La protection des enfants : une « petite loi » pour de petits pas
Le projet de loi du 16 juin 2021 déposé en urgence dans le cadre d’une procédure accélérée, engagée par le Gouvernement, a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 juillet dernier. Adopté par le Sénat les 14 et 15 décembre 2021, le texte devrait passer devant la Commission mixte paritaire le 11 janvier prochain. Dans l’attente du texte définitif, il est proposé d’actualiser le commentaire réalisé en juillet dernier en se centrant sur l’analyse des dispositions adoptées en première et dernière lecture par le Sénat.
Le plan de la loi est resté inchangé malgré les propositions de certains sénateurs pour en simplifier le contenu. Le texte contient ainsi 6 titres et, désormais, plus d’une trentaine d’articles modifiant le code civil, le code de l’action sociale et des familles (CASF) mais aussi le code de la santé publique (CSP), le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et le code de l’organisation judiciaire (COJ). Les dispositions renvoient désormais à une quinzaine de décrets d’applications (contre onze dans la version adoptée par l’Assemblée nationale), et engagera donc un travail règlementaire particulièrement important.
Plusieurs sénateurs se sont exprimés les 14 et 15 décembre 2021 lors des débats autour du projet de loi pour regretter la procédure accélérée introduite sur ce texte, conduisant à raccourcir les débats et dans le même temps, à écarter de la discussion un certain nombre de sujets tels que le soutien à la parentalité, les violences conjugales, les enfants victimes de violences sexuelles, la pédopsychiatrie, etc. Plusieurs élus s’inquiètent également du risque financier pesant sur les départements en raison des nouvelles obligations introduites par la loi en cours d’adoption. A plusieurs reprises, les sénateurs demandent le soutien financier de l’Etat, tout en soulignant l’absence de dispositions sur ce sujet dans le projet de loi de finances pour 2022. C’est ainsi que les débats au Sénat se sont clos sur une abstention de plusieurs parlementaires lors du vote sur le projet de loi, mettant en lumière la sensibilité du sujet, mais aussi peut-être la difficulté à convaincre sur la nécessité d’une réforme en urgence, dont les idées fortes ont du mal à se dégager.
La présente contribution propose un commentaire article par article du texte voté par le Sénat le 15 décembre dernier.
- Titre I : Améliorer le quotidien des enfants protégés
Art. 1 : Faire de l’accueil par un membre de la famille ou un tiers digne de confiance la solution de principe. Cette idée conduit à une évolution majeure puisqu’elle implique de rechercher une solution d’accueil en mobilisant en priorité l’entourage de l’enfant. La mise en œuvre effective d’une telle évaluation préalable implique des changements de fond dans les organisations et fonctionnements existants. Plusieurs questions, non traitées par le texte, aurait pu aider aux développements de tels accueils. Il en est ainsi de la possibilité pour le tiers d’obtenir un soutien de la CAF, de la revalorisation des indemnités allouées dans ce cadre ou encore la possibilité d’un avantage fiscal pour le particulier qui assure cet accueil. Par ailleurs, le texte ne porte que sur les mesures judiciaires prononcées en assistance éducative. Or, ce principe gagnerait à être étendu à l’ensemble des mesures de placements, y compris de nature administrative. De même, ce principe prévaut « sauf urgence » et pourra donc être écartés dans de nombreuses situations. Enfin, la généralisation de tels accueils posera également la question de la responsabilité des différents acteurs qui interviennent auprès de l’enfant. Une responsabilité étendue du gardien de l’enfant pourrait, en effet, être un frein à la mobilisation de ses proches. Dans son avis sur la première version du texte, la Défenseure des droits se dit réservée sur cette disposition et souhaite « alerter les membres de la commission sur le défaut d’encadrement de ces dispositions qui pourraient avoir comme conséquence de maintenir l’enfant dans sa famille en attendant l’évaluation des services compétents, sans que ces derniers ne soient clairement identifiés. Or, en protection de l’enfance, ce qui n’est pas urgent à un instant donné peut rapidement le devenir en fonction de l’âge de l’enfant et des conditions dans lesquelles il vit ». Le Sénat répond en partie à cette inquiétude en rendant obligatoire, en parallèle de l’accueil chez le tiers digne de confiance, la mise en place d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ou à défaut la mise en place d’un « suivi » par un référent éducatif. Les conditions d’application de cette disposition seront précisées par décret.
Art. 1 bis : Disposition technique sur l’allocation de rentrée scolaire. Le texte s’appuie sur les modifications déjà introduites par la loi du 14 mars 2016 qui permet le versement de cette allocation pour certains enfants accueillis à la Caisse des dépôts et consignation afin que ceux-ci disposent d’un pécule à leur majorité. Les dispositions ici évoquées permettent de verser cette allocation à « la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant confié », ce qui permettra le maintien de l’allocation aux parents en cas de placement à domicile, ou le cas échéant, le transfert de celle-ci au tiers digne de confiance.
Art. 2 : La possibilité pour le juge des enfants d’autoriser « des » actes déterminés relevant de l’autorité parentale pour une durée d’un an, renouvelable. Le Sénat propose une nouvelle rédaction de l’article 375-7 al.2 du code civil. Dans la version adoptée en juillet 2021, l’Assemblée nationale évoquait la possibilité pour le juge des enfants d’avoir recours à une délégation des « attributs de l’autorité parentale » (art. 375-7 C.civ), ce qui avait suscité des critiques, cette compétence étant considérée comme appartenant au juge aux affaires familiales. Le Sénat propose une reformulation plus proche de la répartition des compétences actuelles entre juge des enfants et juge aux affaires familiales. Le juge des enfants peut désormais autoriser un tiers à accomplir des actes non usuels (et non plus un seul), sans l’accord des titulaires de l’autorité parentale. Cette modification du texte consacre la pratique de certains juges des enfants visant à autoriser les services de l’aide sociale à l’enfance à accomplir une série d’actes non usuels, en raison du refus abusif, systématique et contraire à l’intérêt de l’enfant de certains parents avec de lourdes pathologies ou encore de leur absence prolongée, comme c’est le cas pour les mineurs non accompagnés. Il faudra veiller à ce que cette possibilité, offerte pour palier un besoin urgent pour l’enfant, n’induise pas un retard dans la saisine du juge aux affaires familiales, lorsqu’un changement de statut juridique pour l’enfant est par ailleurs nécessaire.
