Sélection jurisprudentielle de la semaine : assistance éducative, divorce, droit pénal de la famille, famille, filiation/nationalité, indivision, majeur protégé, mariage, régime matrimonial, succession
Voici très rapidement les arrêts que j’ai sélectionné cette fin de semaine :
- assistance éducative
- divorce
- droit pénal de la famille
- famille
- filiation/nationalité
- indivision
- majeur protégé
- mariage
- régime matrimonial
- succession
- Assistance éducative
Irrecevabilité de la demande de protection judiciaire formée à l’occasion d’un appel contre une décision du juge des enfants disant ne pas y avoir lieu à assistance éducative (Civ. 1re, 21 juin 2023, n° 21-23.206, 436 F-D) – L’action en protection judiciaire en faveur des jeunes majeurs, prévue par l’article 1er du décret n° 75-96 du 18 février 1975, ne relève pas des dispositions du code civil relatives à l’assistance éducative et requiert l’intervention de services distincts.
La cour d’appel, qui a retenu à bon droit que la demande de protection judiciaire formée par l’intéressé en qualité de jeune majeur ne relevait pas de l’assistance éducative inhérente au mineur et que cette demande, formée à l’occasion d’un appel contre une décision du juge des enfants disant ne pas y avoir lieu à assistance éducative, faute pour l’intéressé d’apporter la preuve de sa minorité, s’analysait comme une prétention nouvelle, en a exactement déduit que celle-ci était irrecevable.
- Divorce
Divorce et compétence des juridictions de l’État de la résidence habituelle acquise depuis six mois (CJUE, 6 juill. 2023, C‑462/22) – L’article 3, §1, sous a), sixième tiret, du règlement du Règlement “Bruxelles II bis” doit être interprété en ce sens que :
cette disposition subordonne la compétence de la juridiction d’un État membre pour connaître d’une demande de dissolution du lien matrimonial à la circonstance que le demandeur, ressortissant de cet État membre, rapporte la preuve qu’il a acquis une résidence habituelle dans ledit État membre depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de sa demande.
Détermination de la composition du patrimoine de la communauté dissoute par divorce (Civ. 1re, 21 juin 2023, n° 21-20.323, 432 F-D) – Il résulte de la combinaison des articles 262-1 et 1441, 3°, du code civil que la composition du patrimoine de la communauté se détermine à la date à laquelle le jugement de divorce prend effet dans les rapports patrimoniaux entre époux.
Ne tire pas les conséquences de ses constatations et viole ces textes la cour d’appel qui, pour dire que les sommes de 17 428,17 euros et 12 134,75 euros doivent être intégrées à l’actif de la communauté, tout en énonçant que la composition de la masse commune doit s’apprécier au 25 juin 2012, date de l’ordonnance de non-conciliation, retient que la clôture par l’époux de son compte PEL le 18 janvier 2012, pour en donner le montant à sa mère, ne doit pas conduire à écarter la première de ces sommes et que la seconde apparaît sur l’extrait de son compte PEA au 8 mars 2012, jour de sa clôture.
Par ailleurs, la cour méconnaît son office et viole l’article 4 du code civil en retenant qu’en l’absence de production par l’époux des relevés actuels de son compte Natixis Interépargne, le notaire désigné interrogera la banque Natixis et retiendra les titres existant en 2012, selon leur valeur à la date la plus proche du partage, alors qu’il résulte de ce texte que le juge, auquel il incombe de trancher lui-même les contestations soulevées par les parties, ne peut se dessaisir et déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur.
- Droit pénal de la famille
Prononcé d’une mesure de retrait de l’autorité parentale (Crim 21 juin 2023, n° 22-82.287, 00807) – Le pouvoir d’appréciation pour décider de la mesure de retrait de l’autorité parentale, qui est une mesure de protection de l’enfant, ne dispense toutefois pas le juge d’énoncer les motifs qui, dans la recherche de l’intérêt de l’enfant, rendent nécessaire la mesure de retrait de l’autorité parentale à l’un de ses parents.
- Famille
Rejet à tort des demandes de regroupement familial des réfugiés en invoquant leur dépendance à l’aide sociale (CEDH, 4 juill. 2023, BF et a. c/ Suisse, nos 13258/18, 15500/18, 57303/18 et 9078/20)
- Filiation/nationalité
Appréciation de la nationalité française et application du droit étranger (Civ. 1re, 28 juin 2023, n° 22-18.281, 450 F-D) – Il incombe au juge français, saisi d’une demande d’application d’un droit étranger, de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l’aide des parties, et de l’appliquer.
