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Les mineurs non accompagnés au regard du droit : rapport de la défenseure des droits et du défenseur des enfants

08/02/2022

« Tout jeune se disant mineur et isolé doit être considéré  » comme un enfant à protéger, relevant de ce fait des dispositions légales de la protection de l’enfance  » et non comme  » un étranger, relevant de la compétence de l’État » ». Dans leur rapport consacré « aux mineurs non accompagnés au regard du droit », la défenseure des droits, Claire Hédon, et le défenseur des enfants Éric Delemar, « entendent rappeler le droit qui s’impose aux autorités publiques, comme l’absolue nécessité de faire primer l’intérêt supérieur des enfants dans toute décision les concernant, et mettre en garde contre la tentation de créer un droit spécial pour les mineurs non accompagnés ». 32 propositions sont formulées, outre de nombreuses observations, pour un meilleur respect des droits fondamentaux de ces enfants. 

  1. Entrée sur le territoire

Recommandation n° 1

La Défenseure des droits recommande au ministre de l’Intérieur de modifier le CESEDA pour prévoir la présence systématique d’un avocat auprès du mineur non accompagné dès son placement en zone d’attente, afin que la parole de l’enfant puisse être mieux prise en compte, et ses intérêts défendus.

Recommandation n° 2

La Défenseure des droits recommande au ministre de l’Intérieur, au garde des Sceaux, ministre de la Justice, que la situation personnelle des mineurs non accompagnés présents en zone d’attente, fasse systématiquement l’objet d’une évaluation au regard des éléments de danger au sens de l’article 375 du code civil, tant par le parquet des mineurs que par le juge des enfants lorsqu’il est saisi, pour que toute mesure utile de protection puisse être prise.

Recommandation n° 3

La Défenseure des droits recommande que soit modifiée la définition de la « demande d’asile manifestement infondée » permettant de refuser l’admission d’un étranger, a fortiori celle d’un mineur non accompagné sur le territoire français en reprenant la définition proposée par le Haut-Commissariat aux réfugiés, selon laquelle est manifestement infondée « la demande qui ne se rattache pas aux critères pour la reconnaissance d’une protection internationale ».

  1. Les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile

Recommandation n° 4

La Défenseure des droits recommande aux préfectures de procéder à l’enregistrement du demandeur d’asile mineur non accompagné dans les fichiers correspondants dès qu’il se présente, y compris lorsqu’il n’est pas accompagné par un administrateur ad hoc, afin de lui faire bénéficier des dispositions favorables telles que définies par la jurisprudence de la CJUE.

Recommandation n° 5

La Défenseure des droits recommande de manière urgente au ministre de l’Intérieur d’harmoniser, par l’adoption d’une nouvelle circulaire, l’accès au guichet unique pour demandeur d’asile (GUDA) et à la procédure d’asile pour les mineurs non accompagnés.

Recommandation n° 6

La Défenseure des droits recommande aux préfectures et aux départements, en lien avec les parquets, de contacter les associations qui œuvrent dans le domaine des droits de l’enfant ou des demandeurs d’asile pour leur ouvrir la possibilité de se proposer comme administrateur ad hoc.

  1. Accès des mineurs non accompagnés au dispositif de protection de l’enfance

3.1 Mineurs éloignés de la protection

Recommandation n° 7

La Défenseure des droits recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice, au ministre des Solidarités et de la santé et au président de l’Assemblée des départements de France de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour un recueil fiable de données s’agissant du nombre de personnes se disant mineures non accompagnées évaluées chaque année par les départements, de celles faisant l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance par les départements, et, parmi ces dernières, de celles ayant été confiées par décisions judiciaires (juge des enfants et cour d’appel) à l’aide sociale à l’enfance.

