Un majeur sous tutelle ne peut donner son consentement à sa remise en exécution d’un mandat d’arrêt européen
La chambre criminelle poursuit méthodiquement son application stricte des dispositions protectrices des majeurs protégés faisant l’objet de poursuites ou de condamnations pénales. Après avoir décidé que les dispositions relatives à l’information préalable obligatoire de la personne chargée de l’exercice de la mesure de protection s’appliquaient y compris au stade de l’exécution de la décision de condamnation pénale (en l’espèce, à propos d’une astreinte : Crim., 24 juin 2014, n° 13-84.364, AJ fam. 2014. 561, avec nos observations), la chambre criminelle, le 17 février 2016, applique à nouveau ce statut protecteur, pour la première fois, à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.
En l’espèce, l’intéressé, de nationalité française, faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen pour l’exécution de deux peines d’emprisonnement prononcées aux Pays-Bas. Il avait déclaré consentir à sa remise aux autorités judiciaires requérantes lors de l’audience de la chambre de l’instruction, en application de l’article 695-31 al. 3 du code de procédure pénale, et la chambre de l’instruction lui en avait donné acte.
Rappelons que l’article 695-31 alinéas 3 et 4 du code de procédure pénale dispose que :
«Si la chambre de l’instruction constate que les conditions légales d’exécution du mandat d’arrêt européen sont remplies, elle rend un arrêt par lequel elle donne acte à la personne recherchée de son consentement à être remise ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de la spécialité et accorde la remise…
Si la personne recherchée déclare ne pas consentir à sa remise, la chambre de l’instruction statue par une décision dans le délai de vingt jours à compter de la date de sa comparution, sauf si un complément d’information a été ordonné dans les conditions énoncées à l’article 695-33…».
En l’espèce, l’intéressé était placé sous tutelle. L’article 440 du code civil suppose que ses facultés étaient nécessairement altérées (en l’espèce, il souffre de déficience mentale), ce qui le mettait dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts (C. civ., art. 425), et qu’il devait être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile.
La chambre criminelle en déduit qu’il ne pouvait pas valablement donner son consentement à sa remise et que, dès lors, la chambre de l’instruction aurait dû procéder comme prévu à l’alinéa 4 de l’article 695-31 du code de procédure pénale, et non pas à son alinéa 3, et elle casse donc l’arrêt de la chambre de l’instruction pour violation des articles 695-31 du code de procédure pénale et de l’article 440 du code civil.
Il semble qu’on puisse déduire de cet arrêt important (il est publié) que la chambre criminelle exclut les majeurs protégés de toutes les procédures pénales nécessitant leur consentement ou leur renonciation (par ex. la composition pénale, ou encore la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité).
Thierry Verheyde, magistrat
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