Le divorce sans juge passera-t-il cette fois ?
Après la liquidation dans le divorce, le gouvernement entend réformer le divorce par consentement mutuel ! Rien de nouveau en réalité, la tentative est récurrente et le ton toujours le même : déjudiciariser ! Tous les moyens sont bons ! Cette fois, il pense peut-être y parvenir, en faisant intervenir à la fois les avocats et les notaires qui devraient s’en réjouir puisqu’aucune des deux professions n’est écartée ! Et les juges, évincés, devraient sauter de joie, des deux pieds : du travail en moins !
Mais voilà, les avocats y voient un piège à plus ou moins long terme et se mobilisent.
Je vous encourage à lire l’article de Jérôme Casey que vous trouverez en cliquant ICI.
Je vous livre ci-dessous l’amendement, adopté le 40 mai dernier en commission par l’Assemblée (dans le cadre du projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire) et qui a déjà fait couler beaucoup d’encre :
AMENDEMENT N°CL186
présenté par
le GouvernementARTICLE ADDITIONNEL
APRÈS L’ARTICLE 17 BIS, insérer l’article suivant:
– Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 229 est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , dans le cas prévu au 1°) de l’article 229‑2 » ;2° La section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier est ainsi modifiée :
a) Avant l’article 230, sont insérés des paragraphes 1 et 2 ainsi rédigés :
« Paragraphe 1
« Du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire »
« Art. 229‑1. – Lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils peuvent, assisté chacun par un avocat, constater leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. Cet accord est déposé au rang des minutes d’un notaire, lequel constate le divorce et donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire.
« Art. 229‑2. – Les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats lorsque :
« 1° Le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions de l’article 388‑1, demande son audition par le juge ;
« 2° L’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre.
« Art. 229‑3. – Le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas.
« La convention prévoit expressément, à peine de nullité :
« 1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et leur lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ;
« 2° Le nom des avocats chargés de les assister ;
« 3° La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et ses effets dans les termes énoncés par la convention ;
« 4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément aux dispositions du chapitre III du présent titre et notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire ;
« 5° L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
« Art. 229‑4. – L’avocat adresse par lettre recommandée avec avis de réception à l’époux qu’il assiste, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception.
La convention a force exécutoire au jour où elle acquiert date certaine. » ;« Paragraphe 2
« Du divorce par consentement mutuel judiciaire »
b) L’article 230 est ainsi rédigé :
« Art. 230. – Dans le cas prévu au 1° de l’article 229‑2, le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l’approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce. »
3° L’article 247 est ainsi rédigé :
« Art. 247. – Les époux peuvent, à tout moment de la procédure :
« 1° divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire ;
« 2° dans le cas prévu au 1° de l’article 229‑2 , demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci. ».
4° Le chapitre II du titre VI du livre Ier est ainsi modifié :
a) L’intitulé du chapitre II est complété par le mot : « judiciaire » ;
b) L’intitulé de la section II est complété par le mot : « judiciaire » ;
c) L’intitulé de la section III est complété par le mot : « judiciaires » ;
5° L’article 260 est ainsi rédigé :
« Art. 260. – Le mariage est dissout :
« 1° Par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire ;
« 2° Par la décision qui prononce le divorce à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. » ;
6° Au début de l’article 262, le mot : « Le » est remplacé par les mots : « La convention ou le » ;
7° L’article 262‑1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, le mot : « Le » est remplacé par les mots : « La convention ou le » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – Lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que la convention n’en dispose autrement ; »
c) Au deuxième alinéa, après le mot : « mutuel, » sont insérés les mots « dans le cas prévu au1° de l’article 229‑2, » ;
8° Au deuxième alinéa de l’article 265, après le mot : « constatée » sont insérés les mots : « dans la convention signée par les époux et contresignée par les avocats ou » ;
9° Au premier alinéa de l’article 278, après le mot : « compensatoire », sont insérés les mots : « dans la convention établie par acte sous signature privée contresigné par avocat ou » ;
10° L’article 279 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les troisième et quatrième alinéas s’appliquent à la convention de divorce établie par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. » ;
11° A l’article 296, après le mot : « divorce » est ajouté le mot : « judiciaire. »La loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° Après le deuxième alinéa de l’article 10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut être accordée en matière de divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. » ;
2° Après l’article 39, il est inséré un article 39‑1 ainsi rédigé :
« Art. 39‑1. – Dans le cas où le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle renonce à divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire, il est tenu compte de l’état d’avancement de la procédure.