La même autorisation pourra également être délivrée par le juge des enfants lorsque les titulaires de l’autorité parentale « sont poursuivis ou condamnés même non définitivement pour des crimes ou des délits commis sur la personne de l’enfant ». Si cette disposition vise à offrir une réponse immédiate à certains enfants ayant subi des infractions de la part de leurs parents, le recours à une telle formulation pose en réalité une question de fond sur la capacité de la Justice, notamment pénale, à protéger les enfants victimes de violences. Aujourd’hui, les compétences en la matière sont réparties entre le juge pénal et le pôle familles du tribunal judiciaire, seuls en mesure de porter atteinte durablement à l’autorité parentale (en prononçant par exemple un retrait de l’autorité parentale). Confier au juge des enfants des compétences dans ce domaine conduit à complexifier encore l’organisation judiciaire existante et il n’est pas sûr que ce palliatif conduise, en dehors d’un temps très court, à une meilleure protection de l’enfant. Comme le rappelle l’étude d’impact produite par le Gouvernement, il n’est pas possible aujourd’hui « de prononcer le retrait de l’autorité parentale au stade des poursuites. Il en ressort que le service gardien ou le tiers en charge de l’accueil de l’enfant doit solliciter l’autorisation du juge des enfants pour l’exercice d’un acte relevant de l’autorité parentale si le parent est poursuivi pour un acte délictuel ou criminel commis sur l’enfant. En pratique, cette hypothèse se révèle particulièrement lourde pour l’enfant dont l’agresseur continue à pouvoir prendre des décisions importantes pour sa vie ». On peut regretter que le législateur ait pris le sujet de la protection des enfants victimes de violences sous cet angle technique et non pas plus globalement afin de prévenir ces situations, mais aussi, plus globalement, l’ensemble des difficultés rencontrées par ces enfants dans le cadre de l’accompagnement judiciaire qui leur est proposé. En matière pénale, la question de la protection de l’enfant dès la révélation des faits doit être un enjeu prioritaire. En matière civile, le texte aurait pu, plutôt que d’élargir les compétences du juge des enfants en matière d’autorité parentale, rechercher une meilleure articulation des acteurs judiciaires appelés à intervenir pour un même enfant, et par exemple, une information systématique du juge des enfants et du juge aux affaires familiales par le Procureur de la République lorsqu’un enfant est concerné par une enquête pénale dans laquelle il est victime de violences intrafamiliales.
Art. 2 bis : extension des possibilités de confier l’enfant à un tiers pour le juge aux affaires familiales (art. 373-1 et 373-3 du code civil) : le Sénat complète les dispositions existantes qui prévoient que « si l’un des père et mère décède ou se trouve privé de l’exercice de l’autorité parentale, l’autre exerce seul cette autorité » en ajoutant que « si ce dernier en a été privé par une décision judiciaire antérieure, le juge peut confier l’enfant à un tiers », et supprime le caractère « exceptionnel » de ces décisions.
Art. 2 ter : Rappel de la non-séparation des fratries sauf intérêt de l’enfant (art.375-7 du code civil). Cette disposition a fait l’objet d’une forte médiatisation ces dernières semaines, considérée comme un point fort de cette nouvelle loi. Néanmoins, il faut rappeler que le principe avait déjà été introduit à l’article L221-1 8° du CASF et au sein de l’art. 371-5 du code civil par des textes antérieurs. Par ailleurs, le législateur rappelle le principe sans pour autant harmoniser les dispositions en vigueur. Ainsi, l’article 371-5 du code civil prévoit-il deux exceptions à la non-séparation des fratries : « si cela n’est pas possible ou si son intérêt commande une autre solution ». L’article L221-1 8° du CASF demande quant à lui au service de l’aide sociale à l’enfance de « veiller à ce que les liens d’attachement de l’enfant noués par l’enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus dans l’intérêt de l’enfant » sans rien préciser sur leur lieu d’accueil. Désormais, l’article 375-7 du code civil s’ajoute à ces dispositions en posant le principe d’un accueil de l’enfant avec ses frères et sœurs « en application de l’article 371-5, sauf si son intérêt commande une autre solution ». Une telle formulation ne semble donc pas empêcher que des fratries soient séparées lorsque l’accueil sur un même lieu « n’est pas possible », c’est-à-dire en raison de contraintes administratives et institutionnelles (notamment le défaut de places disponibles). Si l’intention est louable, le flou dans les formulations retenues fait qu’il est difficile de savoir quel sera réellement l’impact de cette disposition sur la non-séparation des fratries.
Art. 2 quater : Toilettage du texte relatif à la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial (MJAGBF)
Le Sénat propose de modifier le premier alinéa de l’article 375-9-1 du code civil qui fonde les MJAGBF pour le simplifier. Plutôt que de faire référence à l’insuffisance de « l’accompagnement en économie sociale et familiale » mis en place ; il est proposé de faire référence plus largement aux « prestations d’aide à domicile prévue à l’article L. 222-3 du code de l’action sociale et des familles ».
Art. 3 : Interdiction du placement des mineurs et jeunes majeurs dans les hôtels ou les lieux jeunesse et sports : Ce principe est présenté par le Gouvernement comme une nouveauté. Pourtant, comme ces structures n’ont jamais fait partie de la liste des établissements sociaux et médico-sociaux autorisés à recevoir des mineurs ou des jeunes majeurs (fixée par l’article L312-1 du CASF), l’interdiction existe déjà en partie. En modifiant les textes existants, le projet de loi encadre le recours à cette pratique, en prenant appui sur le rapport de l’IGAS de novembre 2020 qui estime à plus de 5% le nombre de jeunes qui fin 2018 seraient accueillis à l’hôtel au titre de l’aide sociale à l’enfance. Pour rappel, le Conseil d’Etat considère dans son avis sur le projet de loi que l’augmentation du coût des accompagnements induit par cette disposition « ne peut être regardée comme une extension de compétences appelant une compensation financière de la part de l’Etat en application des dispositions de l’article 72-2 de la Constitution ». L’ANDASS, qui a également rendu un avis sur le projet de loi, estime que « la fin progressive du recours à l’hébergement hôtelier devra bénéficier d’un appui technique et financier de l’Etat pour aider la création de nouvelles places adaptées ».
Le Sénat durcit la formulation votée par l’Assemblée nationale pour tendre vers une interdiction totale de ces accompagnements. L’exception prévue par l’Assemblée nationale d’un accompagnement à l’hôtel pour une durée ne pouvant dépasser deux mois est supprimée. Autrement dit, le texte prévoit la possibilité d’accueil en dehors des établissements sociaux et médico-sociaux « classiques » de la protection de l’enfance, uniquement pour une durée de deux mois aux fins d’urgence ou pour assurer la mise à l’abri, en mobilisant exclusivement des séjours jeunesse et sports ou les accueils prévus par l’art. L321-1 CASF, à l’exclusion donc des prises en charge hôtelières. Par ailleurs, cette exception ne s’applique pas pour les mineurs en situation de handicap. Le texte renvoie ensuite à un décret sur les modalités d’encadrement et le suivi des mineurs concernés. L’article fixe un délai de 24 mois pour la mise en œuvre cette disposition. Dans ce délai, il renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d’encadrement et de formation requises ainsi que les conditions dans lesquels une personne mineure ou de moins de 21 ans peut être accueillie dans un hébergement hôtelier.
Enfin, l’article 3 2° modifie la définition des établissements et services en protection de l’enfance en ôtant la référence à un accueil « habituel » de mineurs, et en y intégrant les dispositifs spécialisés sur le premier accueil des jeunes non accompagnés. Font désormais partie expressément des établissements de protection de l’enfance, « l’accueil d’urgence des personnes se présentant comme mineurs et privées temporairement ou définitivement de leur familles » (art. 312-1 1° du CASF). En outre, le projet de loi ajoute à la liste des établissements et services sociaux et médico-sociaux une catégorie supplémentaire d’établissements chargés de la mise en œuvre « des mesures d’évaluation de la situation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leurs familles ».
