Intermédiation financière des pensions alimentaires : synthèse du webinaire CNB/gouvernement/ARIPA
Comme annoncé (AJ fam. 2022. 108), un webinaire s’est tenu le 18 mars 2022 sur l’intermédiation financière des pensions alimentaires (IFPA) avec des représentants du CNB (Valérie Grimaud et Charlotte Robbe), des directions des affaires civiles et du Sceau (DACS), des services judiciaires (DSJ), de la sécurité sociale (DSS) et de l’agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA). L’occasion pour tous d’apporter des précisions sur un dispositif qui peine à convaincre les avocats.
Avant toute chose, il a été rappelé que l’IFPA s’applique à tout public, allocataire ou pas, quel que soit le montant des revenus perçus et quand bien même la condition d’isolement ne serait pas remplie pour le bénéfice de l’allocation de soutien familial (ASF).
Notification – C’est au greffe qu’il revient de notifier aux parties l’ensemble des décisions judiciaires fixant une pension alimentaire « intermédiée ». Certes, tout avocat pourra faire procéder à la signification de la copie conforme de la décision prévoyant l’IFPA, en parallèle de la notification opérée par le greffe, dans le souci de maîtriser le délai d’appel et de faciliter la preuve du caractère exécutoire de la décision. Reste qu’il sera bien difficile aux praticiens de savoir laquelle des deux notifications est intervenue en premier, alors que c’est la première signification qui fait partir le point de départ du délai d’appel… S’agissant des délais de notification, ils varient de 5 à 15 jours, il est recommandé au greffe une notification aux parties dans les 7 jours qui suivent l’audience, de façon à permettre un alignement avec le délai de transmission dématérialisé des données qui sont nécessaires à l’ARIPA pour la mise en œuvre de l’IFPA.
Recherche d’informations sur les parties – Lorsque le débiteur n’est pas facilement localisable, l’ARIPA a accès à des « portails » lui permettant d’identifier toute personne bénéficiant d’une protection sociale. Ce qui s’avère a priori très efficace.
Pour l’heure, il n’y a pas de transmission automatique de données entre l’ARIPA et l’administration fiscale. Ce qui devrait changer à l’avenir.
Charge de travail du greffe – Le recrutement de 200 personnes supplémentaires est confirmé, selon la répartition suivante : 60 greffiers, 30 adjoints administratifs et 110 contractuels, à raison d’un effectif par juridiction (164 tribunaux judiciaires et 36 cours d’appel). Les 90 juridictions confrontées au plus gros volume bénéficieront d’un greffier ou d’un adjoint administratif, tandis que les 110 restantes jouiront du renfort d’un contractuel C (v. le point de vue de Sophie Spens, in Quinquennat Macron : quelle évolution du droit des personnes et de la famille, Dalloz actualité 7 avril 2022).
Délais de traitement – Les délais sont en moyenne de 28 jours pour la mise en place de l’IFPA (qui tiennent compte des délais postaux d’envoi des premiers courriers au parents, de leur réponse avec indication des modalités de paiement et du temps de traitement des documents). Le premier paiement intervient le mois suivant la constitution complète du dossier. Entre-temps le paiement se fait directement entre les mains du créancier. Des évolutions sont en cours pour permettre aux parents l’envoi par voie dématérialisée de leur RIB et autorisation de prélèvement, ce qui viendra réduire le temps du traitement.
Modalités de paiement des pensions alimentaires – Trois modalités sont possibles, le prélèvement (vivement souhaité et choisi, pour l’heure, par 50 % des parents débiteurs), le virement et le chèque. Si le débiteur ne communique aucune information relative à son compte, les pénalités prévues sont enclenchées, voire le recouvrement forcé et, en tout dernier recours, des sanctions pénales. En cas de rejet de prélèvement (défaut de provision, changement de compte bancaire), le débiteur est alerté et du temps lui est accordé avant la mise en place du recouvrement forcé. Prochainement, il sera loisible aux débiteurs, comme aux créanciers, d’indiquer le changement de compte bancaire via le compte ARIPA en ligne sur pension-alimentaire.caf.fr. Pour les personnes peu habituées à l’outil informatique, elles pourront se rendre au sein des CAF ou MSA, voire prendre rendez-vous auprès de travailleurs sociaux qui peuvent se mettre à disposition des parents.
