Actualité jurisprudentielle de la semaine : autorité parentale, divorce, indivision, libéralités, majeurs protégés, personne, régimes matrimoniaux, successions
Une actualité dense pour cette fin de semaine :
- Autorité parentale
- divorce
- indivision
- libéralités
- majeurs protégés
- personne
- régimes matrimoniaux
- successions
- AUTORITÉ PARENTALE
Maintien de la résidence de l’enfant auprès de sa mère (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-16.736) – L’intérêt de l’enfant à bénéficier d’une certaine stabilité chez sa mère prévaut sur l’attitude excessive de celle-ci quant aux conditions du droit de visite qu’elle exige du père.
Après avoir constaté que le père et la mère présentaient individuellement, tant sur le plan matériel qu’affectif et éducatif, des capacités équivalentes, la cour d’appel a relevé que, si, depuis le transfert de résidence de l’enfant au domicile maternel (l’enfant ayant déjà plusieurs vécu alternativement chez son père et sa mère), la situation de conflit parental avait peu évolué, puisqu’il était incontestable que la mère avait, dans un premier temps, comme par le passé, soumis le droit de visite du père au Portugal à des conditions excessives, en revanche, la situation de l’enfant évoluait harmonieusement dans un famille recomposée, que, scolarisé depuis trois ans dans un établissement privé, celui-ci avait obtenu de très bons résultats et bénéficiait d’un suivi psychologique tel que préconisé par le rapport d’expertise diligenté. La cour d’appel, qui a pris ainsi en considération le principe de coparentalité et qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a souverainement déduit que, l’intérêt de l’enfant étant de bénéficier d’un certain ancrage dans l’existence, sa résidence devait être maintenue auprès de sa mère, son père bénéficiant d’un droit de visite et d’hébergement.
Exercice du droit de visite dans un espace de rencontre : les juges rappelés à l’ordre (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-15.139) – Il résulte de l’article 1180-5 du code de procédure civile que, lorsque le juge décide qu’un droit de visite s’exercera dans un espace de rencontre, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres. Après avoir fixé la résidence des enfants chez leur père, l’arrêt décide que leur mère disposera d’un droit de visite en lieu neutre deux fois par mois pendant une durée de dix mois, les premières visites étant médiatisées et les parties devant prendre attache, avant la première rencontre, avec la structure […] de Lunéville afin de définir les jours et horaires d’exercice du droit de visite, en fonction du règlement intérieur et des disponibilités de l’association. En statuant ainsi, sans déterminer la durée des rencontres, la cour d’appel a l’article 1180-5 du code de procédure civile le texte susvisé.
NB – Cette jurisprudence est désormais classique (v. not. Civ. 1re, 14 avr. 2021, n° 19-21.690, AJ fam. 2021. 365, obs. B. Mallevaey). Et l’on s’étonne que la Cour ait sans arrêt à rappeler la même chose. Faut-il y voir une résistance de certains juges ?
- DIVORCE
Pas de recours en révision contre les mesures provisoires (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-14.214) – Une cour d’appel énonce à bon droit qu’il résulte des articles 593 et 1118 du code de procédure civile que, en matière de divorce, le recours en révision n’est pas ouvert contre les décisions ayant prescrit les mesures provisoires qui sont susceptibles, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, d’être supprimées, modifiées ou complétées en cas de survenance d’un fait nouveau.
NB – Une solution on ne peut plus logique (v., déjà, Civ. 2e, 3 oct. 2002, n° 01-00.800) qui sera explicitée par Frédérique Eudier dans un prochain numéro de l’AJ famille.
