Sélection jurisprudentielle : autorité parentale, divorce, mineur/enlèvement international d’enfants et succession/libéralités
Voici quelques arrêts retenus ce jour :
- autorité parentale
- divorce
- mineur/enlèvement international d’enfants
- succession/libéralités
- Autorité parentale
Obligation de fixer la durée de la mesure de droit de visite en espace de rencontre (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 22-19.615, 588 F-D) – Viole l’article 1180-5 du code de procédure civile une cour d’appel qui, après avoir jugé que la mère exercera seule l’autorité parentale et fixé la résidence de l’enfant chez elle, décide que le père pourra rencontrer l’enfant dans un espace de rencontre une fois par mois pendant une durée maximum de deux heures, sans préciser la durée de la mesure prononcée, alors que le texte impose de fixer la durée de la mesure ainsi que la périodicité et la durée des rencontres.
NB – On ne compte plus les décisions de la Cour rappelant aux juges du fond qu’ils doivent fixer la durée de la mesure de droit de visite en espace de rencontre…
- Divorce
Intérêt à interjeter appel limité à la succombance sur les chefs de demande (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 22-17.103, 577 FS-B) – Viole les articles 31, 32, 122, 546 et 562 du code de procédure civile la cour d’appel qui déclare recevable l’appel incident formé par l’épouse contre le chef du jugement prononçant le divorce aux torts exclusifs de l’époux, alors qu’il résultait de ses constatations que le divorce avait été prononcé conformément aux prétentions de première instance de l’épouse. L’intérêt à former appel ne peut s’entendre de l’intérêt à ce que, en vertu de l’effet suspensif de l’appel, le divorce n’acquière force de chose jugée qu’à la date à laquelle les conséquences du divorce acquièrent elles-mêmes force de chose jugée.
NB – Cette décision sera commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille. – V. Cass. avis 20 avr. 2022, n° 22-70.001, AJ fam. 2022. 381, obs. J. Casey.
- Mineur
Caducité de la déclaration d’appel dans un litige relatif à l’enlèvement international d’enfants et irrecevabilité des prétentions nouvelles en cause d’appel (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 24-12.343, n° 582 F-D) – La cour d’appel justifie sa décision en ne prononçant pas la caducité de la déclaration d’appel du père malgré l’absence de transmission simultanée des conclusions au ministère public, partie à l’instance, en raison de l’importance des enjeux relatifs à l’intérêt de l’enfant (examen de l’existence d’une exception à son retour dans le pays de sa résidence habituelle sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980) et de l’absence de grief pour le ministère public, évitant ainsi un formalisme excessif.
Cependant, viole l’article 4 du code de procédure civile la cour d’appel qui, pour déclarer recevable la demande de l’époux sur le fondement de l’article 26 de la Convention de La Haye, retient que cette demande n’est pas nouvelle car déjà déboutée en première instance, alors que l’épouse soutenait son irrecevabilité pour méconnaissance des dispositions de l’article 910-4, alinéa 1er, du code de procédure civile (présentation dès les premières conclusions de l’ensemble de leurs prétentions sur le fond), modifiant ainsi l’objet du litige.
NB – V. sur le non-prononcé de la caducité, v. Civ. 2e, 23 mai 2024, n° 22-11.175, AJ fam. 2024. 415, obs. H. Gaston ; CEDH, 5 nov. 2015, n° 21444/11.
- Succession/Libéralités
La réalisation de travaux par l’usufruitier peut constituer une libéralité rapportable à la succession (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 22-20.879, 580 F-D) – La réalisation par l’usufruitier de travaux d’amélioration valorisant le bien n’est pas exclusive d’un dépouillement dans une intention libérale, constitutif d’une libéralité, peu important que ceux-ci soient légalement à sa charge. Ayant constaté que l’usufruitière avait financé des travaux de rénovation sur la propriété, incluant des travaux incombant au nu-propriétaire et d’autres relevant de sa charge, sans en tirer de contrepartie, la cour d’appel a souverainement déduit qu’elle s’était appauvrie dans une intention libérale au profit de la nue-propriétaire, justifiant ainsi le rapport à la succession de la somme correspondante.
NB – Comp. Civ. 1re, 18 janv. 2012, n° 11-12.863, AJ fam. 2012. 235, obs. E. Buat-Ménard
Conditions du rapport des libéralités à la succession : nécessité d’identifier le bénéficiaire héritier ab intestat (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 22-22.698, 581 F-D) – Viole les articles 843, alinéa 1er, et 857 du code civil, une cour d’appel qui ordonne le rapport à la succession d’une somme globale prétendument reçues par un héritier ab intestat, en se fondant sur des chèques établis au nom de son épouse, qui n’est pas héritière ab intestat du défunt.
Et prive sa décision de base légale au regard de ces mêmes articles la cour qui, pour ordonner le rapport à la succession de cette même somme, retient que des sommes ont été tirées par d’autres chèques dont le bénéficiaire est inconnu mais qui sont admis par l’héritier ab intestat et son épouse et que le premier bénéficiait directement ou indirectement des libéralités consenties, alors que ces motifs sont impropres à identifier le montant des sommes perçues par l’héritier ab intestat, qui, seul, était héritier du défunt et pouvait à ce titre être tenu envers ses cohéritiers du rapport des donations.
NB – Sur le fait que le rapport des libéralités à la succession n’est dû que par les héritiers ab intestat, v. notamment Civ. 1re, 20 oct. 2010, n° 09-16.157, AJ fam. 2010. 549, obs. Ch. Vernières.
Prescription quinquennale de l’action en délivrance de legs (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 22-20.367, 579 FS-B) – Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Il résulte de l’article 1004 du même code qu’à défaut de délivrance volontaire, le légataire universel est tenu de demander en justice la délivrance des biens compris dans le testament aux héritiers réservataires. L’action en délivrance du legs, qui présente le caractère d’une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 de ce code.
NB – Cette décision sera commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille. – Sur le débat doctrinal relatif à cette question, v. not. J. Héral et Q. Guiguet-Schielé, Rép. civ. Dalloz, v° Legs, avr. 2021, n° 284).
Prescription de l’action en réduction des donations pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007 (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 22-19.365, 578 FS-B) – Viole les articles 2262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et 2224 du code civil, ainsi que l’article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, une cour d’appel qui déclare recevable l’action en réduction des donations excédant la quotité disponible, formée par les enfants du défunt le 6 septembre 2016, alors que cette action, relative à une succession ouverte avant le 1er janvier 2007, alors soumise à la prescription trentenaire, a été ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, et que le délai de prescription avait expiré le 18 juin 2013.
NB – V. sur le sujet M. Grimaldi, RTD civ. 2020. 436 et 439.
Droit des héritiers à réclamer individuellement leur part d’une créance indemnitaire du défunt (Civ. 1re, 23 oct. 2024, n° 22-16.171, 583 F-B) – Viole les articles 1217 et 1220 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, une cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable l’action de la fille de la défunte, locataire d’un appartement, engagée en qualité d’héritière pour obtenir du bailleur réparation du trouble subi du fait de divers dégâts des eaux à hauteur du quart de la créance indemnitaire correspondant à sa part dans la succession, retient qu’une action portant sur l’inexécution d’une obligation contractuelle ouvrant un droit indivis à indemnisation ne peut être appréciée que pour le tout et doit profiter à l’ensemble de l’indivision successorale, alors que le droit à indemnisation de la défunte avait vocation à se convertir en dommages et intérêts, permettant à chaque héritier de réclamer individuellement le règlement de sa part de cette créance.
NB – Cette décision sera commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille.
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