Les procédures de surendettement des particuliers, 10 ans après la loi sur le rétablissement personnel
Le Centre Interdisciplinaire d’Analyse des Processus Humains et Sociaux (CIAPHS, EA 2241) avec la participation du laboratoire Espaces et Sociétés (ESO, UMR CNRS 6590) organise un colloque sur le surendettement à Rennes les 12-13 septembre 2013. Un appel à communication est lancé.
Les procédures de surendettement des particuliers, 10 ans après la loi sur le rétablissement personnel
Le dispositif juridique de traitement des situations de surendettement des particuliers introduit par la loi Neiertz du 31 décembre 1989 fait désormais partie intégrante des droits applicables aux difficultés financières des particuliers. Le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès des commissions de surendettement est passé d’un peu plus de 60000 dans les années 1990 à près de 190000 en 2004. Plus de 232000 dossiers ont été enregistrés en 2011.
Dans le flot des réformes ayant touché les procédures applicables aux particuliers, la loi du 1er août 2003 est apparue comme une innovation majeure. S’inspirant de la loi sur la faillite d’Alsace Moselle, elle introduit la Procédure de Rétablissement Personnel (PRP), procédure au centre de laquelle le législateur place le juge du surendettement, alors juge de l’exécution. Le débiteur de bonne foi dont la situation est irrémédiablement compromise peut, s’il y consent, bénéficier d’un effacement de dettes au terme d’une procédure judiciaire avec liquidation des biens. La loi ne vise plus seulement à traiter la situation de surendettement mais bien à apurer le passif des débiteurs en leur donnant ainsi une deuxième chance (fresh start). Malgré des démarrages timides, près d’un tiers des dossiers de surendettement sont aujourd’hui orientés vers une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation (Baromètre BdF, 1er trim. 2012).
La réforme opérée par la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation constitue également une étape importante dans les évolutions législatives touchant la prévention et le traitement du surendettement. Cependant, le récent rapport d’information remis en juin 2012 par Mmes Dini et Escoffier « Crédit à la consommation et surendettement : une réforme ambitieuse à compléter » laisse à penser que le temps des réformes n’est pas achevé.
Bien ancrées dans le paysage juridique français, les procédures de rétablissement personnel (depuis 2010) et plus largement de surendettement des particuliers, continuent de susciter des difficultés d’application techniques et juridiques (le très nombreux contentieux en témoigne) , des oppositions et des débats (définition du surendettement et de la bonne foi, de la situation irrémédiablement compromise, création d’un fichier positif…), des interrogations sur son organisation et son efficacité.
Le 10e anniversaire de la loi du 1er août 2003 sur le rétablissement personnel est l’occasion de faire un bilan sur les procédures de surendettement des particuliers en invitant des chercheurs d’horizons différents, juristes, économistes, sociologues, géographes, démographes, historiens… à se rencontrer pour faire état de leurs travaux récents, de leurs pratiques, et confronter ainsi leurs points de vue.
Les propositions de communication pourront, par exemple, s’inscrire dans les thématiques suivantes :Le droit du surendettement un droit vivant ou en mouvement perpétuel ?
Depuis la loi du 31 décembre 1989, les réformes se sont empilées à un rythme soutenu sans que les objectifs poursuivis aient été toujours très lisibles : prévenir ou traiter le surendettement, aménager ou apurer le passif du débiteur, renforcer le rôle du juge ou accroître les pouvoirs des commissions, accélérer le traitement des dossiers ou renforcer les droits du débiteur et/ou de ses créanciers, assurer l’égalité des créanciers ou privilégier le paiement de certaines dettes ? Les « procédures » de désendettement se superposent et s’entrecroisent sans jamais vraiment disparaître : règlement conventionnel, décisions de la commission de surendettement, mesures homologuées ordinaires ou extraordinaires, rétablissement personnel sans ou avec liquidation… L’impression d’instabilité est renforcée par des renvois législatifs qui favorisent le contentieux et les solutions jurisprudentielles parfois invalidées ensuite par la loi.
Face à ce foisonnement législatif et jurisprudentiel, peut-on véritablement parler de procédure de désendettement civil et est-il véritablement possible de discerner des principes généraux derrière les différentes procédures applicables ? Par exemple, si l’on peut constater un renforcement de la discipline collective avec la loi du 1er juillet 2010, il n’est pas certain que l’égalité des créanciers ait été renforcée. La multiplication des dettes échappant à toute mesure d’effacement n’est-elle pas de nature à remettre en cause l’objectif d’apurement du passif ?
Enfin, on peut se demander plus largement si la complexité du droit applicable est bien compatible avec l’absence d’assistance juridique fréquente des bénéficiaires des procédures, absence qui rend d’autant plus cruciale l’intervention des associations de défense et d’accompagnement des débiteurs surendettés ? Alors que les évolutions réglementaires font une place de plus en plus grande à l’accompagnement social (travailleurs sociaux dans les commissions – valorisation d’un accompagnement social souhaité des personnes), l’absence de moyens financiers dédiés à cet accompagnement ne vient-elle pas contredire cette orientation ou la cantonner à des formes d’interventions bénévoles ?La place des juges, des commissions de surendettement et de leur secrétariat dans les procédures de surendettement
Si l’afflux de dossiers avait conduit la loi du 8 février 1995 à cantonner le juge du surendettement au second plan derrière les commissions de surendettement, la loi du 1er août 2003 le placera au centre de la procédure de rétablissement personnel avant que le législateur ne « déjudiciarise » une partie des procédures par la loi du 1er juillet 2010.