Dans une première version du projet de loi, il était proposé de fixer des normes sur les critères d’encadrement dans les établissements sociaux et médico-sociaux en protection de l’enfance. Ce sujet déjà envisagé par la stratégie nationale de la protection de l’enfance, et ayant fait l’objet de réflexions au sein du CNPE, visait à répondre à une situation d’exception puisque les établissements et services de la protection de l’enfance sont aujourd’hui les seuls établissements sociaux et médico-sociaux à ne pas disposer d’une règlementation spécifique. En effet, dans le champ de la petite enfance, de l’éducation comme de la PJJ, il existe des normes à la fois quantitatives et qualitatives ayant traits aux moyens humains nécessaires à l’encadrement nécessaire dans chaque type de structures. Dans le champ de la protection de l’enfance, une telle règlementation apparaît déterminante pour offrir aux enfants en danger les mêmes droits que les autres. Néanmoins, le contenu des normes à produire est également particulièrement sensible au regard des difficultés actuelles de recrutements en protection de l’enfance. Ce sujet a fait l’objet de nouveaux échanges au Sénat. Le Gouvernement a rejeté les amendements sur le sujet et été suivi, en évoquant notamment un travail en cours sur le sujet, par voie règlementaire, ne nécessitant pas de modifications complémentaires du cadre légal.
Art. 3 bis AA (nouveau) : Recours au CPOM en protection de l’enfance. Cette disposition introduite tardivement dans le débat parlementaire est le fruit d’un amendement du Gouvernement, intervenu après consultation de l’ADF. Il vise à encourager la conclusion de contrat d’objectifs et de moyens entre les gestionnaires d’établissements et services et la collectivité chargée de la protection de l’enfance. Le texte prévoit que ces contrats peuvent prévoir une partie budgétaire et notamment « une modulation du tarif en fonction d’objectifs d’activité définis dans le contrat ». Le texte renvoie les modalités d’application de ces dispositions à un décret en Conseil d’Etat.
Art. 3 bis B : Proposition systématique d’un parrainage et d’un mentor pour tout enfant accueilli (art. L221-2-6 du CASF) : la mise en place du parrainage comme du mentorat est conditionnée à l’accord des parents et l’intérêt de l’enfant. On peut, en revanche, s’interroger sur la place de l’enfant que le texte passe sous silence, et espérer que son avis, si ce n’est son accord, soit systématiquement recueilli. La disposition rend par ailleurs obligatoire l’intermédiaire d’une association pour la mise en relation du bénévole et de l’enfant concerné.
Ces dispositions sont d’une grande nouveauté. Jusqu’ici, le parrainage n’avait pas de fondement légal et faisait l’objet d’une définition principalement règlementaire. Selon une circulaire n° 38 du 30 juin 1978 relative au parrainage des enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance (non parue au Journal officiel mais fondatrice), le parrainage est « une aide qui peut varier dans sa forme mais qui présente les trois caractéristiques suivantes : elle est à la fois bénévole, partielle et durable ». La circulaire précise que « le parrainage est particulièrement indiqué pour les enfants qui n’ont pas de liens affectifs suivis ». Il s’agit donc principalement d’enfants qui sont sans famille ou délaissés par celle-ci, mais qui n’ont pu jusqu’alors bénéficier ni d’une adoption, ni d’un placement familial. Il est alors conseiller d’avoir recours à des particuliers volontaires pour s’engager dans la durée auprès de ces enfants dont la famille fait défaut. Sans revenir sur le détail de la règlementation existante, c’est finalement un arrêté du 11 août 2005 qui adopte le cadre de référence en vigueur aujourd’hui. Selon ce texte, « le parrainage, objet de cette charte, est une forme de solidarité intergénérationnelle instituée, permettant de tisser des liens affectifs et sociaux de type familial ».
Le projet de loi propose ici une définition plutôt organisationnelle en considérant que le président du conseil départemental peut décider, avec l’accord des titulaires de l’autorité parentale de désigner « un ou plusieurs parrains ou marraines, dans le cadre d’une relation durable coordonnée par une association et construite sous la forme de temps partagés réguliers entre l’enfant et le parrain ou la marraine ». Il ne s’agit donc plus seulement d’une activité bénévole et de la création d’un lien affectif entre l’enfant et un tiers, mais aussi d’une relation régulée et garantie par une association et ayant fait l’objet d’un accord préalable par les titulaires de l’autorité parentale. Le texte renvoie par ailleurs au pouvoir règlementaire le soin d’identifier les principes fondamentaux du parrainage ainsi que les associations reconnues au plan national. Ces dispositions encadrent le parrainage mais ont également pour risque de rigidifier les organisations et fonctionnements, et poseront peut être la question des moyens susceptibles d’être mobilisés pour favoriser le développement de relations entre l’enfant et certaines personnes ressources au sein de son environnement, qui voudraient s’engager durablement sans pour autant qu’un accueil durable et bénévole ou qu’une désignation en tant que tiers digne de confiance ne soit envisagé ou envisageable.
Le Sénat ne revient pas sur ces dispositions mais ajoute l’obligation de proposer systématiquement un mentor pour chaque enfant accueilli à l’entrée au collège. Selon le texte, le mentorat « désigne une relation interpersonnelle d’accompagnement et de soutien basée sur l’apprentissage mutuel. Son objectif est de favoriser l’autonomie et le développement de la personne accompagnée en établissant des objectifs qui évoluent et s’adaptent en fonction des besoins spécifiques ». Cette disposition est le fruit d’un amendement du Gouvernement qui insiste sur l’intérêt de ce dispositif en lien avec le plan gouvernemental « un jeune, un mentor ».
La concrétisation de ces dispositions nécessitera une ingénierie et des moyens complémentaires pour développer une offre individualisée et suffisante pour les plus de 300 000 enfants accompagnés au titre de l’aide sociale à l’enfance. Le recours à des bénévoles dans ce contexte posera également de manière renouvelée la question des articulations entre les différents acteurs qui interviennent auprès de l’enfant (parents, référents éducatifs, médecins, enseignants, parrains, mentors, avocats, magistrats, etc.).
Art. 3 bis D : Obligation d’accompagnement « jeunes majeurs » pour tout jeune confié à l’aide sociale à l’enfance avant sa majorité, droit au retour, et proposition systématique de la garantie jeunes. Après de nombreux débats, le Sénat propose de modifier les dispositions du CASF pour rendre obligatoire l’accompagnement jeunes majeurs par les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. Ainsi, les art. L112-3 et L222-5 du CASF sont-ils modifiés. Le terme « pouvoir » disparait et il est affirmé que les jeunes majeurs « qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité » sont pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, avec un possible « droit au retour » pour les jeunes sortis du dispositif de protection de l’enfance désireux d’un nouvel accompagnement entre 18 et 21 ans.
L’interprétation de cet article doit se faire avec beaucoup de prudence au regard des conditions énoncés. Le texte ne consacre pas une obligation d’accompagnement des jeunes de 18 à 21 ans par les départements comme le souhaitait certains, mais une obligation de proposer un accompagnement à tout jeune majeur anciennement confié à l’aide sociale à l’enfance si (et seulement si), ils ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants. Sous réserve de l’interprétation faite de ces dispositions par le Conseil d’Etat, il est probable que rien n’empêche le département de mettre fin à un accompagnement avant 21 ans s’il apprécie que le jeune ne rencontre pas de difficultés. Par ailleurs, la formulation conditionne cette compétence obligatoire du département à un accueil au titre de l’aide sociale à l’enfance. Aucune durée n’étant précisée, on peut penser qu’un accueil même de quelques jours sera suffisant, mais faut-il encore avoir été accueilli. Autrement dit, pour l’ensemble des enfants suivis dans le cadre d’une mesure de milieu ouvert, ou encore les enfants accueillis au titre de la protection judiciaire de la jeunesse ou d’un handicap, la mise en place d’un accompagnement jeunes majeurs relèvera de la compétence facultative du département, ce qui n’est pas sans laisser craindre de fortes inégalités territoriales, et un système à deux vitesses entre les enfants accueillis et ceux suivis en milieu ouvert.