Recommandation n° 8

La Défenseure des droits recommande aux départements de multiplier les dispositifs adaptés aux mineurs en situation de rue, des maraudes aux centres sécurisés et sécurisants, et de former les travailleurs sociaux au repérage et à l’accompagnement des mineurs victimes de traite des êtres humains

Recommandation n° 9

La Défenseure des droits recommande aux départements de mettre en place des lieux d’accueil de jour à proximité des lieux de vie des adolescents, doublés d’une possibilité de mise à l’abri de nuit inconditionnelle et immédiate pour les mineurs non accompagnés en transit.

Recommandation n° 10

La Défenseure des droits recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de tenir compte, dans le système de répartition nationale, du nombre de personnes se disant mineures non accompagnées et qui doivent être mises à l’abri dans chaque département, pour ne pas surcharger et pénaliser les départements déjà fortement mobilisés par la mise en place de dispositifs de maraudes, de mise à l’abri et d’accueil de jour à destination des mineurs étrangers en transit.

Recommandation n° 11

La Défenseure des droits recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de diffuser largement aux professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, et en particulier ceux présents dans les établissements pour mineur (EPM) et les quartiers mineurs des maisons d’arrêt et centres de détention, la note du 5 septembre 2018 relative à la situation des mineurs non accompagnés faisant l’objet de poursuites pénales.

3.2 Intervention administrative

Recommandation n° 12

La Défenseure des droits recommande aux départements de veiller à ce que chaque jeune exilé qui se présente, bénéficie d’un accueil provisoire d’urgence préalable à sa présentation en préfecture et à la réalisation d’un entretien social d’évaluation de sa minorité et de son isolement, selon la procédure prévue par les textes.

Recommandation n° 13

La Défenseure des droits recommande aux préfectures et aux départements de mettre en conformité leurs protocoles d’utilisation du fichier « AEM » en rappelant la possibilité laissée au jeune étranger de refuser de communiquer ses empreintes et ses données personnelles.

Recommandation n° 14

La Défenseure des droits recommande notamment au garde des Sceaux, ministre de la Justice de prévoir une modification des textes afin qu’un administrateur ad hoc soit désigné en faveur de chaque jeune se disant mineur non accompagné, avant toute évaluation de sa minorité et de son isolement, pour l’accompagner et l’assister dans toutes les procédures administratives et judiciaires, jusqu’à décision définitive le concernant. Cette création devra s’accompagner des moyens nécessaires à sa mise en œuvre effective.

Recommandation n° 15

La Défenseure des droits recommande que le mineur bénéficie d’une présomption de minorité jusqu’à décision judiciaire définitive le concernant.

3.3 Intervention judiciaire

Recommandation n° 16

La Défenseure des droits recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de poursuivre les efforts entrepris pour créer de nouveaux postes de juges des enfants et doter les chambres des mineurs des effectifs requis afin que chaque magistrat soit en mesure de traiter les saisines et suivre les dossiers qui lui sont confiés dans des délais raisonnables au vu notamment des situations de danger des enfants inhérentes à la procédure en assistance éducative.

Recommandation n° 17

La Défenseure des droits recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de veiller à ce que tout jeune exilé se disant mineur soit systématiquement assisté d’un avocat dans toutes les procédures judicaires qui le concernent, ainsi que d’un interprète dans sa langue maternelle s’il ne maitrise pas le français.

Recommandation n° 18

La Défenseure des droits recommande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de modifier et clarifier la rédaction de l’article 388 du code civil en interdisant dans la loi, les examens d’âge osseux.

  1. Prise en charge des mineurs non accompagnés

4.1 Accompagnement socio-éducatif

Recommandation n° 19

La Défenseure des droits recommande aux départements d’informer sans délai les juges aux affaires familiales en charge des tutelles « mineurs » de la vacance de l’autorité parentale et de la nécessité de prononcer une ouverture de tutelle à l’égard des mineurs qui leur sont confiés, ou de saisir les parquets en vue d’une saisine de ces derniers, chaque fois que nécessaire, afin que l’autorité parentale des mineurs non accompagnés puisse être pleinement exercée.

