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De nouveaux droits pour les enfants ? Le rapport Rosenczveig

18/04/2014

Le rapport de Jean-Pierre Rosenczveig, commandé par l’ex-ministre déléguée à la famille, a fait son apparition sur le site de Monsieur Rosenczveig. On y trouve 120 propositions pour renforcer les droits de l’enfant. Certaines, notamment sur l’accès aux origines, viennent s’ajouter voire contredire celles faites dans les rapports Théry (v. notre brève du 9 avr. 2014) et Gouttenoire (également rendu public ce mois-ci)…

Voici un extrait de la synthèse :

  • L’enfant : l’être humain de moins de dix-huit ans

Les définitions de l’enfant varient selon les périodes historiques. Dans le langage commun, l’enfant se distingue de l’adolescent et de l’adulte. Il s’agit ici de réaffirmer l’article 1 de la CIDE « un enfant s’entend de tout être humain de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »

  • L’enfant est un être à protéger

L’enfant est un être vulnérable et inachevé. Il a besoin de protection et d’éducation pour se développer2 et devenir un être autonome. Ainsi que le souligne l’article 18 de la CIDE, les parents sont les mieux placés pour assurer ses droits à la protection et à l’éducation.

  • La responsabilité parentale

Du fait que, ainsi que le disait Kant les parents ont mis au monde l’enfant sans demander son consentement, ils sont responsables de le protéger, de l’éduquer et d’assurer son développement.

A cette fin ils disposent de pouvoirs à l’égard de leur enfant. Cependant, ces pouvoirs qui peuvent être contraignants doivent respecter la dignité et l’humanité de l’enfant. C’est la raison pour laquelle le concept d’autorité parentale ne saurait convenir et que doit lui être préféré la notion de responsabilité parentale.

  • Filiation et affiliation

L’enfant est un être social qui doit être rattaché à une famille et à une communauté. C’est la raison pour laquelle il a droit à une nationalité et une filiation. Comme le nom et le prénom celles-ci, font partie de l’identité. Le groupe de travail souhaite que la collectivité s’efforce d’assurer une double filiation pour les enfants. Lorsque l’enfant fait l’objet d’une adoption plénière, d’une PMA ou lorsqu’il a été abandonné par ses parents, l’Etat doit s’efforcer de lui permettre d’avoir accès à ses origines. L’accouchement sous X devrait être prohibé comme dans la quasi-totalité des pays du Conseil de l’Europe.

  • L’enfant est notre égal

La Déclaration des droits de l’homme de 1789 et notamment sur son article 1 affirme : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ».

L’enfant, dès sa naissance, est un être humain et est donc notre égal. Comme tel, il doit être traité avec la même dignité que tout être humain. Il est une personne et non une chose qu’on s’approprie. Cela signifie qu’on doit lui appliquer comme à chacun d’entre nous le principe de réciprocité : « ne fais pas autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».

Prendre la mesure de l’égalité consiste à considérer comme illégitime toute domination et violence fût-elle légère à son égard parce que nous ne tolérons pas de telles conduites à notre égard.

  • L’enfant a des intérêts propres

Affirmer que l’enfant est une personne et non une chose qu’on s’approprie signifie qu’il a des intérêts propres qui sont distincts, notamment de ses parents, et qui peuvent s’opposer aux leurs.

  • L’intérêt supérieur de l’enfant

Dans la mesure où l’enfant n’est pas encore un adulte, il n’est pas encore capable de se conduire selon son intérêt propre. Ce sont les adultes qui définissent son intérêt et l’associent l’enfant selon son degré de maturité. Les parents sont les mieux placés mais lorsqu’il y a contradiction, l’enfant doit bénéficier d’une représentation spéciale.

  • L’enfant est un être libre

Cela ne signifie pas qu’il puisse conduire sa vie comme il l’entend, sa vulnérabilité et son inachèvement commandent sa protection. Cependant, cela ne signifie pas qu’il soit incapable. Les recherches récentes dans différentes disciplines montrent que, dès sa naissance, l’enfant possède des capacités cognitives, sociales et affectives que les liens avec l’environnement permettent de développer jusqu’à l’âge adulte. Dès lors, le statut d’incapacité civile affirmé par le droit civil est tout à fait inadapté. Il est d’ailleurs en contradiction avec le droit pénal des mineurs.