Par ailleurs, si certains sénateurs, s’appuyant notamment sur la proposition de loi Bourguignon (adoptée en première lecture par l’assemblée 2019 mais restée sans suite ), évoquaient le besoin d’une compensation intégrale de l’Etat vis-à-vis des départements sur cette compétence, le texte passe entièrement sous silence cette question.
En revanche, il réaffirme le rôle de l’Etat en matière d’insertion et de lutte contre les exclusions, en encourageant le retour à la garantie jeunes en direction des enfants confiés au titre de l’aide sociale à l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse, et fait ainsi le lien avec la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le texte demande à ce que ce dispositif soit « systématiquement proposé » aux jeunes majeurs qui peuvent y prétendre sans pour autant préciser à qui incombe la responsabilité de l’information et de l’orientation du jeune (département, mission locale, services sociaux ?). Par ailleurs, sont concernés les jeunes qui rempliront les conditions d’accès à la garantie jeunes, avec toutes les limites de cette logique par dispositif. En effet, de nombreuses recherches ont montré la difficulté de ces prestations lorsqu’il s’agit de trouver des solutions individualisées pour les jeunes majeurs les plus en difficultés, sans emploi et sans formation (NEET) qui sont durablement empêchés et n’adhèrent pas ou difficilement à une démarche d’insertion sociale ou professionnelle.
Art. 3 bis G : Possibilité pour le juge des enfants de prononcer des mesures de milieu ouvert renforcées ou intensifiées d’une durée de six mois, renouvelable. Le juge des enfants peut désormais préciser la nature et donc l’intensité de la mesure de milieu ouvert qu’il prononce. Le texte ne détaille pas le contenu de ces mesures et ne renvoie pas non plus à un texte règlementaire pour ce faire. Par conséquent, la mise en œuvre de cette disposition nécessitera certainement une réflexion partagée, probablement à un niveau national (en lien avec la conférence de consensus sur les interventions de protection de l’enfance à domicile menée par l’IGAS, https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article753), permettant une définition commune de ces mesures, de leurs contenus comme de leurs finalités, avec le besoin que ces définitions soient partagées entre les départements et la justice. Un tel travail ne pourra se faire sans évoquer la question des moyens complémentaires nécessaires au sein des départements pour mettre en œuvre les décisions de milieu ouvert ainsi ordonnées par les juges des enfants. Il s’agira notamment d’éviter d’allonger les délais entre le prononcé de la décision et la mise en œuvre de la mesure (délais parfois particulièrement longs dans certains départements et récemment dénoncés par la Cour des comptes et l’IGAS).
Art. 3 bis H : Possibilité pour le juge des enfants de proposer aux parents une mesure de médiation familiale (art. 375-4-1 du code civil). Jusque-là le prononcé d’une médiation familiale était une compétence réservée aux juges aux affaires familiales. Les travaux parlementaires permettent d’étendre cette possibilité aux juges des enfants sous réserve d’obtenir l’accord des parents. Le texte précise le périmètre de cette mesure, qui ne peut, bien sûr, être prononcée dans les situations de violences conjugales. Cette disposition répond à une demande ancienne de l’Association française des magistrats de la jeunesse. Ces conditions de mise en œuvre seront définies par décret en Conseil d’Etat. Là encore, le financement de cette disposition est passée sous silence. Aujourd’hui, les crédits déployés pour la mise en œuvre de ces mesures relèvent du ministère de la Justice et des Caisses aux allocations familiales. Or, il parait important que ces financements soient pérennisés voire étendus pour faire face à ces mesures nouvelles prononcées en assistance éducative, au risque d’un nouveau report de charges vers les départements. Enfin, le texte précise que dans ces situations le juge des enfants informe les parents des mesures de protection de l’enfance, de nature « administrative » dont il peut bénéficier (aide à domicile, accueil provisoire et centres parentaux). La mise en œuvre d’une telle information n’est pas anodine et posera de manière renouvelée la question des articulations entre les mesures administratives et judiciaires (voire, la possibilité d’un suivi par le juge des enfants au titre de la médiation familiale en parallèle d’une mesure administrative suivie par le département).
Art. 3 ter : Renforcement des obligations légales liées à l’entretien dès 17 ans. Le texte tel qu’adopté par le Sénat renforce l’obligation d’information du jeune sur ses droits et prévoit la « notification » de ceux-ci, ainsi qu’une information ciblée des anciens mineurs non accompagnés en ce qui concerne les démarches nécessaires pour obtenir une carte de séjour à la majorité ou déposer une demande d’asile. En revanche, les dispositions qui visaient à prioriser l’accès des jeunes majeurs accompagnés au titre de la protection de l’enfance aux aides au logement (art. 3biis I) sont supprimées.
Art. 3 quater : Possibilité pour le mineur de désigner une personne de confiance et obligation d’un entretien avec le jeune six mois après sa sortie. Cet article prévoit d’abord la possibilité pour le mineur de désigner une personne de confiance majeure, qui peut être un parent ou tout autre personne de son choix (nouvel art. L223-1-3 du CASF). Le texte ajoute que « la désignation de cette personne de confiance est effectuée en concertation avec l’éducateur référent du mineur » et que les modalités de cette désignation sont précisées par décret. Cette personne peut accompagner le mineur, mais aussi le jeune majeur dans ses démarches d’accompagnement vers l’autonomie.
Le même article prévoit par ailleurs la mise en place d’un entretien obligatoire, organisé par le président du conseil départemental avec tout majeur accueilli, 6 mois après sa sortie du dispositif de l’aide sociale à l’enfance, « pour faire un bilan de son parcours et de son accès à l’autonomie ». Un entretien supplémentaire peut également être accordé au jeune à sa demande jusqu’à ses 21 ans. On peut espérer que la mise en place de cet entretien permettra de favoriser la lisibilité de l’accompagnement proposé et favorisera, chaque fois que nécessaire, la mise en place du droit au retour précédemment évoqué.
Art. 3 quinques (nouveau) : Obligation pour le conseil départemental d’accompagner les mineurs ou jeunes majeurs dans la consultation de leurs dossiers : cette disposition rappelle l’obligation à laquelle le président du conseil départemental est déjà soumis au titre du droit d’accès aux documents administratifs de tout administré. Si cette initiative est intéressante car elle confirme l’importance de cette mission pour les enfants accompagnés au titre de la protection de l’enfance, elle ne dit rien sur les nombreux vides juridiques existants aujourd’hui en la matière. En pratique, le constat est pourtant que ces imprécisions sont de nature à mettre à mal l’accès au dossier par l’enfant ou ses proches. Il en est notamment ainsi en ce qui concerne la définition même du « dossier de l’aide sociale à l’enfance », des conditions d’accès à ce dossier des personnes mineurs comme de ces parents, et du contenu particulièrement sensibles des éléments qu’il contient. Ce dernier point renvoie à la question du contenu de l’accompagnement proposé par le département dans la lecture du dossier, mais aussi à des questions plus techniques, liées à la protection des données personnelles, ou encore de l’articulation entre ce dossier avec celui disponible au greffe du tribunal pour enfants lorsque des procédures sont également ouverte en assistance éducative ou au titre de la délinquance juvénile.
