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Sélection jurisprudentielle de la semaine : aliments/procédure familiale, concubinage/procédure familiale, divorce, filiation/DIP, régimes matrimoniaux et succession/procédure familiale

24/01/2025

Jurisprudence3J’ai relevé toute une série de décisions cette semaine, la plus importante étant, bien entendu, celle du 23 janvier 2025 de la Cour de justice de l’Union européenne, qui condamne la France sur la question du divorce pour faute pour manquement au « devoir conjugal » ! Lorsque l’on songe aux débats actuels sur le viol entre époux, on ne peut que saluer cette condamnation bien méritée !!

  • Aliments/Procédure familiale
  • Concubinage/Procédure familiale
  • Divorce
  • Filiation/DIP
  • Régimes matrimoniaux
  • Succession/Procédure familiale

 

  • Aliments/Procédure familiale

Répartition des frais relatifs aux enfants majeurs : respect de l’objet du litige (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-22.047, 21 F-D) – Viole l’article 4 du code de procédure civile et l’article 371-2 du code civil une cour d’appel qui rejette la demande des parents de voir procéder à la répartition entre eux des frais relatifs à leurs trois enfants majeurs, en retenant qu’aucun parent n’indique ni ne démontre assumer la charge principale des enfants, et en concluant que les parties se fondent sur l’obligation alimentaire générale de l’article 205 du code civil, alors que les prétentions des parties (relatives à la détermination de la répartition entre elles des frais de scolarité, des frais de vie quotidienne et des frais exceptionnels exposés au profit de leurs enfants majeurs) tendaient à la fixation de leur contribution à l’entretien et l’éducation des enfants, relevant de l’article 371-2 du code civil.

  • Concubinage/Procédure familiale

Compétence du juge aux affaires familiales pour les intérêts patrimoniaux des concubins qui comprennent les gains au loto et prescription de la créance (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-22.518) – Le juge aux affaires familiales est matériellement compétent pour connaître des différends relatifs aux intérêts patrimoniaux des concubins, incluant les litiges sur la propriété et l’utilisation d’un gain au loto pour l’acquisition d’un bien indivis, conformément à l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire.  Les intérêts patrimoniaux des concubins s’entendent de tous leurs rapports pécuniaires.

Cependant, viole l’article 4 du code de procédure civile cette même cour qui modifie l’objet du litige en retenant que la créance de la concubine contre le concubin n’est pas prescrite, en considérant qu’elle n’est pas née lors de la remise du gain au loto mais lors de l’apport pour l’acquisition du bien indivis, alors que la première demandait la condamnation du second au titre du gain au loto de décembre 2014.

NB – V. déjà sur la compétence du JAF pour tous les rapports pécuniaires des concubins : Civ. 1re,, 5 avril 2023, n° 21-25.044, AJ fam. 2023. 460, obs. J. Casey.

  • Divorce

Divorce pour faute pour non-respect du “devoir conjugal “: condamnation de la France ! (CEDH, 23 janv. 2025, H.W. c/ France, n° 13805/21) – Sans surprise, cette décision de la CEDH, qualifiée d’historique dans les médias, affirme que l’existence même du “devoir conjugal » est à la fois contraire à la liberté sexuelle, au droit de disposer de son corps et à l’obligation positive de prévention qui pèse sur les États contractants en matière de lutte contre les violences domestiques et sexuelles.  “La Cour ne saurait admettre, comme le suggère le Gouvernement, que le consentement au mariage emporte un consentement aux relations sexuelles futures. Une telle justification serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible. Or, la Cour juge de longue date que l’idée qu’un mari ne puisse pas être poursuivi pour le viol de sa femme est inacceptable et qu’elle est contraire non seulement à une notion civilisée du mariage mais encore et surtout aux objectifs fondamentaux de la Convention dont l’essence même est le respect de la dignité et de la liberté humaines (S.W. c. Royaume‑Uni, précité, § 44, et C.R. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, § 42, série A no 335-C). Aux yeux de la Cour, le consentement doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances.”

NB – Sur cette affaire, je vous renvoie à notre éditorial “Vers la fin du devoir conjugal, AJ fam. 2021. 197.

