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Veille jurisprudentielle : filiation, indivision, procédure familiale et succession

08/03/2024

Jurisprudence3Je n’ai retenu que quatre arrêts pour cette fin de semaine.

  • Filiation
  • Indivision
  • Procédure familiale
  • Succession

  • Filiation

Impossibilité pour le père biologique de contester la déclaration de paternité faite par le mari de la mère et d’établir sa propre paternité : violation de l’article 8 Conv. EDH (CEDH, 7 mars 2024, n° 9525/19, Vagdalt c/ Hongrie) –  En l’occurrence, l’action civile du père biologique avait été déclarée prescrite en raison de l’incapacité du tuteur désigné par l’État à engager en temps utile les voies légales nécessaires, privant le requérant de la possibilité d’établir une relation juridique avec son enfant. Les retards dans la procédure ont fini par annihiler toute perspective de réussite.

  • Indivision

Partage judiciaire : irrecevabilité d’une demande sur le fondement des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile faute de projet d’état liquidatif dressé par le notaire (Civ. 1re, 6 mars 2024, n° 22-15.311, 112 F-B) –  Il résulte des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile qu’en matière de partage judiciaire, seules les demandes distinctes de celles portant sur les points de désaccord subsistant entre les copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, dont le juge commis a fait rapport au tribunal, et dont le fondement n’est pas né ou révélé postérieurement à ce rapport, sont irrecevables.

Ayant relevé que le notaire désigné pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage avait transmis un procès-verbal de difficultés au juge commis, qui avait convoqué les parties à une audience de conciliation puis dressé un procès-verbal de non-conciliation, une cour d’appel écarte à bon droit le moyen tiré de l’irrecevabilité d’une demande sur le fondement des textes susvisés, faute de projet d’état liquidatif dressé par le notaire.

NB – v. Civ. 1re, 14 mars 2018, n° 17-16.045, AJ fam. 2018. 301, obs. J. Casey. – V. égal. Th. Lépine, Point d’étape sur le juge et notaire commis par le juge aux affaires familiales : beaucoup de questions, quelques réponses, AJ fam. 2023. 436.

  • Procédure familiale

Droit à la preuve et atteinte à la vie privée (Civ. 1re, 28 févr. 2024, n° 21-17.414) – Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée – en l’occurrence,  une surveillance constante des allées et venues de personnes au sein même du domicile privé – à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

NB – Un arrêt qui peut être transposé dans le cadre de violences conjugales. – V. égal. Cass. ass. plén., 23 déc. 2023, n° 20-20.648.

  • Succession

Subrogation liquidative : une atteinte justifiée et proportionnée au droit de propriété du donataire (Civ. 1re, QPC, 15 févr. 2024, n° 23-19.059, 158 FS-P) –  La Cour de cassation dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée : « L’article 860, alinéa 2, du code civil qui dispose que « si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition » et que « toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation », porte-t-il une atteinte injustifiée au droit de propriété garanti par l’article 2 de la Déclaration de 1789, en ce qu’il a pour effet de priver le gratifié, qui a vendu le bien donné et réalisé une plus-value en plaçant le prix de vente, d’une partie de cette plus-value pour en faire profiter ses cohéritiers ? »

D’une part, la question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.  D’autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

En effet, le rapport des libéralités, régi par les articles 843 à 863 du code civil, oblige chaque héritier à rendre compte à la succession des libéralités qu’il a reçues du défunt, afin que la masse successorale ainsi reconstituée se partage entre tous les héritiers à proportion de la vocation héréditaire de chacun.

Le principe étant celui du rapport en valeur, l’article 860 du code civil fixe les règles d’évaluation du montant de l’indemnité de rapport, en recourant à la technique de la dette de valeur.

La règle de subrogation liquidative contestée selon laquelle, si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, il est tenu compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition, en est une déclinaison. Elle permet de parer aux risques de fraude consistant, pour l’héritier donataire, à limiter artificiellement le montant du rapport, en vendant le bien donné pour procéder à un autre investissement à son seul profit.

L’exception faite à cette règle, lorsque la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, pour revenir au rapport de la valeur du bien donné à l’époque de son aliénation, d’après son état à l’époque de la donation, tend à garantir l’équité en empêchant le donataire de se dispenser du rapport par l’achat d’un bien de consommation dont la valeur ne peut que diminuer.

Ayant pour finalité d’assurer le respect des vocations successorales légales de l’ensemble des héritiers, la disposition attaquée est donc justifiée par un motif d’intérêt général.

Les limitations qu’elle apporte à l’exercice du droit de propriété du donataire sont proportionnées au but poursuivi dès lors que l’héritier gratifié, qui vend le bien donné et réalise une plus-value à la suite de l’acquisition d’un nouveau bien, n’est privé de cette plus-value qu’à due concurrence de la vocation successorale de ses cohéritiers.

Enfin, il peut être dérogé par l’acte de donation, tant à l’obligation au rapport qu’aux règles d’évaluation de l’indemnité de rapport, de sorte que ces limitations sont conformes à la volonté tant du donateur que du donataire qui y a consenti en acceptant la donation.

NB – V. le commentaire de  Quentin Guiguet-Schielé, Dalloz Actualité du 5 mars 2024.

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