Est-il possible de dépasser les contraintes de l’encombrement judiciaire et de coût budgétaires que représentent les procédures de surendettement des particuliers pour s’interroger sur la place et le rôle du juge dans les procédures de surendettement ? Quelles sont les conséquences de son effacement progressif au profit de commissions de surendettement et de leur secrétariat ? Leur nouvelle composition est-elle de nature à répondre aux interrogations sur leurs pouvoirs propres de décision ? Que nous apprend la publication récente de la composition des commissions et de leurs règlements intérieurs de fonctionnement ?
Enfin a-t-on bien mesuré les déterminants et les conséquences des divergences d’appréciation entre les commissions et des juges du surendettement sur les conditions d’ouverture de la procédure, en particulier sur la bonne foi ou l’appréciation du caractère irrémédiablement compromis d’une situation personnelle et/ou familiale ?L’évaluation et l’efficacité des procédures de surendettement
Les statistiques fournies par les services de la Banque de France, enquêtes typologiques et baromètres, sont des informations précieuses pour mieux appréhender les situations de surendettement : « profil » socio-démographique et professionnel des particuliers surendettés, niveau et nature des ressources et de l’endettement, nombre de dossiers déposés et reçus, type de procédure ouverte…
Pour autant, ces données, uniquement quantitatives, ne reflètent que l’activité des services de la Banque de France et des commissions de surendettement et n’ambitionnent pas de rendre compte de l’ensemble des situations de surendettement, y compris de celles qui ne sont pas déclarées ou enregistrées par les commissions, pas plus que des suites des procédures, une fois que les mesures ont pris fin. Que deviennent les débiteurs après une procédure de rétablissement personnel ? Comment évaluer les taux d’échec ou de réussite des procédures, et plus largement leurs causes ? Les personnes connaissent-elles vraiment un nouveau départ après une procédure de rétablissement personnel ? Quelles sont plus largement aujourd’hui les autres sources d’informations et de connaissance du surendettement ?
Quels sont les outils d’observation, de prévention ou de traitement, nouveaux ou transposés de modèles étrangers, qui pourraient être mis en place pour renforcer ou améliorer les dispositifs existants (fichier positif, centre de médiation de dettes…) ?Répondre à l’appel à communication
Les propositions de communications doivent être rédigées en français (et éventuellement en anglais) et ne pas dépasser 3 pages.
Sur la première page sera indiqué le titre de la communication, le ou les nom(s) d’auteur(s), les adresses postale et électronique de l’auteur (des auteurs), l’organisme d’appartenance de l’auteur (des auteurs).
Le texte de la proposition doit préciser la problématique choisie, l’originalité de la communication ainsi que sa nature, la méthodologie retenue s’il y a lieu, ainsi qu’une brève bibliographie sélective (10 références maximum).Les communications doivent être adressées exclusivement par courriel à Gaël Henaff gael.henaff@univ-rennes2.fr avant le lundi 14 janvier 2013.
Les auteurs dont les communications auront été retenues par le comité scientifique recevront une notification d’acceptation au plus tard le lundi 4 mars 2013. Les textes définitifs devront être envoyés avant le lundi 3 juin 2013 pour pouvoir être sélectionnés par le comité scientifique en vue d’une publication.Calendrier
– Date limite de réception des projets de communication : lundi 14 janvier 2013.
– Réponse du Comité scientifique aux auteurs : lundi 4 mars 2013.
– Date limite de réception des textes définitifs pour publication : lundi 3 juin 2013.
– Programme définitif du colloque : lundi 10 juin 2013
– Colloque : jeudi 12 et vendredi 13 septembre 2013.Comité d’organisation
Eugène Ayssi Manga, MCF en droit privé, université de Rennes 2.
Emmanuel Bioteau, MCF en géographie sociale, université d’Angers.
Anne Bourrat Gueguen, MCF en droit privé, université de Rennes 2.
Richard Gaillard, MCF de sociologie, Université d’Angers.
Véronique Gardin, Maison de la recherche en Sciences sociales, université de Rennes 2.
Simon Heichette, Ingénieur d’Etudes, programme AdPMS, université d’Angers.
Gaël Henaff, MCF en droit privé, université de Rennes 2.
Stéphanie Le Cam, MCF en droit privé, université de Rennes 2.
Marie-France Monnerais, Maison de la recherche en Sciences sociales, université de Rennes 2.
Comité scientifique
Eugène Ayssi Manga, MCF en droit privé, université de Rennes 2.
Danièle Benezech, PR en économie, université de Rennes 1.
Emmanuel Bioteau, MCF en géographie sociale, université d’Angers.
Anne Bourrat Gueguen, MCF en droit privé, université de Rennes 2.
Michel Chauvière, sociologue de la famille, Directeur de recherche au CNRS.
Jean-Yves Dartiguenave, Pr en sociologie, université Rennes 2.
Olivier Décima, professeur en droit privé, université de Bordeaux IV Richard Gaillard, MCF en sociologie, Université d’Angers.
Georges Gloukoviezoff, docteur en économie, membre de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, 2G Recherche.
Gaël Henaff, MCF en droit privé, université de Rennes 2.
Jérôme Julien, PR en droit privé, université de Toulouse Eric Mondielli, PR en droit public, université de Nantes.
Jean-Louis Perrault, MCF en économie, université de Rennes 1.
Raymonde Séchet, PR en géographie sociale, université de Rennes 2.Informations pratiques
. Lieu et date du colloque
Jeudi 12 et vendredi 13 septembre 2013
Université de Rennes 2, Place du Recteur Henri Le Moal, CS 24 307, 35043 Rennes Cedex.. Contacts
Scientifique
Gaël Henaff, maître de conférences en droit privé, université de Rennes 2. gael.henaff@univ-rennes2.fr
Administratif et financier
Maison de la recherche en sciences sociales
Véronique Gardin veronique.gardin@univ-rennes2.fr tel. 02 99 14 20 92
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