Actualité jurisprudentielle de la semaine : autorité parentale, libéralités, majeurs protégés et successions
Cette semaine, nous avons relevé sept décisions :
- autorité parentale
- libéralités
- majeurs protégés
- successions
- AUTORITÉ PARENTALE
Une interview télévisée d’un mineur requiert le consentement des parents (CEDH, 1er mars 2022, 35582/15) – Dans cette affaire une mineure, interviewée à la télévision au sujet du décès d’une camarade de classe, sans le consentement de ses parents et sans mesures adéquates pour protéger son identité, a fait l’objet de brimades et subi un stress émotionnel. En annulant la décision d’indemnisation des premiers juges au motif que la liberté journalistique et l’intérêt public devaient prévaloir et que la société en question ne devait pas être tenue pour responsable du comportement des membres du milieu scolaire, les juridictions d’appel n’ont que superficiellement mis en balance le droit de la requérante à la vie privée et le droit du diffuseur à la liberté d’expression. Elles n’ont pas dûment tenu compte du fait que la requérante était mineure, manquant ainsi à leur obligation de protéger son droit à la vie privée, en violation de l’article 8 de la Conv. EDH.
- LIBÉRALITÉS
L’entrepreneur en liquidation judiciaire peut exercer l’action en réduction d’une donation-partage (Com., 2 mars 2022, n° 20-20.173, FS-B) – Il résulte de l’article 1077-1 du code civil que la faculté d’agir en réduction d’une donation-partage est ouverte à l’héritier réservataire qui n’a pas concouru à la donation ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve. Cet héritier étant libre, en fonction de considérations, non seulement patrimoniales, mais aussi morales ou familiales, d’exercer ou non l’action en réduction pour préserver sa réserve, cette action est attachée à sa personne et, malgré son incidence patrimoniale, échappe, lorsqu’il est soumis à une procédure de liquidation judiciaire, au dessaisissement prévu par l’article L. 641-9 du code de commerce.
Pour annuler l’acte introductif d’instance délivré à la requête de l’entrepreneur en liquidation judiciaire, une cour d’appel retient que, l’action en réduction d’une donation-partage étant une action patrimoniale, celui-ci n’avait pas qualité pour l’exercer au lieu et place du liquidateur.
- MAJEURS PROTÉGÉS
Passage d’une curatelle simple en une curatelle renforcée : nécessité d’un certificat circonstancié (Civ. 1re, 2 mars 2022, 20-19-767, F-B) – Pour modifier le régime de protection d’une majeur en substituant à la curatelle simple une mesure de curatelle renforcée, l’arrêt retient que la requête du fils de la majeure protégée était précédée de la réception par le juge des tutelles d’un certificat médical établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République, peu important que ce certificat ait été établi à une autre fin, à savoir l’activation d’un mandat de protection future. En statuant ainsi, alors que la requête tendant au renforcement de la mesure de protection, faute d’être accompagnée d’un certificat médical circonstancié établi à cette fin, n’était pas recevable, la cour d’appel a violé les articles 431 et 442, alinéas 3 et 4, du code civil et les articles 1218 et 1228 du code de procédure civile.
- SUCCESSIONS
Un testament international ne peut être écrit en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-21.068, FS-B) – S’il résulte des articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d’un testament international annexée à la convention de Washington du 26 octobre 1973 qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l’être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète.
Pour valider en tant que testament international le testament du 17 avril 2002, après avoir constaté que la testatrice ne s’exprimait pas en langue française, l’arrêt retient que, si l’acte ne porte pas mention exacte que le document est le testament de celle-ci et qu’elle en connaît son contenu, il précise qu’il a été écrit en entier de la main du notaire, tel qu’il lui a été dicté par la testatrice et l’interprète, puis que le notaire l’a lu à ceux-ci, lesquels ont déclaré le bien comprendre et reconnaître qu’il exprime les volontés de la testatrice, le tout en présence simultanée et non interrompue des témoins, ce qui permet de s’assurer que cette dernière en connaissait le contenu et qu’il portait mention de ses dernières volontés. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes précités.
L’action en résolution judiciaire de la vente aux enchères engagée par l’administrateur de la succession pour défaut de paiement du prix d’adjudication est soumise à la prescription quinquennale (Civ. 3e, 2 mars 2022, n° 20-23.602, FS-B) – L’action en résolution de la vente engagée par l’administrateur de la succession tend à sanctionner le défaut d’exécution de l’obligation de payer le prix pesant sur l’adjudicataire, laquelle est de nature personnelle, de sorte que cette action est soumise à la prescription de l’article 2224 du code civil.
Pour déclarer l’action recevable, une cour d’appel retient que l’imprescriptibilité du droit de propriété emporte celle de l’action en revendication et que la résolution judiciaire de la vente aux enchères du 2 octobre 2007 pour défaut de paiement du prix d’adjudication ne constitue pas une demande en paiement du prix, mais est destinée à protéger la propriété et se trouve soumise à la prescription trentenaire. En statuant ainsi, après avoir constaté qu’un arrêt irrévocable du 22 septembre 2008 avait jugé que le droit de substitution avait été valablement exercé par le nouvel adjudicataire et l’avait déclaré adjudicataire de la parcelle litigieuse et alors que le point de départ du délai de prescription de l’action en résolution de la vente pour défaut de paiement du prix est l’expiration du délai dont disposait l’adjudicataire pour s’acquitter du prix de vente, la cour d’appel a violé l’article 2224 du code civil.
Usage gratuit par le nu-propriétaire d’une maison : Indemnité de rapport (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-21.641, F-B) – En ce que le nu-propriétaitre, qui s’est vu par ailleurs consentir par l’usufruitier l’usage gratuit d’une partie de la maison, cumule les devoirs d’un locataire, auquel sa position d’occupant l’assimile, et les obligations issues de la nue-propriété de l’immeuble, il ne peut réclamer à l’usufruitier le remboursement des travaux qui, tout en constituant des réparations autres que locatives mises à la charge du bailleur par l’article 1720 du code civil, relevaient du domaine des grosses réparations imputées au nu-propriétaire par l’article 605 du même code. Celui-ci est tenu d’une indemnité de rapport égale aux loyers qui auraient dû être payés si les lieux avaient été loués, après déduction du seul montant des réparations et frais d’entretien incombant normalement à l’usufruitier.
Il ne suffit pas de se maintenir dans les lieux pour bénéficier du droit viager au logement (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-16.674, FS-B) – Selon les articles 764 et 765-1 du code civil, le conjoint survivant dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de son droit viager au logement. Si cette manifestation de volonté peut être tacite, elle ne peut résulter du seul maintien dans les lieux.
Pour dire que l’épouse survivante dispose, en ce qui concerne l’immeuble commun, d’un droit d’usage et d’habitation sur la partie du bien dépendant de la succession, une cour d’appel retient que, sauf cas de renonciation expresse, le fait de se maintenir dans les lieux un an après le décès suffit à permettre au conjoint survivant de bénéficier des dispositions de l’article 764 du code civil, qu’elle] jouit paisiblement du logement familial de façon ininterrompue depuis le décès de son époux et que son maintien dans les lieux doit s’analyser en une demande tacite de bénéficier du droit viager au logement, quand bien même elle n’a formulé de façon expresse cette demande que par conclusions du 30 août 2016. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes précités.
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