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Deuxième journée du Congrès des notaires : succès des propositions

09/10/2020

Le Congrès des notaires a poursuivi ses travaux aujourd’hui avec les deuxième et troisième commissions relatives respectivement à la protection des proches et à la protection du logement, de l’habitat et du cadre de vie.

François Letellier et Marlène Thebault, président et rapporteure, de la deuxième commission ont formulé cinq propositions toutes adoptées. Il s’agit, dans un premier temps, de restaurer la protection des époux qui ont fait le choix du régime de la participation aux acquêts en redonnant leur efficacité aux clauses relatives aux biens professionnels sous ce régime, dans un second temps, de permettre au partenaire pacsé de léguer au partenaire survivant sans risque de réduction un droit sur le logement afin de lui garantir un maintien dans les lieux et, enfin, de faire des choix techniques quant à la liquidation de la succession par l’organisation conventionnelle de la transmission de certains biens ou plusieurs biens en s’affranchissant de certaines règles liquidatives impératives au moyen d’un pacte familial.

Des propositions de la troisième commission, présentées par Anne Muzar et Bruno Pavy, nous en avons retenu surtout une : celle qui vise à protéger la résidence principale des entrepreneurs associés des sociétés professionnelles et à modifier la publicité de la déclaration d’insaisissabilité. Là encore, cette proposition a été adoptée.

  • 1.    Restaurer la protection de l’époux professionnel dans le régime matrimonial de la participation aux acquêts

Il s’agit de faire barrage à la décision de la Cour de cassation du 18 décembre 2019 (n° 18-26.337), qui a fait de la clause d’exclusion des biens professionnels (ou de plafonnement des acquêts) sous le régime de la participation aux acquêts un avantage matrimonial révocable de plein droit en cas de divorce sur le fondement de l’article 265 du code civil dès lors que cet avantage n’a pas pris effet en cours du mariage. Autrement dit, du fait de cette jurisprudence, un divorce anéantit toute clause d’exclusion des biens professionnels et de plafonnement de la créance de participation. Ces clauses sont pourtant de nature à renforcer la protection de l’entreprise contre les aléas de la vie conjugale de son dirigeant (v. à cet égard, le dossier AJ famille du mois d’avril 2020 relatif au divorce de l’entrepreneur). Si bien que les époux s’orientent davantage vers un régime de séparation pure et simple ; ce qui prive le conjoint de tout partage des richesses accumulées durant le mariage.

 

Le 116e congrès des notaires de France propose :

D’insérer dans le chapitre du Code civil consacré au régime de la participation aux acquêts l’article suivant :
« Art. 1581-1 : Les époux peuvent stipuler que les biens affectés à l’exercice effectif de leur profession seront exclus de la liquidation. Les époux peuvent également stipuler des clauses de plafonnement des créances de participation dans le but de protéger leurs biens professionnels.
Ces stipulations produiront leurs effets au cas de divorce nonobstant les dispositions de l’article 265.» Et d’ajouter à l’article 265 du Code civil l’alinéa suivant :
« Art. 265 : (…) Les stipulations prévues à l’article 1581-1 relatives aux biens professionnels sous le régime de la participation aux acquêts produiront également leurs effets. »

 Adoption à 98 %

Remarque : Laurent Leveneur, professeur, a toutefois fait observer que la loi ne dispose que pour l’avenir. Elle n’a pas d’effet rétroactif (C. civ., art. 2), même si elle peut, par des dispositions transitoires adaptées, essayer d’avoir un effet rétroactif. Ce qui est de plus en plus difficile avec le contrôle de proportionnalité et de constitutionnalité qui s’applique sur les dispositions rétroactives. Cela étant une autre piste peut s’ouvrir, le texte nouveau pouvant inspirer le juge. Le juge peut effectivement faire évoluer sa jurisprudence à la faveur du texte nouveau. Les exemples sont nombreux.

