Sélection jurisprudentielle : assistance éducative, filiation, majeurs protégés
Peu de décisions, mais toutes dignes d’intérêt !
- Assistance éducative
- Filiation
- Majeurs protégés
- Assistance éducative
Impossibilité de maintenir le placement auprès de l’ASE et d’accorder un droit d’hébergement à temps complet à la mère (Civ. 1re, 2 oct. 2024, n° 21-25.974, 525 F-B) – Viole les articles 375, 375-2, 375-3, 3°, et 375-7 du code civil la cour d’appel qui, tout en maintenant le placement d’un enfant auprès de l’aide sociale à l’enfance, accorde à l’un des parents un droit d’hébergement à temps complet. En effet, lorsqu’il est décidé de confier l’enfant à l’aide sociale à l’enfance, le juge des enfants ne peut pas accorder à l’un ou aux parents un droit d’hébergement à temps complet.
NB – Cette décision sera commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Laurent Gebler
- Filiation
GPA – Contrôle du juge sur l’application en France des décisions de justice étrangères (Civ. 1re, 2 oct. 2024, n° 22-20.883, 507 FS-B+R et 23-50.002, 508 FS-B+R) – Dans son communiqué du 2 octobre 2024, la Cour de cassation souligne qu’elle déterminé “les éléments qui doivent figurer dans la décision de justice étrangère relative à une GPA pratiquée dans un autre pays, fixant ainsi un certain nombre de garanties pour admettre qu’une telle décision produise des effets en France.
Lorsque la décision présente ces garanties, la filiation doit alors être reconnue en France conformément à la spécificité de la filiation construite par le droit étranger.”
NB – Ces deux décisions seront commentées dans les colonnes de l’AJ famille par Jérémy Houssier. En attendant, je vous renvoie au dossier que nous avons publié en juillet-août 2023 (AJ fam. 2023. 365 s.) ainsi qu’au communiqué de presse ce la Cour reproduit ci-dessous :
Repères – La situation juridique des enfants français issus d’une GPA réalisée à l’étranger
En France, la GPA est interdite.
Pour autant, des personnes y ont recours en se rendant dans des pays qui l’autorisent.
L’acte de naissance délivré par ces pays établit la filiation à l’égard des parents d’intention conformément à la loi locale.
À leur retour en France, les parents d’intention qui souhaitent que leur enfant bénéficie d’un acte de l’état civil français peuvent avoir recours à différentes procédures : transcription directe de l’acte étranger sur les registres de l’état civil français, adoption, exéquatur.L’exequatur
L’exequatur est une procédure judiciaire qui peut conduire la France à reconnaître et exécuter une décision de justice étrangère, après que le juge français a procédé à un certain nombre de vérifications.
Les faits et les procédures
Affaire n°1
Un couple d’hommes résidant en France s’est rendu au Canada pour recourir à une GPA.
Une décision de justice canadienne a déclaré que les deux hommes étaient les pères légaux des enfants.
Le couple a ensuite demandé l’exequatur : il a saisi la justice française afin que la décision de justice canadienne soit reconnue par la France et qu’ainsi les enfants puissent obtenir un acte de l’état civil français.
La cour d’appel a refusé l’exéquatur : elle a estimé que le jugement canadien n’était pas suffisamment motivé et qu’il était donc contraire à l’ordre public international français.
Le couple a formé un pourvoi en cassation.Affaire n°2
Un couple d’hommes résidant en France s’est rendu en Californie pour recourir à une GPA.
Une décision de justice californienne les a déclarés parents légaux de l’enfant à naître.
Le couple a ensuite demandé l’exéquatur : il a saisi la justice française afin que la décision de justice californienne soit reconnue par la France et que la filiation établie par le droit californien y produise les effets d’une adoption plénière.
Dans un premier temps, le jugement étranger a été reconnu par la France, puis la cour d’appel a accepté de reconnaître que cette filiation établie à l’étranger pouvait être assimilée à une adoption.
Le procureur général a formé un pourvoi en cassation contre cette reconnaissance de l’adoption.Les décisions de la Cour de cassation
Affaire n°1
Question posée à la Cour de cassation
Quel contrôle le juge français doit-il exercer lorsqu’il lui est demandé l’exequatur d’une décision de justice étrangère qui établit la filiation d’un enfant né d’un GPA faite à l’étranger ?
