Sélection jurisprudentielle : adoption, autorité parentale, divorce, mineurs, régimes matrimoniaux et succession
Voici les décisions du mois de décembre que j’ai relevées à ce jour :
- adoption
- autorité parentale
- divorce
- mineurs
- régimes matrimoniaux
- succession
- Adoption
Exequatur d’un jugement d’adoption étranger : nécessité de motivation ou d’équivalent pour respecter l’ordre public international (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° 23-15.672, 695 FS-B+R) – Est contraire à la conception française de l’ordre public international la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante. En matière d’adoption, le juge de l’exequatur doit être en mesure, à travers la motivation de la décision ou les documents de nature à servir d’équivalent qui lui sont fournis, de connaître les circonstances de l’adoption et de s’assurer qu’il a été constaté que ses parents ou ses représentants légaux y ont consenti dans son principe comme dans ses effets.
Annulation d’une adoption plénière : point de départ de la prescription quadriennale en matière de responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice (Civ. 1re, 4 déc. 2024, n° 23-13.144, 671 FS-D) – Viole les articles 1er et 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 une cour d’appel qui déclare irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité engagée contre l’État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice (annulation du jugement d’adoption plénière d’un enfant par le nouveau conjoint consécutive à des manoeuvres dolosives visant à supprimer la filiation paternelle), en retenant que le point de départ de la prescription quadriennale est la date du jugement d’adoption irrégulier, alors qu’il ne résulte pas de ses constatations que les intéressés disposaient, dès 1995 pour le père, et dès leur majorité pour les enfants, d’indications suffisantes sur le fait que le tribunal aurait pu avoir commis une faute en prononçant l’adoption plénière.
- Autorité parentale
Interdiction de contacts injustifiée entre des enfants et leur mère (CEDH, 19 déc. 2024, X et a. c/ Slovénie, n° 27746/22 et 28291/22) – La Cour juge, d’abord, qu’en attribuant l’affaire des requérants à un juge spécifique, au mépris de critères objectifs préétablis, le président du tribunal de district a contrevenu au but clair de la législation, qui était d’assurer que les affaires fussent attribuées au hasard, en violation de l’art. 6 de la Conv. EDH (§ 126).
Elle considère, ensuite, que les deux décisions provisoires et le jugement interdisant les contacts entre les enfants et leur mère n’étaient pas justifiés et que le retrait des enfants à leur mère n’était pas motivé par des raisons pertinentes et suffisantes (§ 170 et 172). De plus, le fait que les juridictions internes n’aient pas veillé à ce que les intérêts des enfants fussent représentés de manière appropriée dans le cadre de la procédure relative au droit de visite et à la garde s’analyse en lui-même en une atteinte au droit des enfants au respect de leur vie familiale (§ 175).
- Divorce
Conditions de la condamnation pour propos diffamatoires dans le cadre d’une procédure de divorce (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° 22-19.398, 696 F-D) – Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 une cour d’appel qui condamne une épouse à verser des dommages-intérêts à son époux pour des propos diffamatoires contenus dans ses écritures (le mari lui aurait volontairement administré des substances nuisibles et se serait livré à un travail dissimulé en même temps qu’à la dissimulation volontaire de capitaux en raison de leur provenance illégale), sans rechercher si ces propos étaient étrangers à l’instance judiciaire.
Date d’appréciation de la prestation compensatoire en cas d’appel (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° 22-21.107, 702 F-D) – Viole les articles 260, 270 et 271 du code civil ainsi que l’article 562 du code de procédure civile une cour d’appel qui, pour condamner l’époux à payer une prestation compensatoire en capital, se place à la date des conclusions de l’intimé, alors que l’épouse avait interjeté appel du prononcé du divorce. En l’absence d’incident d’instance ou de fin de non-recevoir permettant d’y faire exception, c’est au jour où la cour d’appel statuait qu’elle devait apprécier l’existence du droit de l’épouse à bénéficier d’une prestation compensatoire.
