Sélection jurisprudentielle : Adoption, Assistance éducative, Divorce, Indivision, Libéralités, Majeurs protégés et Successions
Affaires « Colombier » et « Jarre » et succession « Pierre Cardin », l’actualité jurisprudentielle est foisonnante…
- Adoption
- Assistance éducative
- Divorce
- Indivision
- Libéralités
- Majeurs protégés
- Successions
- Adoption
Les exigences de l’article 370-3 du code civil ne peuvent être opposées à l’exequatur d’un jugement d’adoption étranger (Civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 22-12.472, 50 F-D) – Aux termes de l’article 370-3, alinéa 3, du code civil, dans sa version alors applicable, quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant.
Aux termes de l’article 509 du code de procédure civile, les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi.
Viole ces textes, alors que l’article 370-3 du code civil ne peut être opposé à l’exequatur d’un jugement d’adoption étranger, la cour d’appel qui, pour refuser d’accorder l’exequatur, énonce que les exigences posées par l’article 370-3, d’un consentement libre et éclairé du représentant légal de l’enfant sur les conséquences de l’adoption, en particulier sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation s’il est donné en vue d’une adoption plénière, constituent un principe essentiel du droit français de l’adoption et que ce texte ne saurait voir son application restreinte à la seule hypothèse de l’adoption prononcée par le juge français, sauf à vider de sa substance l’ordre public international français en la matière.
NB – V. déjà Civ. 1re , 11 mai 2023, n° 21-24.178, AJ fam. 2023. 455, obs. Boiché.
- Assistance éducative
Qualification de la mesure dite de « placement éducatif à domicile » (Civ. 1re, avis, 14 févr. 2024, n° 23-70.015, 15001 FS-B) – La mesure dite de « placement éducatif à domicile » – en l’occurrence : l’enfant « placé à domicile » demeure chez son ou ses deux parents, tout en bénéficiant d’une intervention à domicile de soutien à la parentalité par un binôme de professionnels du service d’assistance éducative, trois fois par semaine le premier mois, puis deux fois par semaine ; un accueil ponctuel par le service est possible mais reste exceptionnel –, relève, non pas d’un placement au service de l’aide sociale à l’enfance, mais d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, renforcée ou intensifiée, éventuellement avec hébergement, prévue à l’article 375-2 du code civil.
- Divorce
Usage abusif des voies de recours : quid de l’appel d’un jugement non exécuté fixant le montant de la contribution à l’éducation et à l’entretien de l’enfant (Civ. 2e, 7 févr. 2024, n° 22-13.174, 51 F-D) – L’obligation de contribuer à l’éducation et à l’entretien de l’enfant ne prive pas le débiteur du droit de faire appel de la contribution mise à sa charge et la faute prise du défaut d’exécution d’un jugement exécutoire par provision ne se confond pas avec celle pouvant résulter d’un usage abusif des voies de recours. En l’absence de caractérisation d’une faute ayant fait dégénérer en abus le droit du père d’agir en justice, la demande de la mère en condamnation de son ex-mari à la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts doit être rejetée.
Jugement de divorce prononcé par un juge belge : irrecevabilité de la demande de prestation compensatoire en France (Civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 22-11.090, 53 F-D) – Il résulte des articles 270 et 271 du code civil que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux.
Ayant constaté que le divorce de deux époux avait été prononcé précédemment en Belgique, la cour d’appel, qui n’était pas saisie d’une contestation de la régularité internationale du jugement étranger et était tenue, comme il le lui était demandé par les parties, de mettre en oeuvre la loi française sur les obligations alimentaires, en vertu des articles 3 et 5 du protocole de la Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, n’a pu qu’en déduire, sans méconnaître les exigences conventionnelles de l’accès au juge, que la demande de prestation compensatoire était irrecevable.
- Indivision
Indemnité d’occupation due par l’époux au titre de l’occupation de l’ancien domicile quand bien même l’épouse serait toujours en possession des clés (Civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 22-13.749, 54 F-D) – Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 815-9 du code civil la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de l’épouse tendant à mettre à la charge de son époux une indemnité au titre de l’occupation de l’ancien domicile conjugal à compter du 1er octobre 2007 et jusqu’au partage retient qu’il est justifié par un écrit échangé entre les parties que l’épouse avait les clés de l’appartement en sa possession et que celle-ci ne rapporte donc pas la preuve que l’époux avait la jouissance exclusive du bien, alors qu’elle aurait dû rechercher si, comme le soutenait l’épouse, l’ordonnance de non-conciliation du 25 mars 2011 n’attribuait pas la jouissance du domicile conjugal à l’époux, de sorte qu’ elle se trouvait dans l’impossibilité d’user de ce logement pendant l’instance en divorce.
NB – v. déjà Civ. 1re, 9 juill. 2014, no 13-15.948
- Libéralités
Pas de nullité du testament si l’insanité d’esprit de l’auteur de la libéralité n’est pas prouvée au moment de l’acte (Civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 22-12.115, 56 F-D) – Il résulte des articles 414-1 et 901 du code civil que, pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit, et qu’il incombe à ceux qui agissent en nullité pour insanité d’esprit de l’auteur d’une libéralité de prouver son état d’insanité d’esprit au moment de l’acte.