Prive sa décision de base légale au regard de l’article 3 du code civil une cour d’appel qui, pour dire que l’intéressé n’est pas de nationalité française, retient que celui-ci devait justifier, conformément à la loi ivoirienne applicable, d’un lien de filiation à l’égard de son père revendiqué, ce qu’il n’établissait pas, au regard des articles 19 et 20 du code civil ivoirien, en l’absence d’une possession d’état d’enfant corroborant son acte de naissance indiquant qu’il était né le 27 décembre 1979 à Blé-Divo de M. [H] [B] et de Mme [T], alors qu’il sollicitait aussi l’application de l’article 47 du code civil ivoirien en vertu duquel dans un acte de naissance, lorsque les parents ne sont pas légalement mariés, la déclaration indiquant le nom du père, vaut reconnaissance, si elle émane du père lui-même et sans rechercher si les conditions d’application de ce texte était réunies.
- Indivision
Qualification du remboursement anticipé d’un emprunt ayant permis l’acquisition d’un bien indivis (Civ. 1re, avis, 5 juill. 2023, n° 23-70.007, 15010 FS-P+B) – Le remboursement anticipé d’un emprunt ayant permis l’acquisition d’un bien indivis, lorsqu’il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l’indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien au sens de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil.
- Majeur protégé
Le majeur sous protection peut saisir seul le JLD de la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement (Civ. 1re, 5 juill. 2023, n° 23-10.096, 467 FS-B) – Tant la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d’obtenir la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement que l’appel de sa décision maintenant une telle mesure constituent des actes personnels que la personne majeure protégée peut accomplir seule.
Viole les articles 415 et 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique une cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable l’appel formé par la majeure seule, retient qu’en sa qualité de majeure sous curatelle celle-ci ne pouvait ester ou se défendre en justice sans l’assistance de son curateur et relève que celui-ci n’a, à aucun moment, relevé appel lui-même de cette décision, ni régularisé l’appel de l’intéressée.
- Mariage
L’obligation des femmes de respecter un délai de viduité de 300 jours avant de se remarier viole la Conv. EDH (CEDH, 27 juin 2023, Nurcan Bayraktar c/ Türkiye, n° 27094/20) -Le fait même que l’intéressée ait été soumise, en vertu du code civil, à un délai de viduité (300 jours) et que, pour en obtenir la levée, elle ait dû engager devant les autorités nationales une procédure spécifique en ce sens, dans le cadre de laquelle il lui a été imposé de présenter un certificat médical attestant qu’elle n’était pas enceinte, et ce au seul motif qu’elle appartenait à la catégorie des femmes divorcées capables de se marier, suffit à lui conférer la qualité de victime.
Dans ces conditions, l’intéressée subit directement les effets de la disposition légale prévoyant le délai litigieux et elle peut donc se prétendre victime, dans l’exercice de ses droits au respect de la vie privée et au mariage, du traitement discriminatoire qu’elle allègue.
Le délai de viduité imposé à la requérante après son divorce et l’exigence des autorités qu’elle subisse, sous peine d’être déboutée de sa demande tendant à la levée de ce délai, un examen médical visant à vérifier qu’elle n’était pas enceinte s’analysent en une ingérence dans l’exercice par l’intéressée de son droit au respect de sa vie privée.
Subordonner la possibilité qu’une femme divorcée a de se remarier, sans respecter le délai de viduité, à la production d’un certificat médical attestant qu’elle n’est pas enceinte revient à bafouer son intimité et à placer sa vie privée intime, en ce compris sexuelle, sous le contrôle des autorités. Or, le TAF ne semble pas avoir pris en compte les aspects relatifs à la vie privée de la requérante lorsqu’il a mis en balance les différents intérêts en jeu.
La Cour se dit préoccupée quant aux sous-entendus de la conclusion du tribunal aux affaires familiales turque, qui implique que les femmes divorcées, en raison de leurs spécificités biologiques féminines, en particulier du rôle de mère qu’elles peuvent être amenées à jouer et de leur capacité de donner naissance, auraient le devoir envers la société de dévoiler toute grossesse avant de se remarier et qu’elles devraient supporter le désavantage que constitue le délai de viduité afin de préserver l’intérêt d’un éventuel enfant à naître et ceux d’autres personnes concernées. Ce postulat reflète une vision traditionnelle de la sexualité féminine – essentiellement liée aux fonctions reproductrices de la femme – et méconnaît son importance physique et psychologique pour l’épanouissement de la femme en tant que personne.
