Accueil > Assistance éducative, Mineurs > Adoption en première lecture du projet de loi relatif à la protection des enfants par l’Assemblée nationale : commentaire

Adoption en première lecture du projet de loi relatif à la protection des enfants par l’Assemblée nationale : commentaire

20/07/2021

Le projet de loi du 16 juin 2021 relatif à la protection des enfants déposé en urgence dans le cadre d’une procédure accélérée, engagée par le Gouvernement, a fait l’objet d’une adoption le 8 juillet 2021 par l’Assemblée nationale après de nombreux amendements parlementaire. Le projet contient désormais 7 titres et 38 articles. Il renvoie, par ailleurs, à 17 décrets d’application ainsi qu’à deux arrêtés. La présente contribution actualise un premier écrit réalisé lors du dépôt du projet de loi afin de discuter le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Titre I : Améliorer le quotidien des enfants

Art. 1 : Faire de  l’accueil par un membre de la famille ou un tiers digne de confiance  la solution de principe.

En première lecture, l’assemblée nationale maintient cette disposition et la renforce en ajoutant une mention au projet pour l’enfant et en demandant l’audition systématique de l’enfant capable de discernement. En outre, le texte prévoit désormais qu’un suivi soit mis en place : soit parce qu’une mesure de milieu ouvert est prononcée parallèlement, soit en désignant « un référent du service de l’aide sociale à l’enfance ou un organisme public ou privé habilité » pour accompagner le membre de la famille ou la personne digne de confiance à qui l’enfant est confié. Ces dispositions inviteront donc les départements à développer une offre d’accompagnement ciblé sur le sujet, en formant les professionnels à l’évaluation des ressources présentes dans l’environnement de l’enfant et à la manière de construire un accompagnement avec les proches de l’enfant.

La formulation enrichie proposée laisse néanmoins certaines questions en suspens. Il en est ainsi de la possibilité pour le tiers d’obtenir un soutien de la CAF ou encore de la revalorisation des indemnités allouées pour favoriser le développement de ces accueil.  Par ailleurs, le texte ne porte que sur les mesures judiciaires prononcées en assistance éducative. Or, ce principe gagnerait à être étendu à l’ensemble des mesures de placements, y compris de nature administrative, et à être pensé en lien avec la possibilité pour certains parents d’être accompagnés vers des procédures de délégations d’autorité parentale volontaires. Enfin, la généralisation de tels accueils posera la question de la responsabilité des différents acteurs qui interviennent auprès de l’enfant. Le législateur aurait donc tout intérêt à clarifier ce point en amont. Enfin, dans son avis sur le projet de loi initial, la Défenseure des droits se déclarait réservée sur cette disposition alertant « les membres de la commission sur le défaut d’encadrement de ces dispositions qui pourraient avoir comme conséquence de maintenir l’enfant dans sa famille en attendant l’évaluation des services compétents, sans que ces derniers ne soient clairement identifiés. Or, en protection de l’enfance, ce qui n’est pas urgent à un instant donné peut rapidement le devenir en fonction de l’âge de l’enfant et des conditions dans lesquelles il vit ».

Art. 1 bis (nouveau) : Précision sur l’allocation de rentrée scolaire

Cette disposition très technique et isolée revient sur une des dispositions phares de la loi du 14 mars 2016 visant à créer avec l’allocation de rentrée scolaire un pécule versée à la Caisse des dépôts et consignations pour chaque enfant confié à l’aide sociale à l’enfance. Ce texte a soulevé plusieurs difficultés d’application au regard de la diversité des situations rencontrées au titre de la protection de l’enfance (certains enfants étant accueillis alors que le reste de la fratrie est au domicile, certains parents restant très investis dans la scolarité de leurs enfants malgré une mesure de placement, etc.), mais aussi en raison du périmètre variable des accompagnements proposés. Le législateur passe sous silence ce bilan mitigé et précise simplement que les enfants accueillis en journées au titre de l’article 375-3 4° du code civil sont exclus du champ d’application de cette disposition.

Art. 2 : Élargissement des possibilités de délégation des « attributs de l’autorité parentale » (C. civ., art. 375-7)lorsque les titulaires de l’autorité parentale « sont poursuivis ou condamnés même non définitivement pour des crimes ou des délits commis sur la personne de l’enfant. Cette disposition est adoptée in extenso par l’assemblée nationale. Si le texte cherche à offrir une réponse immédiate à certains enfants ayant subi des infractions de la part de leurs parents, il pose en réalité une question de fond sur la capacité de la justice, notamment pénale, à protéger les enfants victimes de violences.  Aujourd’hui, les compétences en la matière sont réparties entre le juge statuant en matière pénale et le pôle familles du tribunal judiciaire, seuls en mesure de porter atteinte durablement à l’autorité parentale en prononçant par exemple un retrait de l’autorité parentale (respectivement, en matière pénale ou civile). Confier au juge des enfants des compétences dans ce domaine conduit à complexifier encore l’organisation judiciaire existante et il n’est pas sûr que ce palliatif conduise, en dehors d’un temps très court, à une meilleure protection, avec le risque que cette possibilité retarde considérablement le changement de statut juridique de l’enfant.

Comme le rappelle l’étude d’impact produite par le Gouvernement, il n’est pas possible aujourd’hui « de prononcer le retrait de l’autorité parentale au stade des poursuites. Il en ressort que le service gardien ou le tiers en charge de l’accueil de l’enfant doit solliciter l’autorisation du juge des enfants pour l’exercice d’un acte relevant de l’autorité parentale si le parent est poursuivi pour un acte délictuel ou criminel commis sur l’enfant. En pratique, cette hypothèse se révèle particulièrement lourde pour l’enfant dont l’agresseur continue à pouvoir prendre des décisions importantes pour sa vie ». S’il s’agit de viser principalement les situations précitées, la formulation du texte gagnerait peut être à être revue au cours du débat parlementaire. En effet, il serait certainement plus clair de viser, non pas les condamnations même non définitives, qui peuvent faire l’objet de retrait, notamment en matière civile, mais plutôt une information systématique du juge des enfants par le Procureur de la République lorsqu’un enfant est concerné par une enquête pénale dans laquelle il est victime de violences intrafamiliales en ouvrant, en cas d’inquiétudes, la possibilité pour le juge des enfants de modifier sur un temps courts, les conditions d’exercice de l’autorité parentale en parallèle de réflexion engagée autour d’un changement de statut juridique pour l’enfant. Par ailleurs, ces dispositions ne peuvent passer sous silence le besoin d’assurer systématiquement la représentation de l’enfant en justice en clarifiant le statut de l’administrateur ad hoc, les conditions et la temporalité dans lesquelles il peut être nommé, et, le cas échéant, les modalités de travail conjoint entre ce dernier l’avocat de l’enfant.

