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Sélection jurisprudentielle : adoption, aliments, couple/logement, filiation, indivision, libéralité/succession et régime matrimonial/DIP

16/09/2024

Jurisprudence3Voici ma sélection jurisprudentielle pour la rentrée ! Eh oui, si, du côté législatif, l’actualité reste au point mort depuis le mois d’août, du côté judiciaire l’activité bat son plein.

  • Adoption

Irrecevabilité de l’intervention volontaire du père biologique dans une procédure d’adoption plénière après placement de l’enfant (Civ. 1re, 11 sept. 2024, n° 22-14.490, 444 FS-D) – L’intervention volontaire dans une procédure d’adoption plénière du père de naissance d’un enfant immatriculé définitivement comme pupille de l’Etat et placé en vue de son adoption plénière est irrecevable, faute de qualité à agir, dès lors qu’aucun lien de filiation ne peut plus être établi entre eux.

Certes, les articles 352  (devenu art. 352-2) du code civil et 329 du code de procédure civile en ce qu’ils rendent irrecevable l’intervention volontaire du père de naissance qui n’a pas reconnu l’enfant avant le placement de celui-ci en vue de son adoption, constituent une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale du père de naissance garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Mais ils poursuivent les buts légitimes de protection des droits d’autrui en sécurisant, dans l’intérêt de l’enfant et des adoptants, la situation de celui-ci à compter de son placement en vue de l’adoption et en évitant les conflits de filiation.

Dès lors, en l’occurrence, ayant ainsi mis en balance les intérêts en présence et fait primer l’intérêt de l’enfant demeurée sans filiation maternelle et paternelle établie avant son placement en vue de son adoption, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder de manière abstraite à une appréciation des effets à long terme d’une procédure d’adoption plénière conçue dans l’intérêt de l’enfant et régulièrement mise en oeuvre, a pu en déduire que l’irrecevabilité de l’intervention volontaire du père à cette procédure, en dépit de l’irréversibilité de ses effets sur la filiation de l’enfant, ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi précédemment rappelé, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, et a, de la sorte, légalement justifié sa décision.

NB – Cette décision sera commentée par Pascale Salvage dans le numéro d’octobre de l’AJ famille.

Irrecevabilité de la tierce opposition des bailleurs contre un jugement d’adoption simple en l’absence de fraude ou de dol de la part de l’adoptant (Civ. 1re, 11 sept. 2024, n° 21-24.240, 452 F-D) – La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Rouen, qui avait déclaré irrecevable la tierce opposition formée par les bailleurs contre un jugement d’adoption simple du neveu par son oncle preneur à bail rural. La cour d’appel a estimé que, si la requête en adoption avait été déposée postérieurement au congé pour atteinte de l’âge de la retraite délivré à celui-ci par les bailleurs, la volonté, pour un exploitant agricole, de transmettre son patrimoine et de permettre la continuité de son exploitation lorsqu’il atteint l’âge de la retraite sans descendance, était compréhensible, que le projet d’adoption avait été mûrement réfléchi et avait recueilli l’accord de l’ensemble de l’entourage familial de l’adopté et que la volonté de l’oncle, sans descendant, de créer une vocation successorale, n’avait pas constitué la seule motivation de la requête en adoption de son neveu avec lequel il entretenait des liens affectifs forts et anciens. La cour a pu souverainement en déduire que la chronologie des événements mise en avant par les opposants ne démontre pas l’existence d’une fraude ou d’un dol de la part de l’adoptant, de sorte que leur tierce-opposition au jugement d’adoption était irrecevable.

  • Aliments

Suppression de la contribution à l’entretien et à l’éducation d’un enfant et répétition de l’indu : la cour d’appel ne pouvait déclarer l’action irrecevable (Civ. 1re, 11sept. 2024, n° 22-19.345, 450 F-D) – Viole l’article 561 alinéa 1er du code de procédure civile et les articles 1302, alinéa 1er et 1302-1 du code civil, la cour d’appel qui déclare irrecevable la demande de répétition de l’indu de la part contributive à l’entretien et à l’éducation d’un enfant, versée par l’époux en exécution d’un précédent jugement, alors que cette obligation avait été supprimée pour une période donnée par une décision du premier juge confirmée en appel. La cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs en ne reconnaissant pas que les sommes versées durant cette période étaient indues et sujettes de plein droit à répétition.

  • Couple/logement

Les effets de l’insaisissabilité de la résidence principale ne cessent pas nécessairement avec la cessation d’activité de l’artisan (Com. 11 sept. 2024, n° 22-13.482, 517 F-B) – Les effets de l’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, de sorte que la cessation de l’activité professionnelle de la personne précédemment immatriculée ne met pas fin, par elle-même, à ses effets.

Viole l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, une cour d’appel qui, pour autoriser la vente aux enchères de la résidence principale des époux, après avoir constaté que l’époux débiteur, artisan, avait été radié du registre des métiers depuis neuf mois à la date à laquelle une procédure collective a été ouverte à son encontre, retient qu’il ne peut bénéficier des dispositions protectrices de l’article L. 526-1 du code de commerce, compte tenu de la rédaction restrictive de ce texte, et ce, même si ses dettes professionnelles ont effectivement été contractées alors qu’il était encore en activité. 