Dans cette première affaire, se pose plus particulièrement la question du degré de motivation attendu d’un jugement étranger.Repère : Le rôle du juge de l’exequatur
Pour autoriser un exequatur, le juge doit effectuer plusieurs vérifications.
Ainsi, la décision étrangère ne doit pas :
. révéler l’existence d’une fraude ;
. être contraire à l’ordre public international français, apprécié au regard des principes fondamentaux du droit français (ex. : principe d’égalité, droits de la défense, impartialité du juge, motivation du jugement…)Attention : ce contrôle doit rester limité ; le juge français ne doit pas rejuger l’affaire.
Réponse de la Cour de cassation
Pour être reconnu en France et permettre ainsi à l’enfant d’obtenir un acte de l’état civil français, un jugement étranger établissant une filiation sur le fondement d’un contrat de GPA doit avoir été rendu par un juge compétent, ne pas avoir été obtenu par fraude et respecter l’ordre public français en matière internationale.
Au-delà, la motivation sur laquelle repose la décision de justice étrangère doit permettre de vérifier :
- la qualité des personnes mentionnées dans le jugement ou dans les pièces annexes relatives au projet parental ;
- le consentement des parties à la convention de GPA ;
- le consentement de ces parties, et en particulier celui de la mère porteuse, aux effets que produira la convention de GPA sur la filiation de l’enfant.
Ces vérifications sont fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privée.
Dans cette affaire, la décision de justice étrangère n’indiquait pas la qualité des personnes concernées par la convention de GPA. Elle ne précisait pas non plus si la mère porteuse et son conjoint renonçaient à leurs droits parentaux sur leurs enfants biologiques.
Alors que le juge français leur en avait fait la demande, les pères d’intention n’ont produit aucun élément complémentaire permettant de mener ces vérifications.
Le pourvoi du couple est donc rejeté.
Compte tenu du fait que la GPA est interdite par la loi française et que cette pratique procréative présente des risques (ex. : vulnérabilité de la mère porteuse) cette décision de la Cour de cassation permet de veiller à ce que les GPA faites à l’étranger offrent des garanties.
Ce niveau d’exigence fait écho aux préoccupations de plusieurs instances européennes et internationales qui réfléchissent à des conventions internationales qui permettraient tout à la fois :
- de veiller au respect des droits des personnes concernées par la convention de GPA ;
- d’assurer, sous certaines conditions, la reconnaissance de la filiation d’un enfant né d’une GPA pratiquée dans un pays étranger.
Affaire n°2
Question posée à la Cour de cassation
En ayant bénéficié de l’exequatur, une décision de justice étrangère qui déclare que des parents d’intention sont les parents légaux d’un enfant né d’une GPA faite à l’étranger peut-elle produire les effets d’une adoption plénière en France ?
Réponse de la Cour de cassation
La filiation doit être reconnue par la France dans le respect de la spécificité de la filiation construite par le droit étranger.
Dans cette affaire, le jugement étranger n’établissait pas la filiation sur la base d’une procédure d’adoption mais sur le fondement d’une procédure spécifique, s’inscrivant dans une logique différente de celle de l’adoption, tenant compte d’un projet parental impliquant le recours à une mère porteuse. Il ne saurait donc produire les effets d’une adoption plénière.
La décision de la cour d’appel est donc cassée sur ce point.
La censure de la décision de la cour d’appel ne remet pas en cause l’exequatur elle-même de la décision étrangère, qui pourra produire ses effets en France et permettre à l’enfant d’obtenir un acte de l’état civil.
- Majeurs protégé
La nullité d’une assemblée générale pour non-convocation du curateur ne peut être invoquée que par la personne protégée ou son curateur (Com. 18 sept. 2024, n° 22-24.646, 494 F-B) – Si l’associé d’une société civile doit être assisté de son curateur lors du vote d’une décision mentionnée au II de la colonne 2 de l’annexe 2 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, de sorte que son curateur doit être convoqué à l’assemblée générale ayant une telle question inscrite à son ordre du jour, seule la personne protégée ou son curateur peut se prévaloir, dans les conditions prévues à l’article 465 du code civil, de la méconnaissance de cette obligation.
NB – Cette décision sera commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Céline Lesay.
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