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Sélection jurisprudentielle : adoption/nationalité, autorité parentale, couple, divorce, filiation/bioéthique, indivision, mineurs, régimes matrimoniaux et successions

09/06/2023

Jurisprudence3Voici ma collecte du vendredi !

  • Adoption/Nationalité
  • Autorité parentale
  • Couple
  • Divorce
  • Filiation/Bioéthique
  • Indivision
  • Mineurs
  • Régimes matrimoniaux
  • Successions

 

  • Adoption/Nationalité

Demande de contestation du refus d’enregistrement d’une déclaration acquisitive de nationalité basée sur la filiation adoptive : le rejet serait-il disproportionné ? (Civ. 1re, 7 juin 2023, n° 22-14.709, 392 F-B) – Prive sa décision de base légale au regard de la l’article 8 Conv. EDH une cour d’appel qui, pour rejeter la demande de contestation du refus d’enregistrement d’une déclaration acquisitive de nationalité sur le fondement de l’établissement filiation adoptive, retient que l’intéressée ne dispose pas d’un état civil fiable et certain : elle aurait dû rechercher, comme il le lui était demandé, si ce refus n’entravait pas de manière de façon disproportionnée la jouissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention alors que la détermination de la nationalité de l’intéressée dépend directement de sa filiation adoptive.

Déclaration de nationalité française : l’article 21-12, alinéa 3, 2°, requiert que l’enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou un organisme privé (Civ. 1re, 7 juin 2023, n° 22-50.004, 397 F-B) – Il résulte de l’article 21-12 du code civil que peuvent réclamer la nationalité française, par déclaration souscrite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, jusqu’à sa majorité et à condition qu’à l’époque de sa déclaration il réside en France :

  • l’enfant qui a fait l’objet d’une adoption simple par une personne de nationalité française ;
  • l’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance ;
  • ou encore l’enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État.

La souscription d’une déclaration de nationalité en application de l’article 21-12, alinéa 3, 2°, requiert que l’enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État. Il ne s’aurait s’agir de particuliers français, même ayant reçu une formation française dispensée par des organismes publics français.

  • Autorité parentale

L’article 13 du Règlement « Bruxelles II bis » relatif à la compétence fondée sur la présence de l’enfant ne s’applique que s’il est impossible d’établir l’État de la résidence habituelle de l’enfant (Civ. 1re, 1er juin 2023, n° 21-18.257, 373 FS-B) – L’article 13 du Règlement « Bruxelles II bis » (art. 11 du Règlement « Bruxelles II ter ») prévoit une règle de compétence subsidiaire fondée sur la seule présence de l’enfant dans l’hypothèse où il s’avère impossible d’établir l’État dans lequel se trouve sa résidence habituelle. Or, en l’occurrence, la cour d’appel a constaté que les enfants avaient leur résidence habituelle aux États Unis au moment où le juge aux affaires familiales avait été saisi. Elle n’avait donc pas à procéder à une recherche sur l’application de cet article 13 que ses constatations rendaient inopérante et a légalement justifié sa décision de rejeter l’exception d’incompétence internationale de la juridiction française en application de l’article 14 dudit Règlement (art. 14 également du Règlement « Bruxelles II ter ») aux termes duquel, « lorsqu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu des articles 8 à 13, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État. »

NB – Cette décision sera prochainement commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Alexandre Boiché.

  • Couple

Condamnation de l’Ukraine pour absence de reconnaissance et de protection juridiques des couples de même sexe (CEDH, 1er juin 2023, Maymulakhin et Markiv c/ Ukraine, n° 75135/14 ) – Le refus injustifié de toute forme de reconnaissance et de protection juridiques aux couples de même sexe par rapport aux couples hétérosexuels s’analyse en une discrimination à l’égard des requérants en raison de leur orientation sexuelle.  Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8.

NB – La Cour note toutefois l’intention du Gouvernement ukrainien de mettre en place un cadre juridique permettant aux couples de même sexe d’obtenir une reconnaissance et une protection adéquates de leur relation, ce qui serait conforme aux obligations positives de l’État au titre de l’article 8 de la Convention. Elle s’en félicite, mais ne peut pas spéculer sur une législation qui n’existe pas encore. Et elle note que le gouvernement ukrainien a déjà renoncé en 2019 à son intention d’introduire une loi sur les partenariats civils enregistrés pour les couples de sexe différent et de même sexe, au regard de nombreuses pétitions des autorités locales, religieuses organisations et ONG.
V. récemment à propos de la Roumanie, CEDH, 23 mai 2023, n° 20081/19, Buhuceanu et a. c/ Roumanie.

