Fin de vie : la proposition de loi du 17 octobre 2017, analysée par Pierrette Aufière
Pierrette Aufière, avocat Honoraire, nous livre ses observations sur la proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie déposée le 17 octobre 2017 à l’Assemblée nationale.
PROPOSITION DE LOI DÉPUTÉ FALORNI
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Notre démocratie a su conquérir, une à une, toutes les libertés. Toutes sauf une. L’ultime. Celle qui nous concerne toutes et tous. C’est-à-dire la liberté de choisir sa mort. Le droit enfin donné à chaque citoyen majeur et responsable d’éteindre la lumière de son existence, lorsque sa vie n’est devenue qu’une survie. Artificielle et douloureuse.
Il est donc nécessaire de reconnaître le droit d’obtenir une assistance médicalisée pour terminer sa vie au patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique jugée insupportable et qui ne peut être apaisée.
Par ailleurs, il convient de reconnaître aussi ce droit à une assistance médicalisée au malade atteint d’une affection incurable qui, sans menacer immédiatement leur vie, leur inflige de très fortes souffrances sans espoir de guérison.
Dans plusieurs pays, ce droit existe. Les Pays-Bas (loi du 12 avril 2001), la Belgique (loi du 28 mai 2002), le Luxembourg (loi du 16 mars 2009), ont autorisé l’aide active à mourir.
L’exercice du droit de mourir médicalement assisté doit bien sûr être très strictement encadré par des règles et procédures d’une extrême précision. Mais l’impératif doit bien être celui-ci : se fonder sur le respect de la volonté exprimée par le malade, sur le libre choix par chacun de son destin personnel, bref sur le droit des patients à disposer d’eux-mêmes. Ultime espace de liberté et de dignité.
L’écrivaine Anne Bert, avec qui cette proposition de loi a été travaillée, l’exprime ainsi avec une force admirable :
« Forte de mon expérience de fin de vie en France et de mon choix de trouver une terre plus hospitalière, je déjoue les arguments fallacieux et les fantasmes serinés un peu partout.
Non, la loi française n’assure pas au malade son autodétermination et elle n’est pas garante d’équité. Chaque équipe médicale agit, in fine, selon ses propres convictions et non selon les vôtres.
Non, la sédation profonde et censée être continue ne l’est pas, car fréquemment le médecin réveille l’agonisant pour lui redemander s’il persiste dans son choix, ce qui est contraire à la loi Léonetti.
Non, l’euthanasie ne relève pas de l’eugénisme, ce sont les Allemands nazis qui en ont fait en temps de guerre leur instrument diabolique et ont dénaturé ce mot grec.
Non, la loi belge n’oblige pas le corps médical à la pratiquer et ce ne sont jamais les médecins belges qui décident d’euthanasier leurs patients. Seul le patient peut exprimer ce choix et doit trouver le docteur qui l’acceptera.
Non, la loi belge sur l’euthanasie n’a pas encouragé les spoliations d’héritage ni la liquidation des personnes âgées. Elle n’est pas non plus une solution d’ordre économique.
Non, elle n’a pas encouragé les malades à choisir cette porte de sortie – qui n’est jamais facilitée – puisque seuls 2 % des malades en fin de vie la choisissent.
Non, elle n’a pas non plus favorisé une multitude de dérives. Bien au contraire, la loi belge a balisé strictement l’aide active à mourir alors que près de 2 000 actes d’euthanasie clandestine- donc de facto criminels- sont pratiqués en France sans aucun contrôle, de façon notoire.
Non, le procédé létal n’est pas violent.
Non, le droit à l’euthanasie ne s’oppose pas aux soins palliatifs.
Et enfin non, je ne suis pas un cas particulier et exceptionnel. Légiférer sur l’euthanasie n’est pas répondre à l’individuel, mais bien à une volonté collective de pouvoir choisir en son âme et conscience ce que l’on veut faire des derniers instants de sa vie. Les médecins français et quelques psychologues messianiques ne sont pas plus experts que leurs malades. Personne n’est plus à même que le malade incurable de décider de sa mort ».
PROPOSITION DE LOI
Observation : pour le même objet de cette proposition de loi plusieurs termes sont utilisés qui prêtent donc à confusion selon les articles dans lesquels sont insérées les terminologies. Il serait opportun d’utiliser le même terme pour la même pratique.
