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Sélection jurisprudentielle de la semaine : divorce/liquidation partage ; mineur/enlèvement international

28/03/2024

Jurisprudence3Deux décisions seulement pour cette semaine. L’une doit toutefois spécialement retenir l’attention en ce qu’elle constitue un revirement de jurisprudence dans le cadre de la procédure de partage ; un revirement qui sera, à n’en pas douter, diversement apprécié selon les commentateurs.

  • Divorce/liquidation et partage
  • Mineur/enlèvement international

 

  • Divorce/liquidation et partage

 

Revirement de jurisprudence :  ne méconnaît pas son office le juge qui, saisi de demandes au stade de l’ouverture des opérations de partage, estime qu’il y a lieu de renvoyer les parties devant le notaire afin d’en permettre l’instruction (Civ. 1re, 27 mars 2024, n° 22-13.041, 159 FS-B) –  Il résulte de l’article 4 du code civil que le juge, auquel il incombe de trancher lui-même les contestations soulevées par les parties, ne peut se dessaisir et déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur.

La première chambre civile de la Cour de cassation jugeait, depuis de nombreuses années, que constitue une violation de l’article 4 du code civil le fait, pour le juge saisi d’une demande d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, de s’abstenir de trancher les contestations soulevées par les parties et de renvoyer celles-ci devant le notaire liquidateur pour apporter les justificatifs de leurs demandes (Civ. 1re , 2 avril 1996, n° 94-14.310, Bull. 1996, I, n° 162 ;  Civ. 1re , 21 juin 2023, n° 21-20.323).

Cependant, cette jurisprudence, dans sa rigueur, ne tient pas compte de la spécificité de la procédure de partage judiciaire dit complexe prévue aux articles 1364 à 1376 du code de procédure civile, qui comprend une phase au cours de laquelle le notaire désigné par le tribunal pour procéder aux opérations de partage sous la surveillance d’un juge commis convoque les parties et demande la production de tout document utile pour procéder aux comptes entre elles et à la liquidation de leurs droits, avant de dresser un projet d’état liquidatif, conformément aux articles 1365 et 1368 du même code.

D’abord, dans une telle procédure, c’est en principe par cette phase notariée que commencent les opérations de partage. Il est rappelé à l’article 1372 du code de procédure civile qu’en application de l’article 842 du code civil, les copartageants peuvent à tout moment abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable, si les conditions en sont réunies. Il est dès lors conforme à l’esprit de ce dispositif de permettre l’instruction par le notaire des désaccords relatifs aux comptes, à la liquidation et au partage, afin d’en favoriser le règlement amiable.

Ensuite, si le traitement anticipé par le juge des différends opposant les copartageants peut parfois favoriser le bon déroulement des opérations de partage en permettant, notamment, l’établissement de la qualité d’héritier ou de légataire ou la détermination en amont de la loi applicable au litige ou des éléments actifs et passifs de la masse à partager, il peut également présenter des inconvénients. Ainsi, en présence de demandes portant sur l’évaluation de biens objets du partage ou de créances calculées au profit subsistant, une décision immédiate sera dépourvue de l’autorité de la chose jugée si elle ne fixe pas la date de jouissance divise (Civ. 1re , 3 mars 2010, n° 09-11.005, Bull. 2010, I, n° 50 ; Civ. 1re , 21 juin 2023, n° 21-24.851, publié), laquelle doit être la plus proche possible du partage et ne saurait, en principe, être fixée dès l’ouverture des opérations. Aussi, l’opportunité d’un traitement préalable d’une difficulté dépendant des circonstances propres à chaque procédure de partage, il apparaît nécessaire de permettre au juge de l’apprécier.

Enfin, selon les articles 1373, alinéas 1 et 2, et 1375, alinéa 1er, du code de procédure civile, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif, le notaire est tenu d’en référer au juge commis, et c’est au tribunal qu’il revient de trancher les points de désaccord subsistants dont le juge commis lui a fait rapport. Il s’ensuit que ne délègue pas ses pouvoirs le juge qui, saisi de contestations au stade de l’ouverture des opérations de partage judiciaire, renvoie les parties devant le notaire afin d’en permettre l’instruction, dans l’intérêt du bon déroulement des opérations de partage.

