique se voit accorder la qualité de partie ni le droit de former un recours contre la décision ayant autorisé l’adoption ;

. si la juridiction dont émane la demande détermine que l’on ne saurait prétendre, même de manière défendable, que le droit revendiqué par la mère biologique est reconnu en droit interne, il s’ensuivra que l’article 6 de la Convention n’est pas applicable à l’égard de cette dernière dans le contexte de la procédure d’adoption d’un adulte.

  • Autorité parentale

Les autorités qui n’ont pas suffisamment garanti le droit du requérant au respect de sa vie familiale en ce qui concerne ses droits de visite avec sa fille ont violé  l’article 8 de la Convention (CEDH, 13 avr. 2023, E.K. c/ Lettonie, n° 25942/20).

L’interdiction totale de contact de l’enfant avec son ancienne famille viole l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme alors qu’il s’agissait des seules personnes avec qui il avait noué des liens familiaux individualisés tout au long de sa vie (CEDH, 13 avr. 2023, Jírová et a. c/ République tchèque, n° 66015/17).

 

  • Divorce

Impossibilité pour le juge de condamner l’un des époux au paiement d’une prestation compensatoire à régler, soit en capital, soit en moins-prenant sur la part lui revenant au moment de la liquidation du régime matrimonial (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-18.201, 241 F-D) –  Selon l’article 275 du code civil, lorsque le débiteur de la prestation compensatoire n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues au premier, le juge en fixe les modalités de paiement dans la limite de huit années sous forme de versements périodiques. Le juge qui fait application de ce texte ne peut accorder un délai pour verser la première fraction.

Viole les articles 274 et 275 du code civil la cour d’appel qui en condamnant l’époux à payer à l’épouse, au titre de la prestation compensatoire, une somme d’un certain montant, à régler, soit en capital, soit en moins-prenant sur la part lui revenant au moment de la liquidation du régime matrimonial, a différé le versement du capital alloué sans satisfaire aux exigences sus rappelées.

NB – V. déjà sous l’ancien article 275-1 du code civil, Civ. 2e, 16 avr. 1996, n° 94-15.754.

Fixation du montant de la prestation compensatoire et recevabilité du recours en révision (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-18.193, 235 F-D) – Après avoir relevé que la déclaration sur l’honneur du mari ne mentionnait aucune épargne commune ou propre, quand bien même l’épouse soutenait dans ses écritures que l’époux possédait une épargne propre, et que celui-ci répondait qu’elle était en réalité commune, la cour d’appel a retenu qu’en l’absence de sommation de communiquer sur les éléments de ladite épargne, le caractère volontaire de la rétention alléguée n’était pas établi et a pu déduire, par ces seuls motifs excluant toute fraude de l’époux, que le recours en révision n’était pas recevable.

Prestation compensatoire et capitalisation des intérêts (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-19.870, 242 F-D) – Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Pour rejeter la demande de l’épouse tendant à ce que la condamnation de l’époux à lui payer la prestation compensatoire soit assortie de la capitalisation des intérêts, une cour d’appel retient que cette demande relève du juge de l’exécution, en cas de défaut de paiement. En statuant ainsi, alors que les seules conditions pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts étant que la demande en ait été judiciairement formée et qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière, la cour d’appel a violé l’article 1343-2 du code civil.

Fixation du montant de la prestation compensatoire (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-23.050, 248 F-D) – La pension alimentaire et la jouissance gratuite du domicile accordées à l’épouse au titre de devoir de secours, pour la durée de l’instance en divorce, ayant un caractère provisoire, elles ne peuvent être prises en considération pour fixer le montant de la prestation compensatoire.

NB – Solution classique, maintes fois rappelée…

Report des effets du divorce :  la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-24.202, 243 F-D) –  Il résulte de l’article 262-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 que, lorsque le divorce est prononcé pour faute, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l’ordonnance de non-conciliation. Toutefois, à la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer.

Pour rejeter la demande de l’époux tendant à voir reporter les effets du divorce, dans les rapports patrimoniaux des époux, à la date du 3 mars 2015, une cour d’appel retient que, s’il est incontestable que la communauté de vie a cessé au mois de mars 2015, la preuve de la cessation de la communauté d’intérêt n’est pas rapportée.