Rectification d’une erreur matérielle dans une ordonnance de non-conciliation : absence d’acceptation du principe de la rupture du mariage (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° 23-13.387, 703 F-D) – Viole l’article 462 du code de procédure civile une cour d’appel qui, pour annuler une ordonnance de non-conciliation, retient qu’à supposer que sa disposition mentionnant l’existence d’un procès-verbal d’acceptation de la cause du divorce résulte d’une erreur matérielle, celle-ci relève de l’autorité de la chose jugée en ce qu’elle porte sur la cause du divorce et n’est pas sans conséquence quant aux droits des parties puisque, faute de succombance en première instance de ce chef, la voie de l’appel ne leur est pas ouverte. Or, il résultait des mentions et motifs de l’ordonnance comme des conclusions d’appel des parties que les époux n’avaient pas accepté le principe de la rupture du mariage, de sorte que la rectification demandée ne pouvait modifier leurs droits et obligations reconnus par cette décision.
- Mineurs
Un État membre ne peut exclure du bénéfice d’allocations familiales le travailleur étranger dont les enfants, nés dans un pays tiers, ne justifient pas être entrés régulièrement sur son territoire (CJUE, 19 déc. 2024, Caisse d’allocations familiales des Hauts-de-Seine c/ TX, aff. C-664/23) – Il est contraire au droit de l’Union (Dir. 2011/98/UE du 13 déc. 2011, art. 12, § 1, ss e) de subordonner le droit aux prestations familiales des ressortissants de pays tiers résidant régulièrement en France à une condition supplémentaire, consistant à devoir justifier de l’entrée régulière sur le territoire français des enfants au titre desquels les prestations familiales sont demandées. Imposer une telle condition réserve aux ressortissants de pays tiers un traitement moins favorable que celui dont bénéficient les ressortissants de l’État membre d’accueil.
- Régimes matrimoniaux
Charge de la preuve dans la demande de récompense à la communauté (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° 22-22.828, 710 F-D) – Viole l’article 1437 du code civil, ensemble l’article 1315 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, une cour d’appel qui, pour dire que l’époux doit récompense à la communauté à hauteur d’une certaine somme au titre de l’encaissement par lui de fonds communs, constate qu’une telle somme a été retirée du compte d’exploitation commun pour être versée sur le compte d’exploitation ouvert à son seul nom, et retient qu’aucune justification n’est apportée par celui-ci à ce mouvement, alors qu’il incombe à l’époux qui réclame une récompense au nom de la communauté de prouver que les deniers communs ont profité personnellement à son conjoint.
- Succession
Conditions des recels successoral et communautaire (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° n° 23-12.102, 697 F-D) – Viole l’article 778 du code civil une cour d’appel qui rejette la demande de recel successoral formée par un héritier contre le conjoint survivant, en affirmant que ce dernier n’est pas en indivision avec les autres héritiers sur l’usufruit dont le montant n’est pas déterminé, alors qu’il résulte de ses constatations que le conjoint survivant est en indivision en nue-propriété avec eux sur les biens propres de la succession. De même, viole l’article 1477 du code civil cette même cour d’appel qui rejette la demande de recel de communauté en affirmant que le conjoint survivant n’est pas en indivision sur l’usufruit dont le montant n’est pas déterminé, alors qu’il résulte de ses constatations que le conjoint survivant est en indivision en nue-propriété avec l’héritier sur les biens de la communauté. Enfin, viole l’article 778 du code civil cette même cour d’appel qui rejette la demande de recel successoral formée par l’héritier contre le conjoint survivant, en affirmant que ce dernier ne peut être condamné pour recel successoral concernant les biens que le défunt avait recueillis dans la succession de son père dont il n’est pas l’héritier, alors que, d’une part, le défunt, décédé avant la réalisation du partage de la succession de son père, avait recueilli (avec son frère et son fils) les droits d’héritier dans la succession de celui-ci et avait transmis les siens à ses propres héritiers et, d’autre part, qu’il résultait de ses constatations que le conjoint survivant était en indivision tant en nue-propriété qu’en usufruit avec eux sur les biens dépendant de la succession de du père du défunt.