Dans l’article 1er :
-une assistance médicalisée permettant, par une aide active, une mort rapide et sans douleurDans l’article 2 :
– assistance médicalisée pour mourir
– assistance (le mot est utilisé tout seul)Dans l’article 3 :
– assistance (le mot est utilisé tout seul)
– assistance médicalisée (les mots sont utilisés seuls)
– assistance médicalisée pour mourirDans l’article 4 :
– assistance médicalisée (les mots sont utilisés seuls)
– assistance médicalisée pour mourirDans l’article 5 :
– assistance médicalisée (les mots sont utilisés seuls)
– assistance médicalisée pour mourir
Article 1er
L’article L. 1110-9 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable, peut demander à disposer, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée permettant, par une aide active, une mort rapide et sans douleur. »
Observations : si l’on entend par « médicalisée » que seul un médecin peut pratiquer et administrer cette aide, cela a pour effet de confronter les médecins au fait d’ôter la vie, ce qui est contraire à leur principe de base. Ne serait-il pas plus pertinent d’envisager et de dire clairement que, une fois ce contrôle opéré par un ou plusieurs médecins, un tiers accepté par le patient, acceptant lui-même de procéder à cette aide active, considéré bien évidemment comme compétent par le médecin, peut procéder à cette aide active : c’est d’ailleurs ce qui est sous-entendu au cinquième paragraphe du projet de l’article L. 1111-10-1 ci-après, pourquoi ne pas le dire clairement dès le départ ?
Par ailleurs il n’est rien prévu dans la proposition de loi sur la partie concrète que prend la forme de cette « aide médicalisée » ; ce qui est dommageable, car il serait plus clair également de donner la liste des produits pouvant alors être fournis, la façon de les administrer, et d’indiquer qui est celui qui les fournit sans qu’aucune infraction pénale ne puisse non plus être envisagée à cet égard à l’encontre de ce tiers, pharmacies ou laboratoires, etc.
Article 2
Après l’article L. 1111-10 du même code, il est inséré un article L. 1111-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L.1111-10-1. – Lorsqu’en application du dernier alinéa de l’article L. 1110-9, une personne demande à son médecin traitant une assistance médicalisée pour mourir, celui-ci saisit sans délai deux autres praticiens pour s’assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle elle se trouve. Le patient peut également faire appel à tout autre membre du corps médical susceptible d’apporter des informations complémentaires.
Observations : limiter la demande au médecin « traitant » est problématique : d’abord, tout le monde n’a pas de médecin traitant au sens de la législation française et il est plus pertinent de parler, comme dans la loi actuelle, du médecin « en charge du patient » qui est celui qui est concerné par le fait que la personne est « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ».
Également le terme de « deux autres praticiens » laisse à interprétation.
Pourquoi en effet imposer immédiatement la présence de trois médecins pour examiner la situation du patient, et ne pas se modéliser sur le processus actuellement en vigueur pour les procédures collégiales de limitation et arrêt de traitement et de sédation, à savoir la présence d’un second médecin et éventuellement la présence d’un troisième à la demande d’un seul des deux premiers médecins ?
Il serait plus clair, comme dans le cadre des décrets d’application des procédures collégiales déjà existantes (décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 pour ce qui est de la limitation et d’arrêt de traitement ou de la sédation profonde et continue), d’indiquer aussi que, s’il est fait appel à un second médecin, puis ensuite à un troisième médecin, ces derniers doivent fournir un avis motivé et que, de surcroît, il ne doit y avoir aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et leur place de consultants ; ce qui est une garantie supplémentaire d’autonomie pour l’aide à la décision.
Enfin, pourquoi y a-t-il une différence entre la notion de « praticiens » pour le médecin et celle « de membre du corps médical » pour le patient ? Si l’on accepte que la définition du corps médical soit l’ensemble des professionnels de la santé, on voit là que cette terminologie est trop large pour s’assurer de la détermination clinique de la « phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ». Et de quel type d’information s’agit-il : sur son état de santé ou sur le processus d’aide médicalisée à mourir ?
« Le médecin traitant [mêmes observations que ci-dessus] et les praticiens [mêmes observations que ci-dessus] qu’il a saisis vérifient, lors d’un entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande présentée. Ils l’informent aussi des possibilités qui lui sont offertes par les dispositifs de soins palliatifs adaptés à sa situation et prennent, si la personne le désire, les mesures nécessaires pour qu’elle puisse effectivement en bénéficier.
Observations – Le mot « personne malade » est déjà banni dans la loi actuelle : il est remplacé à tous les endroits par le mot « patient » ou le mot « personne » sans la qualifier de malade.
