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Sélection jurisprudentielle de la semaine : autorité parentale, couple, divorce, filiation/bioéthique, succession

16/09/2023

Jurisprudence3L’activité jurisprudentielle a repris après une longue pause estivale. Les vacances sont définitivement derrière nous !

Au menu cette semaine :

  • autorité parentale
  • couple
  • divorce
  • filiation/bioéthique
  • succession

  • Autorité parentale

Non-respect du droit de visite d’un père bénéficiant d’un programme de protection des témoins : violation de l’article 8 Conv. EDH (CEDH, 7 sept. 2023, A et autres c/ Italie, n° 17791/22) – L’existence entre le père et les enfants, à compter du dépôt de la demande en reconnaissance de filiation, d’une « relation familiale potentielle », est suffisante pour entraîner la protection de l’article 8 de la Convention. En l’occurrence, en l’absence d’efforts adéquats et suffisants des autorités nationales pour faire respecter le droit de visite d’un père, bénéficiant d’un programme de protection des témoins, reconnu par des décisions judiciaires et assurer son droit à la coparentalité, cet article a été violé.

21 requêtes dirigées contre la Norvège concernant des enfants pris en charge par l’autorité publique (CEDH, 14 sept. 2023, n° 14301/19 ; 39771/19 ; 12825/20 ; 51860/19 ; 59747/1916998/20 ; 277/20 ; 41172/20 ; 44598/19 ; 7692/20 ; 45413/20 ; 42796/20 ; 63307/17 ; 39769/17 ; 15784/19) – Saisie dans plusieurs affaires concernant des enfants pris en charge par l’autorité publique au regard du droit de contact et de visite, de mesures d’adoption et de placement, la CEDH déclare irrecevables douze requêtes dirigées contre la Norvège (A.G. c/ Norvège, n° 14301/19 ; A.H. c/ Norvège, n° 39771/19 ; A.N. c/ Norvège, n° 12825/20 ; F.K. c/ Norvège, n° 51860/19 ; H.L. c/ Norvège, n° 59747/19 ; I.M. c. Norvège, n° 16998/20 ; J.B. et E.M. c/ Norvège, n° 277/20 ; M.A. et a. c/ Norvège, n° 41172/20 ; R.A. c/ Norvège, n° 44598/19 ; R.I. c/ Norvège, n° 7692/20 ; R.K. et a. c/ Norvège, n° 45413/20 ; T.H. c/ Norvège, n° 42796/20) et constate, à l’inverse, des violations de l’article 8 Conv. EDH dans neuf autres affaires (D.R. c/ Norvège, n° 63307/17 ; D.J. et P.J. c/ Norvège, n° 39769/17 ; S.S. et J.H. c/ Norvège, n° 15784/19).

Selon le communiqué de la Cour, « si les États jouissent d’une large marge d’appréciation lorsqu’il s’agit de décider si un enfant doit être pris en charge par l’autorité publique, la Cour doit procéder à un “contrôle plus strict”  de toute mesure complémentaire adoptée, par exemple la restriction des droits de contact et de visite. L’adoption, en particulier, doit être justifiée par des “circonstances exceptionnelles” et par l’exigence primordiale que représente l’intérêt supérieur de l’enfant. »

  • Couple

Condamnation de la Bulgarie pour avoir refusé de reconnaître l’union à l’étranger d’un couple de lesbiennes (CEDH, 5 sept. 2023, Koilova et Babulkova c/ Bulgarie, n° 40209/20) – La Bulgarie a outrepassé sa marge d’appréciation et manqué à son obligation positive de veiller à ce que les requérantes disposent d’un cadre juridique spécifique prévoyant la reconnaissance et la protection de leur union en tant que personnes de même sexe. Dès lors, le droit au respect de la vie privée et familiale des requérantes n’a pas été assuré à cet égard.

NB – V. CEDH, 17 janv. 2023, Fedotova et autres c/ Russie, n° 40792/10, 30538/14 et 43439/14).

