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Trois propositions pour pérenniser le logement de la famille adoptées par la troisième commission du Congrès des notaires

30/09/2023

IMG_1122Le 119e congrès des notaires s’est achevé vendredi dernier et a tenu toutes ses promesses. Côté famille, les trois propositions présentées ont été adoptées. Le temps, malheureusement, a manqué pour de véritables échanges avec la salle. Mais nous avons tenté de vous exposer au mieux les différentes propositions qui visent à pérenniser le logement ; propositions présentées par Agnès MAURIN, notaire à Gignac,  Emmanuelle COURCHELLE, notaire à Saint-André-Lez-Lille, et Vincent MORATI, notaire à Annecy.

  • Proposition n° 1 : Pérenniser le logement du dirigeant de société : étendre l’insaisissabilité de la résidence principale

Le législateur a rendu automatique l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel en 2015 comme il a rendu automatique la scission de son patrimoine l’année passée à la faveur de la loi du 14 févr. 2022. Le logement de la famille fait a priori partie du patrimoine privé et, ce faisant, se trouve à l’abri des actions des créanciers professionnels, du moins en théorie. C’est le critère de l’utilité qui permet de déterminer ce qu’est un bien professionnel. Ce qui oblige les notaires à demander à leurs clients si l’acquisition qu’ils envisagent relèvera du patrimoine personnel ou professionnel. Une lecture trop rapide de l’article L. 526-22, al. 5, c. com. pourrait laisser penser que les biens du patrimoine personnel sont  insaisissables par les créanciers professionnels. Ce qui est loin d’être le cas dans nombre d’hypothèses :

  • recours des créanciers privilégiés (administration fiscale, les organismes des sécurité sociale et de recouvrement) ;
  • manœuvres frauduleuses ou inobservations graves des obligations fiscales ;
  • renonciation à la séparation des patrimoines ;
  • cessation de l’activité de l’entrepreneur, les patrimoines personnel et professionnel étant alors de nouveau réunis.

Cela étant, même s’il renonce à l’étanchéité des patrimoines, l’entrepreneur individuel bénéficie toujours de l’insaisissabilité du logement familial. S’agissant du dirigeant de société, l’écran sociétaire est souvent considéré comme suffisamment protecteur. À tort. Le patrimoine du dirigeant peut être appelé directement du fait de son comportement qui engage sa responsabilité civile en cas de faute détachable de ses fonctions de dirigeants : responsabilité fiscale pour inobservation des obligations fiscales ; responsabilité pénale liée à ses fonctions avec des peines financières personnelles ; faute de gestion, sans compter le cautionnement qui l’oblige à engager ses biens personnels et bien souvent son logement.

En dehors d’un gestion stable, la résidence du dirigeant de société se trouve finalement plus exposée que celle de l’entrepreneur individuel. Cette inégalité de traitement doit cesser selon la troisième commission du Congrès des notaires. Il convient que le dirigeant de société puisse bénéficier de la même protection que l’entrepreneur individuel.

Certes, entreprendre, c’est risqué. Mais protéger la valeur refuge de l’entrepreneur, c’est-à-dire le logement, lui permettre de prendre plus de risques et ainsi de créer plus d’actifs, cela reviendrait aussi à protéger la société tout entière.

S’agissant du champ d’application de cette nouvelle protection, il s’agirait de protéger uniquement la résidence principale, quand bien même elle serait à usage mixte, de tous les dirigeants de droit, ceux dont le nom figure sur le Kbis.

Le 119e Congrès des notaires propose

  • d’étendre le bénéfice de l’insaisissabilité automatique de la résidence principale au représentant légal de la société.

 

Raymond LE GUIDEC s’est dit favorable à cette proposition. Mais il a fait observer que le législateur de 2022 a opéré en solitaire sans tenir compte de l’environnement patrimonial dans lequel se situe naturellement l’entrepreneur individuel qui repose notamment sur le régime matrimonial, qui est dans 80 % des cas celui de la communauté légale. Comment concilier demain cette insaisissabilité avec l’application de l’organisation du passif du régime matrimonial légal, à commencer par l’application de l’art. 1413 c. civ. où l’époux engage par ses dettes, pour quelque cause que ce soit, ses biens propres et ceux de la communauté ? Il se demande si, dans cette application prioritaire du régime légal, il n’y aura pas de difficulté de conciliation entre cette disposition particulière de  la loi de 2022 et l’application ordinaire et générale de l’article 1413.

