État d’urgence sanitaire, violences conjugales et droit de visite et d’hébergement des parents séparés
Isabelle Rome, haute-fonctionnaire à l’égalité femmes/hommes, fait le point sur l’état d’urgence sanitaire et adaptation des règles procédurales. En voici quelques extraits.
Considérées comme relevant des contentieux essentiels – les seuls à pouvoir aujourd’hui être pris en compte par les tribunaux – toutes les comparutions ou audiences relatives aux mesures de protection urgentes des victimes de violences intrafamiliales, ainsi que celles conduisant à l’éloignement de la personne mise en cause, par le prononcé à son encontre d’une éviction du domicile familial ou d’une interdiction d’entrer en contact avec la ou les victimes, sont donc aujourd’hui traitées. […]. Les ordonnances d’adaptation des règles de procédure – prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 décidant l’état d’urgence sanitaire – ont prévu des dispositions spécifiques pour les violences intrafamiliales. […].
- La prolongation systématique des ordonnances de protection et des ordonnances d’assistance éducative
Afin de garantir la sécurité des victimes de violences conjugales, et d’éviter de déclencher une nouvelle procédure devant le juge aux affaires familiales, les ordonnances de protection arrivant à expiration pendant la période d’état d’urgence sanitaire, sont systématiquement prolongées jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après la fin de ladite période.
Afin d’éviter une rupture dans les mesures de protection des enfants en danger, les mesures d’assistance éducative arrivant à expiration pendant la période d’état d’urgence sanitaire, sont systématiquement prolongées jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de ladite période.
- Le maintien des audiences d’ordonnances de protection dans des conditions permettant de préserver la santé des personnels de la justice et des auxiliaires de justice
À cette fin, les parties pourront échanger leurs pièces et écritures par tout moyen, dès lors que le juge pourra s’assurer du respect du contradictoire.
Lorsque les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge pourra décider que la procédure se déroulera sans audience ou que cette dernière se tiendra en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle. En cas d’impossibilité technique de recourir à un tel système, il pourra opter pour une audition des parties et de leurs conseils par tout moyen électronique, y compris téléphonique.
Les décisions seront portées à la connaissance des parties par tout moyen.
Il est utile de rappeler ici l’action de l’association des femmes huissiers de justice à destination des victimes de violences conjugales, intitulée : Opération 5000 actes gratuits.
En cette période de confinement, sa présidente Astrid Desagneaux fait savoir que l’association reste opérationnelle et joignable à l’adresse mail afhj.fnsf@scp-desagneaux.com pour effectuer gratuitement des actes, comme la retranscription de SMS et de mails (mot pour mot) avec la rédaction de procès-verbaux, les constats de violences ou de dégradation de domicile conjugal, les sommations de restitution de documents administratifs ou la délivrance des documents nécessaires aux procédures d’urgence ou en référé.
- L’autorisation des déplacements aux fins d’exercice du droit de visite et d’hébergement
Le confinement n’empêche pas l’exercice des droits de visite et d’hébergement des parents séparés (décret du 23 mars 2020)
Les déplacements des enfants pour se rendre chez l’autre parent doivent se faire dans le respect des consignes de sécurité sanitaires, ce qui implique d’éviter que les enfants utilisent les transports en commun, et qu’ils ne se retrouvent en présence de personnes vulnérables (âgées, fragiles ou malades) au domicile de l’un des parents. Les jugements relatifs au droit de visite et d’hébergement des enfants s’appliquent donc toujours dès lors que ces conditions sont respectées.
Pour rappel : sauf à démontrer l’existence de motifs liés au respect des consignes sanitaires, le fait d’empêcher l’exercice du droit de visite et d’hébergement de l’autre parent ou de refuser de restituer l’enfant à l’issue de celui-ci peut être puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.
Durant la période d’état d’urgence sanitaire, le juge aux affaires familiales ne peut être saisi qu’en cas d’urgence, en référé. Constitue un cas d’urgence toute situation mettant en danger l’intégrité physique ou morale d’un enfant, d’un parent ou d’un époux (mauvais traitement à enfants, menaces de mort, violence physique ou psychologique sur conjoint).