Ceci sous-entend que l’entretien doit avoir lieu avec les trois médecins ensemble pour que l’information soit communiquée à la personne concomitamment lors d’une seule et unique fois. Ceci, dans le concret, semble délicat à mettre en œuvre. Pourquoi l’obligation des trois à la fois ? Il semblerait que le médecin auprès de qui la demande a été formulée voire formalisée devrait suffire à prodiguer les informations concernant les soins palliatifs envisageables.
En effet l’information ne porte que sur cette partie de la demande.
Car il n’est fait aucune mention d’une information sur les modalités et la forme de l’« aide médicalisée », ni à quel moment l’information sera apportée, ce qui semblerait nécessaire pour que, justement, la personne puisse avoir un consentement éclairé à sa demande. Et de la même manière, doit-elle alors être apportée par les trois médecins ensemble ? Il faudrait en conséquence une bonne coordination de la parole dans ce type de communication…
La notion de « si la personne le désire » est également contraire à la définition des soins palliatifs déjà contenue dans la loi actuelle, soins palliatifs que le médecin doit mettre en œuvre dès qu’ils sont rendus nécessaires par la situation du patient.« Article L1110-10
Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. »Ces soins palliatifs se mettent en place dans la loi actuelle dès qu’il y a la notion de l’obstination déraisonnable (article L 1110-5-1) ou la limitation et l’arrêt des soins (article L 1111-4) que la personne puisse ou ne puisse plus s’exprimer.
Il ne faut pas confondre les soins palliatifs avec la notion de limitation et d’arrêt de traitement ou la sédation profonde et continue qui sont déjà l’objet de la loi actuelle.
Les soins palliatifs ayant essentiellement pour but de « soulager la douleur et apaiser la souffrance », on ne voit pas pourquoi on attendrait la demande du patient pour y procéder dans son intérêt.
Et ce, quelles que soient la mise en place et la durée de ces soins palliatifs dès avant la prise en considération de « l’aide active », ce d’autant que la mise en place de cette « aide active » est également conditionnée dans la proposition de loi par « une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable » les soins palliatifs ne peuvent que déjà aider à tenter d’apaiser la dite souffrance…
« Dans un délai maximum de quatre jours suivant cet entretien, les médecins lui remettent, en présence de sa personne ou de ses personnes de confiance, (mêmes observations que ci-dessus) un rapport comportant leurs conclusions sur son état de santé. Si ces conclusions attestent, au regard des données acquises de la science, que la personne malade (mêmes observations que ci-dessus) est incurable, que sa souffrance physique ou psychique ne peut être apaisée ou qu’elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et s’ils constatent alors qu’elle persévère, en présence de sa personne ou de ses personnes de confiance, (mêmes observations que ci-dessus) dans sa demande, l’assistance médicalisée pour mourir doit lui être apportée.
Pour être effectif, cet article suppose qu’il y ait une personne de confiance désignée et cet article rend cette désignation et la présence de la personne de confiance obligatoire pour examiner la demande du patient. Ce qui oblige à modifier ou compléter l’article L 1111-6 sur la personne de confiance.
Qu’en est-il si aucune personne de confiance n’est désignée ou s’il n’est pas possible d’en désigner une ou si elle n’est pas dans la possibilité d’être présente physiquement lors de ces entretiens ?
Quand on pose un délai maximum tel que celui de quatre jours envisagés, il s’agit d’un délai qualifié de « préfix » en Droit, et qui n’est susceptible ni d’interruption ni de suspension. Ce délai pour être effectif nécessite que l’on connaisse exactement son point du départ pour en connaître l’expiration. Ce qui aurait pour conséquence que le moment de l’entretien devrait être mentionné, sa date, sa durée, et l’heure exacte de fin de l’entretien sur le dossier médical du patient pour que l’on connaisse la fin des quatre jours envisagés.
Il n’existe pas dans la loi actuelle la possibilité d’avoir deux personnes de confiance fonctionnant en même temps, même si l’on voulait envisager qu’il y ait deux personne de confiance, cela ne pourrait être que consécutivement, l’une après l’autre en cas d’empêchement de la première désignée, et il faudrait créer un texte spécifique pour modifier dans cet esprit l’article L 1111-6. Il convient de rappeler également que, dans les travaux parlementaires qui ont précédé la loi, il n’avait pas été envisagé qu’il puisse y avoir deux personnes de confiance.