L’ingérence litigieuse ne répondait pas à un besoin social impérieux, n’était pas proportionnées aux buts légitimes qu’elles visaient et n’était pas justifiées par des motifs pertinents et suffisants. Elle n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique.
- Régime matrimonial
Clause de contribution aux charges du mariage en cas de séparation de biens (Civ. 1re, 21 juin 2023, n° 21-25.326, 438 F-D) – Il résulte des articles 214 et 1537 du code civil que, lorsque les juges du fond ont souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu’ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre, un époux ne peut, au soutien d’une demande de créance, être admis à prouver l’insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage pas plus que l’excès de sa propre contribution.
Viole ces deux textes la cour d’appel, qui, pour condamner l’époux à payer à l’épouse une certaine somme au titre du financement par des deniers personnels de celle-ci de la construction, sur un terrain appartenant à celui-là, d’un immeuble ayant constitué le domicile conjugal, après avoir relevé que le contrat de mariage prévoit que les époux contribueront aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, de sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, retient que le fait que cette présomption interdise de prouver que l’un ou l’autre des époux ne s’est pas acquitté de sa contribution n’empêche pas l’un d’entre eux de prouver que certaines dépenses qu’il a prises en charge excédaient sa contribution aux charges du mariage et de bénéficier en conséquence d’une créance envers l’autre.
- Succession
Le juge saisi du litige relatif au montant des droits de mutation à titre gratuit ne pouvait annuler l’avis de mise en recouvrement (Com. 21 juin 2023, n° 21-20.981, 448 F-D) – Il résulte de l’article L. 199 du livre des procédures fiscales qu’il appartient au juge, saisi du d’un litige relatif au montant des droits de mutation à titre gratuit, de décider que l’administration était bien fondée à percevoir les droits afférents sur la valeur qu’il fixe, mais non d’annuler l’avis de mise en recouvrement (AMR) notifié aux redevables.
Après avoir fixé les droits de mutation à titre gratuit dus par les neveux du défunt à la somme de 39 622,05 euros, chacun, inférieure à la somme mise en recouvrement par l’administration, mais supérieure à celle calculée par ces dernier dans leur déclaration de succession, l’arrêt met à néant les AMR émis par l’administration fiscale les 30 juin 2016 et 16 octobre 2018.
En statuant ainsi, alors que la déclaration de succession avait sous-évalué les droits dus, la cour d’appel, qui admettait le bien-fondé, pour partie, de l’imposition supplémentaire, ne pouvait annuler les AMR, mais devait les déclarer valables pour le montant qu’elle retenait, a violé l’article L. 199 du livre des procédures fiscales.
Exequatur et immunité de juridiction sur fond de succession d’une victime d’attentat (Civ. 1re, 28 juin 2023, n° 21-19.766, 443 FS-B) – Il résulte de l’article 509 du code de procédure civile que, pour accorder l’exequatur en l’absence de Convention internationale, le juge français doit, après avoir vérifié la recevabilité de l’action, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l’absence de fraude. Dès lors, si, dans une instance en exequatur, le juge français doit s’abstenir de toute révision au fond du jugement rendu par la juridiction étrangère lorsque l’immunité de juridiction est revendiquée par un État étranger dans l’instance en exequatur, il lui incombe de statuer préalablement sur cette fin de non-recevoir, la circonstance que le juge ayant rendu la décision dont l’exequatur est sollicitée ait lui-même écarté une telle immunité de juridiction, en vertu de sa propre loi, ne dispensant pas le juge français d’exercer son pouvoir juridictionnel afin d’apprécier la fin de non-recevoir tirée de l’immunité de juridiction invoquée devant lui. Par ailleurs, une cour d’appel retient exactement qu’à supposer même que l’interdiction des actes de terrorisme puisse constituer une norme de jus cogens du droit international de nature à constituer une restriction légitime à l’immunité de juridiction, ce qui ne ressort pas de l’état actuel du droit international, il ne peut être fait une exception à l’immunité d’un Etat, dès lors que la condamnation de celui-ci au paiement des dommages-intérêts prononcée par la juridiction étrangère ne repose pas sur la démonstration de l’implication directe de cet Etat et de ses agents dans un attentat, mais seulement sur le fondement de la responsabilité civile que celui-ci devrait supporter au titre de l’aide ou des ressources matérielles apportées au groupe ayant revendiqué l’attentat.
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