- L’éviction du conjoint ou parent violent
Accompagnée d’une interdiction d’entrer en contact avec la victime, elle peut résulter d’une ordonnance de protection prononcée par un juge aux affaires familiales ou d’une décision pénale susceptible d’intervenir avant toute condamnation – notamment dans le cadre un contrôle judiciaire – ou à titre de composante de la peine, telle l’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve.
Le prononcé d’un contrôle judiciaire à caractère socio-éducatif permet un suivi renforcé des personnes mises en cause. Il est à noter que les associations chargées de mettre en œuvre les mesures de contrôle judiciaire, regroupées au sein de la fédération Citoyens justice ont mis en place un suivi téléphonique, pendant le temps de cette période d’urgence sanitaire.
- La protection de la victime au cours de l’exécution de la peine
Des mesures exceptionnelles, nécessitées par les impératifs de santé publique, sont prises en direction des établissements pénitentiaires. Elles concernent les règles d’affectation des détenus comme l’exécution des peines privatives de liberté.
Sont néanmoins exclus des mesures visant à octroyer à chaque détenu, une réduction de peine supplémentaire en raison des circonstances exceptionnelles liées à la situation sanitaire actuelle, tous les condamnés purgeant une peine prononcée pour violences conjugales.
Ces derniers sont également exclus du champ d’application de la mesure visant à permettre une sortie anticipée des détenus, telle que prévue à l’article 24 de l’ordonnance portant adaptation des règles de procédure pénale.
- Les dispositifs d’alerte et d’accueil pour les victimes
. Le numéro d’appel 17 est le contact à privilégier en cas d’urgence, ainsi que la plate-forme arretonslesviolences.gouv.fr.
. Le numéro 114 joignable par SMS : […]
. Une écoute, une information et une orientation vers des dispositifs d’accompagnement et de prise en charge peuvent être données en appelant le numéro national de référence 3919, spécialement destiné aux femmes victimes de violences.
. Toute victime doit aussi savoir qu’elle peut aussi compter sur un accueil personnalisé et une orientation spécifique, par le biais des associations travaillant en lien étroit avec l’ensemble des cours et tribunaux. Via le 116006, elle bénéficiera de l’accueil téléphonique mis en place par le réseau France Victimes.
. Une diffusion des téléphones grave danger assurée : les « téléphones grave danger » continuent à être distribués par le SADJAV (service de l’accès au droit et à la justice et à l’aide aux victimes) aux juridictions. La plate-forme de téléassistance est également en mesure de remplir sa mission.
Deux cent cinquante nouveaux appareils ont été commandés, afin de pouvoir répondre aux demandes nouvelles.
Le soutien de l’application App’elles : gratuite, cette application, lancée en 2015 par Diriata N’Diaye, propose trois services : alerter, joindre les services d’urgences et informer.
Elle peut être téléchargée sur tout téléphone portable. En appuyant sur ce dernier, la personne qui se sent menacée peut déclencher en toute discrétion un appel vers trois proches de confiance dont les noms auront été préenregistrés, mais également vers les numéros d’urgence 112 et 114 ainsi que vers la plateforme de signalement du ministère de l’intérieur. Dès que l’appli-alerte est déclenchée, la personne victime est géo-localisée. En outre, la conversation et/ou les bruits environnants sont enregistrés, même si elle ne peut pas parler. […].
. Le dispositif « Porteurs de paroles » mis en place par les parquets de Saint-Malo et Rennes : […] Il s’agit, pour le primo-confident (proche, voisin, professionnel…), de pouvoir l’aider concrètement, en transmettant, avec son accord, quelques informations sur sa situation à des professionnels spécialisés en capacité d’aller vers cette victime pour confidentiellement l’écouter, l’accompagner, la conseiller ou lui proposer un rendez-vous pour une plainte, en fonction du choix et des besoins de celle-ci. A cette fin, un bordereau a été élaboré et est disponible sur le site de la préfecture. Il est à renseigner et à adresser (préférentiellement par mail) au parquet qui assurera l’orientation vers l’interlocuteur choisi par la victime (association spécialisée, avocat ou service de police et de gendarmerie). Il est possible de prendre connaissance du bordereau « Porteurs de paroles » sur le site : www.ille-et-vilaine.gouv.fr. Un dispositif susceptible d’être repris dans d’autres départements.
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