Sélection jurisprudentielle de la semaine : adoption, aliments, filiation, régimes matrimoniaux et succession
Dix décisions pour cette semaine !
- adoption
- aliments
- filiation
- régimes matrimoniaux
- successions
- Adoption
Adoption d’un enfant sans le consentement de sa mère : non-violation de l’art. 8 Conv. EDH (CEDH, 25 mars 2025, n° 38134/20, N.S. c/ Royaume-Uni) – En l’occurrence, la requérante, qui a connu des troubles de santé mentale, reproche aux juridictions anglaises d’avoir, contre sa volonté, prononcé une ordonnance d’adoption définitive à l’égard de l’un de ses enfants ayant déjà fait l’objet d’une ordonnance de placement. Selon elle, cette décision était injustifiée au regard de la possibilité qu’elles avaient de prononcer à la place une ordonnance de tutelle spéciale qui aurait préservé les liens biologiques. Toutefois, son désir de s’immiscer “de manières significatives” dans la vie de l’enfant qui, au demeurant avait besoin de stabilité, expliquait que cette possibilité ait dû être écartée. La Cour observe également que la mère a pu participer à toute la procédure.
Adoption plénière de l’enfant du conjoint : l’opposition de la mère qui ne s’est pas rétractée dans le délai légal ne lie pas le juge (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-22.507, 204 F-B) – A défaut de rétractation de son consentement à l’adoption de son enfant dans le délai légal, l’opposition du conjoint ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier que les conditions légales de l’adoption de l’enfant sont remplies et si celle-ci est conforme à son intérêt.
Ayant constaté que la mère avait consenti à l’adoption de son enfant par son épouse et n’avait pas rétracté son consentement dans le délai prévu par la loi, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a estimé que, malgré la séparation de l’adoptante et de la mère de l’enfant, et l’opposition de celle-ci, l’adoption demandée était conforme à l’intérêt de l’enfant et a, en conséquence, prononcé celle-ci.
NB – Civ. 1re, 12 juill. 2023, n° 21-23.242, AJ fam. 2023. 421, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Civ. 1re, 11 mai 2023, n° 21-17.737, AJ fam. 2023. 337, obs. F. Eudier.
- Aliments
Modification des obligations alimentaires : application du Règlement n° 4/2009 aux décisions d’États tiers (CJUE, 27 mars 2025, C‑67/24) – L’article 1er, § 1, du Règlement n° 4/2009 “Obligations alimentaires”, lu à la lumière du considérant 15 de ce Règlement, doit être interprété en ce sens qu’une demande de modification d’une décision concernant des obligations alimentaires rendue par une juridiction d’un État tiers autre qu’un État partie à la Convention de La Haye le 23 novembre 2007, visant, en partie, à réduire le montant d’une pension alimentaire et, en partie, à supprimer les obligations concernées, introduite devant une juridiction d’un État membre par le débiteur de ces obligations, ressortissant de cet État membre et ayant sa résidence habituelle sur le territoire dudit État membre, contre les créanciers desdites obligations ayant leur résidence habituelle sur le territoire de cet État tiers, dont l’un est uniquement ressortissant dudit État tiers et les autres sont ressortissants de celui-ci ainsi que du même État membre, relève du champ d’application dudit Règlement.
L’article 6 de ce même Règlement doit être interprété en ce sens que la règle de compétence subsidiaire des juridictions de l’État membre de la nationalité commune des parties s’applique lorsque, outre la nationalité de l’État membre de la juridiction saisie, les défendeurs possèdent la nationalité d’un État tiers.
Et relève de la notion de « cas exceptionnels », au sens de l’article 7 de ce même Règlement, permettant à la juridiction d’un État membre de connaître d’un litige au titre de la règle de compétence du forum necessitatis prévue audit article, la situation précédemment décrite, à condition qu’une telle demande ne puisse raisonnablement être introduite ou conduite ou se révèle impossible devant les juridictions de l’État tiers concerné.
- Filiation
Prescription de l’action en constatation de la possession d’état : point de départ du délai (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-23.644, 200 F-B) – Aux termes de l’article 330 du code civil, la possession d’état peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu. Il en résulte que le point de départ du délai de prescription de l’action en constatation de la possession d’état est la cessation de la possession d’état si elle intervient du vivant du parent prétendu ou, dans le cas contraire, le décès de ce dernier.
