Actualité jurisprudentielle de la semaine : aliments/abandon de famille, filiation/nationalité, majeurs protégés, mariage, régimes matrimoniaux et successions
Une bonne récolte pour cette semaine !
- aliments/abandon de famille
- filiation/nationalité
- majeurs protégés
- mariage
- régimes matrimoniaux
- successions
- ALIMENTS/ABANDON DE FAMILLE
Condamnation pour abandon de famille (Crim. 23 mars 2022, n° 21-82.122, 00351 F-D) – Le prévenu, poursuivi pour abandon de famille, n’est pas recevable à contester, pour la première fois devant la Cour de cassation, l’absence de caractère exécutoire de la décision judiciaire ayant institué la pension alimentaire impayée.
Par ailleurs, pour déclarer un père coupable d’abandon de famille, une cour d’appel relève que ce dernier a admis avoir eu connaissance de la décision fixant une pension alimentaire à sa charge, et n’a pas contesté ses carences en n’ayant versé que 200 € par mois pour une pension d’un montant total de 600 €, en justifiant cette limitation par des difficultés financières importantes mais aussi par « un faux » qu’aurait fait son épouse en signant un visa de regroupement familial. Les juges ajoutent que cette circonstance montre que manifestement l’ex-mari en veut à son ancienne épouse en raison de cet élément qui toutefois reste sans influence pour l’appréciation des faits qui lui sont reprochés. Ils ajoutent que la pension alimentaire n’avait reçu aucune modification par rapport au montant indiqué dans les poursuites, que l’ex-mari n’en a pas obtenu la modification par décision judiciaire, ne démontre pas avoir obtenu l’accord de son ancienne épouse pour une réduction du montant de la pension alimentaire à la somme de 200 € par mois, et ne démontre pas l’impécuniosité qu’il a alléguée.
En l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent :
. en premier lieu, elle a caractérisé la pleine connaissance qu’avait le prévenu de l’étendue de son obligation, et son abstention volontaire de s’y conformer ;
. en second lieu, elle a relevé que le prévenu, qui alléguait son insolvabilité, n’a pas démontré qu’il se trouvait dans l’impossibilité absolue de régler la contribution mise à sa charge.
- FILIATION/NATIONALITÉ
Pas de perte de la nationalité française pour une ressortissante, née en France d’un père qui y est également né, qui acquiert par déclaration en 1957 la nationalité tunisienne de son époux (Civ. 1re, 30 mars 2022, n° 20-22.050, 260 FS-D) – Viole l’article 8, c), de la Convention générale entre la France et la Tunisie du 3 juin 1955 – qui stipule que le gouvernement français s’engage à ne pas revendiquer comme ses ressortissants les nationaux français résidant en Tunisie qui acquerront la nationalité tunisienne par voie de naturalisation individuelle et que, si le candidat à la naturalisation tunisienne est un Français du sexe masculin qui n’a pas accompli son service militaire actif, il devra avoir été autorisé dans les formes prévues par la loi française du 9 avril 1954 –, une cour d’appel qui fait application de ce texte pour dire qu’une ressortissante française a perdu la nationalité française, alors qu’il régit exclusivement les relations entre les Etats parties et n’est pas d’effet direct à l’égard des particuliers, lesquels ne peuvent ni en revendiquer l’application ni se le voir opposer.
Il ressort des articles 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945, et 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, ainsi que de la décision du Conseil constitutionnel du 9 janvier 2014 (n° 2013-360 QPC) qu’une ressortissante française qui a acquis la nationalité étrangère de son époux par déclaration entre le 1er juin 1951 et l’entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 ne perd pas la nationalité française.
NB – Cette décision sera prochainement commenté à l’AJ famille par Aziber Didot-Seïd Algadi.
- MAJEURS PROTÉGÉS
En cas de désaccord avec son curateur, c’est au curatélaire de saisir le juge d’une requête supplétive (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 20-22.136, 270 F-D) – Ayant retenu que la preuve n’était pas rapportée que le défunt avait sollicité sa curatrice en vue de l’assister dans la modification de la clause bénéficiaire de son contrat d’assurance sur la vie et qu’il ne pouvait, dès lors, être reproché à celle-ci de ne pas avoir informé la majeure protégée d’un refus d’assistance, une cour d’appel a pu en déduire que la curatrice n’avait pas commis de faute en transmettant au juge des tutelles, pour information, la lettre du 17 mars 2011 par laquelle le défunt indiquait à celui-ci souhaiter substituer son neveu aux bénéficiaires initiaux du contrat.
NB – Cette décision sera prochainement commentée à l’AJ famille par Valéry Montourcy.
- MARIAGE
Toute action en annulation de mariage ne devient pas nécessairement abusive (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 20-21.186, 272 F-D) – Viole l’article 1240 du code civil, par des motifs impropres à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit d’agir en justice de l’époux, la cour d’appel qui, pour le condamner à payer à son épouse une somme à titre de dommages-intérêts, retient qu’il n’est pas contestable que la procédure engagée par celui-là en annulation du mariage est de nature à causer un préjudice moral à celle-ci en ce qu’elle met en cause sa probité quant à son intention matrimoniale, alors qu’il est établi que l’épouse a été contrainte de quitter le domicile conjugal en raison des violences exercées par son époux à son encontre.