En statuant ainsi, alors que la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration, la cour d’appel a violé l’article 262-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004.

NB – Solution classique également. V. not. Civ. 1re, 16 juin 2011, n° 10-21.438

Opposabilité d’un jugement de divorce marocain dans une instance en divorce en cours devant le juge des affaires familiales français (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-15.081, 239 F-D) – Il résulte de l’article 16, a, de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, que toutes les fois que la règle française de solution des conflits de juridictions n’attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache d’une manière caractérisée à l’Etat dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n’a pas été frauduleux.

Après avoir constaté que les époux étaient tous deux de nationalité française, la cour d’appel a souverainement retenu que ceux-ci avaient fixé en France, depuis de très longues années et de manière habituelle, leur résidence commune et familiale, ainsi que leurs activités professionnelles, que leurs deux enfants y étaient nés en 1989 et 1997 et y avaient suivi ou y suivaient encore leur scolarité, et que l’époux résidait encore en France, au domicile conjugal, lors du dépôt de sa requête en divorce devant la juridiction marocaine et du dépôt de la requête de son épouse en France.

Elle en a justement déduit l’absence de lien caractérisé entre le litige et la juridiction marocaine, de sorte que le jugement de divorce marocain du 3 mars 2020, qui n’avait pas été rendu par une juridiction internationalement compétente, ne pouvait se voir reconnaître en France l’autorité de la chose jugée et n’était pas opposable, à l’épouse, dans l’instance en divorce pendante devant les juridictions françaises.

NB – V. Civ. 1re, 12 mai 2004, n° 01-14.727.

  • Filiation

Avis de la première chambre civile sur l’objet de la reconnaissance de paternité (Civ. 1re, 5 avril 2023, n° 22-70.018, 15004 FS-D) – La première chambre civile de la Cour de cassation a été saisie par son homologue criminelle d’une demande d’avis portant sur la question suivante :

« L’objet de la reconnaissance de paternité est-il d’affirmer l’existence d’un lien de filiation biologique susceptible d’une démonstration de son exactitude ou de son inexactitude ou bien seulement l’affirmation de la volonté de créer une situation juridique par laquelle le déclarant s’engage à prendre en charge l’éducation et l’entretien de l’enfant, indépendamment de l’existence d’un lien biologique ? 

Elles est d’avis que :

– la reconnaissance est l’acte libre et volontaire par lequel un homme ou une femme déclare être le père ou la mère d’un enfant et s’engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent selon la loi, notamment celle de prendre en charge l’entretien et l’éducation de l’enfant ;

– inscrite au titre VII du livre I du code civil, elle repose sur une présomption de conformité de la filiation ainsi établie à la réalité biologique et peut être contestée, dans les conditions et dans les délais strictement définis par la loi, si la preuve contraire en est apportée.

  • Successions/Libéralités

Pénalités infligées par l’administration fiscale aux héritiers réservataires de la succession du de cujus, qui avait institué son épouse, également héritière réservataire, légataire universel : transmission d’une QPC (Com, 5 avr. 2023, QPC, n° 23-40.001, 384 F-D) – La Cour de cassation est saisie de la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « Les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 724 du code civil combinées à celles des articles 641 et 1701 du code général des impôts, en ce qu’elles imposent le règlement des droits de succession avant l’enregistrement de la déclaration de succession, soit dans un délai de six mois à compter du décès, et conduisent à ce qu’en présence d’un légataire universel cumulant cette qualité avec celle d’héritier, les héritiers réservataires soient tenus de verser des droits de succession au titre de biens qui ne leur sont pas transmis et dont ils n’auraient pas reçu la contre-valeur imposable, indépendamment de leur volonté, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les dispositions de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lesquelles chaque citoyen contribue aux charges publiques à raison de ses facultés ? »

Pour la Cour, la question posée présente un caractère sérieux au regard de l’exigence de prise en compte des facultés contributives telle qu’elle résulte de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

En effet, cette exigence, qui résulte du principe d’égalité devant les charges publiques, implique qu’en principe, lorsque la perception d’un revenu ou d’une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.