Ces considérations conduisent la Cour à juger désormais que ne méconnaît pas son office le juge qui, saisi de demandes au stade de l’ouverture des opérations de partage, estime qu’il y a lieu de renvoyer les parties devant le notaire afin d’en permettre l’instruction.

Après avoir relevé que les avis versés aux débats, relatifs aux taxes foncières des années 2014, 2015 et 2016, étaient au nom des deux parties, et retenu qu’ils ne permettaient pas de savoir laquelle avait réglé ces taxes, c’est sans méconnaître son office que la cour d’appel a décidé qu’il appartiendrait à l’épouse de justifier du paiement de ces taxes devant le notaire pour fonder son droit à créance, à défaut de quoi aucune créance ne serait fixée à son bénéfice à ce titre.

NB – Cette importante décision sera commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Jérôme Casey.

  • Mineur

Le retour de l’enfant auprès de son père au Japon en vertu de la Convention de La Haye n’a pas porté atteinte au droit au respect de la vie familiale de sa mère (CEDH, 28 mars 2024, no 19664/20, Verhoeven c/ France) – Pour la Cour, les tribunaux internes n’ont pas ordonné le retour de l’enfant de façon automatique ou mécanique. Bien au contraire, dans une procédure contradictoire et équitable, ils ont dûment pris en compte les allégations de la requérante et ont rendu des décisions motivées, qui selon eux, poursuivaient l’intérêt supérieur de l’enfant et ont permis d’exclure tout risque grave pour lui. La Cour conclut que le processus décisionnel a satisfait aux exigences de l’article 8 de la Convention et que, partant, l’ingérence dans le droit de la requérante au respect de sa familiale était nécessaire dans une société démocratique. Dès lors, il n’y a pas eu violation de cette disposition.

NB – En l’espèce, la Cour de cassation avait une première fois cassé la décision d’appel pour omission de vérification du risque de danger résultant de la perte de ses droits parentaux par la mère en cas de retour au Japon (Civ. 1re, 22 nov. 2018, n° 18-20.546). Mais la cour d’appel de renvoi, avait confirmé la décision de retour immédiat de l’enfant et le nouveau pourvoi formé a été rejeté (Civ. 1re, 21 nov. 2019, n° 19-19.388, AJ fam. 2020. 74, obs. Kevin Bihannic). Si la Cour conclut à la non-violation de l’article 8 Conv. EDH, elle reconnaît toutefois « que les motifs retenus par les juges internes pour écarter l’allégation de l’existence d’un risque de privation des droits parentaux au Japon et de l’exposition de L. à un danger psychologique au motif qu’il serait privé de sa relation avec sa mère ne répondent pas entièrement aux inquiétudes légitimes de la requérante concernant la loi japonaise, clairement exprimées par le ministère public devant la cour d’appel de Toulouse, les parlementaires français et le Parlement européen […]. Cela étant, elle relève que la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel de renvoi a  » procédé aux recherches prétendues omises  » sur ce point et considère que lesdits motifs suffisent à ce qu’elle regarde l’obligation procédurale découlant de l’article 8 en la matière comme remplie. En effet, premièrement, comme le souligne le Gouvernement, la Convention de la Haye interdit que les questions de fond liées à la garde ou à l’exercice de l’autorité parentale soient déterminées par les autorités françaises dans le cadre de la procédure de retour […]. Deuxièmement, la Cour relève que les motivations des juridictions internes ne se sont pas limitées au constat de l’absence de preuves apportées par la requérante sur la possible privation de ses droits parentaux par le droit japonais, étant noté que celle-ci n’avait jamais tenté de mettre à exécution son engagement d’accompagner L. au Japon ; elles ont, au contraire, pris leur décision en toute connaissance de cause, en écartant les informations apportées par le ministère public sur la situation au Japon […] mais également, comme l’indique la Cour de cassation […], en tenant compte de celles fournies par les autorités japonaises compétentes. Elles ont, troisièmement, jugé que la médiation engagée entre les parents au moment de leur prise de décision constituait un élément important qu’il convenait de ne pas sous-estimer au regard de l’intérêt de l’enfant et de la possibilité qu’il garde des relations avec ses deux parents. Elles ont, enfin, et quatrièmement, insisté sur la qualité de partie contractante du Japon à la Convention de la Haye, et refusé de préjuger de la situation juridique qui résulterait de l’ouverture d’une procédure de divorce dans ce pays. »

Cette décision sera prochainement commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Alexandre Boiché.

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