- RÉGIMES MATRIMONIAUX
Confiscation d’un bien commun et droit à récompense de la communauté (Crim. 30 mars 2022, n° 21-82.217, 00375 F-B) – Lorsque le bien dont la confiscation est envisagée est en état d’indivision entre la personne condamnée et son époux de bonne foi, cette peine ne peut porter que sur la part indivise de la personne condamnée, les droits de l’époux de bonne foi devant lui être restitués, y compris lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l’infraction (Crim., 7 nov. 2018, n° 17-87.424).
En revanche, lorsque le bien dont la confiscation est envisagée est commun à des époux mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts et que l’époux non condamné pénalement est de bonne foi, la confiscation ne peut qu’emporter sa dévolution pour le tout à l’Etat, sans qu’il puisse demeurer grevé des droits de l’époux de bonne foi, la confiscation faisant naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci (Crim., 9 sept. 2020, n° 18-84.619, AJ fam. 2020. 602, obs. J. Casey, obs. Léa Mary).
En conséquence, il appartient à la cour d’appel saisie de l’appel interjeté par l’époux de bonne foi contre le jugement rejetant, en raison du prononcé de la peine complémentaire de confiscation, sa requête en restitution d’un bien commun placé sous main de justice, d’abord de s’assurer du caractère confiscable du bien dont la restitution est sollicitée, en application des conditions légales, en précisant la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure (Crim., 27 juin 2018, n° 16-87.009).
Il lui appartient ensuite d’apprécier si, nonobstant la reconnaissance d’un droit à récompense pour la communauté, il y a lieu de confirmer la confiscation en tout ou partie, en restituant tout ou partie du bien à la communauté, au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation de son auteur, ainsi que de la situation personnelle de l’époux de bonne foi, en s’expliquant, hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l’objet ou le produit de l’infraction, sur le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’époux de bonne foi lorsqu’une telle garantie est invoquée, ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine.
- SUCCESSIONS
Prolongation de la mission du mandataire successoral (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 20-19.363, 273 FS-D) – Après avoir énoncé à bon droit que l’existence d’un seul héritier ayant vocation à appréhender la totalité de la succession ne signifiait pas en soi l’absence de toute difficulté dans l’administration de celle-ci et retenu, d’une part, qu’en s’abstenant de procéder auprès du syndic à la notification du transfert de propriété des lots de copropriété dépendant de la succession prévue à l’article 6 du décret du 17 mars 1967, l’un des cinq enfants institué légataire universel avait perturbé le fonctionnement de la copropriété dont dépendaient ces lots, d’autre part, qu’il avait omis de faire consacrer ses droits réels immobiliers par l’attestation notariée prévue à l’article 29 du décret du 4 janvier 1955, ne permettant pas ainsi aux tiers de connaître l’existence de ses droits de propriété, une cour d’appel, qui a ainsi caractérisé l’inertie et la carence de celui-ci dans l’administration de la succession de son père a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de proroger la mission du mandataire successoral.
Dispense de rapport : à propos d’une contrat d’assurance vie et d’un chèque émis post-testament (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 20-17.633, 265 F-D) – Il résulte de l’article 843 du code civil que tout héritier est tenu de rapporter à ses cohéritiers les dons qui lui ont été consentis, sauf dispense de rapport, et qu’il incombe aux juges du fond, en l’absence d’une dispense expresse, de rechercher la volonté du donateur.
Après avoir relevé que la défunte avait souhaité répartir les fonds revenant du contrat d’assurance sur la vie souscrit par son époux entre ses héritiers à concurrence de 11 500 € pour trois de ses enfants et de 9 000 € pour le quatrième et que, dans une lettre manuscrite, elle indiquait à celui-ci lui adresser sa part de l’assurance sur la vie de son père, c’est dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation des circonstances de l’espèce que la cour d’appel a retenu, sans se contredire, qu’il découlait de la conjonction de la répartition, entre ses enfants, de la somme issue de l’assurance sur la vie de son époux et hors la succession de celui-ci, immédiatement après sa perception, et du changement de bénéficiaires de son propre contrat d’assurance sur la vie dans le même temps qu’elle avait entendu faire donation de ces sommes à ses enfants en les excluant de tout rapport à sa propre succession.
En revanche, la cour d’appel ne pouvait, sans violer l’article 843 du code civil, rejeter la demande tendant à ce que la fille soit tenue de rapporter à la succession la somme de 250 € que sa mère lui avait donnée par chèque en retenant que ledit montant lui restait acquis selon les termes du testament (qui prévoyait que toutes les sommes d’argent que la défunte avait pu donner à sa fille devaient lui rester acquises définitivement et devaient être prises sur la quotité disponible de sa succession qu’elle lui léguait), dès lors que ladite somme avait été donnée postérieurement audit testament.
NB – Cette décision casse partiellement l’arrêt rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re., 7 nov. 2018, n° 17-26.566).
Attribution préférentielle d’un domaine agricole (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 20-22.567, 266 F-D) – Il résulte de l’article 831, alinéa 1er, du code civil que, si l’héritier qui demande l’attribution préférentielle d’un domaine rural doit avoir la qualité de copropriétaire, il peut toutefois être tenu compte, pour l’appréciation de la consistance de l’exploitation, des biens appartenant à son conjoint et formant, avec ceux dont cet héritier est copropriétaire, l’entreprise agricole exigée par la loi.
En prévoyant le cas où le demandeur à l’attribution préférentielle d’une entreprise agricole était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès d’une partie des biens la composant, ce texte n’a pas entendu exclure l’hypothèse où il bénéficierait d’un bail rural.
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