Enfin, et pour être exhaustif, l’article prévoit que cet accompagnement peut également être proposées aux « personnes adoptées à l’étranger lorsqu’elles n’ont pas été accompagné par un organisme autorisé pour l’adoption ou lorsque, à la suite de la dissolution de cet organisme, les archives sont détenues par le conseil départemental ».
- Titre II : mieux protéger les enfants contre les violences
Art. 4 A (nouveau) : codification dans le Code civil des dispositions relatives aux mineur.e.s victimes de prostitution. Le texte propose de codifier dans le code civil l’article 13 de la loi du 4 mars 2002 qui rappelle que « tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de l’assistance éducative ». Plusieurs sénateurs regrettent que le texte ne soit pas aller plus loin sur cette question puisqu’il se limite à codifier une disposition de 2002, déjà en vigueur, sans rien ajouter. Par ailleurs, l’intervention systématique du juge des enfants ne dit rien sur les actions de prévention à mettre en œuvre comme sur le travail à faire avec les familles. Sur ce sujet, le récent rapport de la Chancellerie est cité par les travaux parlementaires, sans pour autant être repris.
Art. 4 : Élargissement des condamnations pénales pour les professionnels et les bénévoles qui exercent dans des établissements pour mineurs
Cette disposition suit en partie les recommandations énoncées dans le rapport annuel 2019 du Défenseur des droits, visant à renforcer le contrôle des personnes exerçant dans les établissements qui accueillent des mineurs. Le contrôle des casiers est ainsi étendu à l’ensemble des personnes qui exercent « à un titre permanent ou occasionnel », professionnel ou bénévole. Le texte permet, par ailleurs, de faire des vérifications des antécédents judiciaires avant l’exercice des fonctions mais aussi lors de leur exercice, et renvoie à un décret en conseil d’Etat sur les modalités de mise en œuvre de ce contrôle. Les principales modifications introduites par le Sénat visent à compléter le texte en prenant en compte les précisions juridiques recommandées par le Conseil d’Etat. L’étude d’impact réalisée par le Gouvernement précise, quant à elle, que « dans le champ de la protection de l’enfance et de la petite enfance, ces contrôles ont vocation à concerner environ 1 100 000 professionnels, auxquels il faut rajouter les bénévoles dont la volumétrie reste à déterminer (Source DREES, 2017) ». Selon le Gouvernement, « le contrôle des intervenants en contact avec les mineurs devrait se greffer sur un outil préexistant, ce qui aura pour conséquence de limiter le coût financier. Le coût de l’extension du « SI Honorabilité » avoisinerait les 100 000 euros, sous réserve toutefois d’une étude fonctionnelle de l’outil. La mesure induirait un coût en ressources humaines au niveau des services déconcentrés de l’Etat (DREETS) avec le recrutement envisagé de 10 ETP pour les 18 DREETS à compter de 2022 permettrait de répondre au besoin ». Sur les modalités de mise en œuvre de ce texte, l’ANDASS estime qu’il sera nécessaire d’établir un circuit direct entre chaque employeur public ou associatif et les services de l’Etat chargés des casiers judiciaires : « ce contrôle dans les phases de recrutement de professionnels ne peut être réalisé par les Départements pour les établissements sous autorisation ». Sur ce volet, les choix fait à un niveau règlementaire seront donc déterminants pour garantir le caractère opérationnel de cette disposition.
Art. 4 bis (nouveau) : conditions supplémentaires pour l’obtention de l’agrément par les assistants familiaux. Le texte prévoit que l’agrément ne sera pas accordé si l’un des majeurs vivant sur le lieu d’exercice du demandeur est inscrit au FIJAIS. Le législateur prévoit un délai de 9 mois pour mettre en œuvre cette disposition.
Art. 5 : Inscription de la maltraitance dans les projets de service, définition d’une stratégie de maitrise des risques de la maltraitance et désignation d’une autorité extérieure à l’établissement qui pourra être contactées par les personnes accueillies en cas de difficultés. Le texte précise d’abord le contenu du projet de service qui doit décliner la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance, mais aussi, et c’est une grande nouveauté, désigner une « autorité extérieure à l’établissement ou au service, indépendante du département et choisie parmi une liste arrêtée conjointement par le président du conseil départemental, le représentant de l’Etat dans le département et l’agence régionale de santé, vers laquelle les personnes accueillies peuvent se tourner en cas de difficulté et autorisée à visiter l’établissement à tout moment ». L’impact de cette disposition comme son articulation avec les recommandations individuelles susceptibles d’être adressées au Défenseur des droits sera particulièrement intéressante à évaluer. L’article prévoit enfin une stratégie de maitrises des risques de maltraitance dans les établissements, service et lieux de vie qui « comporte des recommandations sur l’identification des risques de maltraitance, la prévention et le traitement des situations de maltraitances » ainsi que les modalités de contrôles de la qualité.
Art. 5 bis (nouveau) : Définition légale de la maltraitance : Le législateur s’appuie sur la démarche nationale de consensus pour un vocabulaire partagé sur la maltraitance et donne une définition légale de la maltraitance rédigé comme suit: « Art. L. 119‑1 du CASF. – La maltraitance au sens du présent code vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. »
Art. 6 : Généralisation du référentiel d’évaluation des informations préoccupantes produit par la Haute autorité de santé (HAS) et encadrement des circuits de communication autour des informations préoccupantes.
Dans les premiers échanges, la généralisation du référentiel HAS a fait l’objet d’avis partagé : Le CNPE émet un avis défavorable à une inscription dans la loi, considérant que cette disposition relève du réglementaire et, sur le fond, entre en contradiction avec les plans de formation déjà financés par de nombreux départements. Le HCFEA a, quant à lui, émit un avis très réservé insistant sur le fait qu’il existe d’autres références. Le Défenseur des droits au contraire est favorable à cette disposition. Si cette disposition est retenue, elle conduira à un glissement qui est loin d’être anodin dans le secteur. En effet, depuis plusieurs années, les référentiels d’évaluation étaient développés au niveau local. Fort de ces expériences, le CREAI Rhône Alpes et l’Observatoire national de protection de l’enfance avait construit une démarche de recherche-action et mis en place un référentiel déployé dans une quarantaine de départements, régulièrement mis à jour des connaissances scientifiques produites sur le sujet, et bénéficiant des retours des départements utilisateurs du document avec l’existence d’un comité de suivi inter-départements. Le projet de loi passe sous silence ces initiatives et l’étude d’impact souligne simplement, que « les conseils départementaux auront en charge la formation de leurs équipes chargées de l’évaluation des situations de danger au sein des cellules de recueil des informations préoccupantes à l’utilisation du cadre national de référence. A cette fin, ils disposent d’ores et déjà d’une présentation du référentiel réalisée en webinaire par la Haute autorité de santé accessible en ligne afin de sensibiliser les cadres sur le nouveau cadre de référence et son contenu ». Le silence du Gouvernement sur les moyens à mobiliser par les départements pour former l’ensemble de leurs équipes est surprenant au regard de la taille de ce référentiel et de sa technicité. Par ailleurs, le déploiement d’une formation au long court va rapidement poser la question de l’actualisation du référentiel au regard des connaissances universitaires disponibles.