Art. 2 bis (nouveau) : modification des dispositions relatives à l’autorité parentale

Cette disposition très ciblée ajoute une précision au sein de l’article 373-1 du code civil. Cet article déclare que « si l’un des père et mère décède ou se trouve privé de l’exercice de l’autorité parentale l’autre exerce seul cette autorité ». Le législateur propose d’ajouter « à moins qu’il en ait été privé par une décision judiciaire antérieur ». Si cet ajout aide à la clarté du texte, il ne modifie pas fondamentalement la disposition. En revanche, il est surprenant qu’en ouvrant ce champ de réflexion, le législateur n’ait pas souhaité clarifier les dispositions liées à l’autorité parentale et au différents statuts juridiques pour l’enfant mis à l’épreuve de la loi du 14 mars 2016, de nombreux auteurs ayant montré, depuis longtemps déjà, les incohérences ou les difficultés d’interprétations des textes dans ce domaine (voir notamment sur le sujet : F. Capelier, Comprendre la protection de l’enfance, Dunod, 2015 mais aussi le rapport produit par l’ONPE, 2014 https://www.onpe.gouv.fr/actualite/40-propositions-pour-adapter-protection-lenfance-et-ladoption ou plus récemment, la note de l’ONPE sur les aménagements de l’autorité parentale, 2018 https://www.onpe.gouv.fr/publications/amenagements-lautorite-parentale-delaissement-et-interet-superieur-lenfant-etat-lieux)

Art. 2 ter (nouveau) : la non séparation des fratries

Le Gouvernement a beaucoup communiqué sur cette disposition ayant pour objet d’ajouter au sein du code civil le principe d’un accueil de l’enfant « avec ses frères et sœurs, sauf si son intérêt commande une autre solution ». En réalité, plusieurs dispositions proches avaient déjà été introduites par la loi du 14 mars 2016 au sein du CASF et n’ont d’ailleurs pas été modifiées. L’article L226-3 du CASF prévoit en effet que dès la première information préoccupante la situation des autres mineurs présents au domicile soit évaluée. De même, l’article L223-1-1 du CASF affirme que « le projet pour l’enfant prend en compte les relations personnelles entre les frères et sœurs, lorsqu’elles existent, afin d’éviter les séparations, sauf si cela n’est pas possible ou si l’intérêt de l’enfant commande une autre solution ». On peut enfin rappeler sur ce même sujet que l’article L221-1 8° du CASF affirme également depuis 2016 que le service de l’aide sociale à l’enfance a pour mission de « veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l’intérêt de l’enfant ». L’article 2 ter aurait pu sembler plus protecteur s’il avait supprimé de l’article L223-1-1 les considérations liées à l’impossibilité pour le département de proposer un accueil unique à l’ensemble des membres d’une même fratrie, mais ce n’est pas le cas. Par ailleurs, cet article doit être analysé en lien avec l’article 8 du même projet de loi qui demande à ce qu’ « en cas de séparation d’une fratrie, le service de l’aide sociale à l’enfance justifie obligatoirement sa décision et en informe le juge des enfants dans un délai de 48 heures ». Une fois encore, si l’ambition du texte est louable deux questions se posent : d’une part, le législateur ne dit rien sur la nature des motivations qui apparaissent légitimes, d’autre part, si l’information du magistrat apparait importante, elle ne laisse à celui-ci que très peu de marge de manœuvre pour agir puisque celui-ci n’est pas informé avant la séparation, mais en aval, et n’a, par ailleurs, pas de visibilité entière sur l’offre d’accueil autorisée et tarifée par le département au titre de la protection de l’enfance

 

 

Art. 3 1°: Interdiction du placement des mineurs et jeunes majeurs dans les hôtels ou les lieux jeunesse et sports : Ce principe est présenté par le Gouvernement comme une nouveauté, pourtant, comme ces structures n’ont jamais fait partie de la liste des établissements sociaux et médico-sociaux fixé à l’article L312-1 du CASF autorisés à recevoir des mineurs ou des jeunes majeurs, l’interdiction existe déjà en partie. En modifiant les textes existants, le projet de loi encadre le recours à cette pratique, en prenant appui sur le rapport de l’IGAS de novembre 2020 qui estime à plus de 5% le nombre de jeunes qui fin 2018 seraient accueilli à l’hôtel au titre de l’aide sociale à l’enfance. Le Conseil d’Etat considère que l’augmentation du coût des accompagnements induit par cette disposition « ne peut être regardée comme une extension de compétences appelant une compensation financière de la part de l’Etat en application des dispositions de l’article 72-2 de la Constitution ». La Haute juridiction administrative estime, à ce titre, que le délai d’un an, retenu par le Gouvernement, avant l’entrée en vigueur de cette disposition est relativement court. Pour l’ANDASS, « la fin progressive du recours à l’hébergement hôtelier devra bénéficier d’un appui technique et financier de l’Etat pour aider la création de nouvelles places adaptées ».

Par ailleurs, le texte pose une interdiction qui n’est pas totale et donc légalise dans le même temps le recours à l’hôtel en renvoyant à un décret les conditions dans lesquelles un tel accueil pourra avoir lieu. Sur ce point, l’enjeu est de savoir si l’accompagnement hôtelier est ou non possible dans le cadre de la mise à l’abri des jeunes se déclarant mineurs non accompagnés, le temps de l’évaluation sociale.

La discussion à l’assemblée nationale conduit à des ajouts qui vise principalement à limité la dérogation possible à une durée « ne pouvant excéder deux mois, pour répondre à des situations d’urgence ou répondre à la mise à l’abri des mineurs ». Par ailleurs, le texte interdit totalement et sans exceptions ces accompagnements lorsqu’il s’agit de mineurs en situation de handicap, reconnu par la MDPH. Enfin, le texte entend une des demandes du défenseur des droits sur l’encadrement de ces prises en charge et prévoit qu’ « un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment le niveau minimal d’encadrement et de suivi des mineurs concernés requis au sein de ces structures ainsi que la formation requise ».

Art. 3 2°: Modification de la définition des établissements et services en protection de l’enfance

Le texte ôte la référence à un accueil « habituel » de mineurs, et en y intégrant les dispositifs spécialisés sur le premier accueil des jeunes non accompagnés. Font désormais partie expressément des établissements de protection de l’enfance, « l’accueil d’urgence des personnes se présentant comme mineurs et privées temporairement ou définitivement de leur familles » (art. 312-1 1° du CASF). En outre, le projet de loi ajoute à la liste des établissements et services sociaux et médico-sociaux une catégorie supplémentaire d’établissements chargés de la mise en œuvre « des mesures d’évaluation de la situation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leurs familles ». Dans une première version du projet de loi, il était proposé de fixer des normes sur les critères d’encadrement dans les établissements sociaux et médico-sociaux en protection de l’enfance. Ce sujet déjà envisagé par la stratégie nationale de la protection de l’enfance, et ayant fait l’objet de réflexions au sein du CNPE, visait à répondre à une situation d’exception puisque les établissements et services de la protection de l’enfance sont aujourd’hui les seuls établissements sociaux et médico-sociaux à ne pas disposer d’une réglementation minimum proposant une approche à la fois quantitative et qualitatives en terme de moyens humains nécessaires à l’encadrement des enfants et des jeunes majeurs. Une telle réglementation apparaît déterminante pour offrir aux enfants en danger les mêmes droits que les autres, elle est également particulièrement sensible au regard des difficultés actuelles de recrutements de professionnels qualifiés en protection de l’enfance. Ces dispositions supprimées avant même le dépôt du projet de loi n’ont pas été réintégrées par l’assemblée nationale. En dehors de la revalorisation des assistantes familiales, le texte est également silencieux sur le sujet de la revalorisation et de l’attractivité des métiers du travail social. Or, on peut regretter que ces sujets structurants pour la qualité de l’accompagnement in fine proposé aux enfants et aux familles ne fassent pas l’objet d’une réflexion élargie entre l’Etat et les départements à l’occasion de cette nouvelle réforme.

 

Art. 3 bis A (nouveau) : l’élargissement du partage d’information à caractère secret

Cet article propose d’élargir le partage d’information à caractère secret en précisant la portée de l’article L121-6-2 du CASF qui définit le secret professionnel et ses exceptions pour l’ensemble des professionnels de l’action sociale. Le texte précise ainsi que les professionnels concernés par ces dispositions sont « notamment des services sociaux, des services médicaux, des services éducatifs ou des services judiciaires ». Si cet ajout est précieux car il encourage un partage d’informations entre des professionnels relevant d’institutions très différentes dans l’intérêt de la personne accompagnée, il est curieux que le législateur ne se soit pas atteler à modifier les articles plus ciblés sur la protection de l’enfance dont l’interprétation pose aujourd’hui un certain nombre de difficulté. Il en est ainsi par exemple de l’article L226-2-2 du CASF qui réserve le partage d’information à caractère secret aux seules personnes « soumises au secret professionnel » qui mettent en œuvre la protection de l’enfance, ce qui tendrait notamment à exclure les professionnels de l’éducation nationale tenu par la loi à une simple obligation de discrétion (pour approfondir ce sujet, voir F. Capelier, Comprendre la protection de l’enfance, Dunod, 2015). Il en est de même de la difficulté d’articuler ces dispositions avec celles relatives au secret médical, l’article L1110-4 du code de la santé publique autorisant le partage « des informations relatives à une même personne prise en charge à condition que ces informations soient strictement nécessaire à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social ». Or, une harmonisation de ces dispositions pour affirmer l’importance de partager les informations strictement nécessaires à l’évaluation d’une situation ou à la protection d’une personne, a fortiori mineure, et les conditions de ce partage, permettrait de sécuriser les pratiques professionnelles ; de garantir une égalité de traitement de l’ensemble des usagers des services sociaux sur l’ensemble du territoire, mais aussi de promouvoir, comme l’article 3 bis A semble l’encourager, un travail partagé entre les différentes institutions intervenant auprès d’une même situation.

