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Papa, maman, le juge et moi: Le travail d’un pédopsychiatre, expert auprès des tribunaux

22/04/2013

Je voulais vous faire partager mon intérêt pour cet ouvrage de Georges Juttner, pédopsychiatre, expert judiciaire en psychiatrie  infanto-juvénile depuis une trentaine d’année (Gallimard, coll. Sur le champ, 2012). L’entrée dans l’expertise judiciaire s’est faite un peu par hasard, après une discussion avec un  magistrat lui proposant, avant toute critique, de venir découvrir l’envers du décor.
Trente ans plus tard il en ressort un témoignage, un questionnement, un retour d’expérience, sur les rapports entre le judiciaire et la pédopsychiatrie.

Son expertise se déploie naturellement dans trois domaines : le conflit familial, le plus souvent au moment du divorcé ; le mineur victime, souvent d’abus de la part de ses propres parents ; le mineur poursuivi au pénal. Dans ces cas, le juge a la possibilité de missionner un expert qui apportera son éclairage sur la situation familiale, les pathologies éventuelles, les solutions à préconiser… Chacun de ces domaines est illustré de rapports d’expertises issus de sa pratique professionnelle, et s’accompagne de questions, tant sur la manière dont les questions lui sont posées en tant qu’expert, que sur le rapport souvent difficile entre l’instant de l’expertise, et le temps de la construction de l’enfant.

Cet ouvrage apporte un éclairage inédit sur ce que constitue « l’intérêt supérieur de l’enfant », notion si chère au droit de la famille, vu par un psychiatre qui s’intéresse à la construction, la structuration de l’enfant comme sujet (en l’occurrence il ne s’agit pas du sujet de droit…).

Il illustre également ce qui est la pratique d’un expert, distinct de sa pratique professionnelle, parce que l’expertise à un instant T se distingue fondamentalement d’une pratique professionnelle orientée vers une prise en charge thérapeutique de longue durée. Avec parfois des écarts difficiles, lorsque les exigences du procès, de la preuve, viennent profondément heurter le sujet, l’enfant, d’un point de vue thérapeutique. Ou lorsque la réaction immédiate à un problème de garde vient nier ce qu’entend le psychiatre derrière les revendications, remarques ou silences de l’enfant et de ses parents.

Cet ouvrage n’est pas une opposition entre les deux mondes. Il insiste, en les expliquant, sur les difficultés de langage entre les professionnels, certains mots n’ayant pas le même sens sur le plan judiciaire ou psychiatrique, et pouvant déboucher sur des incompréhensions mutuelles. Il souligne également les différences de temps, de pratique, mais aussi les liens entre les professions, les progrès des droits de l’enfant et de l’écoute de sa parole.

L’ouvrage apporte  quelques éclairages du psychiatre justement sur la parole de l’enfant, le sens de la vérité aux différents stade de son développement psychique. Ceci dans un langage compréhensible pour une personne totalement étrangère au monde de la psychanalyse, illustré par de nombreux exemples très pratiques. Il donne quelques éléments sur son éthique professionnelle d’expert, éléments surement utiles pour que les parties au procès comprennent comment comprendre, voir utiliser, une expertise à bon escient. Eléments intéressants aussi pour les professionnels de l’enfance, de la justice ou de la psychanalyse, pour comprendre comment avec la meilleure volonté du monde, en projetant ses propres modèles ou certitudes, on peut nier le devenir propre du sujet.

Il conclut également par sa vision de psychiatre sur l’évolution des modèles familiaux (famille monoparentale, couples homosexuels…) et donc sur la place de l’enfant  pour y développer sa construction psychique.

Suggérant des passerelles entre les professions (formations, colloque) ou des rédactions d’objet de missions d’expertise à l’usage des magistrats, cet ouvrage peut avoir une portée pratique à ne pas négliger, dans l’intérêt de l’enfant et pour améliorer le travail des professionnels de la justice.

Pascale Guiomard

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