Les discussions au Sénat permettent également de préciser le circuit des informations préoccupantes et d’encadrer les échanges d’informations avec la personne ayant transmis au président du conseil départemental une information préoccupante. Celle-ci doit en effet être informée « dans un délai de trois mois des suites qui ont été données à cette information, dans le respect de l’intérêt de l’enfant, du secret professionnel et dans des conditions déterminées par décret ». Le président du conseil départemental, s’il estime que les informations transmises ne sont pas préoccupantes doit également en informer la personne sans délai. On peut espérer que ces dispositions favorisent un échange entre les personnes qui entoure l’enfant, néanmoins, il faut noter que des textes règlementaires prévoyaient déjà des dispositions similaires aujourd’hui peu mises en œuvre dans les départements.
- Titre III : Améliorer les garanties procédurales en matière d’assistance éducative
Art. 7 : possibilité de formation collégiale, à la demande du Juge des enfants, en assistance éducative. Cette proposition qui figurait déjà au sein de la stratégie nationale de protection de l’enfance vise à lutter contre l’isolement du juge des enfants. Un des premiers avis de la Défenseure des droits sur le sujet invite le ministère de la Justice à renforcer l’ensemble des moyens à la disposition des juridictions pour mineurs, au risque sinon de rendre cette disposition ineffective. L’ANDASS souligne par ailleurs qu’une telle disposition gagnerait à faire l’objet d’une étude d’impact préalable afin d’assurer qu’une telle organisation ne conduisent pas à complexifier les procédures existantes et à augmenter les délais permettant une prise de décision adaptée à la temporalité de l’enfant. Les discussions au Sénat ont principalement porté sur la qualité des juges composant cette instance. En effet, dans plus d’une vingtaine de tribunaux, il n’y a pas trois juges des enfants en fonction. Pour prendre en compte cette contrainte, sans mettre à mal le principe de spécialisation de la justice des mineurs, le Sénat propose de retenir la formulation suivante : « la formation collégiale est présidée par le juge des enfants saisi de l’affaire et composée en priorité de juges des enfants en exercice ou de juges ayant exercé les fonctions de juge des enfants. » (art. L252-6 du code de l’organisation judiciaire)
Art. 7 bis : Obligation pour le juge des enfants de procéder à l’entretien individuel de l’enfant capable de discernement, possibilité de désigner un avocat pour les enfants ayant la capacité de discernement et un administrateur ad hoc (AAH) pour les enfants n’ayant pas cette capacité.
Après de nombreux échanges sur la question de savoir si la présence d’un avocat pour l’enfant devait être rendu obligatoire en assistance éducative (échanges qui rappelaient les débats parlementaires de 2016 sur le même sujet), le Sénat fait le choix de la nuance. Il propose de retenir le principe d’un entretien systématique entre le juge des enfants et le mineur capable de discernement, et lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige seulement, la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement. Cette désignation peut être demandée au bâtonnier par le juge des enfants seul mais aussi à la suite d’une demande faite par le président du conseil départemental. Par ailleurs, pour les enfants non-discernement, le texte rappelle que le juge des enfants peut demander la désignation d’un administrateur ad hoc. Or, si au sein des barreaux, la spécialisation « avocats d’enfants » vient d’être officiellement reconnue par les autorités publiques, en ce qui concerne les administrateurs ad hoc, le statut est beaucoup plus précaire. Depuis de nombreuses années, la revalorisation de ces missions, le socle commun de connaissances à avoir, le niveau de l’indemnisation perçue comme plus globalement le développement de ces dites missions sur l’ensemble du territoire posent problèmes sans que des arbitrages ne soient réellement pris à un niveau national sur le sujet. Enfin, et à terme, la concrétisation de cette disposition induira peut-être un besoin de précisions sur les articulations entre les missions confiées à l’avocat et à l’administrateur ad hoc auprès d’un même enfant.
Art 8 : Renforcement de la disposition créée par la loi du 14 mars 2016 sur l’information du juge des enfants par le président du conseil départemental en cas changement lieu d’accueil. Le président du conseil départemental est tenu d’informer le juge des enfants en cas de changement de lieu d’accueil de l’enfant non prévu par le projet pour l’enfant. En cas d’urgence, le texte précise que cette information doit se faire dans les meilleurs délais, et il supprime les exceptions à l’information du juge des enfants, initialement prévues par la loi de 2016. Cette disposition est intéressante mais, comme en 2016, elle pose la question de son opérationnalité et des suites données à cette information. Autrement dit, en cas de changement de lieu d’accueil conflictuel entre les parents, l’enfant et le service ou encore si le Juge des enfants n’est pas favorable au changement de lieu d’accueil de l’enfant, quels seront les moyens de la justice pour intervenir ? Le texte ne le dit pas.
- Titre IV : Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial
Art. 9 à 11 : dispositions sur l’accueil familial. Ces dispositions sont adoptées en parallèle de la réforme en cours du diplôme d’assistant familial, conduisant à une reconnaissance de niveau V à niveau IV en 2022. Les articles qui composent ce titre IV visent :
- Des règles d’encadrement des salaires visant à améliorer les conditions de travail des assistants familiaux et l’évolution de leur contrat de travail en précisant le nombre de mineurs ou jeunes majeurs susceptibles de leur être confiés, ainsi que la possibilité pour l’employeur de prévoir une clause d’exclusivité ou des restrictions aux possibilités de cumul d’employeurs. Le Sénat ajoute ici la possibilité de renouveler la période de suspension de l’agrément tout en garantissant à l’assistant familial durant cette période le maintien de sa rémunération, hors indemnités d’entretien et de fourniture (art.9) ;
- L’aménagement de temps de répits pour lutter contre l’épuisement professionnel des assistantes familiales et la possibilité de prévoir dans le contrat de travail au moins « un week-end de repos mensuel qui ne s’impute pas sur la durée de congé payé » (art. 9 bis, ajouté par le Sénat) ;
- Le renforcement des conditions de délivrance d’un nouvel agrément en cas de retrait motivés pour des faits de violences à l’encontre des mineurs accueillis, et la création d’une base nationale recensant les agréments délivrés aux assistants familiaux par les présidents des conseils départementaux et les suspensions d’agrément, base étendue par le Sénat aux agréments et suspension des assistantes maternelles afin de disposer d’un fichier commun (art. 10) ;
- La possibilité pour l’assistant familial de continuer à travailler au-delà de la limite d’âge, dans la limite de trois ans, pour poursuivre un accueil (art.11).
L’étude d’impact remise par le gouvernement s’appuie sur une enquête que la DGCS a réalisée auprès de 27 départements :
- Sur l’augmentation de la rémunération des assistants familiaux au moins égale au SMIC: selon l’étude précitée, « le coût annuel moyen par département est estimée, à partir des retours d’enquête des départements, à 473 010 €, avec une fourchette allant de 0 à 2 447 845 €, dépendant évidemment de la taille de la collectivité départementale »
- Sur le maintien du salaire à 80% en absence d’enfant confié, le Gouvernement se contente de s’appuyer sur l’étude de la DREES pour considérer qu’il y a peu de place non pourvu (autour de 10%). Le Gouvernement ajoute qu’« il n’existe pas de réponse homogène puisqu’aucun employeur ne rémunère les assistants familiaux de la même façon ».