 

La proposition est adoptée à 93 %.

 

  • Proposition n° 2 : pérenniser le logement de nos ainés : repenser les solutions viagères dans le cadre familial

Les notaires sont partis d’un constat statistique. Sur presque 68 millions d’habitants en France en 2023, 14 millions ont plus de 65 ans en 2023, dont 57 % sont confrontés à une perte d’autonome. 6 % seulement des personnes dépendantes sans conjoint peuvent couvrir totalement les dépenses liées à leur dépendance. 25 % des personnes dépendantes ne peuvent même pas financer 10 % de leur besoins. Pour la période 2035-2040, il serait prévu une baisse de 14,9 à 13,8 % des pensions et une baisse du pouvoir d’achat des retraités de 20 à 25 %. Le reste à charge est en moyenne de 60 € par mois lorsque la personne est maintenue à son domicile  moyenne contre 1 850  € lorsque la personne est en établissement.

Pour la troisième commission, il est du devoir de chacun d’aider ses aînés. Partant du constat que la solidarité nationale doit rester subsidiaire, réservée aux cas où les familles n’ont pas les moyens d’aider leurs aînés, elle estime que la solidarité familiale doit pouvoir s’exprimer au travers tant du cadre de la vente en viager que celui du prêt viager.

S’agissant de la vente en viager, au motif d’une suspicion généralisée de donation, l’art. 918 c. civ. ne permet pas l’expression de l’entraide familiale lorsque les enfants ne s’entendent pas. Ce texte fait finalement peser le poids de la dépendance sur l’ensemble des contribuables. Il introduit une présomption irréfragable de donation hors part successorale du bien vendu en viager ou en nue-propriété à un héritier en ligne directe. Donc l’unique voie pour faire échec à cette présomption est d’obtenir le consentement de tous les héritiers en ligne directe à l’aliénation. Cette présomption irréfragable instaurée en 1804 concernait une France majoritairement rurale où l’espérance de vie ne dépassait guère 45 ans, une époque où faute de système de retraite il était de règle pour les descendants de cohabiter avec les ascendants. Et surtout le paiement se faisait de la main à la main. La tentation était donc grande d’utiliser la vente en viager pour avantager l’un de ses enfants. Mais aujourd’hui l’espérance de vie a doublé, la cohabitation descendants/ascendants est devenue une exception et la traçabilité des paiements ne pose plus problème. La dissimulation redoutée en 1804 n’est plus d’actualité.

 

La troisième commission s’est alors penchée sur trois solutions possibles pour amender l’article 918 :

  1. Admettre que le consentement des héritiers à la vente en viager est tacite, une voie empruntée par la jurisprudence dans un arrêt du 26 janv. 2022 n° 20-14.155, AJ fam. 2022. 166, obs. Casey). Mais la preuve du consentement tacite n’est pas aisée et source de contentieux.
  2. Inverser la charge de la preuve : les cohéritiers de l’acquéreur devraient prouver que la vente en viager est en fait une donation déguisée, ce qui conduirait à supprimer purement et simplement l’article 918 ; mais cette preuve est souvent difficile à apporter et la solution serait propice aux abus pour celui qui voudrait avantager un enfant ;
  3. Conférer à la présomption de donation hors part un caractère simple : l’héritier acquéreur pourrait donc apporter la preuve de son paiement pour faire échec à la présomption de donation de l’article 918, et ce alors même que ses cohéritiers n’auraient pas, ou pas tous, consentis à l’acte de vente en viager. Cette solution, retenue par la commission, aurait l’avantage de ménager et les intérêts des héritiers de l’acquéreur et ceux de ses frères et sœurs. Elle permettrait également de maintenir la solution existante, à savoir que l’intervention des cohéritiers pour consentir à la vente en viager leur interdira toute action future.

Et pour ce qui est de la vente en nue-propriété, le texte ne se justifie plus : le prix est payé comptant. Il est aisé de le prouver. La vente avec réserve du droit d’usage et d’habitation échappe à l’article 918 qui est un texte d’exception et doit être d’interprétation stricte, ce qu’a du reste jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 février 2002 (n° 99-19.875).