  • 2.    Protéger le partenaire pacsé survivant dans son logement en présence de descendants

Marlène Thebault a fait remarquer que si, sur le plan de la fiscalité successorale, le pacs est aligné sur le mariage, en matière civile il est aligné sur le concubinage, c’est-à-dire que le partenaire pacsé n’a aucun droit à l’exception d’un maigre droit annuel au logement. Certes, par testament, il peut conférer à l’autre un droit d’usage et d’habitation ou d’usufruit sur le logement. Mais si le legs dépasse le disponible, il sera réductible et le survivant devra dédommager les héritiers réservataires par une indemnité de réduction. Ce qui se produira immanquablement si le logement est l’élément principal du patrimoine du couple. Résultat, si le partenaire survivant ne peut pas payer, il sera contraint de vendre le logement. Il convient alors de permettre aux partenaires d’assurer au survivant d’entre eux la possibilité, dans certaines conditions, de rester dans le logement avec le mobilier qui s’y trouvera, gratuitement, jusqu’à la fin de ses jours, et même si ce droit a une valeur qui dépasse la quotité disponible.

Le 116e congrès des notaires de France propose :

D’insérer dans le Code civil les articles suivants :
« Article 515-7 du Code civil : La rupture du PACS autrement que par le décès emporte révocation de plein droit des dispositions à cause de mort accordées par un partenaire à l’autre au cours du PACS. »
« Article 1099-2 du Code civil : Même si le partenaire laisse des enfants ou descendants, il pourra disposer par testament en faveur de l’autre partenaire, pour une durée viagère ou limitée, d’un droit d’habitation sur le logement que le partenaire survivant occupe à titre d’habitation principale effective au jour du décès et d’un droit d’usage sur le mobilier le garnissant à la condition que le logement appartienne aux partenaires ou dépende totalement de la succession.
La réduction de cette libéralité ne pourra pas être demandée en cas de dépassement de la quotité disponible.
Si le partenaire a bénéficié de libéralités entre vifs ou bénéficie d’autres libéralités à cause de mort et qu’il accepte ces dernières, les règles de droit commun relative à la réduction des libéralités s’appliqueront de plein droit. La disposition prévue au premier alinéa pourra dès lors se trouver réductible.
Dans tous les cas, le droit prévu au premier alinéa s’impute en assiette par préférence aux autres libéralités à cause de mort. Ces droits d’habitation et d’usage s’exercent dans les conditions prévues aux articles 627, 631, 634 et 635 du Code civil.
Nonobstant toute stipulation contraire du testament, le partenaire survivant ou les enfants ou descendants pourront exiger, quant aux biens soumis à usage et habitation qu’il soit dressé un inventaire des meubles ainsi qu’un état des immeubles. »

 Proposition adoptée à 71 %

Remarque : c’est un vœu qui avait été rejeté il y a 10 ans à Bordeaux…

  • 3. Pour une adaptation contractuelle de la réserve héréditaire

Colonne vertébrale du droit des successions, la réserve héréditaire constitue une garantie de la liberté, de l’égalité et de la solidarité entre les proches. Mais si elle ne doit pas être supprimée, elle ne doit pas pour autant rester figée et doit évoluer. Il convient donc d’adapter conventionnellement certaines règles successorales, pour donner une meilleure place à la volonté dans le règlement des successions. D’autant que la prohibition des pactes sur successions futures limite fortement les initiatives contractuelles. Dès lors, il est proposé, d’une part, de protéger les proches en sécurisant le règlement successoral et, d’autre part, de créer un pacte familial par lequel les héritiers présomptifs – et plus particulièrement les réservataires –  le de cujus ou éventuellement une ou plusieurs tierces personnes pourraient s’entendre de manière définitive sur les droits de chacun en empiétant éventuellement sur les droits des réservataires. Pacte qui serait conclu à l’occasion d’une donation de biens présents.

– Le premier volet a pour objet de modifier certaines règles liquidatives au moyen de deux propositions concrètes.

