Vendredi 12 novembre 2021 : sélection jurisprudentielle de la semaine
Cette semaine : Adoption, Autorité parentale, État civil, Unité familiale et successions…
- ADOPTION
Adoption plénière par l’ex-compagne de la mère conforme à l’intérêt des enfants (Civ. 1re, 3 nov. 2021, n° 20-16.745) – Pour confirmer l’adoption plénière par une femme des deux jumelles de son ex-épouse, la cour d’appel a, d’abord, relevé qu’il ressortait de l’examen des pièces du dossier que la naissance dse deux enfants nées d’une insémination artificielle pratiquée en Espagne résultait du projet de couple, que la compagne de la mère y avait participé tant lors de la grossesse de cette dernière qu’après la naissance des enfants et qu’elle avait tenté de maintenir les liens avec celle-ci malgré la séparation du couple qui s’était marié cinq mois avant la naissance. Elle a, ensuite, estimé que l’intérêt de l’enfant étant de connaître ses origines et sa filiation et que faire disparaître l’ex-femme de l’histoire familiale des petites filles aurait des conséquences manifestement excessives pour celles-ci. De ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur chacun des éléments de preuve qui lui était soumis ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement déduit que l’adoption plénière des enfants était conforme à leur intérêt.
NB – Désormais, la reconnaissance conjointe anticipée de l’enfant devant notaire évitera toute remise en question du lien de filiation consécutive à la séparation du couple. Aux termes de l’article 342-13, alinéa 3, du code civil, “La femme qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à l’officier de l’état civil de la reconnaissance conjointe mentionnée à l’article 342-10 engage sa responsabilité.”
- AUTORITÉ PARENTALE
Compétence internationale en matière de responsabilité parentale (Civ. 1re, 3 nov. 2021, n° 20-12.006) – La compétence internationale en matière de responsabilité parentale dépend d’éléments de fait et de droit distincts de ceux qui commandent la compétence en matière de désunion. Il s’en déduit la compétence à l’égard de la demande d’obligation alimentaire, lorsqu’elle est accessoire à l’action relative à la responsabilité parentale en application de l’article 8 du Règlement” Bruxelles II bis” et de l’article 3 du Règlement “Obligations alimentaires”.
Pour décider que les juridictions françaises sont incompétentes, une cour d’appel retient que, après avoir fixé leur résidence en Belgique où sont nés leurs trois enfants, les époux se sont installés en Inde avec eux le 27 juillet 2012 et que, à l’occasion d’un séjour de la famille en France, l’épouse a, le 14 juin 2013, saisi le juge aux affaires familiales d’une requête en divorce. Il en déduit que les enfants n’avaient pas leur résidence habituelle en France, pas plus que leur père, par ailleurs, ressortissant belge. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était tenue, si, le 21 novembre 2014, date de l’assignation en la forme des référés relative à l’exercice du droit de visite et d’hébergement, la résidence habituelle des enfants n’était pas située en France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
- ÉTAT CIVIL
Nationalité : valeur d’un acte de naissance dressé en exécution d’une décision de justice (Civ. 1re, 3 nov. 2021, n° 20-50.005) – Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Un acte de naissance dressé en exécution d’une décision de justice est indissociable de celle-ci, dont l’efficacité, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale.
Pour juger que l’acte de naissance en cause est probant et ordonner l’enregistrement de la déclaration de nationalité française de l’intéressé, une cour d’appel retient qu’il ne peut être reproché à celui-ci de ne pas produire la décision en vertu de laquelle cet acte a été dressé, dix ans après la naissance, dès lors qu’il résulte des éléments du dossier qu’il s’agit d’une réquisition du procureur de la République, alors que l’acte de naissance était indissociable de la décision ordonnant son établissement, dont le ministère public contestait la régularité internationale. Ce faisant, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil.
- FAMILLE
Un État membre peut étendre automatiquement, à titre dérivé, le statut de réfugié à un mineur dont un parent a ce statut (CJUE, 9 nov. 2021, C-91/20) – Les articles 3 et 23, § 2, de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 (concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection) doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre, en vertu de dispositions nationales plus favorables, accorde, à titre dérivé et aux fins du maintien de l’unité familiale, le statut de réfugié à l’enfant mineur d’un ressortissant de pays tiers auquel ce statut a été reconnu en application du régime instauré par cette directive, y compris dans le cas où cet enfant est né sur le territoire de cet État membre et possède, par son autre parent, la nationalité d’un autre pays tiers dans lequel il ne risquerait pas de persécution, à la condition que cet enfant :
. ne relève pas d’une cause d’exclusion visée à l’article 12, § 2, de ladite directive ;
. et que celui-ci n’ait pas, par sa nationalité ou un autre élément caractérisant son statut juridique personnel, droit à un meilleur traitement dans ledit État membre que celui résultant de l’octroi du statut de réfugié. N’est pas pertinent à cet égard le point de savoir s’il est possible et raisonnablement acceptable, pour ledit enfant et ses parents, de s’installer dans cet autre pays tiers.
- FILIATION
Conflit de filiations légitime et naturelle : à la recherche de la paternité la plus vraisemblable (Civ. 1re, 3 nov. 2021, n° 19-25.235) – Il résulte de l’article 311-12 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, que, afin de régler les conflits de filiation pour lesquels la loi n’a pas fixé d’autres principes, le juge doit déterminer d’abord, par tous moyens de preuves, la filiation la plus vraisemblable, le recours à la possession d’état n’intervenant qu’à défaut d’éléments suffisants de conviction.
Pour rejeter la demande des consorts [X] (déclarés sur les registres de l’état civil comme nés de M. et Mme [X]) en constatation de leur possession d’état d’enfants naturels de [K] (en faisant valoir l’acte de notoriété établi pour chacun d’eux par un tribunal d’instance) et de reconnaissance de leur lien de filiation à son égard, une cour d’appel, après avoir exactement énoncé que la recevabilité de leur action ne signifie pas que la filiation naturelle doit l’emporter sur la filiation légitime, le conflit devant être réglé par la cour en déterminant la filiation la plus vraisemblable, retient, à l’issue d’une comparaison entre la possession d’état d’enfants légitimes, reconnue comme équivoque, et la possession d’état d’enfants naturels, appréciée comme non continue, que celle-ci ne saurait être plus vraisemblable que la filiation légitime.
En se déterminant ainsi, sans rechercher s’il était rapporté la preuve de la non-paternité du mari et quelle était la paternité biologique la plus vraisemblable en vue de régler le conflit de filiations résultant d’un titre et d’une possession d’état opposés, la cour a privé sa décision de base légale.
NB – Il s’agit de la troisième cassation dans cette affaire : v. déjà Civ. 1re, 20 janv. 2010, n° 08-15.152 et Civ. 1re, 25 juin 2014, n° 13-10.639, RTD civ. 2014. 636.
- SUCCESSION/INDIVISION
Créance sur succession : question de preuve (Civ. 1re, 3 nov. 2021, n° 20-10.561) – Lorsqu’un bien dépendant d’une indivision est aliéné avec le consentement des indivisaires, le prix de vente se substitue à la chose vendue dans la masse indivise.
Une cour d’appel ayant constaté, d’une part, que les époux séparés de biens avaient payé la partie du prix d’acquisition du bien provenant de leurs deniers personnels grâce au produit de la vente d’une villa acquise indivisément pour moitié chacun, d’autre part, que l’épouse ne démontrait pas avoir financé par des fonds « propres » le surplus du prix, il en résultait que celle-ci ne pouvait se voir reconnaître de créance sur la succession de son défunt mari au titre de l’acquisition du second bien.
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