Enfin et soyons clairs, comme dans la loi belge, la décision revient au médecin qui procède à l’analyse de la situation médicale du patient et confirme ou pas qu’il remplit les conditions de la loi. La seule volonté du patient n’est pas suffisante.
« La personne malade [mêmes observations que ci-dessus] peut à tout moment révoquer sa demande.
« L’acte d’assistance médicalisée intervient en présence et sous le contrôle du médecin traitant [mêmes observations que ci-dessus] qui a reçu la demande et a accepté d’accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée. Il ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de sa demande. [mêmes observations que ci-dessus et l’heure ?]
Observations : on nous parle uniquement dans cet article de l’acte d’assistance médicalisée qui intervient en présence et sous le contrôle du médecin : ceci n’implique pas que ce soit le médecin qui le pratique et qui y participe activement. La présence et le contrôle sont différents de l’administration en personne d’un produit sous quelque forme que ce soit, si le principe du produit est retenu, ce qui n’est pas déterminé dans la proposition de loi.
Ceci laisserait-t-il entendre qu’un tiers, appartenant ou pas au corps médical, puisse procéder à l’administration du produit en présence et sous le contrôle du médecin ? Cet article n’est pas suffisamment précis ou clair et ne fait que contribuer à des ambiguïtés.
Enfin le délai de deux jours est un délai minimum imposé avant de pouvoir satisfaire la demande du patient.
Mais aucun délai n’est imposé à ce dernier et cela est fort compréhensible pour que sa demande soit effectivement matérialisée.
Ne serait-il pas opportun d’indiquer que le patient reste totalement maître du moment où il voudra que lui soit fournie cette aide à mourir, une fois que les conditions de la constatation et de la validation de cette aide auront été effectuées, ce qui est le cas à ce stade de la proposition de loi.
Et pourquoi ne pas envisager qu’ à l’issue d’un délai d’un mois après l’expiration du délai de deux jours ci-dessus, si le patient n’a pas sollicité l’aide à mourir, et qu’il y procède au-delà de ce délai d’un mois, un médecin spécialisé n’intervienne, tel que psychiatre, lequel s’entretiendrait avec le patient pour déterminer avec lui s’il souhaite toujours une aide active à mourir.
« Toutefois, si la personne malade [mêmes observations que ci-dessus] le demande, et avec l’accord du médecin qui apportera l’assistance, ce délai peut être abrégé. La personne peut à tout moment révoquer se demande.
Observations : que veut dire le terme « accompagner » par rapport au suivant « apporter l’assistance » ?L’accompagnement suppose-t-il uniquement l’information ou que le médecin va jusqu’au bout du processus et de quelle manière ?
Que veut dire le terme « apporter l’assistance » : cela veut-il dire procéder à… ou simplement être présent et contrôler (même observation que ci-dessus).
Ce médecin est-il toujours le même, c’est-à-dire celui en charge du patient ? Le mot médecin n’est pas ici assorti d’une quelconque réserve sur sa qualité et est son rôle.
Enfin, il est important de noter qu’une clause de conscience a été introduite, semble-t-il, dans cette proposition de loi, ce qui est un minimum pour la liberté de chacun, le patient et le médecin.
Encore que cette clause de conscience ne soit pas écrite de manière claire et précise et sous cette dénomination qui lèverait toute ambiguïté, car on n’en déduit l’existence que par une analyse de la phrase « le médecin vers lequel elle a été orientée ».
Et d’ailleurs s’il y en avait eu une, il devrait y avoir un délai pour cette transmission de la demande à un autre médecin et le moment de sa propre intervention en tant que remplaçant, afin de ne pas retarder de manière indéterminée la décision du patient.
« Les conclusions médicales et la confirmation des demandes sont versées au dossier médical de la personne. Dans un délai de quatre jours ouvrables [mêmes observations que ci-dessus] à compter du décès, le médecin qui a apporté l’assistance [mêmes observations que ci-dessus] adresse à la commission nationale de contrôle prévue à l’article L. 1111-13-2 un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. »
Observations : voilà encore en complément de ces différents délais qui courent en plus d’observations déjà évoquées : il s’agit de jours « ouvrables » jours qui peuvent être légalement travaillés aux yeux de la réglementation en vigueur. Les jours ouvrables sont les jours de la semaine, du lundi au samedi inclus et ils excluent les dimanches et les jours fériés. Il y a donc légalement 6 jours ouvrables par semaine (sauf jour férié).