  • Divorce

Non-prise en compte des prestations familiales destinées aux enfants pour l’appréciation de la prestation compensatoire (Civ. 1re, 11 sept. 2024, n° 22-16.819) – Viole les articles 270 et 271 du code civil la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par l’épouse, retient que celle-ci perçoit de la caisse d’allocations familiales une allocation de soutien familial, une allocation pour l’enfant handicapé et des allocations familiales avec majoration parent isolé, alors que ces prestations, destinées à l’entretien des enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux.

NB – Pour rappel, les prestations familiales destinées aux enfants, quelles qu’elles soient, ne sauraient être comptabilisées au titre des revenus du parent créancier (not. Civ. 1re, 10 oct. 2012, n° 11-25.610 ; 3 nov. 2021, n° 20-16.847).

  • Filiation

La prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’établissement de la filiation (Civ. 1re, 11 sept. 2024, n° 22-18.478, 449 F-D) – Prive sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 3, §1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action en recherche de paternité, ne prend pas en considération, dans son appréciation in concreto et la mise en balance des intérêts en présence, l’intérêt que l’enfant aurait à voir établir sa filiation pendant sa minorité. 

En l’occurrence, pour dire irrecevable comme prescrite l’action en recherche de paternité de la mère ès qualités, l’arrêt retient que celle-ci a attendu presque six ans après la naissance de l’enfant avant d’agir, quand bien même le prétendu père, par ailleurs père de cinq enfants et grand-père de huit petits-enfants, ne s’est jamais comporté comme le père de l’enfant, qu’il n’est pas exclu que son action soit exercée essentiellement à des fins patrimoniales et que son fils mineur conserve le droit de faire établir sa filiation dans l’année de sa majorité. Il en déduit que le délai de prescription de deux ans, fixé par l’article 500 du code de la famille centrafricain pour l’action en recherche de paternité, n’a pas à être écarté, dès lors que, au regard de la sécurité juridique et de la stabilité de la situation familiale dont doit bénéficier le défendeur, il ne constitue pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’enfant à faire établir sa filiation.

  • Indivision

Recevabilité d’une demande de liquidation définitive d’indivision après une première ordonnance ayant rejeté la demande en répartition provisionnelle des fruits de l’indivision (Civ. 1re, 11 sept. 2024, 22-16.982 451 F D) – Viole les articles 815-11, alinéa 3, et 1351 (devenu 1355) du code civil ainsi que l’article 480 du code de procédure civile la cour d’appel qui déclare irrecevable la demande de liquidation définitive de l’indivision pour la période d’août 2008 à octobre 2013, en se fondant sur l’autorité de la chose jugée attachée à une ordonnance antérieure (rendue par le président du tribunal statuant en la forme des référés) qui avait rejeté une demande de répartition provisionnelle des fruits de l’indivision, sans reconnaître que les deux demandes avaient des objets différents, la première étant à titre provisionnel (sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive), et la seconde tendant à la liquidation définitive de l’indivision à la suite de la cession du bien immobilier indivis.

  • Libéralité/succession

Donation déguisée : le rapport des fermages et du loyer du bail à cheptel non réclamés suppose un appauvrissement et une intention libérale  (Civ. 1re, 11 sept. 2024, n° 22-19.129, 446 F-D) – Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 843, alinéa 1er, du code civil  la cour d’appel qui, sans constater l’existence de l’intention libérale des prétendus disposants, condamne l’héritier, auquel les défunts avaient consenti un bail à cheptel et donné en bail à ferme leur exploitation agricole, à rapporter à la succession certaines sommes au titre de donations déguisées en retenant qu’il ne justifie pas de l’apurement des fermages sur toute une période. Or, seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

  • Régime matrimonial/DIP

La loi du régime matrimonial en détermine les règles de liquidation (Civ. 1re, 11 sept. 2024, n° 22-16.951, 448 F-D) – Il résulte de l’article 3 du code civil que la loi du régime matrimonial en détermine les règles de liquidation sauf dans le cas où les époux, capables et maîtres de leurs droits, sont convenus, dans leurs rapports réciproques, d’une liquidation sur des bases différentes.

Viole l’article 3 du code civil la cour d’appel qui, pour ordonner la liquidation complémentaire du régime matrimonial de parties mariées sous le régime légal suisse de la participation aux acquêts et divorcé en Suisse, applique la loi française au motif que l’action en partage complémentaire n’est pas soumise aux dispositions du droit suisse mis en oeuvre par la convention du 8 février 1993 organisant la liquidation complémentaire de leur régime matrimonial, puisqu’autonome par rapport à celle-ci, et qu’à la date de la demande de liquidation complémentaire les époux résidaient en France et que les biens immobiliers litigieux y étaient également situés, alors qu’il n’était pas contesté que les parties s’étaient mariés sous le régime légal suisse de participation aux acquêts, de sorte que, un changement de ce régime matrimonial n’étant pas invoqué, la loi suisse était applicable au litige.

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