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Actualité jurisprudentielle de la semaine dernière : autorité parentale, filiation, famille et successions/DIP

11/04/2022

Jurisprudence3La semaine dernière, nous n’avons relevé que des décisions des instances européennes, mais pour trois d’entre elles très attendues côté français :

  • autorité parentale
  • filiation
  • famille
  • successions

  • AUTORITÉ PARENTALE

Le refus d’accorder un droit de visite et d’hébergement à une femme qui a élevé l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation durant les deux premières années de sa vie avant de se séparer de la mère constitue une violation du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Conv. EDH (CEDH, 7 avr. 2022, Callamand c/ France, n° 2338/20) – Selon le communiqué de la CEDH, « après avoir relevé qu’il existait entre la requérante et l’enfant des liens personnels effectifs bénéficiant de la protection de l’article 8 de la Convention, la Cour a noté que la requérante ne demandait ni d’établir un lien de filiation ni d’obtenir le partage de l’autorité parentale, mais seulement la possibilité de continuer à voir, de temps en temps, un enfant à l’égard duquel elle avait agi en se considérant comme un co-parent pendant plus de deux ans depuis sa naissance. La Cour souligne, d’une part, qu’il est difficile de déceler dans le raisonnement de la cour d’appel de Bordeaux [dont l’arrêt a été confirmé par la Cour de cassation, Civ. 1re, 26 juin 2019, n° 18-17.767], qui n’avait pas estimé nécessaire de procéder à une évaluation psychologique de l’enfant, la raison pour laquelle elle s’est séparée de l’appréciation du tribunal de grande instance de Bordeaux et du ministère public quant à l’issue à réserver à la demande de la requérante. Elle note, d’autre part, que les motifs de l’arrêt de la cour d’appel ne démontrent pas qu’un juste équilibre ait été ménagé entre l’intérêt de la requérante à la préservation de sa vie privée et familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle conclut donc à une violation de l’article 8 de la Convention. En ce qui concerne le grief de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, présenté par la requérante, la Cour, après avoir relevé qu’il n’avait pas été soulevé devant le juge interne, conclut que l’exigence d’épuisement des voies de recours internes n’est pas remplie. »

NB – Un contentieux qui devrait se tarir avec la nouvelle  reconnaissance conjointe anticipée de l’enfant devant notaire. Pour un commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation, v. M. Saulier, AJ fam. 2019. 460.

  • FILIATION

Le refus des juridictions nationales d’établir le lien de paternité d’un enfant né d’une gestation pour autrui et confié à un couple tiers respecte l’intérêt supérieur de l’enfant et n’est pas contraire à la Convention (CEDH, 7 avr. 2022, A.L. c/ France,  n° 13344/20) –  On se souvient de cette affaire dans laquelle un couple d’hommes avait contracté, avec une mère porteuse, une convention de GPA, aux termes de laquelle celle-ci devait porter, contre rémunération, l’enfant qu’elle concevrait à l’aide du sperme de l’un ou de l’autre. Mais la mère porteuse avait fait croire au décès de l’enfant, pour pouvoir le confier, là encore contre rémunération, à un autre couple (hétérosexuel).  La mère porteuse, le couple homosexuel commanditaire ainsi que le couple hétérosexuel ont été condamnés pénalement. Le père biologique de l’enfant a alors assigné les deux parents légaux en contestation de la paternité et établissant sa propre paternité sur l’enfant. Il a demandé le changement de nom du mineur, l’exercice exclusif de l’autorité parentale et la fixation de la résidence de chez lui. Sans succès (Civ. 1re, 12 sept. 2019, n° 18-20.472). Saisie de l’affaire, la CEDH observe que le rejet de la demande du requérant tendant à l’établissement en droit de sa paternité à l’égard de l’enfant, dont il est établi qu’il est le père biologique, est constitutif d’une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée. Seulement, la satisfaction de ses demandes aurait conduit non seulement à l’établissement de sa paternité à l’égard de l’enfant mais aussi à ce qu’il exerce l’autorité parentale, ce qui aurait mis fin à la structure familiale dans laquelle l’enfant évoluait de manière stable depuis sa naissance. La CEDH estime dès lors pertinents les motifs retenus par les juridictions nationales au regard de la mise en balance du droit au respect de la vie privée du requérant et le respect de la vie privée et familiale de l’enfant ainsi que son intérêt supérieur. En revanche, la durée de 6 ans et un mois de la procédure constitue un manquement au devoir de diligence exceptionnelle de l’État défendeur. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Conv. EDH. Mais ce constat de violation ne saurait être interprété comme mettant en cause l’appréciation de la cour d’appel de l’intérêt supérieur de l’enfant  et sa décision de rejeter les demandes du requérant, confirmées par la Cour de cassation.

NB – Pour un commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation, v. F. Chénedé et P. Salvage-Gerest, AJ fam. 2019. 531.

  • FAMILLE / VIE PRIVÉE ET FAMILIALE

Une circulaire à destination des administrations nationales permettant le scannage et l’enregistrement des correspondances de détenus constitue une atteinte au respect de la vie privée et familiale (CEDH, 29 mars 2022, Nuh Uzun e.a. c/ Turquie, n° 49341/18 ) – Le fait de scanner et d’enregistrer les lettres échangées par des détenus sur un système national constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale. À  l’époque des faits, aucune disposition  législative ou administrative ne faisait mention d’un quelconque scannage et enregistrement de la correspondance des détenus et des condamnés sur le système informatique UYAP. Ces pratiques étaient seulement indiquées dans une instruction émanant du ministère de la justice à destination des procureurs de la République et des administrations pénitentiaires, documents internes non publiés et non communiqués aux détenus et donc dépourvus de force obligatoire. L’ingérence litigieuse n’était pas prévue par la loi. Partant, la CEDH conclut à la violation de l’article 8 de la Convention.

  • SUCCESSIONS

La juridiction nationale saisie de manière erronée d’une contestation en matière successorale au titre de la compétence générale doit d’office examiner sa compétence au regard des autres règles du Règlement « Successions » (CJUE, 7 avril 2022, n° C‑645/20– L’article 10, § 1, sous a), du Règlement « Successions » n° 650/2012 du 4 juillet 2012 doit être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre doit relever d’office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à cette disposition lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale établie à l’article 4 de ce règlement, elle constate qu’elle n’est pas compétente au titre de cette dernière disposition.

NB – La CJUE a été saisie d’un renvoi préjudiciel par la Cour de cassation.

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