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Réforme du divorce par consentement mutuel et médiation : propositions de la Fédération française des centres de médiation

28/03/2017

La « modernisation de la justice du XXIe siècle » ne saurait se faire en deux ans. Elle nécessitera quelques ajustements.

En particulier, les dispositions de la loi du 18 novembre 2016 sur le divorce sans juge, mettent dans un grand embarras les avocats, les notaires et bien entendu nos concitoyens.

Cette réforme a pour objectifs de « déjudiciariser » afin que le juge ne soit plus le premier recours, mais le dernier et d’humaniser la justice en incitant les justiciables à recourir à des modes amiables de résolution des différends, tels la médiation.

La médiation familiale indissociable du divorce sans juge

Depuis la transposition en 2011 de la directive européenne du 21 mai 2008 sur la médiation civile et commerciale, de nombreux textes encadrent la médiation à l’initiative des parties ou du juge, en tant que moyen d’aider les personnes en conflit à identifier ses causes pour construire ensemble un accord d’intérêt mutuel.

Paradoxalement, les dispositions concernant le divorce sans juge ne font aucune part à la médiation.

La mission d’accorder les parties en instance de divorce, dans un contexte chargé d’affects, est confiée aux avocats de chaque partie, qui ont l’expérience depuis 1975 des divorces par consentement mutuel judiciaires.

Cependant, 25 % de ces divorces, négociés sans l’accompagnement d’un tiers professionnel, donnent ensuite lieu à de nouvelles procédures extrêmement conflictuelles, révélatrices de rancœurs conjugales, mais engagées au prétexte de modifier les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Dans ce cadre, le juge a la faculté d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur aux fins de s’informer sur la spécificité de la médiation et sur l’utilité de rechercher l’origine de leur conflit.

Malheureusement, les textes régissant le nouveau divorce depuis le 1er janvier 2017 n’ont pas intégré la médiation dans le processus d’élaboration de la convention.

Par contre, dans le souci de respecter le droit de l’enfant mineur à être informé des « procédures le concernant », prévu par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (New York 1989), le nouveau divorce sans juge impose aux parents de faire remplir et signer par chacun de leurs enfants mineurs un formulaire, destiné à les informer de la procédure qu’ils ont choisie et des mesures les concernant.

Ce document implique directement les enfants dans le conflit conjugal en leur proposant d’être entendus par un juge et en leur indiquant que le choix de la procédure de divorce dépendra de leur demande d’audition.

Dans le contexte douloureux et traumatisant que constitue généralement un divorce pour les enfants, ce formulaire, brutalement informatif, est manifestement contraire à « l’intérêt supérieur de l’enfant » (CIDE).

Fondamentalement, c’est à ses parents, et non à la justice, qu’incombe le devoir d’expliquer à l’enfant qu’il ne s’agit pas d’une simple dispute, mais d’une séparation définitive, et d’organiser avec lui le maintien, voire le renforcement, de ses liens avec ses deux parents.

Encore faut-il qu’avant d’entreprendre cette communication très délicate, respectueuse des attentes de leurs enfants, les parents aient éventuellement fait ensemble en médiation,  un travail d’analyse des causes de leur séparation et dissipé les malentendus et les rancœurs qui perturbent leur relation.

Le recours à la médiation, qui accompagne cet apprentissage parental, est le gage d’une séparation réussie

 En présence d’enfants, le formulaire administratif pourrait être avantageusement remplacé par la justification dans la convention de divorce – article 229-3.6° – que les parents se sont effectivement rendus à une information ou ont tenté de mettre en œuvre une médiation pour son élaboration et qu’ils ont informé leurs enfants des conséquences les concernant.

Ce qui ne rend pas pour autant obligatoire la médiation, processus fondamentalement volontaire, puisqu’il ne s’agirait que d’une obligation d’information et de tentative de médiation, les parents ayant le choix d’autres procédures, certes moins rapides.

L’homologation de la convention lui donne force exécutoire

Aux termes des articles 229-1 à 229-4 du code civil régissant le nouveau divorce, la convention de divorce par consentement mutuel prend la forme d’un acte sous signature privée contresigné par les avocats de chaque partie.

Cet acte n’est pas assorti de la force exécutoire, indispensable pour effectuer les formalités de transcription du divorce sur les registres d’état civil, pour le paiement de la prestation compensatoire et des pensions alimentaires, etc.

Le législateur de 2016 a donc prévu que la convention fasse l’objet d’un enregistrement par un notaire.

Cette formalité supplémentaire est loin de satisfaire les avocats, les notaires eux-mêmes et les parties.

Depuis 1975, la convention de divorce par consentement mutuel judiciaire était souvent rédigée par un seul avocat et homologuée par le juge aux affaires familiales dans 99% des dossiers.

La nouvelle convention établie par deux avocats, assistant chacune des parties, et élaborée avec l’aide d’un processus de médiation impliquant les parties dans la construction de leur accord « sur mesure », présente suffisamment de garanties de pérennité pour être directement soumise à l’homologation du juge « en circuit court ».

L’homologation est déjà prévue pour rendre exécutoires les accords issus d’une médiation initiée par les parties ou par le juge – articles 131-12 et 1534 du code de procédure civile –

Elle est également instituée depuis le 28 décembre 2016 pour les conventions par lesquelles les parents organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants – article 1143 du code de procédure civile.

A fortiori, un accord issu d’une médiation, formalisé dans une convention de divorce élaborée et contresignée par les avocats de chaque partie, relève de l’homologation judiciaire.

En conclusion,

En présence d’enfants mineurs, imposer aux parents l’obligation de s’informer sur la médiation, voire de la tenter, au cours du processus d’élaboration de la convention de divorce par consentement mutuel, formalisée par acte d’avocats, et soumettre la convention à l’homologation du juge afin de la rendre exécutoire, répond à la volonté des pouvoirs publics de développer la médiation, sans enfreindre le droit du justiciable à l’accès au juge.

Le nouveau divorce constitue l’opportunité d’un changement culturel, pour une justice moderne et plus humaine, comme le préconise la Commission européenne dans son rapport du 26 août 2016 sur l’application par les Etats membres de la directive de 2008.[1]

Claude BOMPOINT-LASKI                                                     Bâtonnier Claude DUVERNOY

Avocat honoraire médiateur                                                       Médiateur

Vice-Présidente de la F.F.C.M.                                                   Président de la F.F.C.M.

 

 

[1]​​https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/1-2016-542-FR-F1-1.PDF

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