Divorce par consentement mutuel par acte d’avocats : les notaires veulent faire de leur dépôt un dépôt authentifiant
La quatrième et dernière commission du 116e Congrès des notaire, animée par Cyrille Farenc et Julie Sève, s’est tenue samedi matin. Deux propositions ont retenu notre attention. Tout d’abord, bien évidemment, celle qui entend faire du dépôt de la convention de divorce par consentement mutuel un dépôt authentifiant. Ensuite, celle, à tiroirs, qui sollicite l’aménagement du délai de prescription en cas de succession et la suppression de l’exigibilité du droit de partage au cas d’incorporation.
- 1. Protéger la reconnaissance et les effets du divorce par consentement mutuel à l’international par un acte de dépôt « authentifiant » la convention de divorce
Les Règlements européens, selon un principe de confiance mutuelle entre États membres, permettent à la force exécutoire de l’acte authentique de traverser les frontières selon des procédures allégées facilitant sa circulation. Seulement il est dénié à la convention de divorce par consentement mutuel contresignée par avocats et déposée au rang des minutes d’un notaire le caractère authentique tout en lui octroyant certains de ses attributs et notamment la force exécutoire.
Le système mis en place par le législateur français ne correspond à aucune figure connue des Règlements européens ni à aucune figure convenue des Conventions internationales. La convention n’est ni une décision judiciaire ni un acte authentique. Or, en 2018, sur 50 000 divorces constatés par consentement mutuel, 30 % concernaient des couples présentant un élément d’extranéité, lesquels demeurent dans l’insécurité juridique à raison de la singularité de la convention de divorce à la française. Aussi pour faciliter la reconnaissance mais également les effets de ce nouveau divorce à l’étranger, la quatrième commission propose que le dépôt au rang des minutes d’un notaire de la convention de divorce prenne la forme d’un dépôt authentifiant permettant de conférer à la convention le statut d’acte authentique pour pouvoir bénéficier des dispositions de tous les Règlements européens. Authenticité qui portera à la fois sur l’écriture, la signature des parties mais également sur le contenu de la convention. Ce qui permettra aussi d’anticiper les dispositions du futur Règlement « Bruxelles II ter » qui entrera en vigueur le 1er août 2022 et qui va faire entrer le divorce sans juge dans le droit européen. Mais pour imposer sa reconnaissance, le Règlement impose la création d’un certificat relatif à la convention pour assurer sa circulation au sein de l’Union européenne. Certificat qui devra être délivré par une autorité publique restant à définir par chaque État membre au plus tard le 23 avril 2021. Il conviendrait que le notaire soit l’autorité publique émettrice du certificat. Seulement ce certificat ne pourra pas être délivré si des éléments indiquent que le contenu de la convention est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce contrôle doit être assuré par une autorité publique. Et si l’on veut que, demain, le notaire soit cette autorité publique, les dispositions du droit français doivent donc évoluer.
Le 116e congrès des notaires de France propose :
Qu’il soit créé un cinquième et sixième alinéa à l’article 229-1 du Code civil pouvant être rédigé comme suit :
« À la demande des époux, le dépôt au rang des minutes d’un notaire peut prendre la forme d’un acte de dépôt authentifiant de la convention. Le notaire procède à ce dépôt après avoir notamment vérifié que la convention ne contrevient pas à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Ce dépôt authentifiant donne ses effets à la convention en lui conférant un caractère authentique ».
Remarques : Benoît Delesalle, notaire à Paris, rappelle qu’il s’agit d’un texte de compromis entre deux professionnels, le notaire et l’avocat : à l’avocat le consentement des parties dans la convention, au notaire un contrôle formel de légalité assez limité sur les six points de l’article 229-3 du code civil. De son point de vue, les opinions des avocats ont évolué et ces derniers ne seraient plus vraiment hostiles à l’élargissement du rôle du notaire pour donner à leur convention un caractère authentique. Il attire cependant l’attention sur le fait qu’il faudra former les confrères sur leur responsabilité en la matière et qu’une revalorisation de l’intervention doit être faite.
En réponse, Cyrlle Farec a tenu à souligner qu’il ne s’agissait nullement d’une proposition corporatiste. L’idée est davantage de formuler une proposition constructive pour que les conventions circulent. Il n’y a aucune volonté d’un glissement d’un divorce sans juge vers un divorce notarié, mais peut-être le souhait de mettre le législateur face à ses contradictions.
Par ailleurs, Stéphanie Crichi, notaire à Aulnay-sous-Bois, a fait très justement remarquer que, au Magrehb, le problème n’est pas que l’acte notarial ne soit pas un acte authentique mais qu’il ne soit pas un jugement et que la proposition ne réglait pas la circulation et reconnaissance des conventions de divorce hors Union.
Quant à Jean-Paul Decorps, notaire honoraire, il a proposé de modifier la rédaction de la proposition : plutôt que « à la demande des époux », « si la convention contient un élément d’extranéité » pour éviter le caractère subjectif de la proposition. Cyrille Farec lui a répondu qu’il ne s’agissait pas de circonscrire la proposition à un élément d’extranéité, mais de l’étendre aux époux pour lesquels il y a une obligation de paiement à terme qui serait alors garantie par la force exécutoire.
Interrogé par Sarah Torricelli, maître de Conférences à Toulouse, sur la nature du contrôle par le notaire de l’intérêt de l’enfant, Me Farec a encore précisé qu’il s’agissait d’un contrôle objectif et non d’un contrôle de l’état de discernement de l’enfant. Il s’agit seulement de vérifier si les clauses ne sont pas contraires à son intérêt, par exemple qu’il ne soit pas privé de tout droit de visite de l’un de ses parents.