- INDIVSION
Accord unanime des indivisaires pour le partage partiel (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-16.989) – Il résulte de l’article 815 du code civil que les juges ne peuvent ordonner un partage partiel que si tous les héritiers y consentent. Après avoir relevé que l’indivision successorale contenait trois biens immobiliers situés dans une première localité et deux terrains situés dans une seconde, l’arrêt prononce le partage des seuls biens situés dans la première localité. En se déterminant ainsi, sans constater l’accord des deux indivisaires pour procéder à ce partage partiel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
NB – Une solution qui n’est pas nouvelle et qui date (v., not., Civ. 5 juin 1951, Bull. civ. I, n° 173 ; Civ. 1re, 30 juin 1965, n° 63-11.725, Bull. civ. I, n° 434) !
- LIBÉRALITÉS
Force des liens familiaux et de la volonté du défunt dans la mutation d’une obligation naturelle en une obligation civile (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-23.436) – En l’occurrence, une cour d’appel avait constaté :
. d’une part, que l’intéressé (ayant reçu par donation-partage une parcelle sur laquelle est situé un puits qui, à l’origine, alimentait en eau l’ensemble de l’exploitation des donateurs), par un engagement clair et précis, quoique non écrit – l’absence de formalisme se justifiant par le lien de parenté entre les parties –, s’était obligé, en conscience et conformément au voeu du père – rappelé dans son testament – de voir persister le bénéfice commun du puits, à assurer l’alimentation en eau de la parcelle de son frère ;
. d’autre part, que l’installation réalisée en 2000 desservait, comme l’ancienne, cette parcelle et, enfin, que l’engagement ainsi pris avait été volontairement exécuté à compter du partage jusqu’en décembre 2017, date à laquelle l’alimentation avait été neutralisée par le propriétaire du puits.
Elle a pu en déduire, d’une part et souverainement, que l’existence de l’obligation naturelle était établie, d’autre part et à bon droit, que cette obligation s’était transformée en obligation civile, de sorte que le rétablissement de l’installation devait être ordonné.
- MAJEURS PROTÉGÉS
Placement sous curatelle renforcée : encore faut-il que le majeur protégé ne soit plus apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-17.278) – Pour décider de placer une majeure sous curatelle renforcée pour une durée de trente-six mois, une cour d’appel retient que le médecin psychiatre qui l’a examinée en décembre 2019 a relevé chez elle une immaturité, une dépendance, un vécu persécutif sur un mode interprétatif, une fragilité, une vulnérabilité et une absence de prise en charge sur le plan psychiatrique pourtant nécessaire. Elle ajoute que les conclusions du médecin en faveur d’une curatelle renforcée ne sont contredites par aucun autre élément médical, de sorte qu’il est suffisamment démontré que l’intéressée est dans l’incapacité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée de ses facultés mentales et que la mesure de curatelle simple n’est pas adaptée à son état de santé.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si la majeure était ou non apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 472, alinéa 1er, du code civil.
NB – Le juge ne peut décider du passage d’une curatelle simple en curatelle renforcée sans rechercher si la personne est ou non apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale. Cette solution est, là encore, classique (v., not. 6 avr. 1994, n° 92-17.622 et 12 déc. 2006, n° 05-21.312).
- PERSONNE
Indemnisation des frais liés à la prise en charge du handicap de l’enfant non décelé lors du diagnostic prénatal : l’application rétroactive de la loi est contraire à la Convention (CEDH, 3 févr. 2022, N. M. et a. c/ France, n° 66328/14; CE, 31 mars 2014, n° 345812)
NB – En attendant le commentaire de Jérémy Houssier dans un prochain numéro de l’AJ famille, voici le communiqué de presse de la CEDH dans cette affaire : “L’affaire concerne le rejet, par le juge administratif, des conclusions des parents demandant l’indemnisation des charges particulières résultant du handicap de leur enfant. Ce handicap n’avait pas été décelé lors de l’établissement du diagnostic prénatal. Des dispositions législatives – issues de la loi du 4 mars 2002, et codifiées à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles (CASF) – excluant de telles charges du préjudice indemnisable par le juge, entrées en vigueur après la naissance de l’enfant mais avant la demande des parents de réparation du préjudice, ont été appliquées au litige.