Recommandation n° 20

La Défenseure des droits recommande aux départements, en lien avec les chefs des juridictions judicaires, d’initier des rencontres avec les juges aux affaires familiales en charge des tutelles « mineurs » et les juges des enfants afin d’améliorer et de fluidifier le traitement des requêtes aux fins d’ouverture de tutelles « mineurs » dans l’intérêt supérieur des enfants protégés.

4.2 Respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés

Recommandation n° 21

La Défenseure des droits recommande aux départements de mettre à profit le temps de l’évaluation des jeunes gens se disant mineurs non accompagnés pour entamer des démarches auprès des Centres d’information et d’orientation (CIO) ou des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) afin que les tests de niveau scolaire soient programmés, et les jeunes gens soient affectés dans un cursus de formation scolaire ou professionnelle le plus rapidement possible.

Recommandation n° 22

La Défenseure des droits recommande au ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports et au ministre des Solidarités et de la santé de favoriser la fluidité des procédures et des échanges entre les différents intervenants afin que le droit à l’éducation et à la formation des mineurs soit garanti.

Recommandation n° 23

La Défenseure des droits recommande au ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports d’augmenter rapidement, chaque fois que de besoin, les offres de formation et les places en dispositifs adaptés de premier accueil des élèves allophones.

Recommandation n° 24

La Défenseure des droits recommande aux départements que soit assurée, au moment où la personne quitte le dispositif, une orientation vers le système de santé adulte, ainsi que la remise du dossier médical et d’un carnet de vaccination à la personne réorientée.

Recommandation n° 25

La Défenseure des droits recommande aux départements de solliciter les agences régionales de santé et l’ensemble des partenaires de l’offre de soins pour mettre en œuvre l’organisation d’un bilan de santé conforme aux préconisations du Haut conseil de la santé publique pour tout jeune exilé en phase d’évaluation.

Recommandation n° 26

La Défenseure des droits recommande aux départements de renforcer la formation des équipes en charge des évaluations et du suivi des mineurs non accompagnés, à l’appréhension des troubles psychiques et au repérage des symptômes de stress post-traumatique, et d’envisager le recrutement de psychologues formés à l’interculturalité et au traitement précoce et spécifique des troubles et symptômes psycho-traumatiques.

Recommandation n° 27

La Défenseure des droits recommande aux départements de garantir aux mineurs non accompagnés l’accès aux loisirs et à la culture en les inscrivant dans des activités extra-scolaires ou sportives chaque fois qu’ils en expriment l’envie.

Recommandation n° 28

La Défenseure des droits recommande aux départements de multiplier, en faveur des mineurs non accompagnés, les sorties sportives, culturelles, les séjours de transferts ou séjours de vacances.

  1. La Majorité

Recommandation n° 29

La Défenseure des droits recommande aux départements de prévoir, au cours de l’entretien obligatoire devant être prévu avant la majorité des jeunes pris en charge, l’information du mineur sur son droit de demander à bénéficier d’un accompagnement jeune majeur et d’associer, lors de cet entretien, les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources.

Recommandation n° 30

La Défenseure des droits recommande au ministre de la santé et des solidarités de modifier la loi pour prévoir une obligation de prise en charge des jeunes majeurs par les départements jusqu’à la fin de leur cursus de formation scolaire ou professionnelle, et non plus jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.

Recommandation n° 31

La Défenseure des droits recommande aux départements et aux représentants de l’État dans les départements d’initier toutes démarches utiles en vue de l’élaboration de protocoles locaux, avec le concours de l’ensemble des institutions et des organismes concernés, afin de préparer et de mieux accompagner l’accès à l’autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources.

Recommandation n° 32

La Défenseure des droits recommande au ministre de l’Intérieur la modification du CESEDA afin de reconnaître l’admission au séjour de plein droit des mineurs non accompagnés à leur majorité quel que soit l’âge auquel ils ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et quels que soient leurs liens avec leur famille dans leur pays d’origine.

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