 

  • Filiation/DIP

Le versement de subsides ne saurait à lui seul caractériser la possession d’état (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-21.515) – Il résulte des articles 311-1 et 311-2 du code civil que la possession d’état de filiation nécessite une réunion suffisante de faits révélant un lien de filiation et de parenté, qui doit être continue, paisible, publique et non équivoque. La cour d’appel a estimé que la condamnation de celui qui a toujours nié sa paternité à verser des subsides à la mère ne suffisait pas à établir une filiation paternelle, car cette contribution résultait uniquement du respect d’une condamnation judiciaire et ne démontrait pas un attachement paternel. La cour a constaté que les éléments produits ne permettaient pas de prouver un comportement paternel de celui-ci envers l’enfant, et a conclu à l’absence de possession d’état de filiation. Le pourvoi est rejeté.

NB – V. Civ. 1re, 8 juin 2016, n° 15-16.409, RTD civ. 2016. 598, obs. Hauser. – Comp.  Civ. 1re, 14 nov. 2006, n° 05-19.673.

Application de la loi étrangère en matière de filiation et discernement du mineur (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-19.312) – Prive de base légale sa décision au regard des articles 388-1 du code civil et 338-4 du code de procédure civile une cour d’appel qui rejette la demande d’audition d’une mineure de huit ans en se fondant sur l’incapacité de celle-ci à comprendre les notions juridiques de possession d’état et d’intérêt supérieur de l’enfant, sans caractériser l’absence de discernement.

Viole les articles 311-14 et 3 du code civil cette même cour qui, pour statuer sur la contestation de paternité, applique la loi française sans rechercher d’office la loi étrangère compétente, alors que la mère de l’enfant est de nationalité camerounaise, et que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant.

NB – Sur le fait que l’absence de discernement ne puisse résulter que de l’âge du mineur, v.  Civ. 1re, 18 mars 2015, n° 14-11.392, AJ fam. 2015. 282, obs. S. Thouret . – Et pour une décision rendue en matière de filiation, v. Civ. 1re, 26 octobre 2011, 10-19.674.

  • Indivision

Motivation insuffisante et dénaturation des conclusions et documents dans le cadre d’une indivision (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-24.024, 22-24.024, 24 F-D)

  • Majeur protégé

L’allègement d’une mesure de protection en curatelle simple nécessite tout de même de constater la persistance de l’altération des facultés et le besoin d’assistance continue (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-17.817) – Prive sa décision de base légale au regard des articles 425, alinéa 1er, et 440, alinéa 1er, du code civil une cour d’appel qui, pour placer une personne sous le régime de la curatelle simple et maintenir la durée de la mesure initialement prononcée et le mandataire désigné, retient qu’il résulte du certificat médical établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République que l’intéressée pouvait être placée en curatelle allégée, sans constater, à la date à laquelle elle statue, l’altération médicalement constatée des facultés mentales ou corporelles de l’intéressée, ni la nécessité pour celle-ci d’être assistée ou contrôlée de manière continue dans les actes importants de la vie civile. 

NB – Rappr. Civ. 1re civ., 11 mai 2016, n° 15-21.241.

  • Régimes matrimoniaux

Récompenses et créances dans le cadre de la liquidation de la communauté (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 23-10.887) – Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 1433 du code civil la cour d’appel qui, pour limiter à une certaine somme la récompense due à l’époux au titre des fonds propres encaissés par la communauté, ne recherche pas si la transformation du compte personnel en compte joint ne valait pas encaissement par la communauté des fonds propres.

Viole l’article 1437 du code civil, cette même cour qui fixe une récompense due par l’époux à la communauté sans constater l’existence d’un profit personnel tiré par l’époux des sommes investies dans un contrat d’assurance vie.

Elle viole encore  l’article 815-13 du code civil, lorsqu’elle précise que le calcul de la créance de l’époux à l’égard de l’indivision doit se faire en rapportant la somme remboursée par l’indivisaire à la valeur du bien à la date de la dissolution de la communauté, puis en appliquant cette proportion à la valeur du bien au jour du partage. Comme le rappelle la Cour, il appartient au juge saisi de la demande d’un époux invoquant une créance au titre du règlement, pendant l’indivision post-communautaire, d’une partie du prêt bancaire ayant permis l’acquisition d’un bien commun, devenu indivis à la dissolution de la communauté, d’établir la proportion dans laquelle le règlement par lui de ces échéances, en capital et intérêts, a contribué au financement global de l’acquisition, incluant les frais d’acquisition et le coût du crédit, puis d’appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l’acquisition, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite.

NB – A propos de l’art. 1433 c. civ. et de la transformation du compte personnel en compte joint, Rappr.  Civ. 1re, 3 févr. 2010, n° 09-65.345. Et sur l’art. 815-13, v. Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-11.649.