Or, il résulte de la combinaison des dispositions des articles 724, alinéa 1er, et 924 du code civil, 641, 800 et 1701 du code général des impôts qu’en présence d’un légataire universel cumulant cette qualité avec celle d’héritier et, partant, saisi de plein droit de l’ensemble de la succession, l’héritier réservataire, qui ne dispose d’aucun droit réel sur les biens du défunt qui ne lui sont pas transmis, mais seulement d’une créance à l’égard du légataire universel, consistant en une indemnité de réduction égale à la fraction du legs portant atteinte à sa réserve, est cependant tenu de déposer une déclaration de succession dans les six mois suivant le décès et de s’acquitter des droits de mutation à titre gratuit, de sorte qu’il est assujetti au paiement de droits sur des sommes qu’il peut ne pas avoir perçues, et ce, pour des raisons indépendantes de sa volonté.

En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Modification des clauses bénéficiaires du contrat d’assurance vie  : la volonté doit être exprimée d’une manière certaine et non équivoque (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-12.875, 238 F-D) – Il résulte de  l’article 132-8 du code des assurances que l’assuré peut modifier jusqu’à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d’une manière certaine et non équivoque.

Pour dire que l’action introduite par le bénéficiaire initial est irrecevable en application de l’article 414-2-1°du code civil et que la nullité de la modification des clauses bénéficiaires par avenants du 27 octobre 2012 n’est pas encourue sur ce fondement, la cour d’appel retient que n’étant allégué aucun vice du consentement du souscripteur, cette action ne peut relever que des dispositions des articles 414-1 et 414-2 du code civil, et d’une part, que les dispositions des actes modifiant le nom des bénéficiaires ne sont en elles-même ni incohérentes ni absurdes ou démesurées, d’autre part, que l’apparence formelle, certes tremblée et mal assurée, de la signature du défunt ne permet pas, à elle seule, de déduire de manière certaine un état de déficience mentale grave et donc l’insanité d’esprit de son auteur.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s’il ne résultait pas de l’ensemble des circonstances extérieures ayant entouré la signature des avenants du 27 octobre 2012 que le défunt n’avait pas exprimé de manière certaine et non équivoque sa volonté de modifier les clauses bénéficiaires, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Redressement fiscal au titre de contrats d’assurance vie et responsabilité du notaire (Civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 21-20.272, 279 F-B) – Il résulte de l’article L. 132-8, dernier alinéa, du code des assurances que, lorsqu’il est informé du décès de l’assuré, l’assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie et, si cette recherche aboutit, de l’aviser de la stipulation effectuée à son profit. Il résulte de  l’article L. 292 A, alinéa 2, de l’annexe II du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 92-468 du 21 mai 1992, qu’il est tenu, sur la demande des bénéficiaires, de leur communiquer la date de souscription de tels contrats et le montant des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré.

Pour condamner l’assureur à garantir partiellement le notaire chargé de la succession des condamnations prononcées à son encontre, une cour d’appel retient, d’une part, qu’informé par ce notaire du décès de la de cujus, il s’est abstenu de porter à sa connaissance l’existence des contrats d’assurance-vie souscrits par la défunte, d’autre part, qu’il ne rapporte pas la preuve d’avoir envoyé le moindre courrier au bénéficiaire ou à sa curatrice avant le 16 août 2016, de sorte que ceux-ci, ainsi que le notaire, sont restés, pendant toute la durée du délai légal de déclaration fiscale, dans l’ignorance de ce qu’une partie des primes d’assurance était assujettie aux droits de succession.

En statuant ainsi, alors, d’une part, que l’assureur n’était pas tenu de porter à la connaissance du notaire, qui ne lui en avait pas fait la demande, l’existence des contrats d’assurance sur la vie souscrits par la de cujus, d’autre part, qu’il résultait de ses constatations que la curatrice du bénéficiaire attestait que celui-ci n’avait pas ouvert les courriers que lui avait adressés l’assureur, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 132-8, dernier alinéa, du code des assurances et L. 292 A, alinéa 2, de l’annexe II du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 92-468 du 21 mai 1992.

 

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