Art. 3 bis B (nouveau) : la reconnaissance légale du parrainage

Cette disposition est une grande nouveauté car jusqu’ici, le parrainage n’avait pas de fondement légal et faisait l’objet d’une définition principalement règlementaire. Selon une circulaire n° 38 du 30 juin 1978 relative au parrainage des enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance (non parue au Journal officiel mais pourtant fondatrice), le parrainage est « une aide qui peut varier dans sa forme mais qui présente les trois caractéristiques suivantes : elle est à la fois bénévole, partielle et durable ». La circulaire précise que « le parrainage est particulièrement indiqué pour les enfants qui n’ont pas de liens affectifs suivis ». Il s’agit donc principalement d’enfants qui sont sans famille ou délaissés par celle-ci, mais qui n’ont pu jusqu’alors bénéficier ni d’une adoption, ni d’un placement familial. Il est alors nécessaire de trouver des particuliers volontaires pour s’engager dans la durée auprès de ces enfants dont la famille fait défaut. Sans revenir sur le détail de la règlementation existante, c’est finalement un arrêté du 11 août 2005 qui adopte un cadre de référence dans lequel s’exercent les actions de parrainage. Selon ce texte, « le parrainage, objet de cette charte, est une forme de solidarité intergénérationnelle instituée, permettant de tisser des liens affectifs et sociaux de type familial ».

Le projet de loi propose ici une définition plutôt organisationnelle en considérant que le président du conseil départemental peut décider, avec l’accord des titulaires de l’autorité parentale de désigner « un ou plusieurs parrains ou marraines, dans le cadre d’une relation durable coordonnée par une association et construite sous la forme de temps partagés réguliers entre l’enfant et le parrain ou la marraine ». Il ne s’agit donc plus seulement d’une activité bénévole et de la création d’un lien affectif entre l’enfant et un tiers, mais aussi d’une relation régulée et garantie par une association et ayant fait l’objet d’un accord préalable par les titulaires de l’autorité parentale. Le texte renvoie par ailleurs au pouvoir règlementaire le soin d’identifier les principes fondamentaux du parrainage ainsi que les associations reconnues au plan national. Ces dispositions encadrent le parrainage mais ont également pour risque de rigidifier les organisations et fonctionnements, et poseront peut être la question des moyens susceptibles d’être mobilisés pour favoriser le développement de relations entre l’enfant et certaines personnes ressources au sein de son environnement, qui voudraient s’engager durablement sans pour autant qu’un accueil durable et bénévole ou qu’une désignation en tant que tiers digne de confiance ne soit envisagé ou envisageable.

Art. 3 bis C (nouveau) : la visite des établissements et services de protection de l’enfance par des représentants politiques

Cette disposition prévoit de manière tout à fait inédite la possibilité pour les députés, sénateurs ainsi que pour les représentants du parlement européen élus en France de visiter les établissements de protection de l’enfance, après en avoir informé le président du conseil départemental compétent. Cette disposition rejoint celle qui existe déjà pour les lieux de privation de liberté depuis le début des années 2000. Elle doit permettre un regard extérieur sur les établissements et services, mais pose plus fondamentalement la question des suites données à ces visites.

Art. 3 bis D (nouveau) : l’accompagnement des jeunes majeurs

Cette disposition est sûrement une des plus médiatisées du nouveau projet de loi, du moins dans la presse spécialisée. Il ne s’agit pas ici comme a pu l’évoquer un temps la proposition de loi Bourguignon (adoptée en première lecture par l’assemblée 2019 mais restée sans suite https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/accompagnement_jeunes_majeurs_vulnerables_autonomie ) de rendre obligatoire l’accompagnement jeunes majeurs de 18 à 21 ans mais plus subtilement de rappeler que les jeunes de cette tranche d’âge « sont » également accompagnés au titre de la protection de l’enfance. Le projet de loi propose de modifier les articles L112-3 et L222-5 du CASF sans pour autant proposer une harmonisation de ces textes pourtant proposés par plusieurs rapports (voir notamment ONPE, 2015 https://www.onpe.gouv.fr/actualite/laccompagnement-vers-lautonomie-jeunes-majeurs-rapport-detude )

Ce texte doit être mis en relation avec :

  • l’article 3 bis I qui désigne les mineurs et jeunes majeurs pris en charge avant leur majorité par le service de l’aide sociale à l’enfance comme un public prioritaire au titre des aides au logement (prévues par l’article L441-1 du code de la construction et de l’habitation), mais aussi aux jeunes de plus de 21 ans, ayant bénéficié d’un accompagnement jeune majeurs jusqu’à trois ans après le dernier jour de cette prise en charge ;
  • l’article 3 ter qui consacre une obligation d’information et de notification des droits reconnus à tout mineur accompagné au titre de l’aide sociale à l’enfance ;
  • l’article 3 quater 1° bis qui déclare que le président du conseil départemental est tenu d’organiser un entretien avec tout jeune majeur accueilli six mois après sa sortie du dispositif pour faire un bilan de son parcours et de son accès à l’autonomie. Le texte ajoute qu’un entretien peut être accordé (et n’est donc pas cette fois une obligation) à la demande du jeune majeur) et ce, jusqu’à ces 21 ans. Si le texte ne va pas plus loin, le contenu de cette disposition est intéressante car elle pourrait permettre aux départements de valoriser et faire connaitre les accompagnements réussis, mais aussi d’identifier des jeunes en difficulté qui auraient besoin à nouveau d’un soutien pouvant aller d’un accompagnement ponctuel à un nouvel accompagnement jeunes majeurs, avec l’idée de garantir un « droit au retour », qui pourrait également être consacré par ce texte.

 

Art. 3 bis E (nouveau) : l’accompagnement des jeunes majeurs

Cet article complète les dispositions relatives au projet pour l’enfant et prévoit que « celui-ci doit formaliser une coordination de parcours de soins, notamment pour les enfants en situation de handicap ». L’accompagnement des enfants en danger et en situation de handicap est une véritable préoccupation pour l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance, désigné comme des « enfants invisibles » par le défenseur des droits dans un rapport de 2015 (https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communiques-de-presse/2015/11/rapport-annuel-2015-consacre-aux-droits-de-lenfant-handicap-et ). L’enjeu en la matière est principalement celui de la coordination des différentes institutions appelées à intervenir : l’aide sociale à l’enfance, mais aussi l’éducation nationale, l’ARS, la MDPH et les établissements sociaux et médico-sociaux assurant l’accompagnement quotidien de ces enfants. Le texte proposé ici pose plusieurs questions auxquelles il est difficile de répondre. D’abord, comment ce projet s’articulera avec les missions de la CDAPH qui doit conformément à l’article L241-6 2° du CASF « désigner les établissements et services […] correspondant aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent » ? Ensuite, pour les situations les plus complexes, la question se pose de savoir quelle articulation sera trouvée entre le projet pour l’enfant et le plan d’accompagnement global élaboré sur proposition de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH avec l’accord préalable des titulaire de l’autorité parentale, qui doit justement permettre d’identifier nominativement les établissements compétents pour répondre aux besoins de l’enfant, préciser le contenu, la fréquence de ces interventions et leur mise en œuvre opérationnelle et enfin désigner un « coordonnateur de parcours » (art. L114-1-1 du CASF). Enfin, sous un angle plus pragmatique, ces dispositions ne répondent pas aux enjeux de moyens pour mieux connaitre le profil et le parcours de ces enfants, répondre plus précocement aux besoins des enfants en danger pour éviter les troubles du développement très clairement décrits par la conférence de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant (https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/famille-enfance/article/rapport-demarche-de-consensus-sur-les-besoins-fondamentaux-de-l-enfant-en) , et, en cas de handicap avéré, avoir des équipes suffisamment pluridisciplinaires et formées pour prendre en charge ces enfants combinant souvent un handicap et une situation familiale particulièrement complexe.