« Lorsque l’aide a été accordée pour divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire, et que les époux reviennent sur leur engagement, le versement de la rétribution due à l’avocat, dont le montant est fixé par décret en Conseil d’État, est subordonné à la justification, avant l’expiration du délai de six mois qui suit la décision d’admission, de l’importance et du sérieux des diligences accomplies par ce professionnel.
« Lorsqu’une instance est engagée après l’échec de la procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire, la rétribution versée à l’avocat à raison des diligences accomplies durant ladite procédure s’impute, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, sur celle qui lui est due pour l’instance. »EXPOSÉ SOMMAIRE
L’évolution que connaît la procédure de divorce est axée sur la volonté constante de simplification et de pacification des relations entre les époux divorçant. Dans cette optique la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 a entendu laisser une large place au divorce d’accord, en facilitant notamment la passerelle entre les divorces contentieux et le divorce gracieux et en incitant les époux à conclure des conventions tout au long de la procédure.
Les critiques récurrentes qui sont souvent adressées à l’encontre des procédures judiciaires quel que soit leur domaine, et qui portent sur la complexité de ces procédures, leur durée ainsi que leur coût, ont amené à s’interroger sur la nécessité d’un recours systématique au juge en matière de divorce lorsque les conjoints s’accordent sur les modalités de leur rupture.
C’est dans le souci de répondre à ce constat que cet amendement vise à proposer un divorce par consentement mutuel sans juge, établi par acte sous signature privée contresignée par avocat, déposé au rang des minutes d’un notaire pour que celui-ci confère la date certaine, la force exécutoire et constater le divorce qui prendra effet au jour de l’acte de dépôt.
Cette nouvelle catégorie de divorce a vocation à s’ajouter aux cas actuels de divorce, et à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.
Compte tenu de la technicité tenant à l’élaboration d’une telle convention, l’intervention de professionnels du droit, aux côté de chacun des époux est nécessaire. La place de l’avocat dans cette nouvelle procédure est ainsi essentielle, chacun des époux devant avoir un avocat.
La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées en créant une nouvelle forme d’acte juridique – l’acte sous signature privée contresigné par avocat – offre en effet à la convention de divorce un cadre juridique adapté et suffisamment sécurisé pour servir de support à la réalisation de ce divorce.
En effet, par rapport à un acte sous seing privé « classique », un tel acte présente deux avantages : d’une part, il bénéficie d’une force probante renforcée puisqu’il fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause ; d’autre part, en contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.
La convention devra être enregistrée par un notaire pour acquérir date certaine et force exécutoire, permettant ainsi aux ex époux de se prévaloir de la convention sans avoir recours à un juge. Le divorce est constaté par le notaire qui a reçu l’acte de dépôt de la convention des époux. Dans le cadre de cet enregistrement, le notaire ne procède pas à un contrôle de l’équilibre des intérêts en présence, cette mission étant assurée par les avocats.
Des garde-fous sont toutefois prévus :
– l’amendement propose d’offrir à chaque époux un temps de réflexion avant de pouvoir signer la convention. Les époux auront ainsi la possibilité, avant que leur convention acquiert force exécutoire, de revenir sur leur engagement.
– par ailleurs, afin de respecter les engagements internationaux de la France, il est prévu qu’en présence d’enfant mineur, et lorsque le mineur demande à être entendu, les époux ne pourront pas divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée. En effet, l’audition de l’enfant dans le cadre d’une procédure de divorce extrajudiciaire paraît en pratique très délicate à mettre en œuvre dans le respect du principe du contradictoire et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, le divorce par consentement mutuel sera prononcé par le juge aux affaires familiale. Il en sera de même lorsque l’un des époux se trouvera placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.
L’amendement modifie également la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique afin de prendre en charge au titre de l’aide juridictionnelle cette nouvelle catégorie de divorce.
Le coût de ce divorce se veut maîtrisé. L’enregistrement de l’acte par dépôt au rang des minutes du notaire sera notamment fixé à environ 50 €.
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