Ce litige s’inscrit dans la suite des affaires Maurice et Draon c. France (Draon c. France [GC], n° 1513/03, et Maurice c. France [GC], n° 11810/03).
La Cour a d’abord considéré que les requérants pouvaient légitimement espérer pouvoir obtenir réparation de leur préjudice correspondant aux frais de prise en charge de leur enfant handicapé dès la survenance du dommage, à savoir la naissance de cet enfant et qu’ils étaient donc titulaires d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole n° 1. Elle a ensuite relevé qu’en vertu de la décision n° 2010-2 QPC du Conseil constitutionnel, l’ensemble des dispositions transitoires qui avaient prévu l’application rétroactive de l’article L. 114-5 du CASF avait été abrogé. Alors que l’abrogation de la totalité du dispositif transitoire laissait en principe place à l’application des règles de droit commun relatives à l’application de la loi dans le temps, la Cour a constaté la divergence entre l’interprétation retenue par le Conseil d’État et celle retenue par la Cour de cassation quant à la possibilité d’appliquer l’article L. 114-5 du CASF à des faits nés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, le 7 mars 2002. Alors que dans son arrêt du 15 décembre 2011, la Cour de cassation avait exclu l’application de l’article L. 114-5 du CASF à des faits nés antérieurement au 7 mars 2002, quelle que soit la date d’introduction de l’action indemnitaire, le Conseil d’Etat avait réglé le litige dans le droit fil de sa décision du 13 mai 2011 qui avait, pour sa part, maintenu une certaine portée rétroactive à cette disposition.
La Cour en a déduit qu’elle n’était pas en mesure de considérer que la légalité de l’ingérence résultant de l’application, par le Conseil d’État de l’article L. 114-5 du CASF dans sa décision du 31 mars 2014, pouvait trouver un fondement dans une jurisprudence constante et stabilisée des juridictions internes. Pour la Cour, l’atteinte rétroactive ainsi portée aux biens des requérants ne saurait donc être regardée comme ayant été « prévue par la loi » au sens de l’article 1 du Protocole n° 1.”
- RÉGIMES MATRIMONIAUX
Les sommes versées pendant le mariage au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne entrent en communauté (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-10.115) – Si le droit à l’allocation compensatrice pour tierce personne dont bénéficie un époux commun en biens afin de lui permettre d’assurer le financement de l’aide effective d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence nécessitée par son état d’incapacité, lequel est accordé en considération de sa situation personnelle, constitue un bien propre par nature, en revanche, les sommes versées pendant le mariage en exécution de ce droit tendent à compenser l’une des conséquences matérielles et financières de l’invalidité, ne présentent pas un caractère exclusivement personnel et sont destinées à contribuer au financement d’une dépense commune à titre définitif, de sorte qu’elles entrent en communauté.
NB – L’allocation compensatrice pour tierce personne est devenue la prestation de compensation du handicap en 2006.
Dans un second moyen, il est rappelé qu’il appartient au juge d’évaluer lui-même le montant d’une récompense, sans pouvoir déléguer ce pouvoir au notaire-liquidateur.
Cette décision sera prochainement commenté dans l’AJ famille par Nathalie Levillain.
Créance à l’encontre de l’indivision au titre de prêts : l’office du juge (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-17.508) – Pour rejeter la demande de l’époux au titre du remboursement des emprunts souscrits pour financer l’acquisition d’un immeuble indivis, une cour d’appel retient qu’il ressort des relevés du compte joint des époux, sur lequel était prélevées les échéances de remboursement d’un prêt, que ce compte était alimenté, non seulement par des virements provenant des comptes personnels de l’époux, mais aussi par des remises de chèques de provenances non identifiées et que l’épouse justifie que son assurance a pris en charge plusieurs échéances en 2001 et 2002, de sorte que l’époux ne justifie pas avoir remboursé seul les échéances de ce prêt. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’époux n’avait pas, postérieurement à la date des effets du divorce dans les rapports patrimoniaux des époux, remboursé seul, depuis son compte personnel, les échéances des deux prêts d’un montant respectif de 150 000 et 112 510 francs, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 815-13 du code civil.