Quel en est l’intérêt sauf à ce que, si un dimanche faisait partie de ces quatre jours, le rapport pourrait éventuellement être adressé au plus tard le lundi suivant ?
Rien n’est mentionné dans la façon dont ce rapport doit être adressé, et sous quelle forme pour que la vérification du délai puisse être effectuée…
Article 3
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du même code est complétée par un article L. 1111-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L.1111-12-1. – Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, se trouve de manière définitive dans l’incapacité d’exprimer une demande libre et éclairée, elle peut bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément dans ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l’article L. 1111-11.
« Sa ou ses personnes de confiance [mêmes observations que ci-dessus] en font alors la demande à son médecin traitant [mêmes observations que ci-dessus] qui la transmet à deux autres praticiens au moins. Après avoir consulté l’équipe médicale, les personnes qui assistent au quotidien la personne malade et tout autre membre du corps soignant susceptible de les éclairer, les médecins établissent, dans un délai de huit jours au plus, [mêmes observations que ci-dessus] un rapport déterminant si elle remplit les conditions pour bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir.
Observations : « deux autres praticiens au moins » : sans rappeler les observations ci-dessus, dans quelles conditions le médecin va-t-il décider de la saisine devenue nécessaire d’autres praticiens et jusqu’à combien peut-on aller ? Et ces praticiens supplémentaires doivent-ils aussi participer à la rédaction du rapport ?
Cette modalité de consultation de « l’équipe médicale » est une reprise, sans être nommée comme telle, mais est effectivement un « copier coller » des éléments des procédures collégiales de limitation ou d’arrêt de traitement ou de sédation profonde et continue actuellement en vigueur, tout en étant moins bien rédigée que le texte du décret précité qui prévoit l’équipe de soins, concept différent et plus précis que l’équipe médicale, et un avis motivé d’un deuxième médecin consultant, pouvant d’ailleurs être associé à un troisième.
Cette modalité de la proposition de loi est d’ailleurs même plus contraignante puisque il y a la remise d’un rapport établi par les trois médecins : il s’agit bien d’une procédure collégiale dont la décision, qui doit être commune, revient aux trois médecins qui établissent le rapport.
« Lorsque le rapport conclut à la possibilité de cette assistance, la ou les personnes de confiance [mêmes observations que ci-dessus] doivent confirmer le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande anticipée de la personne malade [mêmes observations que ci-dessus] en présence de deux témoins n’ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès. L’assistance médicalisée est alors apportée après l’expiration d’un délai d’au moins deux jours à compter de la date de confirmation de la demande [mêmes observations que ci-dessus].
Observations : s’il s’agit d’un contrôle de la capacité de consentement du patient qui serait remis en question dans la mesure où, dans les directives anticipées serait prévue cette « aide médicalisée à mourir », encore faut-il -observations déjà évoquées – qu’il y ait une personne de confiance désignée et qu’il y ait des témoins complémentaires ; témoins de quoi d’ailleurs ?
S’agit-il des témoins de cette rédaction des directives anticipées, curieusement rebaptisées « demande anticipée » dans cet article de cette proposition de loi, ou des témoins de la confirmation effectuée par la personne de confiance du caractère libre et éclairé et réfléchi de la demande d’assistance médicalisée pour mourir ?
En quoi la présence de témoins d’une confirmation effectuée par la personne de confiance validerait-elle plus que le témoignage de la personne de confiance ?
Et quelle forme prennent ces témoignages : un écrit des témoins ? de quelle manière cet écrit va-t-il être annexé au rapport médical adressé à la commission de contrôle ci-après ?
« Le rapport des médecins est versé au dossier médical de l’intéressé. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès [mêmes observations que ci-dessus], le médecin qui a apporté son concours à l’assistance médicalisée adresse à la Commission nationale de contrôle mentionnée à l’article L. 1111-13-2 un rapport exposant les conditions dans lesquelles celui-ci est intervenu. À ce rapport, sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article, ainsi que les directives anticipées. »
Article 4
La même section 2 est complétée par deux articles L. 1111-12-2 et L. 1111-12-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 1111-12-2. – Il est institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé de la santé, une commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de mourir dans la dignité. Celle-ci est chargée de vérifier, chaque fois qu’elle est rendue destinataire d’un rapport d’assistance médicalisée pour mourir, si les exigences légales ont été respectées. Si ces exigences ont été respectées, les articles 221-3, 221-4, 3° et 221-5 du code pénal ne peuvent être appliqués aux auteurs d’une assistance médicalisée.