Enfin Charles Gijsbers, professeur de droit, ayant relevé que le terme « authentifiant » était parfaitement inédit et que la situation faisait davantage appel à la notion de « dépôt avec reconnaissance d’écriture et de signature », Me Farec a répondu que le terme « authentifiant » avait été choisi pour éviter de laisser penser que le contrôle du notaire ne porte que sur la signature des parties.
Proposition adoptée à 97 %
- 2. Modifications de dispositions fiscales
. Aménagement du délai de prescription en cas de succession
Il faut assurer la stabilité fiscale au-delà d’un certain délai. En effet, passé un certain laps de temps, le contribuable ne doit plus être en but au contrôle auquel les réponses sont d’autant plus difficiles à apporter qu’elles sont éloignées du fait générateur. C’est le rôle de la prescription abrégée (LPF, art. L. 180). Seulement le délai de prescription court à compter de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration, formalité fiscale effectuée par le service des impôts à la demande d’un contribuable ou de son représentant. Dès lors, si la date du dépôt d’un acte au service fiscal est connue, avec le paiement des droits, la formalité de l’enregistrement par ce service est laissée à la diligence des agents de l’administration. Il est donc proposé de fixer le point de départ de la prescription de l’article L. 180 du LPF au moment où la formalité est demandée, à savoir au moment de la présentation de l’acte dès lors que celui-ci est accompagné du paiement des droits et que ceux-ci sont correctement liquidés.
Le 116e congrès des notaires de France propose :
– De modifier l’alinéa 1er de l’article L.180 du Livret des procédures fiscales de la manière suivante : « Pour les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière et les droits de timbre, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de la présentation d’un acte ou d’une déclaration, accompagnée du payement des droits liquidés conformément aux dispositions de la loi fiscale, ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée définie à l’article 647 du Code général des impôts, ou pour l’impôts sur la fortune immobilière des redevables ayant respecté l’obligation prévue à l’article 982 du même code, jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. »
Proposition adoptée à 99 %
. Suppression de l’exigibilité du droit de partage au cas d’incorporation d’une donation antérieure à une donation-partage
On ne peut raisonner par analogie pour étendre un impôt à une situation que la loi ne prévoit pas affirme Julie Sève. Ce principe prétorien subit des entorses fréquentes. La donation-partage constitue, au regard du droit fiscal, l’illustration parfaite de l’acte qui contient des dispositions dépendantes, à savoir celles qui sont liées entre elles dans l’esprit des parties et qui concourent ensemble à la formation d’un contrat principal et en constituent les éléments corrélatifs et nécessaires. Au cas présent, le partage est fondu dans l’acte libéral : le donateur distribue les parts qu’il a lui-même composées. Pas de donation sans distribution et allotissement concomitant au profit des donataires. Dès lors que les dispositions ne peuvent exister l’une sans l’autre, puisque dérivant nécessairement l’une de l’autre, l’article 670 du CGI prévoit un principe d’unicité de taxation. En prévoyant que la perception soit effectuée au regard de la disposition taxée au taux le plus élevé, le texte conduit à une impasse, car le principe qu’il pose ne peut résoudre que le cas d’un concours entre tarifs de même nature. Il devient inapplicable lorsque les dispositions en cause relèvent de tarifs différents. Ainsi, dans le cadre de la donation-partage coexistent les droits progressifs de mutation à titre gratuit avec le droit proportionnel de partage. Pour déterminer quel tarif l’emporte sans remettre en cause cette règle de perception unique, il convient alors, suivant un principe érigé par les juges et repris par l’administration, de se référer à la disposition la plus importante dans l’esprit des parties suivant la nature de l’acte et le but qu’elles poursuivent. Pour la donation-partage, c’est l’acte d’appauvrissement des transmissions qui prime avant la répartition ; raison pour laquelle le droit de partage n’est jamais perçu au profit des droits de mutation à titre gratuit qui sont prélevés lors de l’enregistrement. Ce principe cède lorsque donation et partage n’ont pas lieu dans le même instrumentum et que la répartition est effectuée ultérieurement. Il n’y a plus de dispositions dépendantes mais deux actes successifs appelant chacun une taxation différente appropriée à leur nature respective. Ainsi, une donation-partage dans un seul et même acte ne devrait jamais être soumise aux deux taxations. Mais en pratique il n’en est pas ainsi : l’incorporation d’une donation ayant déjà subi l’impôt dans une donation-partage est soumise au droit de partage de 2,5 %. Dès que la donation-partage comprendra des biens nouvellement donnés et des biens incorporés, une double taxation devra être opérée frappant aux droits de mutation les biens nouvellement transmis et ceux incorporés à la masse au droit de partage.
Le Congrès propose de rappeler la neutralité fiscale de l’incorporation en application de l’article 670 du CGI.
Le 116e Congrès des notaires propose
– Que le premier alinéa de l’article 776 A du Code général des impôts soit ainsi modifié : Conformément à l’article 1078-3 du Code civil, les conventions prévues par les articles 1078-1 et 1078-2 du même Code ne sont pas soumises aux droits de mutation à titre gratuit. Elles constituent des dispositions dépendantes à l’acte de donation-partage, qui relève uniquement des droits de mutation à titre gratuit. En l’absence de biens nouvellement transmis, la donation-partage sera alors soumise à un droit fixe.
Proposition adoptée à 100 %
Commentaires récents