 

Art. 3 bis F (nouveau) : le contenu du rapport de situation

Depuis la loi du 14  mars 2016, l’article 375 du code civil prévoit qu’un rapport annuel concernant la situation de l’enfant est remis au juge des enfants annuellement (et tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans). Ce texte a fait l’objet d’un décret d’application qui précise le contenu de ce rapport et prévoit notamment un axe sur la santé de l’enfant (art. R223-19 du CASF). Le projet de loi précise le contenu de ce rapport en  imposant son contenu, à savoir : « un bilan pédiatrique, psychique et social de l’enfant ». Une telle obligation apparaît indispensable pour éclairer la décision du magistrat. Néanmoins, au regard des moyens aujourd’hui disponibles au sein des départements, mais aussi au regard du nombre de pédiatres ou pédopsychiatres sensibilisés à ces questions en France et mobilisables rapidement auprès des enfants en danger ; l’enjeu sera, pour les départements, mais aussi pour les services de l’Etat, de trouver comment mettre en œuvre cette disposition dans les meilleures conditions et dans des délais raisonnables. L’expérimentation des maisons de l’enfant et de la famille, mentionnée à l’article 12 bis A du projet de loi pourrait être une première piste du travail intéressante (sous réserve du contenu du cahier des charges qui sera définie par arrêté).

Art. 3 bis G (nouveau) : les mesures de milieu ouvert

Cette disposition précise que le juge des enfants peut ordonner « si la situation le nécessite » des mesures de milieu ouvert « renforcées ou intensifiées ». L’interprétation de cette disposition est loin d’être évidente, car le législateur reste silencieux à la fois, sur le type de situations qui nécessiteraient une telle intervention et sur le contenu des mesures dites « renforcées ou intensifiées ». Or, comme a pu le montrer récemment la démarche de consensus relative aux interventions de protection de l’enfance à domicile, menée par l’IGAS en 2019 (https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article753 ), ou plus récemment encore la Cour des comptes (2020, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-protection-de-lenfance-0)  l’évaluation de ces mesures, leur contenu et surtout leur pilotage est aujourd’hui loin d’être évident et pose plus largement la question du sens et des effets de ces accompagnements à court, moyen et long terme selon leur contenu, mais aussi leur intensité, sur l’ensemble du territoire. Or, l’ajout législatif proposé ici ne répond pas à ces enjeux et ouvrent un nouveau panel de mesures dont le prononcé sera possible sans que le contenu n’en soit clairement défini.

Art. 3 bis H (nouveau) : la médiation familiale

Cet article autorise le juge des enfants, lorsqu’il prononce une mesure d’assistance éducative, à proposer aux parents une mesure de médiation familiale (à l’exception bien sûr des hypothèses de violences ou d’emprises).  Le texte renvoie à un décret en conseil d’Etat sur les conditions de mise en œuvre de cette disposition. A ce jour, la médiation familiale est un outil principalement utilisé par le juge aux affaires familiales. Si la possibilité d’y avoir recours est une demande ancienne de certains juges des enfants ; le recours à cet outil risque d’obscurcir encore la répartition des compétences entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales dans les situations de conflits conjugaux, plus ou moins exacerbés, plaçant l’enfant dans une situation de danger.

Art. 3 bis I (nouveau) : voir commentaire ci-dessus avec l’article 3 bis D

Art. 3 bis (nouveau) : l’infirmier référent, à défaut de médecin référent protection de l’enfance

Cette disposition permet de nommer un infirmier expérimenté en lieu et place du médecin référent protection de l’enfance rendu obligatoire à l’art. L221-2 du CASF. Cet article répond à la situation de fait rencontrée par de nombreux départements ne parvenant pas à recruter de médecin au sein du service de l’aide sociale à l’enfance. Le législateur fait ici le choix de dégrader l’accompagnement proposé aux enfants alors que dans le même temps il renforce les obligations à la charge du président du conseil départemental en matière de santé des enfants accompagnés (on pense notamment au contenu du rapport annuel, art. 3 bis E,  et au projet pour l’enfant , art. 3 bis F). Cette disposition pragmatique met l’ensemble des acteurs face à la limite de l’exercice et souligne la nécessité de trouver des solutions nouvelles en repensant les liens entre le social, le médico-social et le sanitaire au profit d’une prise en charge coordonnée et efficace en direction des enfants en danger.

 

Art. 3 ter (nouveau) : voir commentaire ci-dessus avec l’article 3 bis D

 

Art. 3 quater (nouveau) : l’accompagnement de l’enfant ou du jeune majeur par une personne de confiance

Les articles L311-3 et suivants (et notamment l’art. L 311-5-1 du CASF) consacrent le droit de l’usager d’être accompagné dans ces démarches. Néanmoins, ce droit n’est pas expressément reconnu à l’enfant qui est, en principe, représenté par ses parents, titulaires de l’autorité parentale. Les dispositions adoptées par l’assemblée nationale au sein de cet article offre à l’enfant un droit identique à celui des usagers « majeurs » en actant la possibilité pour l’enfant ou le jeune majeur d’être accompagné sur les temps clés de l’accompagnement (signature du projet pour l’enfant et du projet d’accès à l’autonomie) par une personne de confiance. Pour les mineurs, le texte indique que le choix de cette personne doit être « effectué en concertation avec l’éducateur référent » et que les modalités de cette désignation seront prévues par décret. Tout l’enjeu sera ici de trouver des modes de faire qui favorise réellement la participation de l’enfant ou du jeune majeur et l’aide à exprimer son point de vue, et le cas échéant ces désaccords pour produire un échange constructif et bienveillant avec les professionnels en charge de son accompagnement.

 

Titre II : mieux protéger les enfants contre les violences

Art. 4 : Élargissement des condamnations pénales pour les professionnels et les bénévoles qui exercent dans des établissements pour mineurs

Cette disposition suit en partie les recommandations énoncées dans le rapport annuel 2019 du Défenseur des droits, visant à renforcer le contrôle des personnes exerçant dans les établissements qui accueillent des mineurs. Le contrôle des casiers est ainsi étendu à l’ensemble des personnes qui exercent « à un titre permanent ou occasionnel », professionnel ou bénévole. Le texte permet, par ailleurs, de faire des vérifications des antécédents judiciaires avant l’exercice des fonctions mais aussi lors de leur exercice, et renvoie à un décret en conseil d’Etat sur les modalités de mise en œuvre de ce contrôle. L’étude d’impact précise que « dans le champ de la protection de l’enfance et de la petite enfance, ces contrôles ont vocation à concerner environ 1 100 000 professionnels, auxquels il faut rajouter les bénévoles dont la volumétrie reste à déterminer (Source DREES, 2017) ». Selon le Gouvernement, « le contrôle des intervenants en contact avec les mineurs devrait se greffer sur un outil préexistant, ce qui aura pour conséquence de limiter le coût financier. Le coût de l’extension du « SI Honorabilité » avoisinerait les 100 000 euros, sous réserve toutefois d’une étude fonctionnelle de l’outil.  La mesure induirait un coût en ressources humaines au niveau des services déconcentrés de l’Etat (DREETS) avec le recrutement envisagé de 10 ETP pour les 18 DREETS à compter de 2022 permettrait de répondre au besoin ». Sur les modalités de mise en œuvre de ce texte, l’ANDASS estime qu’il sera nécessaire d’établir un circuit direct entre chaque employeur public ou associatif et les services de l’Etat chargés des casiers judiciaires : « ce contrôle dans les phases de recrutement de professionnels ne peut être réalisé par les Départements pour les établissements sous autorisation ». Sur ce volet, les choix fait à un niveau règlementaire seront donc déterminants pour garantir le caractère opérationnel de cette disposition. Par ailleurs, le défenseur des droits estime dans l’avis rendu sur le texte que ces « dispositions doivent s’appliquer y compris aux établissements hôteliers et à leurs personnels, puisque le Gouvernement a fait le choix de ne pas interdire ce type d’accueil ».