. D’abord il s’agit de s’attaquer à l’épineuse question du rapport en cas de renonciation à la succession par le donataire. L’héritier renonçant disparaît de la scène successorale et devient un étranger et ne peut, en principe, rapporter les donations reçues puisqu’il ne participe pas au partage. Par contre, n’étant plus héritier, les donations qu’il a reçues deviennent forcément préciputaires et s’imputent sur la quotité disponible sauf s’il est représenté. Cette imputation a lieu en considération de la date des donations. La conséquence majeure est que, si ces donations épuisent le disponible et si le défunt a consenti soit d’autres donations ultérieures préciputaires ou des legs, ces dernières libéralités risquent fort d’être réduites en partie ou en totalité. La renonciation d’un héritier bouleverse donc le projet successoral du défunt. Conscient de la difficulté, le législateur a prévu que le disposant peut imposer un rapport en cas de renonciation. Seulement, si l’article 845 du code civil emploie bien le terme de « rapport », il ne s’agit pas vraiment d’un rapport. En réalité, en présence de cette clause, le liquidateur calcule les droits de chacun en faisant abstraction de la renonciation. Il compare alors les droits de ce que le renonçant aurait reçu s’il n’avait pas renoncé avec ce qu’il reçoit effectivement. S’il reçoit plus du fait de sa renonciation, alors il indemnise les autres héritiers de ce surplus. Les conséquences de cette clause sont de minimiser les conséquences de la renonciation sans pour autant évincer le renonçant. Et cette clause n’est pas exempte de critiques. Non seulement elle est complexe à mettre en œuvre mais le texte ne règle pas une question importante, celle de savoir si le renonçant doit verser une part de ce dédommagement à ses représentants. Ce qui pourrait revenir à reprendre d’une main ce que l’on donne de l’autre. Se pose aussi la question de la validité de cette clause dans une donation-partage, puisque le rapport ne se conçoit pas dans une telle libéralité. La solution peut aussi être très curieuse si la donation est aussi réductible.

Il est donc proposé que, dans l’acte de donation, le donateur et le donataire fixent ensemble les règles liquidatives applicables en cas de renonciation. Il s’agit de s’écarter de cette clause prévue par l’article 845 du code civil et de la remplacer par une clause aux termes de laquelle, en cas de renonciation du donataire et du présomptif héritier, sa donation non seulement deviendrait préciputaire mais s’imputerait en dernier après les legs. Le dessein successoral du de cujus serait préservé. Le donataire renonçant prendra ce qui restera une fois que tous les legs auront été exécutés. Sinon, il restitue en valeur (sous forme d’une indemnité de réduction) ou, s’il le souhaite, en nature. La réserve est protégée et le disponible aussi.

 Le 116e congrès des notaires de France propose :

Que donateur et donataire puissent convenir, dans l’acte de donation ou dans tout acte postérieur complémentaire, qu’en cas de renonciation à la succession par le donataire, la donation reçue s’imputera sur la quotité disponible après les legs et en cas de dépassement donnera lieu à une réduction aux conditions légales. En ce cas, le renonçant serait pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire.

 Proposition adoptée à 76 %

. Ensuite, il s’agit de proposer que l’acte de donation-partage unanime fixe ses modalités liquidatives. C’est l’hypothèse où une donation-partage inégalitaire a été consentie à tous les présomptifs héritiers et où, au décès, il apparaît que l’un des héritiers n’est pas rempli de sa réserve : le lot attribué dans la donation-partage n’est pas suffisant. Comment le remplir de ses droits au moyen de l’actif existant ? Il n’y a pas de réponse dans le code civil. Deux méthodes ont été envisagées dans la pratique. La première consiste à, d’abord, combler les droits des réservataires de l’héritier au moyen de l’actif existant, le solde étant ensuite réparti entre tous les héritiers dont cet héritier (la méthode « Carpentras »). La seconde méthode consiste à diviser l’actif existant entre les héritiers selon leur vocation légale. Si elle comble tous les héritiers de leur part réservataire, on en reste là et la donation-partage n’est pas remise en cause par des indemnités de réduction. Ce partage égalitaire de l’actif existant vient simplement s’empiler avec la donation-partage et suffit à refaire les niveaux. Par contre, si la répartition ne suffit pas à remplir de ses droits un héritier réservataire, alors le complément est prélevé de manière égalitaire sur la part des autres héritiers (méthode parisienne). Alors que la seconde favorise la volonté inégalitaire de la donation-partage en la transposant sur la succession, la première rétablit une certaine égalité entre les héritiers.