Le montant perçu par les CAF et MSA est reversé le plus rapidement possible au créancier et ne génère aucun intérêt entre-temps pour l’ARIPA.
L’ARIPA reverse la totalité de la pension alimentaire au parent créancier, sauf en cas d’impayé. Le cas échéant, l’ASF recouvrable (de 118,20 € par mois depuis le 1er avril) est avancée et, lorsque la pension est effectivement recouvrée, elle est reversée en déduisant l’avance faite.
Décomptes des sommes versées – Les parties peuvent demander des décomptes qui seront édités manuellement. À l’avenir, créanciers comme débiteurs pourront les obtenir sur le compte Aripa et y éditer des attestations.
Frais de gestion de l’Aripa – Le service est gratuit pour les deux parents, débiteur comme créancier. Aucun frais n’est facturé aux bénéficiaires de l’IFPA ni retenu sur la pension versée. En revanche, en cas d’impayé, il sera réclamé au débiteur des frais de gestion qui seront, pour un recouvrement amiable, de 7,5 % du montant de la pension alimentaire, et, pour un recouvrement forcé, de 10 %.
Le cas des violences conjugales – Les violences conjugales et intrafamiliales empêchent d’écarter l’IFPA au moment de la fixation de la pension alimentaire, voire d’y mettre fin lorsque l’intermédiation a déjà été mise en œuvre. Il s’agit des violences imputées au débiteur à l’encontre du parent créancier ou de l’enfant concerné par la pension alimentaire. Les violences doivent avoir fait l’objet soit d’une plainte, soit d’une décision de condamnation prononcée à l’encontre du débiteur, soit d’une décision de justice – pénale ou civile rendue dans le cadre d’une instance à laquelle le parent débiteur était partie – qui les mentionne dans les motifs ou le dispositif. Quant au juge, s’il devra évidemment examiner les pièces produites par les parties pour vérifier la présence de tels éléments, il pourra toujours, en leur absence, interroger les parties lors de l’audience pour savoir si une telle pièce existe. En revanche, il n’est tenu à aucune investigation supplémentaire. Il s’en tiendra aux déclarations des parties et aux pièces produites.
S’agissant du divorce par consentement mutuel déjudiciarisé, l’avocat n’aura à prendre en considération que les plaintes, condamnations ou décisions de justice produites par le parent créancier et non celles qui le seraient par le parent débiteur.
Recouvrement forcé – Les parents sont informés par courrier du recouvrement forcé et de toutes les démarches mises en œuvre. À terme, ils le seront via leur compte ARIPA.
Juridiction compétente en cas de contentieux – Lorsque des pénalités sont notifiées au débiteur sur décision du directeur de la CAF ou MSA, elles peuvent être contestées devant le tribunal administratif. Leur recouvrement (via l’ensemble des mesures d’exécution qui sont ouvertes à l’ARIPA relativement aux créances alimentaires) pourra être contesté devant le JEX du tribunal judiciaire.
En cas d’impayé, là aussi les procédures d’exécution forcée pourront être contestées devant le JEX du TJ. Si le débiteur considère qu’un prélèvement est indu, il peut, à l’occasion de cette contestation, demander au JEX la condamnation du créancier en restitution de ce trop-perçu.
En présence de prélèvements indus sans que des mesures d’exécution aient été par ailleurs engagées, le TJ sera compétent. Et l’ARIPA, si elle ne peut ajuster les mensualités à venir en conséquence, pourra elle-même engager une action en répétition de l’indu.
Remontées « terrain » – Un questionnaire du CNB sera diffusé dans les différents ordres pour des remontées « terrain ».
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