  • Divorce

Interdiction de la révision de la pension versée sous forme de rente viagère pour compenser le préjudice causé par la dissolution du mariage : non-transmission d’une QPC (Civ. 1re, 5 sept. 2023, n° 23-40.011) – Ne présente pas un caractère sérieux et ne sera donc pas transmise au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante “L’article 301,alinéa 2, ancien du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 2 avril 1941 validée par l’ordonnance du 12 avril 1945 et abrogé par la loi du 11 juillet 1975, tel qu’interprété par la Cour de cassation le 3 janvier 1951, portant interdiction de la révision de la pension versée sous la forme de rente viagère pour compenser le préjudice causé par la dissolution du mariage, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et par les articles 1, 6, 4, 16 et 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l’alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »

  • Filiation/bioéthique

L’interdiction d’exporter des gamètes ou des embryons dans un pays qui autorise l’insémination post mortem (Espagne) ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Conv. EDH (CEDH, 14 sept. 2023, Baret et Caballero c/ France, n° 22296/20 et n° 37138/20)

Les deux affaires concernent l’interdiction d’exportation des gamètes du mari défunt de la première requérante et des embryons du couple que formaient la seconde requérante et son mari décédé vers l’Espagne, pays qui autorise la procréation post mortem.

La Cour reconnaît tout d’abord que l’interdiction litigieuse affecte la vie privée des requérantes, dès lors que la possibilité pour une personne d’exercer un choix quant au sort à réserver à ses embryons ou gamètes relève de son droit à l’autodétermination, et constitue une ingérence dans leur droit de tenter de procréer en recourant aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP).

La Cour admet ensuite que l’ingérence litigieuse qui découle de la conception de la famille telle qu’elle prévalait à l’époque et vise à garantir le respect de la dignité humaine et du libre arbitre et à atteindre un juste équilibre entre les intérêts des différentes parties prenantes à une AMP, répond aux buts légitimes de la « protection des droits et libertés d’autrui » et de la « protection de la morale ».

S’agissant de la nécessité de l’ingérence litigieuse, la Cour constate que l’interdiction absolue de l’insémination post mortem en France relève d’un choix politique et que, s’agissant d’une question de société portant sur des enjeux d’ordre moral ou éthique, il y a lieu d’accorder une importance particulière au rôle du décideur national. Elle relève par ailleurs que l’interdiction d’exportation des gamètes ou embryons, qui revient à exporter l’interdiction de la procréation post mortem sur le territoire national, vise à faire obstacle au risque de contournement des dispositions du code de la santé publique posant cette interdiction. Elle note également que, jusqu’à l’intervention de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, le législateur s’est efforcé de concilier la volonté d’élargir l’accès à l’AMP et le respect des préoccupations de la société quant aux questionnements éthiques délicats soulevés par la perspective de la conception posthume.

La Cour considère que les constats qui précèdent sont également pertinents en ce qui concerne l’interdiction du transfert d’embryon post mortem après avoir rappelé qu’elle ne reconnaît pas à l’embryon la qualité de sujet de droit autonome.

La Cour souligne que le Conseil d’État a exercé son contrôle sur les refus litigieux conformément à la méthodologie qu’il avait arrêtée dans sa décision Gonzalez Gomez et que, dans les circonstances des espèces, elle n’a pas lieu de se départir des solutions retenues par le juge interne. Elle en conclut que les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, que l’État défendeur n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il disposait et, partant, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

La Cour reconnaît néanmoins que l’ouverture, depuis 2021, par le législateur de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules pose de manière renouvelée la pertinence de la justification du maintien de l’interdiction dénoncée par les requérantes.

Un résumé juridique de cette affaire sera disponible dans la base de données HUDOC de la Cour (lien) (Communiqué de presse de la Cour).