- Sur le maintien de la rémunération, hors indemnités d’entretien et de fournitures, pendant quatre mois en cas de suspension d’agrément : L’étude d’impact souligne qu’« en s’appuyant sur les données fournies par la DREES en 2017, sur les 50 400 agréments d’assistants familiaux en cours de validité, 140 ont été suspendus. Ainsi, le coût est actuellement de 119 105 €, selon la réglementation en vigueur[1]. Avec le maintien de la rémunération des assistants familiaux concernés que prévoit le nouvel article de loi proposé, le coût serait de 217 641 € en cas d’accueil d’un unique enfant. Ce coût sera plus important dans les hypothèses où plusieurs enfants seront confiés à l’assistant familial suspendu de ses fonctions ou que la rémunération offerte par l’employeur sera supérieure au minimum fixé par la loi. Ce coût devrait être réparti sur le territoire à proportion des assistants familiaux suspendus ».
Ces éléments sont assez surprenants car ils constituent des montants épars, donnant difficilement une idée du coût global de la mesure. Plus largement, et bien que ces éléments ressortent assez peu des avis rendus, il semble essentiel de s’assurer que la mise en œuvre de ces dispositions n’ait pas d’effets contraires à ceux recherchés. En effet, en augmentant le coût de l’accueil familial, mais aussi et surtout en généralisant l’usage de la clause d’exclusivité, le risque est de rigidifier le système existant, et par ce biais, de complexifier le recours à l’accueil familial, là où la première intention est de le développer. Par ailleurs, le salaire minimum mis en place sans contrepartie, pose la question de l’intérêt que certains assistants familiaux pourront avoir à refuser des accueils qui seraient jugés plus difficiles en raison des besoins de l’enfant (situation de handicap, déscolarisation, soins, etc.).
Le texte propose par ailleurs la création d’une base de données relative aux agréments délivrés aux assistants familiaux. Selon l’étude d’impact, « des moyens financiers seront nécessaires pour développer le système d’information. La première estimation réalisée indique qu’il faudra prévoir entre 200K€ et 250K€, afin de proposer une application permettant l’accès sécurisé à une base recensant les agréments délivrés par les présidents des conseils départementaux aux assistants familiaux ainsi que les suspensions et retraits d’agrément. Ce chiffrage comprend la chefferie de projet et les différentes prestations liées à la sécurité ». Des moyens humains (non estimé) devront être également mis à disposition sur la gestion de ce fichier qui devrait relever du nouveau groupement d’intérêt public, et tenir compte de l’extension du périmètre du fichier aux assistantes maternelles, introduite dans la loi par le Sénat.
Au-delà de ces premières observations, l’ANDASS a pu regretter que le sujet de l’accueil familial ne soit abordé que par le prisme de la rémunération et du statut des assistants familiaux. L’association propose de favoriser ce type d’accueil avec un maillage territorial plus soutenu, de renforcer une politique ambitieuse de diversification de l’offre (accueil familial, mais aussi parrainage, accueil bénévole, accueil solidaire expérimenté dans certains départements, etc.) afin de « désinstitutionnaliser la protection de l’enfance » et souligne l’appui que l’Etat pourrait apporter en matière de communication pour favoriser des vocations au sein de la société civile.
Plus globalement, dans son avis, le CNPE fait remarquer que « tous les salariés de la protection de l’enfance doivent faire l’objet d’une amélioration des conditions de travail pour permettre de préserver et pourvoir des emplois absolument nécessaires à l’accompagnement des enfants ». Ce complément est d’autant plus important que plusieurs professions ont récemment fait l’objet de réflexions au niveau national avec des revalorisations salariales à la clé comme pour les professions de la santé ou encore les forces de l’ordre. Aujourd’hui, la reconnaissance du travail social en protection de l’enfance, au regard de la technicité de l’accompagnement et de l’engagement fort des professionnels, apparait déterminante pour favoriser la qualité de l’accompagnement des enfants et des familles et trouver des réponses concrètes face aux nombreuses vacances de postes dans ce champ particulièrement exposé aux effets de la crise sanitaire.
- Titre V : Renforcer la politique de protection maternelle et infantile
Art. 12 : définition de priorités pluriannuelles d’action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile définit de manière conjointe par les représentants des départements et le ministre chargé de la santé.
Cet article entend passer d’une logique de pilotage par l’activité à une logique de pilotage par objectifs en santé publique. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi prévoit à ce titre la généralisation du Bilan médical en école maternelle, réalisé par le médecin de PMI avec une prise en charge à 100% par l’assurance maladie : « au total, le surcoût pour l’assurance maladie par rapport à la situation actuelle peut être estimé selon les deux hypothèses haute et basse pour 2022 dans une fourchette de 3,8 à 5,3 millions d’euros ; en 2023 dans une fourchette de 8,5 à 10 millions d’euros ». L’effectivité de cette mesure sera conditionnée à la possibilité de dégager au sein des services départementaux de la PMI, les moyens humains suffisants pour systématiser cette mission.
Dans son avis, la Défenseure des droits rappelle par ailleurs que le rapport de la députée Michèle Peyron recommandait d’aller plus loin, en fixant des objectifs socles et des normes minimales opposables aux départements par voie règlementaire dans ce domaine.
Art. 12 bis A : expérimentation des maisons d’enfants et de la famille
Ce nouveau dispositif vise « à améliorer la prise en charge des enfants et des jeunes et à assurer une meilleure coordination des professionnels de santé exerçant auprès d’eux ». Le texte prévoit que le cahier des charges de ces structures sera fixé par arrêté et que le Gouvernement remettra au parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation pour déterminer les conditions d’une éventuelle généralisation de ces maisons d’enfants.
Art. 12 bis : dispositions particulières sur les services de PMI et les centres de planification familiale.
Ces dispositions rappellent d’abord que les personnels qualifiés qui travaillent au sein des PMI notamment dans les domaines médical, paramédical, social et psychologique « exercent au sein d’équipe pluridisciplinaires ». Par ailleurs, elles autorisent les centres de planification ou d’éducation familiale à être sous la responsabilité d’une sage-femme et non plus seulement d’un médecin. Enfin, l’article étend le pouvoir de prescription des infirmiers en ce qui concerne les dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement.
- Titre V bis : Mieux piloter la politique de prévention et de protection de l’enfance
Art. 13 : La redéfinition des institutions compétentes en matière de protection de l’enfance, d’adoption et d’accès aux origines personnelles
Cet article modifie le périmètre du conseil national de protection de l’enfance, qui n’est plus directement rattaché au premier ministre et est désormais composé de « représentants des services de l’État, de magistrats, de représentants des conseils départementaux, de représentants des professionnels de la protection de l’enfance et de représentants des associations gestionnaires d’établissements ou de services de l’aide sociale à l’enfance, de représentants d’organismes de formation, d’associations et d’organismes œuvrant dans le champ de la protection des droits des enfants et d’associations de personnes accompagnées ainsi que de personnalités qualifiées ». Par ailleurs, et de manière assez inédite, le texte ajoute que le CNPE « comprend un collège des enfants et des jeunes protégés ou sortant des dispositifs de la protection de l’enfance ». Le texte renvoie à un nouveau décret sur sa composition, son organisation et son fonctionnement.