Si le renforcement des contrôles des professionnels comme des bénévoles est, incontestablement, un progrès, on peut néanmoins regretter que le texte n’aille pas plus loin sur la question de la qualité des accueils. Le texte passe, par exemple, sous silence les contrôles conjoints entre les départements et les services de l’Etat, pourtant évoqué un temps par la stratégie nationale de protection de l’enfance, notamment pour les structures accueillant des jeunes sur décisions judiciaires.

Art. 5 : L’inscription de la politique de prévention et de lutte contre maltraitance dans les projets de service des établissements.

Dans l’avis rendu sur le projet de loi, le HCFEA considère que cette disposition n’est pas « une mesure suffisante de prévention contre les violences institutionnelles »Quant au défenseur des droits, il propose « d’inscrire enfin, dans le CASF et le code de l’éducation, l’interdiction de toutes formes de violences éducatives, physiques ou psychologiques, châtiments corporels ou traitements humiliants à l’égard des enfants à l’instar de ce que prévoit désormais le code civil pour les titulaires de l’autorité parentale ». Cette proposition aurait pour les violences les plus graves une portée principalement symbolique puisque ces violences sont déjà condamnées par le code pénal. En revanche elle permettrait de condamner peut être plus facilement les violences « éducatives ordinaires », c’est-à-dire les violences légères, mais répétées.

L’Assemblée nationale ne reprend pas la proposition du Défenseur des droits, mais renforce en revanche le contenu de cet article :

– il cite désormais expressément la démarche nationale de consensus pour un vocabulaire partagé de la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité afin d’alimenter la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance inscrite dans le projet d’établissement.

– il renvoie à un décret le soin de fixer le contenu minimal de cette politique, les modalités d’association du personnel et les conditions de sa diffusion une fois formalisé. Le texte prévoit également que le projet d’établissement « désigne, une autorité, extérieure à l’établissement ou au service et indépendant du département vers laquelle les personnes accueillies peuvent se tourner  en cas de difficulté ». Le texte ne dit rien sur la qualité de cette personne et sur les suites données. L’interprétation de ce texte ou des précisions dans les travaux législatifs à venir seront donc déterminants pour assurer la mise en œuvre effective de cette disposition.

– enfin, le texte prévoit que le schéma d’organisation sociale doit contenir une stratégie de maitrise des risque de maltraitance qui comporte des recommandations portant, entre autre, sur les modalités de contrôle et la qualité de l’accueil des enfants et des familles au sein des établissements et services. Cette inscription dans le schéma s’accompagne de la remise d’un rapport annuel par le président du conseil départementale à l’assemblée délibérante, sur la gestion de ces établissements qui recense notamment les évènements indésirables graves.

On peut regretter ici que l’Etat ne rendent pas effective les propositions faites au sein de la stratégie nationale de protection de l’enfance visant à renforcer les contrôles conjoints Etat-départements des établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des enfants en danger.

 

Art. 6 : Création par voie règlementaire d’un référentiel d’évaluation national

Cette disposition avait fait dans sa première formulation l’objet d’avis partagés : Le CNPE émet un avis défavorable à une inscription dans la loi du référentiel produit par la Haute autorité de santé, considérant que cette disposition relève du réglementaire et, sur le fond, entre en contradiction avec les plans de formation déjà financés par de nombreux départements. Le HCFEA a, quant à lui, émit un avis très réservé insistant sur le fait qu’il existe d’autres références. Le Défenseur des droits au contraire est favorable à cette disposition. En effet, depuis plusieurs années, les référentiels d’évaluation étaient développés au niveau local. Fort de ces expériences, le CREAI Rhône Alpes et l’Observatoire national de protection de l’enfance avait construit une démarche de recherche-action et mis en place un référentiel déployé dans une quarantaine de départements, régulièrement mis à jour des connaissances scientifiques produites sur le sujet, et bénéficiant des retours des départements utilisateurs du document avec l’existence d’un  comité de suivi inter-départements. Le projet de loi passe sous silence ces initiatives et l’étude d’impact souligne simplement, que « les conseils départementaux auront en charge la formation de leurs équipes chargées de l’évaluation des situations de danger au sein des cellules de recueil des informations préoccupantes à l’utilisation du cadre national de référence. A cette fin, ils disposent d’ores et déjà d’une présentation du référentiel réalisée en webinaire par la Haute autorité de santé accessible en ligne afin de sensibiliser les cadres sur le nouveau cadre de référence et son contenu ». Le silence du Gouvernement sur les moyens à mobiliser par les départements pour former l’ensemble de leurs équipes est surprenant au regard de la taille de ce référentiel et de sa technicité. Par ailleurs, le déploiement d’une formation au long court va rapidement poser la question de l’actualisation du référentiel au regard de l’évolution des connaissances universitaires.

L’Assemblée nationale propose une voie médiane en demandant que l’évaluation des informations préoccupantes soit réalisée conformément à un « référentiel national d’évaluation des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant fixé par décret après avis de la haute autorité de santé ». Il sera donc nécessaire d’attendre le contenu de ce décret pour connaitre la compatibilité ou l’incompatibilité de ce texte avec les démarches préexistantes.

 

Titre III : Améliorer les garanties procédurales en matière d’assistance éducative

Art. 7 : possibilité de formation collégiale, à la demande du Juge des enfants, en assistance éducative.

Cette proposition qui figurait déjà au sein de la stratégie nationale de protection de l’enfance a pour objectif affiché de lutter contre l’isolement du juge des enfants. Sur ce sujet, la Défenseure des droits invite le ministère de la Justice à renforcer l’ensemble des moyens à la disposition des juridictions pour mineurs, au risque sinon de rendre cette disposition ineffective. L’Assemblée nationale a modifié le texte d’origine. La disposition prévoit désormais que cette formation est composée de trois juges des enfants en exercice. Cette précision est importante car elle réaffirme la spécialisation de la justice des mineurs. En revanche, elle posera un enjeu d’organisation dans les tribunaux dans lesquels il y a moins de trois juges en exercice (sur ce sujet l’étude d’impact mené par le Gouvernement souligne ainsi que 24 tribunaux n’ont qu’un seul juge des enfants).

Dès la première version du projet de loi, l’ANDASS estimait qu’une telle disposition gagnerait à faire l’objet d’une étude d’impact préalable afin d’assurer qu’une telle organisation ne conduisent pas à complexifier les procédures existantes et à augmenter les délais permettant une prise de décision adaptée à la temporalité de l’enfant. Cette recommandation semble toujours d’actualité.

 

Art 8 : renforcement de la disposition créée par la loi du 14 mars 2016 sur l’information du juge des enfants par le président du conseil départementalen cas changement lieu d’accueil .

La disposition prévoit une information qui, en cas d’urgence, doit se faire dans un délai de quarante-huit heures, et supprime les exceptions initialement prévues par la loi de 2016. L’assemblée nationale ajoute en première lecture que cette information est obligatoirement motivée par le président du conseil départemental. Cette disposition est intéressante mais pose la question de son opérationnalité et des suites données à cette information. Autrement dit, en cas de changement de lieu d’accueil conflictuel entre les parents, l’enfant et le service ou encore si le Juge des enfants n’est pas favorable au changement de lieu d’accueil de l’enfant, quels seront les moyens de la justice pour intervenir ? Le texte ne le dit pas.