  • Succession

Interdiction de se fonder exclusivement sur une seule expertise non judiciaire et respect de l’objet du litige (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-21.949, 31 F-D) – Viole l’article 16 du code de procédure civile une cour d’appel qui, dans le cadre du partage d’une indivision successorale, fixe la valeur d’un bien immobilier à 325 000 euros en se fondant exclusivement sur les conclusions d’une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, sans examiner d’autres éléments de preuve.

Méconnaît les articles 4 et 5 du code de procédure civile cette même cour qui ordonne le rapport à la succession d’une somme de 16 034,74 euros au titre des libéralités reçues par un héritier, alors que les prétentions des parties portaient sur un montant de 5 195,83 euros, statuant ainsi au-delà de la demande.

NB – Sur l’impossibilité de se fonder uniquement sur une seule expertise non judiciaire, v. not. Civ. 1re, 15 sept. 2021, n° 20-11.939, AJ fam. 2021. 559, obs. J. Casey.

Recevabilité de l’assignation en partage : nécessité de préciser les diligences pour un partage amiable (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-22.755, 33 F-D) – Viole l’article 1360 du code de procédure civile une cour d’appel qui déclare irrecevable l’assignation en partage au motif que la lettre recommandée envoyée par l’héritier à sa sœur ne constitue pas une tentative de règlement amiable de la succession, alors qu’il n’était fait état d’aucun autre bien relevant de la succession et que l’assignation précisait les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable, notamment la volonté de vendre le bien immobilier unique de la succession et de partager le prix.

Conditions du rapport des libéralités à la succession : preuve de l’intention libérale et motivation des jugements (Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-20.261, 30 F-D) – Viole l’article 843, alinéa 1er, du code civil une cour d’appel qui ordonne le rapport à la succession d’une somme correspondant à une plus-value réalisée sur la vente de biens immobiliers, sans constater que cette somme constituait une libéralité dont le défunt aurait gratifié les héritiers.

Prive de base légale sa décision au regard de l’article 1353 du code civil cette même cour qui, pour ordonner le rapport de sommes disparues des comptes bancaires de la défunte, inverse la charge de la preuve en exigeant des héritiers qu’ils justifient la destination de ces sommes, alors qu’il appartenait à celui qui sollicitait le rapport et soutenait que les sommes disparues sans explication des comptes bancaires de la défunte correspondaient à des libéralités consenties à ses frère et soeur, d’établir que la défunte avait versé ces sommes à leur profit avec une intention libérale.

Elle ne satisfait pas non plus aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile lorsque, pour ordonner le rapport de dépenses non justifiées, elle se contente de motifs péremptoires sans expliquer l’origine et l’existence de ces prétendues dépenses.

L’activité d’une juridiction consistant à délivrer un certificat successoral européen ne relève pas de l’exercice d’une fonction juridictionnelle (CJUE, 23 janv. 2025, aff. C‑187/23) – Un organisme national peut être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, tandis que, dans l’exercice d’autres fonctions, notamment de nature administrative, cette qualification ne peut lui être reconnue (CJUE, 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, point 43). Or la qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, constitue une condition de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle (CJUE, 9 juill. 2020, Land Hessen, C‑272/19). En l’occurrence la question préjudicielle du tribunal de district de Lörrach (Allemagne) était irrecevable, puisque, en rendant, en tant qu’autorité émettrice du certificat successoral européen, des décisions en application de l’article 67, paragraphe 1, du Règlement n° 650/2012, il n’exerce pas de fonction juridictionnelle et, partant, n’est pas habilité à saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

La Cour relève par ailleurs qu’une contestation visant les éléments à certifier, formulée au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, doit, en principe, faire obstacle à la délivrance de ce certificat. L’autorité émettrice doit refuser de délivrer ce certificat lorsque les éléments à certifier ne peuvent pas être considérés comme « établis », notamment à la suite de contestations émises lors de la procédure de délivrance dudit certificat. En prévoyant ces obligations d’audition et d’information, le législateur de l’Union (Règl. n° 650/2012, art. 66, §4) a nécessairement envisagé la possibilité que des contestations soient émises au cours de l’examen de la demande de certificat successoral européen et fassent obstacle, le cas échéant, à la délivrance de ce certificat.

NB – En France, le certificat successoral européen est délivré par un notaire (C; pr. civ., art. 1381-1), qui n’est pas une juridiction, n’exerce pas non plus de fonction juridictionnelle (CJUE 23 mai 2019 aff. C-658/17).

 

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