Le texte propose également la création d’un nouveau groupement d’intérêt public qui suit pour partie les conclusions du rapport de l’IGAS sur la création d’un organisme nationale dans le champ de la protection de l’enfance, publié en 2020 (https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article796). Après de multiples rebondissements, le projet de loi de juin 2021 propose la création d’un nouveau groupement d’intérêt public réunissant le GIPED, l’AFA et le CNAOP. La formulation retenue conduit par ailleurs à maintenir l’Observatoire national de protection de l’enfance avec un périmètre élargi et à réaffirmer les missions de ce nouveau GIP en termes de promotion de la recherche et de l’évaluation sur ces différents sujets. Sur le volet statistique, la gestion des données est partagée entre l’ONPE et la DREES. Le Sénat ajoute que « la présidence du groupement est confié à un président ou une présidente de conseil départemental ». Cet ajout est intéressant car il aurait pu figurer seulement dans la convention constitutive mais est finalement inscrit dans la loi, et présenté dans les débats comme une garantie à un partenariat de qualité entre l’Etat et les départements.
La Défenseure des droits s’est prononcée sur une version antérieure du projet de loi néanmoins proche de celle-ci et estime que ce « projet de loi ne peut que laisser perplexe quant à la simplification de l’architecture proposée et à son opérationnalité sur les territoires ». Le Conseil d’Etat souligne également dans son avis, que « les objectifs poursuivis ne pourront pas être pleinement atteints par cette réforme organisationnelle ».
Art 13 bis (nouveau) : expérimentation autour de comité départemental pour la protection de l’enfance. Cette disposition sur la gouvernance locale de la protection de l’enfance est loin de faire l’unanimité dans l’hémicycle. Certains sénateurs considèrent que les missions de ce comité sont redondantes avec celles des observatoires départementaux de protection de l’enfance. La disposition finalement adoptée propose une expérimentation sur cinq ans d’un comité départemental, coprésidé par le président du département et le préfet. Cette instance vise à réunir l’ensemble des acteurs locaux de la protection de l’enfance : département, État, autorité judiciaire, professionnels, caisses d’allocations familiales. Elle vise à articuler leurs actions, à définir des orientations communes et à prendre des initiatives coordonnées, notamment en matière de prévention. Cette instance pourra en outre se réunir, en formation restreinte, pour traiter de situations individuelles complexes ou répondre de façon coordonnée à des incidents graves.
- Titre VI : Mieux protéger les mineurs non accompagnés
Art 14 : modification de la clé de répartition des MNA avec l’ajout d’un critère socio-économique et d’un critère sur le nombre de jeunes majeurs accompagnés par le département au titre de la protection de l’enfance. Il s’agit ici d’inciter les départements à poursuivre la prise en charge des mineurs non accompagnés une fois ces derniers devenus adultes. Sur ce point, la Défenseure des droits « déplore que ne soit toujours pas envisagé de tenir compte, dans le système de répartition nationale, du nombre de jeunes qui se présentent spontanément pour un accueil et une évaluation dans les départements afin d’éviter de pénaliser les départements où arrivent un grand nombre de jeunes exilés primo-arrivants ». La modification de la clé de répartition pose une question très technique liée aux effets de la pondération entre les différents critères qui composent cette clé de répartition. L’idée soutenue dans les travaux parlementaire est d’encourager l’accompagnement jeunes majeurs, et, plus globalement, garantir une répartition des efforts entre l’ensemble des départements français au regard des deux missions qui leurs sont confiées, à savoir : garantir la qualité du premier accueil et de l’évaluation de ces jeunes mais aussi protéger aussi vite que possible et dans les meilleures conditions les jeunes reconnus mineurs.
Art. 14 bis : interdiction des réévaluations de la minorité et de l’isolement des mineurs non accompagnés d’un département à l’autre. Cette disposition vise à éviter la pratique de certains départements ayant trait à la réévaluation de la minorité et de l’isolement d’un jeune reconnu mineur dans un département et orienter dans un autre département au titre de la clé de répartition nationale. Le Sénat répond ainsi à la demande de la Défenseure des droits qui dans un de ces avis sur le projet de loi recommandait que soit proscrite toute réévaluation d’un mineur non accompagné, confié par l’autorité judiciaire, par les départements après orientation nationale.
Art. 15 : Temps de répit, recours obligatoire aux services de la préfecture et alimentation mensuelle du fichier AEM par les départements, sous peine de sanction financière. Le texte prévoit l’obligation, et non plus la faculté, pour le département de collaborer avec le représentant de l’Etat dans le département pour organiser la présentation de la personne en cours d’évaluation sociale auprès des services de l’Etat pour vérification de son identité. Par ailleurs, l’article pose l’obligation pour le président du conseil département de transmettre chaque mois au représentant de l’Etat « la date et le sens des décisions individuelles prises à l’issue de l’évaluation » de la minorité et de l’isolement afin d’alimenter le fichier national d’aide à l’évaluation de la minorité (AEM). La Défenseure des droits estime ces dispositions sont contraire à la jurisprudence constitutionnelle. Par ailleurs, elle souligne « la nécessité de prévoir un administrateur ad hoc, indépendant, financé par l’Etat, nommé pour accompagner, soutenir, informer le mineur non accompagné dès sa première présentation aux services en charge du recueil d’urgence et de l’évaluation, et jusqu’à décision définitive le concernant ». Enfin, et dans un tout autre registre, le texte intègre un ajout répondant à une demande forte de plusieurs associations visant à assurer aux jeunes se déclarant mineur un « temps de répit » en amont de l’évaluation réalisée par le président du conseil départemental. Si le texte ne définit pas le contenu de ce temps, on peut penser qu’il doit permettre d’offrir aux jeunes une réponse à ses besoins primaires (alimentation, sommeil, hygiène, etc.) mais aussi, le cas échéant, de premiers soins, avant de procéder à l’évaluation sociale. La mise en œuvre d’une telle disposition demandera de la part des départements des moyens humains et financiers importants pour assurer la mise à l’abris de l’ensemble des jeunes demandant une évaluation, tout en construisant des dispositifs d’accueil en mesure de s’adapter à des flux de présentation très variables d’un mois sur l’autre (en évitant bien sûr le recours à l’hôtel qui n’est plus autorisé dans cette nouvelle version du texte).
Art.15 bis (nouveau) : modification du CESEDA pour favoriser l’accès au séjour des mineurs non accompagnés. Cet article complète les articles L423-22 et L435-35 du CESEDA et permet d’étendre les dispositions favorisant l’accès à un titre de séjour vie privée et familiale, salarié, ou travailleur temporaire des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, en englobant la situation des enfants confiés auprès d’un tiers digne de confiance.
Pour conclure, protéger les familles, les enfants et les jeunes majeurs en danger ou en risque de l’être est aujourd’hui un sujet urgent et d’autant plus important que la crise économique et sociale que nous vivons risquent d’aggraver leurs situations. Le projet de loi qui vient d’être adopté par le Sénat contient un certain nombre d’avancées utiles mais reste très parcellaire. Il est par ailleurs particulièrement difficile de dégager de l’ensemble de ces dispositions une ambition politique forte, nationale et locale, pour les enfants protégés, leur réussite et le respect de leurs droits. Or, sans ce message fort, il est de plus en plus difficile de soutenir au quotidien des dynamiques professionnelles, institutionnelles et humaines vertueuses en mesure de faire face à cette période particulièrement éprouvante pour les enfants, les familles comme les professionnels.
Flore Capelier, docteur en droit public, membre associé au CERSA, Université Paris 2.
[1] Article D.423-3 du code de l’action sociale et des familles : « En cas de suspension de leur fonction en application de l’article L. 423-8
Commentaires récents