Rappelons-nous. Alors qu’elle a admis que les époux Mennesson étaient bien les parents des deux jumelles nées d’une gestation pour autrui (GPA) en Californie, la Cour d’appel de Paris, le 18 mars 2010, a décidé que les actes de naissance américains ne pouvaient être transcrits à l’état civil français et que leur transcription devait être annulée (AJ fam. 2010. 233, obs. F. Chénedé). Cette décision faisait suite à une décision de la Cour de cassation qui reconnaissait au ministère public un intérêt à agir en nullité des transcriptions. Lire la suite…
Je fais suite aux commentaires laissés à la suite du billet d’hier « Accouchement sous X : des grands-parents victorieux » et vous livre la décision de la Cour d’appel d’Angers.
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Le droit semblait contre eux. Et pourtant… les grands-parents sont aujourd’hui assurés de pouvoir vivre avec leur petite-fille née sous X ! Le 26 janvier 2011, la Cour d’appel d’Angers a annulé le statut de pupille de l’État de l’enfant et en a confié la garde aux grands-parents, à charge pour eux de requérir l’ouverture d’une tutelle. Restait toutefois la possibilité d’un pourvoi en cassation. La mère l’espérait… Finalement la Cour de cassation n’aura pas à connaître de cette affaire (soulagement des Hauts magistrats ou regrets ?). Il y a quelques jours, le président du conseil général du Maine-et-Loire faisait savoir qu’il renonçait à se pourvoir en cassation.
Si cette affaire ne nous semble pas directement menacer l’accouchement sous X dans la mesure où la mère avait elle-même levé le secret, il est certain qu’elle viendra alimenter l’actuel débat sur ce qui pourrait devenir « l’accouchement dans le secret ». Les intérêts des uns et des autres ne convergent pas nécessairement. Et la difficulté s’accroît encore si l’on envisage celui de la famille.
Une chose est certaine, quoi qu’il soit décidé, on sait déjà que la solution ne fera pas l’unanimité.
Le projet de loi « Bioéthique « a beau ne rien dire des mères porteuses (V. notre billet du 21 octobre 2010), le combat se poursuit et les points de désaccord demeurent.
Le 13 décembre 2010, soit la veille de la réunion du bureau national du Parti socialiste portant sur les questions des lois de bioéthique, une soixantaine de personnalités, dont la philosophe Elisabeth Badinter et Irène Théry, ont signé une tribune en faveur d’un encadrement de la gestation pour autrui en France. Ce faisant, ils répondent à ceux – Michel Rocard et Lionel Jospin notamment – qui, il y a trois semaines, s’étaient opposés à la légalisation des mères porteuses.
Finalement, le Parti socialiste a tranché le 14 décembre. C’est non. « Face aux risques que représentent l’instrumentalisation du corps de la gestatrice et sa possible marchandisation, l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) doit être maintenue ».
Le projet de loi bioéthique sera présenté en Conseil des ministres à la fin du mois de septembre. Comme on pouvait s’y attendre après une succession d’avis négatifs, la question des mères porteuses n’est pas évoquée. Celles du transfert post-mortem d’embryon ou de l’assistance médicale à la procréation pour les célibataires et les homosexuels ne le sont pas davantage. Mais, reprenant l’une des propositions du rapport léonnetti remis le 20 janvier 2010, il serait envisagé d’aligner le pacs sur le mariage pour l’accès des couples à l’AMP. Il serait également proposé de lever l’anonymat du don de gamètes. Une possibilité qui, pourtant, avait été écartée par la mission Léonetti.
Conclusion : les deux propositions de loi tendant à autoriser et à encadrer la gestation pour autrui déposée au Sénat le 27 janvier dernier (Texte n° 233 et Texte n° 234) n’ont que bien peu d’avenir. Le vent ne leur est pas favorable et l’accouchement ne semble pas programmé…
Publiée chaque année depuis la fin des années 1970, l’enquête « conditions de vie et aspirations » du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) révèle qu’en France l’opinion est en train de basculer en faveur de l’homoparenté. En 2010, près d’un Français sur deux (48 %) estime qu’un couple homosexuel devrait pouvoir adopter un enfant alors qu’il y a quatre ans 40 % seulement de la population y étaient favorables. Et 61 % considèrent que deux personnes de même sexe devraient pouvoir s’unir civilement à la mairie, contre 55 % en 2007.