« Lorsqu’elle estime que ces exigences n’ont pas été respectées ou en cas de doute, la commission susvisée peut saisir du dossier le procureur de la République. Les règles relatives à la composition ainsi qu’à l’organisation et au fonctionnement de cette commission sont définies par décret en Conseil d’État.
Observations : on relèvera que c’est uniquement dans cet article qu’intervient l’expression « droit de mourir dans la dignité » ; ce qui supposerait que les autres formes de mort ne sont pas dignes !!
Et enfin, le contrôle ne devrait pas porter sur « le droit de mourir dans la dignité », expression peu précise par rapport au texte examiné, mais bien sur la vérification a posteriori du contenu précis de l’article 1er de la proposition de loi, savoir pour une personne de « demander à disposer, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée permettant, par une aide active, une mort rapide et sans douleur. »
« Art. L. 1111-12-3. – Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle était partie la personne dont la mort résulte d’une assistance médicalisée pour mourir mise en œuvre selon les conditions et procédures prescrites aux articles L. 1111-10 et L. 1111-11. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
Article 5
Le dernier alinéa de l’article L. 1110-5 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les professionnels de santé ne sont pas tenus d’apporter leur concours à la mise en œuvre d’une assistance médicalisée pour mourir. Le refus du médecin ou de tout membre de l’équipe soignante de participer à une procédure d’assistance médicalisée est notifié au demandeur. Dans ce cas, le médecin est tenu de l’orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible de déférer à sa demande. »
Article 6
Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
*****
Il pourrait être judicieux d’envisager de prendre ce qui suit en compte.
Médiation et fin de vie
Pierrette AUFIERE 4 décembre 2017
Dans l’ensemble des documents publiés depuis l’année 2014, que ce soit dans le rapport Sicard, dans les rapports du CCNE ou enfin dans le rapport de présentation de la proposition de loi de Alain Claeys et Jean Leonetti, sont mises en évidence certaines difficultés de communication entre les équipes médicales et soignantes, les personnes en fin de vie encore lucides, les familles, les proches. Ces difficultés sont aggravées lorsque que le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, ce qui laisse place à des interprétations divergentes de la part de la personne de confiance, de certains représentants légaux, et de l’entourage personnel de la personne incapable…
Il est évident que dans les cas les plus critiques, ou justement afin d’éviter qu’ils ne le deviennent, l’intervention d’un tiers formé au rétablissement d’une communication minimale fonctionnelle, axée sur les options puis les décisions à prendre, de manière à faire en sorte qu’elles deviennent mutuellement acceptables, serait un atout, sinon une aide. »
Ceci permettrait un espace privilégié pour évoquer et gérer au mieux les situations génératrices de conflits, d’incompréhensions, d’angoisses au travers des souffrances tant physiques que psychiques pouvant être provoquées par le contexte de cette fin de vie.
La médiation, processus déjà élaboré dans d’autres lieux et d’autres domaines, serait alors une option d’apaisement potentiel, sous réserve évidemment qu’une formation spécifique soit dispensée au médiateur ainsi sollicité, soit sous la forme d’une formation complémentaire à sa formation de base, soit sous la forme d’une formation initiale appropriée.
Déjà, des médiateurs ont réfléchi à cette de hypothèse, voire l’ont évoquée, et l’idée d’intervention de ce type a été retranscrite dans les propositions du CCNE, lequel, dans son rapport du 21 octobre 2014, envisage tant une procédure de délibération et de décision collective qu’ « au cas par cas, un recours possible à une médiation ». (page 41 et 42)
Comme l’indique le CCNE « cette médiation se doit d’être véritablement indépendante de toutes les parties prenantes y compris de l’administration hospitalière et des établissements de santé. Elle gagnerait sans doute à impliquer plusieurs personnes. »
C’est donc confortés par cette validation de l’esprit de médiation, que nous proposerions ce type de formation et d’observatoire de mise en place d’expériences de médiation en fin de vie, ce qui permettrait d’ouvrir une voie complémentaire au texte de loi qui va peut-être être complété ou instauré, loi qui ainsi, dans son interprétation et son application actuelle et future, ne pourra que bénéficier d’un tel lieu de parole et de construction autour de l’alliage des mots et de la réalité.
Pierrette AUFIERE
Avocat Honoraire
Médiateur Familial
Formateur
Toulouse
06 11 07 22 36
mail pierrrette.aufiere@laposte.net
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