Le 119e Congrès des notaires propose :

  • que la présomption posée par l’article 918 du code civil soit une présomption simple,
  • d’écarter de ce texte la vente en nue-propriété ;
  • et donc de retoucher le texte de la manière suivante :

« La valeur en pleine propriété des biens aliénés, soit à charge de rente viagère, soit à fonds perdus  à l’un des successibles en ligne directe, constitue une donation hors part successorale sauf si l’acquéreur justifie, par tous moyens, de la réalité du prix et de son paiement.

Seuls pourront se prévaloir de cette qualification de donation les héritiers réservataires présomptifs qui n’auront pas consenti à la vente, soit dans l’acte même d’aliénation, soit dans un acte postérieur, avant le décès du disposant ».

Raymond LE GUIDEC s’est dit pour cette proposition, mais aurait préféré qu’il soit demandé, comme à l’occasion d’autres congrès, la suppression pure et simple de cet article 918 du code civil et s’étonne encore que le Conseil constitutionnel ait pu juger il y a quelque années que cette disposition soit conforme à la Constitution. que cette disposition (Cons. const., 1er août 2013, n° 2013-337 QPC). Ceci étant, l’article 918 tel qu’amendé selon la proposition garderait un parfum de suspicion. Il pourrait y avoir, dans la boite à outils du notaire chevronné, un autre moyen pour échapper à l’article 918, à savoir une donation faite en avancement de part successorale à un enfant de confiance et cela contre rente viagère. Ce serait retrouver une modalité de donation qui a perdu de sa pratique et qui pourrait être revivifiée.

 

La proposition est adoptée à 96 %.

 

S’agissant du prêt viager hypothécaire (PVH), il est défini à l’article L 315-1 c. consom. Il s’agit d’un contrat par lequel un établissement de crédit ou un établissement financier consent à une personne physique (les personnes morales sont donc exclues dont les SCI) un prêt sous forme d’un capital ou de versements périodiques, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l’emprunteur à usage exclusif d’habitation (ce qui exclut tous les biens professionnels ou commerciaux). Le remboursement du prêt en capital et en intérêts se fait au décès de l’emprunteur. L’emprunteur peut toutefois demander à verser des intérêts périodiquement. Il y a trois causes d’exigibilité anticipée : aliénation du bien par l’emprunteur, démembrement de l’immeuble donné en garantie ou encore non-respect de ses obligations par l’emprunteur (défaut d’entretien de l’immeuble ou changement d’affectation). Il n’y a pas de condition d’âge, même si en pratique un âge minimum est exigé (65 ans souvent). Le versement du capital prêté peut se faire en une seule fois ou de façon périodique. La principale caractéristique est le plafonnement de la dette à la valeur de l’immeuble donné en garantie au décès de l’emprunteur, sauf cas de remboursement anticipé.

Au décès de l’emprunteur, les héritiers peuvent eux-mêmes rembourser la dette en vendant ou pas l’immeuble. Ou bien l’initiative est laissée au prêteur qui peut saisir le bien ou se le faire attribuer judiciairement ou conventionnellement.

En réalité, le champ actuel du PVH est trop restrictif quant aux personnes habilitées à accorder un PVH et quant aux immeubles garantis, ce qui freine son essor.

Le 119e congrès des notaires propose :

d’élargir le champ d’application de PVH :

  • aux personnes physiques, dans le respect du monopole bancaire
  • à tout bien immobilier, qu’elle qu’en soit la destination.

 

La proposition est adoptée à 85 %.

  • Proposition n° 3 : Pérenniser le logement de la famille : rétablir l’esprit de l’article 215 – alinéa 3

Pour finir, la troisième commission propose de retoucher l’article 215, alinéa 3, du code civil auquel les notaires sont régulièrement confrontés. Face à la réalité du terrain, les réponses aux questions ne sont pas toujours évidentes. Une personne mariée peut-elle disposer du logement de la famille détenu par une société sans obtenir l’accord de son conjoint ? Une personne mariée peut-elle vendre la nue-propriété du logement de la famille qui lui appartient personnellement sans obtenir l’accord de son conjoint et sans qu’aucun usufruit successif ne soit prévu ? Une personne mariée, propriétaire de ce logement de la famille, en se conservant l’usufruit pour soi mais pas pour son conjoint, peut-elle donner la nue-propriété familiale sans l’accord du conjoint ? Dans les divorces contentieux, est-ce que le juge aux affaires familiales est aujourd’hui tenu de se prononcer sur des mesures concernant le logement de la famille au cours de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires (AOMP) qui a remplacé l’ordonnance de non-conciliation en 2021 ?