  • La responsabilité progressive de l’enfant

L’enfant, dès qu’il a l’âge de discernement, est responsable devant les tribunaux pour enfants s’il commet une infraction. Il peut faire l’objet de sanctions éducatives à dix ans, peut aller en prison à treize ans et l’excuse atténuante de minorité peut lui être retiré à seize ans. Ainsi, la question n’est pas de donner des devoirs à l’enfant. La réalité du droit pénal des mineurs montre que ses devoirs sont plus importants que ses droits. La question est plutôt de mettre ses droits capacitaires au niveau de la responsabilité pénale qui lui est reconnue. Comment l’enfant peut-il être reconnu progressivement responsable de ses actes alors qu’on le considère comme incapable civilement ?

  • Des droits équilibrant les responsabilités

Si le droit relatif à l’enfance le considère rapidement comme capable de se conduire dans le respect des lois et des droits d’autrui, il ne le considère pas comme capable de prendre des décisions et de poser des actes conformes à son intérêt. L’enfant est considéré comme un incapable juridique comme l’était l’épouse jusqu’à la seconde moitié du 20ème siècle. Les parents sont les représentants légaux de l’enfant et peuvent prendre des décisions importantes concernant leur enfant sans que l’enfant ne puisse dire son mot.

Certes, de nombreuses réformes ont eu lieu dans la deuxième moitié du 20ème siècle, notamment depuis la ratification de la CIDE. L’article 371-1 , ajouté par la loi du 4 mars 2002, demande aux parents d’associer l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. L’enfant peut prendre des décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. sans l’autorisation de ses parents (contraception, interruption volontaire de grossesse) mais ces droits sont une exception dans le principe d’incapacité. Le groupe de travail propose de substituer le principe de capacité progressive au statut d’incapacité de l’enfant. Comment mettre en oeuvre le principe de capacité progressive ?

  • L’enfant et le discernement

L’enfant, dès qu’il naît possède des capacités qui ne vont cesser de se développer grâce aux interactions avec l’environnement. Dès qu’il vient au monde, le nouveau-né exprime ses besoins, ses émotions, que les adultes s’efforcent de décoder. Avant même l’âge de discernement, l’enfant est en capacité d’exprimer ses sentiments, si ce n’est par la parole, par un comportement, des signes qu’il convient de décoder, de rendre intelligible. Les parents sont les mieux placés pour comprendre le langage de l’enfant, parfois avec l’aide de spécialistes : pédiatres, psychologues, pédopsychiatres… Lorsque les intérêts de l’enfant sont en contradiction avec ceux de ses parents, l’enfant non doué de discernement doit bénéficier d’un représentant spécial (appelé aujourd’hui administrateur ad hoc).

En droit civil, le discernement, concept juridique, est le moment où l’enfant est censé pouvoir exprimer de façon intelligible son opinion sur toute affaire le concernant. Des droits capacitaires lui sont reconnus, notamment le droit d’être entendu.

  • Seuils d’âge et individualisation

Afin de mettre en oeuvre la capacité progressive de l’enfant le groupe de travail propose de concilier seuils d’âge et individualisation. Les seuils d’âge existent déjà en droit pénal des mineurs, mais aussi en droit civil, notamment les seuils de treize et seize ans. Cependant les seuils d’âge ne prennent pas en considération le développement individuel de chaque enfant. Le groupe de travail propose le principe de présomption irréfragable de discernement à l’âge de 13 ans.

Tant qu’il n’est pas en âge de discernement, les parents sont les représentants de l’enfant. Cette représentation est sous le contrôle du juge afin de veiller que les parents décident conformément à l’intérêt de l’enfant. Lorsque les intérêts de l’enfant sont en contradiction avec ceux de ses parents, le groupe de travail propose qu’un représentant spécial soit chargé de définir et de défendre ses intérêts.

  • L’acquisition progressive de droits

Dès qu’il a le discernement, l’enfant doit disposer d’un certain nombre de droits capacitaires :

– Le droit d’être entendu dans toutes les situations qui le concernent ainsi que le commande l’article 3 de la CIDE. Dès lors qu’il a 13 ans le juge, sauf avis contraire de l’enfant, doit entendre ce dernier. Comme la loi actuelle l’exige, il doit entendre tout enfant discernant qui le demande.

– Aujourd’hui l’enfant de plus de treize ans a le droit de donner son consentement à des décisions le concernant : l’adoption, le changement de nom. Le groupe de travail souhaite que son consentement soit requis pour les décisions d’orientation scolaire

– Aujourd’hui, l’enfant a le droit d’agir par lui-même sans le consentement de ses parents : contraception, IVG. Le groupe de travail, souhaite qu’à l’exemple de l’Allemagne, l’adolescent de plus de treize ans puisse choisir librement sa religion et qu’il puisse saisir le juge dans toute question le concernant et interjeter appel.

  • La pré-majorité à seize ans ?