La dissimulation de l’existence d’enfant lors du changement de régime matrimonial n’est pas en elle-même constitutive d’une fraude (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-18.726) – Après avoir énoncé que la dissimulation de l’existence des enfants d’un des époux lors de l’adoption d’un régime de séparation de biens, qui n’induit aucun avantage pour l’un ou l’autre des époux, n’est pas en elle-même constitutive d’une fraude, cette omission pouvant résulter d’une simple négligence sans volonté de tromper ni de nuire et relevé que la mention portée dans la requête en homologation pouvait être comprise en ce sens que les deux époux n’avaient pas eu d’enfant commun, la cour d’appel a retenu que la convention litigieuse ne comportait aucune clause susceptible de nuire aux héritiers des époux.
Elle a ensuite constaté qu’à la date du changement de régime matrimonial, le patrimoine du défunt, en instance de préretraite, se réduisait à des liquidités dont il avait la libre disposition, tandis que l’épouse survivante, en activité salariée durant encore une quinzaine d’années, justifiait que le financement de ses biens immobiliers avait toujours été réalisé par remploi du prix de vente d’un bien précédent, ainsi que par divers emprunts ou autres apports personnels.
La cour d’appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, en a souverainement déduit que les enfants du défunt ne rapportaient pas la preuve d’une fraude à leurs droits.
NB – La dissimulation de l’existence d’enfant peut être constitutive d’une fraude (Civ. 1re, 14 janv. 1997, n° 94-20.276 et Civ. 1re, 12 déc. 2000, n° 98-19.147) , mais pas nécessairement (Civ. 1re, 14 juin 2005, n° 02-20.840 et 17 févr. 2010, n° 08-14.441).
Appréciation de la disproportion de l’engagement de caution marié sous le régime de la communauté légale (Civ. 1re, 2 févr. 2022, n° 20-22.938) – La disproportion des engagements de cautions mariées sous le régime légal doit s’apprécier au regard de l’ensemble de leurs biens et revenus propres et communs. C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et au vu des revenus des cautions, de leurs charges et de leur patrimoine qu’une cour d’appel a estimé que les cautionnements souscrits étaient manifestement disproportionnés et que la banque ne rapportait pas la preuve que, à la date où elles avaient été appelées en paiement, leur patrimoine leur permettait de faire face à leurs obligations.
NB – L’appréciation de la disproportion du cautionnement s’apprécie par rapport aux biens et revenus de la caution, sans distinction (biens propres et communs même insaisissables, dont les revenus du conjoint) et sans qu’il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint qui détermine seulement le gage du créancier (Com. 6 juin 2018, n° 16-26.182 ; Com. 15 nov. 2017, n° 16-10.504. – v. notre fiche d’orientation “). Naturellement, lorsque la caution est mariée sous le régime de la séparation des biens, la disproportion de son engagement s’appréciée au regard de ses seuls biens et revenus personnels (Com., 24 mai 2018, n° 16-23.036).
- SUCCESSIONS
Rémunération du généalogiste (Civ. 1re, 26 janv. 2022, n° 20-12.062) – Il résulte de l’article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le généalogiste qui, par son activité professionnelle, a rendu service à l’héritier, peut, en l’absence de tout contrat, être indemnisé à hauteur des dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires qu’il a exposées, à la condition qu’il justifie des diligences et des sommes engagées à cet effet qui sont la mesure de son indemnisation.
Une cour d’appel, qui n’était pas tenue d’ordonner une mesure d’instruction pour pallier la carence de la société généalogiste dans l’administration de la preuve, a estimé souverainement que, en l’absence de tout justificatif de dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires, celle-ci ne pouvait prétendre qu’à la somme offerte par l’héritier ayant refusé de souscrire au contrat de révélation de succession, à savoir 3 000 euros.
Commentaires récents