Pour commencer, il faut savoir de quel logement il s’agit. La protection légale s’applique-t-elle réellement à tous les logements ?  Les logements de nature mobilière  sont-ils visés alors qu’actuellement 100 000 français habitent des logements qualifiés de non conventionnels (péniches, roulottes, yourte, tiny house, etc.) ? Sans doute, dès lors que la loi ne distingue pas entre biens mobiliers et biens immobiliers. Mais qu’en est-il lorsque le logement est assuré par l’interposition de meubles incorporels, à savoir les droits sociaux, en d’autres termes, lorsque le logement a été intégré dans une société ? Que penser des actes de disposition sur le logement accomplis à l’initiative d’un époux seul détenteur des droits sociaux ou des pouvoirs internes de décision avec une gérance plénipotentiaire par exemple ? Par principe la jurisprudence écarte l’application de l’article 215, alinéa 3, puisqu’aucun des deux époux n’a de droit direct sur le logement (uniquement sur les parts sociales) et que c’est la personne morale qui procède à la vente. Pour autant, on ne saurait conclure que la présence d’une société exclut automatiquement l’application de l’article 215, puisque, en présence d’une vente pratiquée par une personne morale, cette disposition retrouve application dans tous les cas où la société a autorisé l’installation de la famille dans le logement qu’elle possède c’est-à-dire à partir du moment où au moyen d’une disposition statutaire ou extra-statutaire, la société accorde aux époux un droit de jouissance sur le logement qu’elle possède.

Et dans l’hypothèse cette fois de la vente des droits sociaux par un époux qui vend les droits qu’il détient dans le capital de la société, l’article 215, alinéa 3, s’applique-t-il à la cession de l’intégralité des parts sociales ou d’un bloc majoritaire permettant de faire pencher la balance de la décision ? Pour l’heure, aucune réponse certaine.  Or, selon la troisième commission, écarter la cogestion dans une pareille hypothèse reviendrait à rendre illusoire la protection conférée par la loi au logement familial.

La première suggestion serait donc de confirmer que la cession du capital de la société détenant le logement et soumis à l’article 215 alinéa 3.

Autre constat de la pratique notariale : lorsque des époux sont en instance de divorce, qu’ils résident séparément et que finalement l’ancien logement familial détenu par l’un des époux est vide, le vendeur ne pourra se passer du consentement de son conjoint quand bien même il n’y aurait plus aucune vie commune, plus aucune vie familiale, puisque la protection du logement familial dure autant que dure le mariage jusqu’à ce qu’un jugement de divorce définitif soit prononcé. Or, le conjoint sera tenté de vouloir monnayer son consentement pour essayer de faire pencher le partage à son avantage ou obtenir une meilleure prestation compensatoire. Une difficulté qui pourrait s’aggraver depuis l’entrée en vigueur de la réforme du 23 mars 2019 applicable à toutes les procédures de divorce contentieuses depuis le 1er janvier 2021. Auparavant, dans le cadre de l’ONC, le  juge statuait nécessairement sur le sort du logement de la famille chaque fois qu’il autorisait les époux à résider séparément. Seulement, dans le cadre de l’AOMP, le juge ne statue plus que sur les mesures qui lui sont demandées et uniquement sur celles-ci. Il ne se saisira pas d’office de la question du logement. Et, lorsqu’une demande est formulée postérieurement à l’AOMP, la décision aura-t-elle un effet rétroactif ? Et si oui, jusqu’à quelle date ? Or en cas de qualification rétroactive d’un bien, au statut non défini initialement, en logement de famille, les conséquences sur les actes qui auraient pu être accomplis potentiellement entre-temps pourraient être fâcheuses.

La deuxième suggestion serait donc de prévoir qu’au moment de la l’AOMP, sauf accord des époux, le juge détermine d’office le bien dans lequel se situe le logement familial.

Autres préoccupations : les actes de disposition accomplis avec une réserve d’usufruit comme les actes de renonciation aux pare-feu légaux qui protègent le toit de l’entrepreneur par rapport à ces risques professionnels (scission des patrimoines privé et professionnel et insaisissabilité de la résidence principal) .