Aussi est-il important de laisser au de cujus le choix de la méthode.

Le 116e congrès des notaires de France propose :

Que l’acte de donation-partage puisse fixer la méthode liquidative dans l’hypothèse où l’un des héritiers ne serait pas rempli de sa réserve et, qu’à défaut de précision, dans l’acte, la volonté de tendre vers l’égalité soit présumée et qu’en conséquence la méthode dégagée par le TGI de CARPENTRAS soit appliquée.

 Proposition adoptée à 95 %

– Le second volet consiste à ouvrir un espace de liberté à celui qui prépare sa succession dès lors que tous les héritiers adhèrent à ce dessein successoral. Du reste, les deux propositions précédentes pourraient intégrer ce pacte familial de transmission par lequel serait organisée à l’unanimité la transmission successorale d’un ou plusieurs biens.

Le 116e congrès des notaires de France propose :

De créer un pacte familial de transmission dans lequel il serait possible :
–             de convenir la transmission de biens présents en fixant la part attribuée à chacun et en procédant à des attributions divises ou indivises,
–             de gratifier des non successibles, parents ou non, en leur attribuant d’autres biens qu’une entreprise,
–             d’incorporer des donations antérieures,
–             de lui appliquer les effets de la donation-partage notamment la dispense de rapport et les règles de l’article 1078 du Code civil,
–             de prévoir des renonciations réciproques à agir en réduction ou à prélèvement en cas de donation-partage, sous réserve que tous les réservataires y participent réellement, simultanément et qu’ils soient assistés du notaire de leur choix, ces renonciations pouvant être assorties de contreparties exprimées ou convenues dans l’acte, ces renonciations devant être accompagnées d’une neutralité fiscale.

 Proposition adoptée à  88 %

  • 4. Protéger la résidence principale des entrepreneurs associés des sociétés professionnelles et modifier la publicité de la déclaration d’insaisissabilité

Il s’agit, d’abord, de modifier l’article L.526-1 du Code de commerce pour étendre l’insaisissabilité automatique de la résidence principale à tout entrepreneur indéfiniment responsable : associés de Gaec, sociétés civiles professionnelles, sociétés en nom collectif, sociétés d’exercice libéral (L. 90-1258 du 31 déc. 1990, art. 16) et commandités de sociétés en commandite. Avec la crise actuelle, le risque est grand  que  l’ensemble du patrimoine, y compris la résidence principale, puisse être amené à répondre des dettes professionnelles d’un entrepreneur associé.

Il s’agit, ensuite, de supprimer la publicité des déclarations volontaires d’insaisissabilité dans les registres professionnels et dans un journal d’annonces légales en abrogeant les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 526-2 du code de commerce qui n’est pas de nature à améliorer l’information des tiers, mais au contraire qui est source d’insécurité juridique.

Le 116e congrès des notaires de France propose :

–             Que le début de l’article L.. 526- 1 du Code de commerce soit remplacé par la disposition suivante :

« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du Code civil, les droits d’un entrepreneur et d’un associé ne bénéficiant pas d’une limitation de leur responsabilité professionnelle, sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de celui-ci ou de l’activité la société dont il est associé.

–             D’abroger le second et le troisième alinéa de l’article L.526-2 du Code de commerce.

 Proposition adoptée à 97 %

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