Sélection jurisprudentielle : majeurs protégés, mariage et Régimes matrimoniaux
Pour cette fin de semaine, j’ai retenu quatre décisions :
- majeurs protégés
- mariage
- régimes matrimoniaux
- Majeurs protégés
La prescription extinctive ne court pas contre l’ayant droit du majeur en tutelle (Civ. 1re, 13 déc. 2023, n° 18-25.557, 667 FS-B) – L’action en nullité d’un acte à titre onéreux pour insanité d’esprit intentée par un héritier sur le fondement de l’ancien article 489-1 du code civil (devenu art. 414-2) est celle qui existait dans le patrimoine du défunt sur le fondement de l’ancien article 489 du même code (devenu art. 414-1) et doit être soumise à la même prescription.
Selon l’ancier article 2252 du code civil (devenu art. 2235), la prescription extinctive ne court pas contre les majeurs en tutelle.
Viole les articles 489, 489-1 et 1304, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, et l’article 2252 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevables les demandes en annulation de divers actes notariés passés par un majeur sous tutelle, retient que la prescription a commencé à courir avant son décès, lorsque la mesure de tutelle a été ouverte par jugement du 3 février 2004, dès lors qu’à compter de cette date, son fils, qui n’ignorait ni l’état de démence sénile dont son père était atteint, ni les actes faits par celui-ci, pouvait, en sa qualité d’administrateur légal du majeur protégé, agir en annulation des actes précités. En effet, alors que la prescription n’avait pu courir à l’encontre du majeur en tutelle, de sorte que son fils, qui agissait en annulation des actes litigieux en sa qualité d’ayant droit, ne pouvait se voir opposer l’écoulement du délai de prescription à compter du jugement de tutelle jusqu’au décès, peu important l’action qu’il aurait pu exercer durant la mesure de protection en sa qualité de représentant légal.
NB – Rappr. Civ. 3e, 14 déc. 2005, n° 04-11.036 P.
La faute de l’avocat pour avoir formé un pourvoi seulement dirigé contre le curateur ad hoc n’engage pas sa responsabilité en l’absence de perte de chance qui lui serait imputable (Civ. 1re, 6 déc. 2023, 22-50.027, 651 F-D) – Si la SCP d’avocats a commis une faute en formant un pourvoi dirigé seulement contre l’UDAF, désignée comme curatrice ad hoc pour accompagner la majeur protégée dans la procédure de contestation d’honoraires, sa responsabilité ne peut être engagée que si le premier moyen du pourvoi avait une chance de succès.
Or, ce moyen, qui visait à contester le chef du dispositif de l’arrêt qui avait déclaré recevable le recours exercé par la seule UDAF en qualité de curateur ad hoc de la majeure sous protection, aurait été lui-même déclaré irrecevable dès lors que seule la personne en curatelle, assistée de son curateur, a qualité pour se prévaloir de l’absence du curatélaire dans l’action engagée par son seul curateur.
De plus, à supposer même que la Cour de cassation ait admis sa recevabilité, elle aurait constaté que le juge des tutelles, en application des dispositions de l’article 465 du code civil, avait autorisé la confirmation de l’action engagée par le seul curateur et elle aurait écarté ce moyen.
En l’absence de perte de chance imputable à la SCP, la requête doit être rejetée.
NB – Cette affaire a déjà donné lieu à une décision de cassation relative à l’irrecevabilité du pourvoi dirigé contre le curateur seul (Civ. 2e, 5 mars 2020, n° 16-21.153, AJ fam. 2020. 258, obs. V. Montourcy).
- Mariage
Condamnation de la Pologne pour non-reconnaissance des couples homosexuels (CEDH, 12 déc. 2023, n° 11454/17)
NB – V. récemment les condamnations contre la la Bulgarie (CEDH, 5 sept. 2023, n° 40209/20), l’Ukraine (CEDH, 1er juin 2023, n° 75135/14), la Roumanie (CEDH, 23 mai 2023, n° 20081/19) et la Russie (CEDH, 17 janv. 2023, n° 40792/10, 30538/14 et 43439/14).
- Régimes matrimoniaux
Participation aux acquêts : les plus-values résultant de l’industrie personnelle d’un époux doivent être prises en compte dans le calcul de la créance de participation (Civ. 1re, 13 déc. 2023, n° 21-25.554, 666 FS-B) – Selon l’article 1569 du code civil, pendant la durée du mariage, le régime de participation aux acquêts fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. Selon les articles 1571 et 1574 du même code, les biens compris dans le patrimoine originaire comme dans le patrimoine final sont estimés à la date de la liquidation du régime matrimonial, d’après leur état au jour du mariage ou de l’acquisition pour les biens originaires et d’après leur état à la date de la dissolution du régime pour les biens existants à cette date.
Il en résulte que lorsque l’état d’un bien a été amélioré, fût-ce par l’industrie personnelle d’un époux, il doit être estimé, dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l’époux propriétaire.
Pour dire que la valeur de l’officine de pharmacie est identique dans le patrimoine originaire et dans le patrimoine final de l’épouse, une cour d’appel, après avoir constaté que la plus-value de l’officine de pharmacie de l’épouse résultait de son activité déployée au cours du mariage et non de circonstances économiques fortuites ou d’investissements de fonds, énonce que si, dans le régime de participation aux acquêts, les plus-values volontaires consécutives à des investissements financiers effectués pendant le mariage sont considérés comme des acquêts, les plus-values résultant de l’industrie personnelle d’un époux ne doivent pas être prises en compte dans le calcul de la créance de participation, comme dans le régime de communauté où celles-ci ne donnent pas lieu à récompenses. Il en déduit qu’il ne doit pas être tenu compte de la plus-value de l’officine de pharmacie de l’épouse dans le calcul de la créance de participation.
En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que, par son industrie personnelle, l’épouse avait amélioré l’état du bien entre le jour du mariage et le jour de la dissolution du régime matrimonial, la cour d’appel a violé les les articles 1569, 1571 et 1574 du code civil.
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