S’agissant des actes de disposition avec réserve d’usufruit, les proches du donateur ne courent aucun danger immédiat tant que dure l’usufruit, en d’autres termes jusqu’au décès de l’usufruitier le plus souvent. À ce moment-là, s’il n’est accompagné d’aucun usufruit successif en faveur du conjoint, le logement de la famille peut se trouver menacer. Il pourrait donc être justifié d’imaginer de faire application de l’article 215, alinéa 3, à tout acte de disposition, fût-il accompagné d’une réserve d’usufruit. Opinion que partageaient un pan de la doctrine et certains juges du fond jusqu’à ce que la Cour de cassation en juin 2022 se prononce en sens inverse à propos d’un litige portant sur une donation alors même que l’usufruit réservé par le donateur n’était accompagné d’aucun usufruit successif sur la tête de son conjoint. Une position qui apparaît cependant fondée puisque la protection accordée par l’article 215 alinéa 3 dure pendant tout le mariage mais que pendant le mariage. En l’espèce, la réserve d’usufruit pratiquée par le donateur en sa faveur protégeait bien la jouissance que la famille a eu sur le logement pendant toute la durée du mariage. Seulement, le mariage s’éteignant par le décès, la protection s’éteint également. Dès lors, au décès de son conjoint usufruitier, ayant pratiqué une donation à laquelle il n’a pas participé, le conjoint survivant n’aura plus aucun droit ni titre sur ce logement, ni droits successoraux tels que le droit temporaire ou le droit viager au logement du fait de la donation. On pourrait songer à supprimer la faculté d’un époux d’exclure le droit viager de son conjoint, de sacraliser ce droit viager, autrement dit de lui conférer un caractère réservataire. On pourrait, au contraire, se satisfaire du statu quo. La troisième commission a préféré une solution intermédiaire : sans toucher sur ce point à l’article 215, il s’agirait de permettre l’exercice d’un droit temporaire en faveur du conjoint, celui de l’article 763, même si la mutation en nue-propriété est intervenue sur le logement. Ce qui apporterait aux conjoints survivants un temps minimum de repositionnement, 12 mois pour retrouver une solution de logement. On aurait porté de la sorte une atteinte proportionnée au droit du propriétaire tout en assurant au conjoint survivant un minimum vital. Voilà ce qui formerait la troisième suggestion.

S’agissant des renonciations par un époux entrepreneur aux protections législatives du logement, la loi du 14 février 2022 tout en proclamant l’existence pour l’entrepreneur individuel d’un véritable patrimoine d’affectation avec une poche professionnelle et une poche personnelle, a permis à l’entrepreneur d’y renoncer, notamment aux fins d’obtenir un crédit, sachant que cette renonciation laissera subsister une barrière autour de la résidence principale.  Mais on peut également renoncer à l’insaisissabilité  de la résidence principale. Puisque cette double renonciation expose le logement de la famille au risque d’une saisie, il pourrait sembler naturel de soumettre une telle décision au double consentement prévu par l’article 215 alinéa 3. C’est un point sur lequel la jurisprudence n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer. Il n’existe aucun certitude à cet égard. Pour la troisième commission, soumettre à la signature des deux époux la décision d’abandonner le premier écran (c’est-à-dire de renoncer à la séparation des patrimoines) serait peut-être aller trop loin et pourrait priver l’entrepreneur de tout crédit. Ce qui serait une trop lourde atteinte à la liberté d’installation, d’exercer une activité professionnelle. En revanche, il conviendrait de soumettre à cette double signature la renonciation à l’insaisissabilité de cet actif précis qu’est le logement seul couvert par l’écran protecteur de l’insaisissabilité. Dès lors, la quatrième suggestion serait de confirmer le fait qu’une telle décision entre dans la sphère de l’article 215 alinéa 3.

Le 119e Congrès des notaires propose :

1. que l’article 215 du Code civil soit complété afin d’être applicable aux droits de toute nature par lesquels est assuré le logement de la famille ;
2. que l’article 254 du Code civil soit modifié afin que l’office du juge comprenne obligatoirement, lors de l’AOPM, la localisation du logement de la famille, protégé par l’article 215 al. 3 ;
3. que l’article 763 du Code civil soit modifié en faveur d’une extension du droit temporaire du conjoint survivant au logement ayant fait l’objet d’une aliénation avec réserve d’usufruit par son conjoint ;
4. que l’article L. 526-3 alinéa 2 du Code de commerce soit complété en indiquant que la renonciation à l’insaisissabilité de la résidence principale qu’il autorise entre dans le champ d’application de l’article 215 al. 3 du Code civil.

 

La proposition est adoptée à 88 %

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