A seize ans, l’enfant a déjà certains droits. On peut considérer que la pré-majorité pénale existe déjà. En effet le mineur criminel de plus de seize ans est jugé par une Cour d’assises. L’excuse atténuante de minorité peut lui être retirée. Le principe est de lui reconnaître de nouveaux droits sans pour autant qu’il ne soit assimilé à un majeur. Le groupe propose de lui accorder un statut comparable à la curatelle. L’adolescent peut poser des actes importants avec l’autorisation de ses parents. Cependant, il acquiert des droits qui n’exigent pas l’autorisation parentale. Ainsi, on peut considérer qu’il doit être le seul concerné à son orientation scolaire et que seul son consentement est nécessaire. Il doit pouvoir demander son émancipation.

  • Promouvoir la citoyenneté progressive de l’enfant

La notion de citoyenneté est aujourd’hui galvaudée. On confond souvent citoyenneté et civilité, citoyenneté et défense de ses intérêts individuels ou catégoriels. Rappelons le sens de la citoyenneté telle qu’il a été entendu par les fondateurs de la République française. Etre citoyen consiste à participer à la chose publique (res publica). Les droits de l’enfant, comme les droits de l’homme ne se limitent pas à proclamer des droits individuels. Ils sont aussi des droits du citoyen. La citoyenneté n’est pas donnée d’un coup le jour des dix-huit ans. Elle s’acquiert par l’exercice3. C’est en exerçant des droits en fonction de ses capacités que l’on devient progressivement un être autonome entendu au sens propre, c’est-à-dire un individu capable de mener librement son projet de vie dans le respect des lois à l’élaboration desquelles il a contribué par l’exercice de sa citoyenneté. Les droits de l’enfant ne sont pas un danger pour la République française, ils sont au contraire, une condition pour le renforcement et le développement de la vie démocratique. C’est, notamment, en exerçant ses droits d’expression et d’association que l’enfant s’exerce à la citoyenneté.

  • Assurer le droit d’association

Tout enfant doué de discernement doit pouvoir adhérer à une association. Les postes à responsabilité comme celle de président et de trésorier doivent pouvoir être exercés par des mineurs de plus de seize ans.

  • Assurer le droit d’expression

L’éducation à la citoyenneté est un enjeu fort des droits de l’enfant et de la démocratie française. Elle ne s’acquiert pas uniquement par des cours sur les institutions de la République mais par l’exercice des droits d’expression, d’association, par la participation à des instances de décision.

  • Réformer les conseils de classe et conseils de discipline

Actuellement la participation aux conseils ne suscite pas l’enthousiasme des élèves dans la mesure où ils ont le sentiment de ne pas être entendus. Nombre d’enseignants se méfient de la participation des élèves. Ils considèrent que les enfants doivent recevoir les savoirs avant de pouvoir exercer des responsabilités alors que l’apprentissage de la citoyenneté s’acquiert par l’exercice : droit d’association y compris dans les établissements scolaires, droit d’expression, participation à des instances scolaires où la voix de l’élève est prise en considération.

  • Généralisation des conseils municipaux pour enfants

Les conseils municipaux pour enfants sont une des modalités intéressantes de l’apprentissage de la citoyenneté. Ils méritent d’être généralisés à toutes les municipalités.

  • Droit de vote à 16 ans dans les élections locales

On peut comprendre que le droit de vote de l’adolescent de plus de seize ans peut être envisagé. Si l’adolescent peut être jugé et condamné comme un adulte, il doit pouvoir exercer sa citoyenneté comme un adulte, notamment en pouvant être un électeur et un élu dans les élections locales à partir de 16 ans. Mais cela ne pourra être considéré que comme un gadget si la mesure n’est pas accompagnée d’une éducation à la citoyenneté basée sur l’exercice.

  • Informer et accompagner les droits de l’enfant

Il ne suffit pas d’avoir des droits. Il est aussi important d’être informés sur ses droits. Sur toute question judiciaire ou administrative le concernant, l’enfant en âge de lire doit être informé de ses droits par un courrier adressé personnellement et rédigé selon son âge.

Les droits de l’enfant doivent être enseignés dans la formation des enseignants et des travailleurs sociaux. Ils doivent également être intégrés dans l’éducation des enfants.

Il est également important de développer, à l’exemple de la Belgique, des centres d’information juridiques pour les jeunes.

Par ailleurs, comme l’indique la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant que la France a ratifiée, l’enfant doit être accompagné d’un représentant spécial lorsque ses intérêts sont en opposition avec ceux de ses parents. Le groupe propose que la professionnalisation et que la formation des administrateurs ad hoc soient favorisées et que le terme de représentant spécial leur soit préféré.

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