En cas de séparation des fratries, le texte demande également une information du juge des enfants par le président du conseil départemental dans les mêmes conditions (en lien avec l’art. 2 ter)

 

Titre IV : Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial

Art. 9 à 11 : dispositions sur l’accueil familial. Ces dispositions prévoient :

  • des règles d’encadrement des salaires visant à améliorer les conditions de travail des assistants familiaux et l’évolution de leur contrat de travail en précisant le nombre de mineurs ou jeunes majeurs susceptibles de leur être confiés, ainsi que la possibilité pour l’employeur de prévoir une clause d’exclusivité ou des restrictions aux possibilités de cumul d’employeurs (art.9) ;
  • la création d’une base nationale recensant les agréments délivrés aux assistants familiaux par les présidents des conseils départementaux (art. 10) ;
  • la possibilité pour l’assistant familial de continuer à travailler au-delà de la limite d’âge, dans la limite de trois ans, pour poursuivre un accueil (art.11).

L’étude d’impact remise par le gouvernement s’appuie sur une enquête que la DGCS a réalisée auprès de 27 départements :

  • sur l’augmentation de la rémunération des assistants familiaux au moins égale au SMIC : selon l’étude précitée, « le coût annuel moyen par département est estimée, à partir des retours d’enquête des départements, à 473 010 €, avec une fourchette allant de 0 à 2 447 845 €, dépendant évidemment de la taille de la collectivité départementale » ;
  • sur le maintien du salaire à 80% en absence d’enfant confié, le Gouvernement se contente de s’appuyer sur l’étude de la DREES pour considérer qu’il y a peu de place non pourvu (autour de 10%). Le Gouvernement ajoute qu’ « il n’existe pas de réponse homogène puisqu’aucun employeur ne rémunère les assistants familiaux de la même façon » ;
  • sur le maintien de la rémunération, hors indemnités d’entretien et de fournitures, pendant quatre mois en cas de suspension d’agrément: L’étude d’impact souligne qu’« en s’appuyant sur les données fournies par la DREES en 2017, sur les 50 400 agréments d’assistants familiaux en cours de validité, 140 ont été suspendus. Ainsi, le coût est actuellement de 119 105 €, selon la réglementation en vigueur[1]. Avec le maintien de la rémunération des assistants familiaux concernés que prévoit le nouvel article de loi proposé, le coût serait de 217 641 € en cas d’accueil d’un unique enfant. Ce coût sera plus important dans les hypothèses où plusieurs enfants seront confiés à l’assistant familial suspendu de ses fonctions ou que la rémunération offerte par l’employeur sera supérieure au minimum fixé par la loi. Ce coût devrait être réparti sur le territoire à proportion des assistants familiaux suspendus ».

Ces éléments sont assez surprenants car ils constituent des montants épars, donnant difficilement une idée du coût global de la mesure. Plus largement, et bien que ces éléments ressortent assez peu des avis rendus, il semble essentiel de s’assurer que la mise en œuvre de ces dispositions n’ait pas d’effets contraires à ceux recherchés. En effet, en augmentant le coût de l’accueil familial, mais aussi et surtout en généralisant l’usage de la clause d’exclusivité, le risque est de rigidifier le système existant, et par ce biais, de complexifier le recours à l’accueil familial, là où la première intention est de le développer. Sur la clause d’exclusivité, et pour répondre à certaines critiques sur la première version du projet de loi (consistant à défendre la liberté des assistants familiaux de choisir leur employeur), l’Assemblée nationale pose plusieurs conditions. Ainsi, cette clause ne pourra être mobilisée par l’employeur que dans la mesure où il peut confier à l’assistant familial autant d’enfants que le nombre fixé par son agrément ou, en compensant ces restrictions par un salaire égale à celui dont l’assistant familial aurait bénéficié s’il avait effectivement accueilli autant d’enfants que son agrément le permet. Autrement dit, en cas de vacances de places, l’employeur devra assumer une augmentation du coût des accueils en cours. Enfin, l’assemblée nationale ajoute que l’indemnité ne sera due à l’assistant familial que « lorsque le nombre d’enfants qui lui sont confiés est inférieurs aux prévisions du contrat du fait de l’employeur ». Le refus de l’assistant familial d’accueillir un enfant ne sera donc pas une cause suffisante pour prétendre au versement de l’indemnité prévue par la loi.

En dehors des éléments précités, une étude sur l’impact de ces dispositions serait d’autant plus importante qu’elle pourrait aussi conduire les départements à renforcer une logique de gestion par les coûts en occupant l’ensemble des places financées et en laissant dans le même temps peu de marge de manœuvre pour des accueils simultanées de frères et sœurs au sein d’une même famille d’accueil.

Le texte propose par ailleurs la création d’une base de données relative aux agréments délivrés aux assistants familiaux. Selon l’étude d’impact, « des moyens financiers seront nécessaires pour développer le système d’information. La première estimation réalisée indique qu’il faudra prévoir entre 200K€ et 250K€, afin de proposer une application permettant l’accès sécurisé à une base recensant les agréments délivrés par les présidents des conseils départementaux aux assistants familiaux ainsi que les suspensions et retraits d’agrément. Ce chiffrage comprend la chefferie de projet et les différentes prestations liées à la sécurité ». Des moyens humains (non estimé) devront être également mis à disposition sur la gestion de ce fichier qui devrait relever du nouveau groupement d’intérêt public. Sur le fond, on peut s’interroger sur le périmètre de ce fichier : sous réserve de la conformité à la RGPD, un fichier commun aux agréments et retraits des assistants familiaux et maternels pourraient être particulièrement intéressant pour garantir la qualité de ces accueils dans leur ensemble, mais aussi, pour permettre une communication partagée en direction de ces professionnels, pourquoi pas, à terme, en favorisant les passerelles entre ces deux corps de métiers.

Au-delà de ces premières observations, l’ANDASS regrette que le sujet de l’accueil familial ne soit abordé que par le prisme de la rémunération et du statut des assistants familiaux. L’association propose de favoriser ce type d’accueil avec un maillage territorial plus soutenu, de renforcer une politique ambitieuse de diversification de l’offre (accueil familial, mais aussi parrainage, accueil bénévole, accueil solidaire expérimenté dans certains départements, etc.) afin de « désinstitutionnaliser la protection de l’enfance » et souligne l’appui que l’Etat pourrait apporter en matière de communication pour favoriser des vocations au sein de la société civile.

Plus globalement, dans son avis, le CNPE fait remarquer que « tous les salariés de la protection de l’enfance doivent faire l’objet d’une amélioration des conditions de travail pour permettre de préserver et pourvoir des emplois absolument nécessaires à l’accompagnement des enfants ». Ce complément est d’autant plus important que plusieurs professions ont récemment fait l’objet de réflexions au niveau national avec des revalorisations salariales à la clé comme pour les professions de la santé ou encore les forces de l’ordre. Aujourd’hui, la reconnaissance du travail social en protection de l’enfance, au regard de la technicité de l’accompagnement et de l’engagement fort des professionnels, apparait déterminante pour favoriser la qualité de l’accompagnement des enfants et des familles et trouver des réponses concrètes face aux nombreuses vacances de postes  dans ce champ particulièrement exposé aux effets de la crise sanitaire.

 

Titre V : Renforcer la protection maternelle et infantile

Art. 12 : définition de priorités pluriannuelles d’action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile par le ministre chargé de la santé.