NB – Dans le cas du décès du père prétendu : Civ. 1re, 23 nov. 2011, n° 10-26.993.
- Régimes matrimoniaux
Recel de communauté et cession d’actions : nécessité de l’accord des deux époux (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 23-14.322, 205 F-B) – Viole les articles 815-3, 1402 et 1477 du code civil ainsi que l’article L. 228-10 du code de commerce une cour d’appel qui rejette la demande de l’épouse tendant à voir sanctionner le recel de communauté par l’époux, lequel a cédé seul des actions de sociétés anonymes, acquises pendant le mariage, à un prix inférieur à leur valeur réelle, sans l’accord de l’épouse, après la dissolution de la communauté.
NB – Cette décision sera commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Jérôme Casey.
- Succession
Transmission du droit de retour légal aux héritiers de l’ascendant donateur (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-23.145, 192 FS-B) – Viole les articles 724, 738-2 et 775, alinéa 2, du code civil une cour d’appel qui déclare irrecevable la demande du frère du défunt au titre du droit de retour légal de leur mère donatrice sur les biens donnés à l’enfant prédécédé, en retenant que ce droit est exclusivement attaché à la personne de son titulaire et s’éteint au décès de celui-ci, alors qu’au décès de l’ascendant, son droit de retour légal est transmis à ses héritiers.
NB – Sur la nature successorale du droit de retour légal de l’ascendant, v. Civ. 21 oct. 2015, n° 14-21.337, AJ fam. 2015. 687, obs. J. Casey.
Libéralités rapportables : évaluation des terres agricoles au moment de la vente (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-23.937, 193 FS-B) – Viole l’article 843 du code civil une cour d’appel qui estime que le prix des terres agricoles vendues à un héritier doit être évalué comme des terres libres de toute occupation, alors que l’existence d’une libéralité rapportable doit s’apprécier au regard de la valeur réelle des terres au jour de leur vente, en tenant compte de l’existence d’un bail, même consenti à l’héritier.
Irrecevabilité de l’appel immédiat contre l’ordonnance du juge commis ordonnant une expertise dans le cadre d’une opération de partage successoral (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-18.970, 289 F-B) – Le juge commis pour surveiller les opérations de partage, qui ordonne une expertise portant sur des actifs de la masse à partager aux fins de liquidation de celle-ci en vue de son partage, tient son pouvoir de désigner un expert des articles 1365 et 1371, alinéa 1er, du code civil, et non de l’article 1371, alinéa 3 du même code. En usant de ce pouvoir, il ne vide pas sa saisine, restant saisi de la surveillance des opérations de partage. Si bien que l’appel immédiat contre son ordonnance est irrecevable.
NB – Cette décision sera prochainement commentée dans l’AJ famille par Jérôme Casey.
Renonciation tardive à la succession d’un défunt, qui résidait habituellement dans un État membre, par une héritière, qui réside habituellement dans un autre État membre et compétence (CJUE, 27 mars 2025, C‑57/24) – L’article 13 du Règlement (UE) no 650/2012 “Successions” doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre dans lequel réside habituellement une personne qui refuse de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à une succession ne sont pas compétentes pour approuver un tel refus.
Appropriation de biens sans maître par une commune faute pour les héritiers d’avoir expressément ou tacitement accepté la succession (Civ. 3e, 27 mars 2025, n° 23-17.940, 173 FS-B) – Selon l’article 713 du code civil, les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Selon l’article L. 1123-1, 1°), du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, sont considérés comme n’ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l’article L. 1122-1 qui font partie d’une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté. Doit être regardé, au sens du deuxième de ces textes, comme s’étant présenté à la succession le successible qui se manifeste dans le délai de trente ans suivant le décès du propriétaire pour réclamer la transmission successorale des immeubles concernés, et, ainsi, faire obstacle à leur appropriation publique.
Ayant constaté que la propriétaire des parcelles en litige était décédée le 16 janvier 1986 et que sa fille ne caractérisait pas l’acceptation tacite de la succession, la cour d’appel a justement déduit qu’aucun successible ne s’était présenté avant l’expiration du délai trentenaire pour réclamer la transmission successorale desdites parcelles, justifiant ainsi le rejet de la demande de restitution des parcelles appropriées par la commune.
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