 

N’est pas contraire à la Conv. EDH le refus des autorités nationales d’autoriser des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d’accéder aux informations sur lui en vertu de la règle de l’anonymat du don de gamètes (CEDH, 7 sept. 2023, Gauvin-Fournis et Silliau c/ France, n° 21424/16 et 45728/17) – Nés dans les années 1980 d’une AMP avec tiers donneurs, les requérants se sont vu refuser l’accès à des informations relatives à leur donneur. Or, le refus d’accès aux informations du tiers donneur résulte d’un choix du législateur issus de débats  extrêmement approfondis et qualitatifs, dont des débats publics, le législateur ayant bien pesé les intérêts et droits en présence concernant la levée de l’anonymat. Il n’a pas excédé sa marge d’appréciation en l’absence d’un consensus européen clair. Par ailleurs,  les informations médicales non identifiantes, dont les requérants déplorent l’accès trop restrictif, sont également couvertes par le secret absolu du donneur et le secret médical, sous la réserve des dérogations prévues au profit du médecin en cas de nécessité thérapeutique, ce qui constitue un juste équilibre. Et dans le cadre de la loi nouvelle du 2 août 2021 relative à la bioéthique, qui a mis fin à ce secret absolu, la Cour considère que l’Etat défendeur n’a pas outrepassé la marge d’appréciation mise à sa disposition en conditionnant l’accès aux origines au consentement du tiers donneur, s’agissant d’enfants nés d’une AMP avant le 1er septembre 2022, date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif d’accès aux origines en France.

La Cour en conclut que la France n’a pas méconnu son obligation positive de garantir des requérants le respect effectif de leur vie privée.

Viole la Conv. EDH le refus de la transcription d’un acte de naissance étranger établissant le lien de filiation entre une enfant née à l’étranger par GPA et son père biologique, sans envisager de solution alternative (CEDH, 31 août 2023, C c/ Italie,n°47196/21) – La requérante, une enfant née d’une GPA en Ukraine, invoque une violation de l’article 8 de la Convention pour défaut de reconnaissance en Italie de sa filiation légalement établie à l’étranger. Pour la Cour, les juridictions internes n’ont pas été en mesure de prendre une décision rapide afin de protéger l’intérêt de la requérante à avoir sa filiation biologique établie et aucune autre solution alternative ne semble avoir été envisagée. La requérante, âgée de quatre ans, est maintenue dans un état d’incertitude prolongée quant à son identité personnelle depuis sa naissance. En particulier elle n’a pas de filiation établie, avec des conséquences importantes sur son état civil, étant considérée comme apatride en Italie. Or, Afin d’assurer un résultat « rapide » et « efficace » conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant en matière d’établissement du lien de filiation entre le parent biologique et l’enfant né à la suite d’une GPA effectuée à l’étranger : a) le processus décisionnel doit être suffisamment axé sur l’intérêt supérieur de l’enfant et, en ce sens, exempt de formalisme excessif et apte à réaliser cet intérêt indépendamment d’éventuels vices de procédure ; b) les juridictions internes doivent coopérer avec les parties en indiquant les solutions choisies par le système, indépendamment des demandes des parties concernées. En l’occurrence, les autorités italiennes ont failli à l’obligation positive de garantir le droit de la requérante au respect de sa vie privée auquel elle a droit en vertu de la Convention. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention sur ce point.

En définitive, la violation de l’article 8 concerne uniquement l’établissement du lien de filiation entre la requérante et son père biologique. 

  • Succession

Qualité d’associé des héritiers d’un associé d’un groupement foncier agricole (GFA) (Com. 30 août 2023, n° 22-10.018, 518 F-D) – Les héritiers d’un associé d’une société de personne ont, lorsqu’il a été stipulé que la société continuerait avec eux, la qualité d’associé.

En l’occurrence, une cour d’appel relève que les dispositions des statuts stipulent, d’une part, que la transmission par décès au profit des descendants légitimes aura lieu librement et ne sera pas soumise à un agrément, d’autre part, que, en cas de décès d’un des associés, la société continuera entre les associés survivants et les ayants droits et héritiers de l’associé décédé.

Il en résulte que, quand bien même les fils et héritiers du défunt, n’auraient pas procédé à un partage amiable des parts provenant de sa succession, ils disposaient, en leur qualité de propriétaire indivis des parts du GFA, de la qualité d’associé, emportant le droit individuel de participer aux décisions collectives de ce groupement, sans toutefois pouvoir prendre part au vote sinon en étant représentés par un mandataire désigné à cet effet.

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