Cet article propose de passer d’une logique de pilotage par l’activité à une logique de pilotage par objectifs en santé publique. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi prévoit à ce titre la généralisation du Bilan médical en école maternelle, réalisé par le médecin de PMI avec une prise en charge à 100% par l’assurance maladie : « au total, le surcoût pour l’assurance maladie par rapport à la situation actuelle peut être estimé selon les deux hypothèses haute et basse pour 2022 dans une fourchette de 3,8 à 5,3 millions d’euros ; en 2023 dans une fourchette de 8,5 à 10 millions d’euros». L’effectivité de cette mesure sera conditionnée à la possibilité de dégager au sein des services départementaux de la PMI, les moyens humains suffisants pour systématiser cette mission.

Dans son avis, la Défenseure des droits rappelle par ailleurs que le rapport de la députée Michèle Peyron recommandait d’aller plus loin, en fixant des objectifs socles et des normes minimales opposables aux départements par voie règlementaire dans ce domaine. L’Assemblée nationale répond à cette préoccupation en indiquant dans la nouvelle version du texte que les activités liées à la protection maternelle et infantile sont définies « dans le respect d’objectifs nationaux de santé publique fixé par voie règlementaire et visant à garantir un niveau minimal de réponses à ces besoins »

 

Art. 12 bis A (nouveau) : les maisons de l’enfant et de la famille

L’Assemblée nationale créé ce nouvel article au sein du code de la santé publique qui propose la création, par voie d’expérimentation, d’une « maison de l’enfant et de la famille » visant à améliorer la prise en charge des enfant et des jeunes et à assurer une meilleure coordination des professionnels exerçant auprès d’eux. Le texte prévoit que le cahier des charges de ces structures sera fixé par arrêté.

Art. 12 bis  (nouveau) : les centres de santé sexuelle et reproductive

L’assemblée nationale ajoute une série de disposition visant à renommer les centres de planification familiale en centres de santé sexuelle et reproductive et rappelle dans le même temps que ces centres doivent comprendre « un nombre suffisant de personnels qualifiés » sans définir pour autant un volume précis.

Par ailleurs, cet article ouvre la possibilité pour les infirmiers et puéricultrices de prescrire des dispositifs  médicaux de soutien à l’allaitement.

 

Titre V bis : Mieux piloter la politique de protection de l’enfance

 

Art. 13 : La redéfinition des institutions compétentes en matière de protection de l’enfance, d’adoption et d’accès aux origines personnelles

Cet article modifie la définition de la protection de l’enfant (art. L112-3 du CASF) et rappelle à ce titre que « L’État assure la coordination de ses missions avec celles exercées par les collectivités territoriales, notamment les départements, en matière de protection de l’enfance et veille à leur cohérence avec les autres politiques publiques, notamment en matière de santé, d’éducation, de justice et de famille ». Ainsi, le texte affirme plus clairement que ne le faisait la loi de 2016 les compétences étatiques en matière de protection de l’enfance. Pour autant, le degré important de décentralisation de cette politique publique conduit le législateur a précisé immédiatement que l’Etat « promeut la coopération entre l’ensemble des administrations et des organismes qui participent à la protection de l’enfance » mettant en évidence la difficulté qui existe aujourd’hui en ce qui concerne la gouvernance de la protection de l’enfance, puisqu’il s’agit de protéger des droits fondamentaux définis par des politiques publiques nationales, mais dont la mise en œuvre effective est assurée au niveau local, par les départements, mais aussi par les services déconcentrés de l’Etat.

Cet article transforme également le périmètre du conseil national de protection de l’enfance, qui n’est plus directement rattaché au premier ministre et est désormais composés « de deux députés, deux sénateurs, de représentants des services de l’Etat, de magistrats, de représentants des conseils départementaux, de représentants des professionnels, de représentants des associations gestionnaires d’établissements ou services de l’aide sociale à l’enfance et d’associations œuvrant dans le champ de la protection des droits des enfants, de représentants d’associations de personnes accompagnées, ainsi que de personnalités qualifiées ». Par ailleurs, le texte renvoie à un nouveau décret sur sa composition, son organisation et son fonctionnement.

Le texte propose également la création d’un nouveau groupement d’intérêt public qui suit pour partie les conclusions du rapport de l’IGAS sur la création d’un organisme nationale dans le champ de la protection de l’enfance, publié en 2020 (https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article796). Après de multiples rebondissements, le projet de loi de juin 2021 propose la création d’un nouveau groupement d’intérêt public réunissant le GIPED, l’AFA et le CNAOP. La formulation retenue conduit par ailleurs à maintenir l’Observatoire national de protection de l’enfance avec un périmètre élargi et à réaffirmer les missions de ce nouveau GIP en termes de promotion de la recherche et de l’évaluation sur ces différents sujets. Sur le volet statistique, la gestion des données est transférée à la DREES.

L’Assemblée nationale ajoute enfin des dispositions spécifiques sur la gouvernance locale de la protection de l’enfance en renforçant les missions des Observatoires départementaux de protection de l’enfance. Ainsi, le texte prévoit que ces observatoires ont désormais pour mission supplémentaire « d’organiser une gouvernance territoriale renforcée, en coordination avec les services de l’État, dont le représentant de l’État dans le département, l’agence régionale de santé, le rectorat et l’autorité judiciaire, dont le procureur de la République du ressort et le président du tribunal judiciaire du même ressort ». Si une note récente de l’ONPE (https://onpe.gouv.fr/system/files/publication/note_odpe_2020.pdf)  montre que ces services sont en net augmentation depuis 2007, le renforcement de ces missions et leur rôle stratégique sont en réalité conditionnés à plusieurs facteurs, parmi lesquels : les moyens humains qui leurs sont affectés, le portage politique dont il bénéficie mais aussi et surtout les interlocuteurs susceptibles d’être identifiés au sein des services de l’Etat pour accompagner des évolutions conjointes au sein des services départementaux de protection de l’enfance, mais aussi au sein des services déconcentrés de l’Etat afin de répondre aux besoins des enfants en danger ou en risque de l’être.

Plus largement, les premières critiques sur cet article, semblent toujours fondées. Ainsi, selon la Défenseure des droits, « le projet de loi ne peut que laisser perplexe quant à la simplification de l’architecture proposée et à son opérationnalité sur les territoires. Le Conseil d’Etat souligne également dans son avis, que « les objectifs poursuivis ne pourront pas être pleinement atteints par cette réforme organisationnelle ».Plus globalement, la Défenseure des droits souligne que « les ruptures dans les parcours de santé, de protection, d’éducation, du fait des organisations en silos des institutions, sont une réalité, maintes fois dénoncée par l’institution dans ses travaux, car elles conduisent à la fois à des violences institutionnelles faites aux enfants, en les éloignant de leur protection et de leur droit, et à une perte de sens pour les professionnels » et que ces difficultés sont accrues avec la crise sanitaire.

 

Titre VI : Mieux protéger les mineurs non accompagnés

Art 14 : modification de la clé de répartition des MNA avec l’ajout d’un critère socio-économique et d’un critère sur le nombre de jeunes majeurs accompagnés par le département au titre de la protection de l’enfance.

Il s’agit ici d’inciter les départements à poursuivre la prise en charge des mineurs non accompagnés une fois ces derniers devenus adultes. Sur ce point, la Défenseure des droits « déplore que ne soit toujours pas envisagé de tenir compte, dans le système de répartition nationale, du nombre de jeunes qui se présentent spontanément pour un accueil et une évaluation dans les départements afin d’éviter de pénaliser les départements où arrivent un grand nombre de jeunes exilés primo-arrivants ». A ce jour, l’impact de telles dispositions est très variable d’un département à l’autre. Le choix de la clé de répartition, au-delà de sa définition légale, pose en réalité une question très technique liée à la pondération entre les différents critères qui composent cette clé pour assurer l’effet escompté. Il s’agit ici d’encourager l’accompagnement jeunes majeurs, et, plus globalement, garantir une répartition des efforts entre l’ensemble des départements français au regard des deux missions qui leurs sont confiées, à savoir : garantir la qualité du premier accueil et de l’évaluation de ces jeunes mais aussi protéger aussi vite que possible et dans les meilleures conditions les jeunes reconnus mineurs.