Ne constituent pas des motifs propres à caractériser l’état d’insanité d’esprit de l’auteur de la libéralité au moment de la rédaction du testament le 20 juin 2013 :
. des « brouillons » manuscrits n’ayant manifestement pas été rédigés de la main du testateur, prévoyant, pour le premier, la vente viagère de l’ensemble immobilier au profit de la compagne de son fils prédécédé, et pour le second, le legs de ce bien ; d’autres documents, non datés, rédigés d’une autre main, constituant des projets de révocation du legs, de cession de ce bien à l’auxiliaire de vie et à la compagne du fils et de mandat de vente ;
. le recopiage du mandat de vente avec des erreurs, notamment sur le prix du bouquet au profit de l’auxiliaire de vie ;
. un certificat médical du 12 août 2014 mentionnant la découverte d’un accident vasculaire cérébral passé inaperçu ;
. le fait que le testament litigieux comporte deux fois le prénom de l’auxiliaire de vie, autre bénéficiaire du legs, cependant qu’il n’indique ni le prénom ni le titre « Madame » s’agissant de la compagne du fils.
- Majeurs protégés
Pas de condamnation du MJPM en l’absence de préjudice (Civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 21-24.864, 52 F-B) – C’est à tort que la cour d’appel a retenu que le curateur de l’époux placé sous curatelle renforcée avait pu valablement conclure seul, au nom de celui-ci, un mandat avec l’association portant sur le recrutement et le remplacement d’auxiliaires de vie ainsi que la gestion des contrats de travail, alors qu’il résulte des articles 467 et 472 du code civil que le curateur a pour mission d’assister le majeur protégé et que ses pouvoirs de représentation dans la curatelle renforcée sont limités à la perception des revenus, et au paiement des dépenses.
Toutefois, après avoir relevé que, selon la fille des époux placés sous mesure de protection, cette faute du curateur aurait généré des dépenses excessives, la cour d’appel a encore retenu, d’une part, que la décision prise par lui], également tuteur de l’épouse, de solliciter l’association pour fournir aux majeurs protégés des auxiliaires de vie et un appui à la gestion administrative de leur intervention, était indispensable pour permettre le maintien des époux ensemble à leur domicile, conformément au choix très clairement exprimé par l’époux, et, d’autre part, qu’en dépit de l’évolution des coûts tenant à l’aggravation de leur état de santé, de leur perte d’autonomie et de la nécessité de majorer les temps de présence à leurs côtés, le coût global de l’intervention de l’association, sur les dix-sept mois de sa durée, n’avait rien d’exorbitant.
Ayant ainsi fait ressortir l’absence de préjudice en lien avec la faute alléguée, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de rejeter la demande de la fille en condamnation du mandataire judiciaire à la protection des majeurs à payer à la fille du couple une certaine somme, en réparation du préjudice résultant des fautes commises dans la gestion des intérêts de son père protégé.
- Successions
Délai de prescription de l’action en réduction (Civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 22-13.665, 48 FS-B) – Il résulte de l’article 921, alinéa 2, du code civil, pour être recevable, l’action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu’à dix ans après le décès à condition d’être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l’atteinte à la réserve. Le moyen, qui, en soutenant que ces dispositions imposent, dans tous les cas, que le demandeur agisse dans les deux ans du jour où il a découvert l’atteinte à la réserve, postule le contraire, n’est donc pas fondé.
Sanction du dépôt d’un inventaire incomplet (Civ. 1re, 17 janv. 2024, n° 22-12.480, 13 F-D) – Il résulte des articles 789, 790, alinéas 1er et 4, et 800, alinéa 4, du code civil que le dépôt d’un inventaire incomplet, intervenu dans le délai légal, ne peut être sanctionné qu’en application et aux conditions du dernier de ces textes aux termes duquel l’héritier qui a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l’inventaire des éléments actifs ou passifs de la succession est déchu de l’acceptation à concurrence de l’actif net. Il est réputé acceptant pur et simple à compter de l’ouverture de la succession.
Justifie légalement sa décision de déclarer éteinte la créance du fonds commun de titrisation sur la succession une cour d’appel qui a constaté que la déclaration d’acceptation de la succession de la défunte à concurrence de l’actif net avait été effectuée pour sa fille, alors mineure, non par le père de celle-ci, en sa qualité de représentant légal, mais par le président du conseil départemental du Morbihan, en sa qualité d’administrateur ad hoc, et n’étant pas contesté par les parties qu’un inventaire mobilier, dressé par notaire le 13 mars 2013, figurant dans l’avis d’acceptation à concurrence de l’actif net publié et versé aux débats par le créancier, avait été déposé dans le délai légal.
Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel de la QPC relative à l’article 860, alinéa 2, du code civil qui porterait une atteinte injustifiée au droit de propriété garanti par l’article 2 de la Déclaration de 1789 en ce qu’il a pour effet de priver le gratifié, qui a vendu le bien donné et réalisé une plus-value en plaçant le prix de vente, d’une partie de cette plus-value pour en faire profiter ses cohéritiers (Civ. 1re, QPC, 14 févr. 2024, n° 23-19.059, 158 FS-P)
Family “trust américain” et affaires “Colombier” et “Jarre” : la CEDH valide les décisions françaises (CEDH, 15 févr. 2024, aff. Colombier c/ France, n° 14925/18 et Jarre c/ France, n° 14157/18) – Dans l’affaire les deux affaires la Cour, qui “n’a jamais reconnu l’existence d’un droit général et inconditionnel des enfants à hériter d’une partie des biens de leurs parents” “ne voit aucune de raison de se départir du raisonnement des juridictions internes”.
NB – V., dans l’affaire “Jarre”, Civ. 1re, 27 sept. 2017, n° 16-17.198 et, dans l’affaire “Colombier”, Civ. 1re, 27 sept. 2017, 16-13.151, AJ fam. 2017. 595, obs. A. Boiché.
Succession “Pierre Cardin” : le testament invoqué ne répond pas aux exigences de l’article 970 du code civil (Paris, 25 janv. 2024, n° 23/07119)
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