Rapport à la masse successorale de retraits bancaires effectués par l’un des héritiers mandataire (Civ. 1re, 11 déc. 2024, 22-22.930, 709 F-D) – Ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles 1315, alinéa 1er, devenu 1353, alinéa 1er, et 1993 du code civil une cour d’appel qui ordonne le rapport à la masse successorale par une héritière, mandataire sur les comptes bancaires de la défunte, de la somme de 81 370 euros au titre des retraits d’espèces, sans constater que les retraits litigieux avaient été effectués par elle, ce qu’elle contestait. S’il incombe au mandataire de justifier de l’utilisation des fonds qu’il a reçus ou prélevés, il appartient à celui qui impute un détournement du mandataire de prouver qu’il est l’auteur du retrait.
Obligation pour le codébiteur solidaire du défunt de déclarer sa créance au titre de la contribution aux dettes du défunt : gare à la prescription (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° 22-17.867, 707 F-B) – Lorsque la succession a été acceptée par un héritier à concurrence de l’actif net, l’obligation de déclaration des créances, en application de l’article 792 du code civil, s’impose au codébiteur solidaire du défunt qui, après avoir désintéressé le créancier initial, dispose d’un recours en contribution à l’égard des héritiers, à proportion de leurs parts successorales. C’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu, d’une part, que, si la totalité de la dette fiscale du défunt n’était pas exigible à la date du décès, le fait générateur de l’impôt était antérieur à cette date, de sorte qu’il s’agissait d’une dette de la succession se trouvant, en application de l’article 870 du code civil, divisée entre ses héritiers et, d’autre part, que son épouse, codébitrice solidaire de l’impôt à l’égard de l’administration fiscale ayant payé plus que sa part, s’était trouvée créancière de la succession et non directement créancière des autres héritiers, ces derniers venant seulement aux droits et obligations de leur auteur du chef duquel était née la dette fiscale. En l’absence de déclaration de sa créance au domicile élu par les filles du défunt dans le délai de quinze mois suivant la publication de l’avis d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net, sa créance au titre de la contribution aux dettes du défunt se trouvait éteinte, sans que la cour d’appel ait à distinguer selon que les paiements effectuées étaient antérieurs ou postérieurs à la date d’expiration de ce délai.
Conditions de l’attribution préférentielle en présence d’un usufruit : absence de caractère sérieux des questions prioritaires de constitutionnalité (Civ. 1re, QPC, 11 déc. 2024, n° 24-15.624, 745 F-D) – La Cour dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux articles 831 et 833 du code civil.
Les questions étaient les suivantes :
– Les articles 831 et 833 du code civil en ce qu’ils permettent une attribution préférentielle en pleine propriété d’un bien grevé d’un usufruit, sans l’accord de l’usufruitier ni indemnisation de ce dernier, méconnaissent-ils la garantie du droit de propriété édictée par l’article 17 de la Déclaration de 1789 ?
– Subsidiairement, les articles 831 et 833 du code civil en ce qu’ils permettent une attribution préférentielle en pleine propriété d’un bien grevé d’un usufruit, sans prévoir l’indemnisation de l’usufruitier privé de son droit sont-ils entachés d’incompétence négative en méconnaissance des articles 17 de la Déclaration de 1789 et 34 de la Constitution ? »
Pour la Cour, l’attribution préférentielle, en tant que modalité du partage, ne peut porter que sur les droits compris dans l’indivision à partager. Dès lors, si l’indivision n’existe qu’en nue-propriété, le copropriétaire en nue-propriété ne peut être admis, en application de l’article 833, alinéa 1er, du code civil, qu’à solliciter une attribution en nue-propriété. En conséquence, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.
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