Art. 15 : recours à la préfecture obligatoire et alimentation mensuelle du fichier AEM par les départements sous peine de sanction financière.

Cette disposition est surprenante car elle s’inscrit en doublon des dispositions déjà envisagées au sein du projet de loi 4D  actuellement en cours de discussion. Elle créé également une zone importante de risque pour le droit des personnes se déclarant mineures puisque les textes transforment la possibilité pour le département de saisir la préfecture, en une obligation légale incombant au président du conseil départemental. Par ailleurs, le transfert des données de l’ensemble des décisions de non admission devient obligatoire, mensuel et alimentera le fichier AEM, sans aucune garantie sur les suites données. Contrairement à l’avis rendus par le Conseil d’Etat sur la loi 4D et sur le projet de loi ici commenté, la Défenseure des droits estime ces dispositions sont contraire à la jurisprudence constitutionnelle. Par ailleurs, elle souligne « la nécessité de prévoir un administrateur ad hoc, indépendant, financé par l’Etat, nommé pour accompagner, soutenir, informer le mineur non accompagné dès sa première présentation aux services en charge du recueil d’urgence et de l’évaluation, et jusqu’à décision définitive le concernant ». Elle recommande également que soit proscrite toute réévaluation d’un mineur non accompagné, confié par l’autorité judiciaire, par les départements après orientation nationale.

Enfin, le texte présenté aux instances consultatives (CNPE, CNLE et HCFEA) contenait des dispositions supprimées avant le dépôt du projet de loi définitif qui mérite d’être soulignées au regard de leur contenu et des réactions qu’elles ont pu susciter. En effet, dans une première version du texte, le Gouvernement proposait de « sécuriser » la garde à vue et la détention des personnes (mineurs ou jeunes majeurs) ayant commis des crimes et délits  et autorisait, sous certaines conditions, une prise d’empreinte « contraignante » pour les mineurs et jeunes majeurs. Ces dispositions sont à mettre en lien avec le rapport de mars 2021 produit par la commission des lois de l’assemblée nationale, portant sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés. Les dispositions envisagées dans le cadre du projet de loi ne proposaient finalement qu’une approche répressive du sujet visant à favoriser le recours à la détention provisoire sans pour autant se donner les moyens de construire un parcours éducatif et d’insertion pour ces jeunes. Or, parmi d’autres initiatives, un colloque récent organisé par les services de la protection judiciaire de la jeunesse sur « l’expérience carcérale des Mineurs non accompagnés » montre que le taux de suicide, de dépression ou encore de mal-être de ces enfants et jeunes majeurs non accompagnés incarcérés s’est accru ces dernières années. Ces mesures répressives n’ont donc de sens que dans la mesure où elles sont accompagnées du développement de moyens au sein des services de l’Etat permettant un accompagnement global de la santé physique et mentale de ces enfants et jeunes majeurs, mais aussi un travail permettant de consolider leur identité. Pour les mineurs, il apparait indispensable de leur assurer une représentation légale. Le texte aurait pu notamment prévoir pour ces enfants la désignation systématique d’un Administrateur ad hoc et chaque fois que nécessaire, la désignation d’un avocat. Ces éléments sont indispensables pour penser le parcours de l’enfant et garantir ses conditions de sortie. Enfin, la version initiale du texte passe entièrement sous silence la question des moyens de l’évaluation de la minorité et de l’isolement alors même qu’il existe aujourd’hui une inégalité de traitement sur ce volet selon que le jeune entre par la voie pénale ou par la voie civile. Faute de traiter l’ensemble de ces questions et face aux critiques suscitées par les dispositions prises, le Gouvernement fait le choix de les supprimer, purement et simplement.

Pour conclure, protéger les enfants et les jeunes est aujourd’hui un sujet urgent et d’autant plus important que la crise économique et sociale que nous vivons risque d’aggraver leurs situations.. La crise sanitaire a en effet pour risque intrinsèque l’augmentation des difficultés rencontrées par les enfants, liées, notamment, à l’accroissement des inégalités en termes de parcours scolaire ou encore d’insertion sur le marché de l’emploi, mais aussi à une surexposition des enfants à des situations familiales complexes (hausse de la précarité, augmentation des violences intrafamiliales et risque de dégradation de la santé mentale des adultes qui les entourent). La situation est donc grave et si elle appelle une réponse législative, celle-ci doit absolument être à la hauteur des enjeux en tenant compte de la réalité vécue par les enfants, les familles et les professionnels et en tenant compte de leurs retours. Or, aujourd’hui, le projet ne présente pas les garanties juridiques nécessaires pour :

  • Développer une politique de prévention ambitieuse pour intervenir au plus tôt auprès de l’enfant, dès l’apparition des premières difficulté ;
  • Faire de la réussite scolaire des enfants protégés une dimension centrale de l’accompagnement en renforçant les liens, y compris juridiques, entre les services de l’éducation nationale en charge de l’obligation scolaire et de la lutte contre le décrochage scolaire avec les services de l’aide sociale à l’enfance et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse ;
  • poursuivre les efforts engagés afin de systématiser l’accès aux soins somatiques et psychiques des enfants accompagnés en développant une offre en pédiatrie et en pédopsychiatrie adaptées aux besoins de ces enfants ;
  • Construire les conditions d’une insertion sociale et professionnelle réussies pour chaque jeune majeur rencontrant des difficultés éducatives et sociales : sur ce volet, les compléments apportés par l’Assemblée nationale sont utiles mais pose plus largement la question de l’articulation entre les politiques de protection de l’enfance et les politiques jeunesses, et la possibilité pour les jeunes sortant de la protection de l’enfance, de la PJJ ou ancien pupille de l’Etat d’avoir accès à un revenu minimum (comme ont pu d’ailleurs le préconiser les groupes de travail réuni dans le cadre de la stratégie pauvreté : https://www.jeunes.gouv.fr/IMG/UserFiles/Files/Mission%20simplification%20jeunesse%20Dulin-Verot.pdf ),
  • Penser également des accompagnements adaptés pour les jeunes en situation de grande exclusion qui n’adhèrent à aucun accompagnement, et qui parfois en situation de handicap, ne trouvent pas d’aide équivalente du côté de la MDPH et du médico-social à celles dont ils pouvaient bénéficier enfants ;
  • Renforcer le statut juridique des enfants victimes de violences, en reprenant les nombreux rapports qui demandent que les administrateurs ad hoc soient reconnus comme des professionnels à part entière, disposent d’une formation digne de ce nom et soient rémunérés en conséquence ;
  • Assurer la participation et la défense des droits des enfants, comme des parents, en systématisant l’information sur leurs droits à l’égard des services qui les accompagnent, parmi lesquels le droit d’être représenté par un avocat, notamment en assistance éducative ;
  • Garantir que les mineurs non accompagnés soient considérés avant tout comme des enfants en danger et bénéficient du même accès aux services publics que les autres enfants en danger ; développer dans ce cadre des garanties permettant à la fois la représentation en justice et l’accompagnement des enfants en conflit avec la loi ; pour les jeunes évalués majeurs, organiser les services de l’Etat pour permettre un accueil décent de ces publics, notamment des plus vulnérables, conformément à la règlementation européenne ;
  • S’assurer, enfin, et à titre non exhaustif, de la transversalité des politiques publiques et d’une gouvernance de la protection de l’enfance simplifiée qui permette d’assurer la qualité de l’accompagnement proposé dans chaque département

Flore Capelier, docteur en droit public, membre associé au CERSA, Université Paris 2

[1] Article D.423-3 du code de l’action sociale et des familles : « En cas de suspension de leur fonction en application de l’article L. 423-8

[2]https://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Politiques_pour_enfants_en_danger_Rapport_INED_2012.pdf tableau 10, p.42

 

Categories: Assistance éducative, Mineurs Tags:
Les commentaires sont fermés.