R. Bigot, L’opinion défend à la fois la liberté individuelle et la cohésion sociale, Consommation et modes de vie, juill. 2010
Par deux décisions du 6 juillet 2010 la Cour européenne des droits de l’homme juge contraire à la substance même du droit au respect de la vie privée de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme le délai d’introduction rigide d’une action judiciaire en recherche de paternité, qui notamment ne tient pas compte de l’incapacité de l’enfant.
Les juridictions finlandaises ont rejeté la demande de deux enfants nés hors mariage tendant à faire établir leur filiation avec leur père biologique respectif en vertu de la loi de 1976 sur la paternité qui fixe un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur pour l’introduction des actions en recherche de paternité des enfants nés avant cette date. Une loi qui, par ailleurs, interdit toute action après le décès du père.
Si l’existence d’un délai de prescription n’est pas en soi incompatible avec la Convention, la Cour estime qu’il est difficile d’accepter un délai inflexible de prescription qui s’écoule sans tenir compte de l’âge de l’enfant et de sa capacité juridique, et qui n’offre aucune exception. De même, elle considère qu’il est difficile d’admettre que les autorités nationales aient pu laisser des contingences juridiques l’emporter sur la réalité biologique établie par des tests ADN.
CEDH, 6 juill. 2010, Grönmark c/ Finlande, requête n° 17038/04
CEDH, 6 juill. 2010, Backlund c. Finlande, requête n° 36498/05
Souvenons-nous, le 8 octobre 2009 des grands-parents avaient obtenu, en référé, du président du Tribunal de grande instance d’Angers une expertise biologique en vue d’établir leur lien avec l’enfant né sous X, qu’ils avaient été autorisés à voir à sa naissance, pour ainsi pouvoir contester l’arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État (AJ fam. 2009. 455, obs. F. Chénedé). Le 26 avril 2010, le Tribunal de grande instance d’Angers, sans examiner l’affaire sur le fond, déclare leur demande irrecevable. Dans la presse, on peut lire que les grands-parents « ne peuvent se prévaloir d’un lien de filiation qui est rompu par l’accouchement sous x ». Le lien biologique ne suffit pas à établir le lien de filiation !
Une étude de l’Insee révèle qu’en 2008, 3,1 millions de personnes âgées de 18 à 50 ans, nées en France métropolitaine, sont enfants d’immigrés. La moitié d’entre elles ont moins de 30 ans. 50 % ont deux parents immigrés, 20 % sont descendants d’immigrés uniquement par leur mère et 30 % uniquement par leur père. La moitié des descendants directs ont un parent immigré né en Europe et quatre sur dix sur le continent africain, essentiellement au Maghreb.
Près du quart des descendants ayant la nationalité française ont au moins une autre nationalité.
Pour la grande majorité des descendants, la langue française a été transmise dans leur enfance par au moins un de leurs parents. À la génération suivante, les descendants devenus eux-mêmes parents parlent français avec leurs enfants vivant en France, dans 99 % des cas.
Être né en France d’un parent immigré, Insee Première n° 1287, mars 2010
Prend en compte l’intérêt supérieur de l’enfant et ne refuse pas de le faire prévaloir la cour d’appel qui, constatant que les premiers juges avaient à bon droit annulé la première reconnaissance et donné plein effet à la seconde, en déduit que l’annulation de la première reconnaissance entraînait le changement de patronyme de l’enfant au profit du nom de sa défunte mère, dès lors que le seul fait d’avoir porté le nom de l’auteur de la reconnaissance annulée depuis l’âge de un an ne pouvait permettre à l’enfant d’acquérir ce nom et qu’en outre l’enfant allait reprendre le nom de sa mère qui demeurait dans sa mémoire et à laquelle elle était très attachée et non celui de son père qu’elle ne connaissait pas encore.
Civ. 1re, 17 mars 2010, n° 08-14.619 (290 FS-P+B)
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