  • Divorce

Versement échelonné de la prestation compensatoire sur 8 ans au plus : le juge doit fixer le montant mensuel des versements (Civ. 1re, 1er juin 2023, n° 21-22.951, 380 F-B) – Aux termes de l’article 275, alinéa 1er, du code civil, lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

En condamnant l’époux à payer à l’épouse une somme de 160 000 € à titre de prestation compensatoire, en prévoyant qu’il pourra s’acquitter par versements mensuels sur une durée maximum de quatre ans, sans fixer le montant des versements mensuels, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé l’article 275, alinéa 1er.

En l’occurrence, la cassation prononcée n’impliquait pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, l’époux ne s’opposant pas à un règlement en une seule fois de la somme de 160 000 € mise à sa charge à titre de prestation compensatoire.

  • Filiation/Bioéthique

Constitutionnalité de l’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur avant la réforme de la bioéthique aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs (Cons. const., 9 juin 2023, n° 2023-1052 QPC) – La première phrase du 6 ° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, est déclarée conforme à la Constitution. En l’occurrence, il était reproché  à ces dispositions de prévoir qu’un tiers donneur, ayant effectué un don de gamètes ou d’embryons à une époque où la loi garantissait son anonymat, puisse être contacté par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur afin de recueillir son consentement à la communication de ces données, sans lui permettre de refuser préventivement d’être contacté ni garantir qu’il ne soit pas exposé à des demandes répétées.

Mais si ces dispositions permettent effectivement à la personne issue du don d’obtenir communication des données non identifiantes et de l’identité du tiers donneur, cette communication est subordonnée au consentement de ce dernier. Les dispositions contestées ne remettent pas en cause la préservation de l’anonymat qui pouvait légitimement être attendue par le tiers donneur ayant effectué un don sous le régime antérieur à la loi du 2 août 2021. Mais par une réserve d’interprétation, le Conseil juge que ces dispositions n’ont pas pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles est donné le consentement et ne sauraient avoir pour effet, en cas de refus, de soumettre le tiers donneur à des demandes répétées émanant d’une même personne.

Constitutionnalité de l’interdiction de l’établissement d’un lien de filiation entre l’enfant né d’une AMP et le tiers donneur (Cons. const., 9 juin 2023, n° 2023-1053 QPC) – Le premier alinéa de l’article 342-9 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, est conforme à la Constitution. En premier lieu, le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit, pour le tiers donneur, à l’établissement d’un lien de filiation avec l’enfant issu de son don. En second lieu, il n’appartient au Conseil de procéder lui-même à l’interprétation du texte qui lui est déféré que dans la mesure où elle est nécessaire à l’appréciation de sa constitutionnalité. « En l’espèce, aucune interprétation jurisprudentielle constante ne confère, en l’état, aux dispositions contestées une portée qui exclurait la possibilité, pour le tiers donneur, d’établir un lien de filiation adoptive avec une personne issue de son don. Au demeurant, le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit pour le tiers donneur à l’établissement d’un lien de filiation adoptive avec l’enfant issu de son don. Par suite, quand bien même les dispositions contestées seraient interprétées comme interdisant l’établissement d’un tel lien de filiation, elles ne méconnaîtraient pas le droit de mener une vie familiale normale. »

NB – Cette décision sera commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Laurence Brunet et Marie Mesnil.

  • Indivision

 L’existence d’un usufruit grevant les biens indivis prive l’indivision de tout droit à une indemnité d’occupation (Civ. 1re, 1er juin 2023, n° 21-14.924, 377 F-B) – Il résulte de l’article 815-9 du code civil, que l’indemnité due au titre de l’occupation d’un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère. Aux termes de l’article  582  du même code, l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit.

Pour dire l’ex-époux, indivisaire, redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision, une cour d’appel retient qu’en vertu de l’ordonnance de non-conciliation, celui-ci jouit privativement du bien indivis en nue propriété qui constituait le domicile conjugal et que la seule privation de jouissance subie par l’ex-épouse, coïndivisaire, génère un droit à indemnité, peu important l’existence d’un démembrement de propriété entre les époux et la mère de l’ex-époux, usufruitière.

En statuant ainsi, alors qu’il n’existait pas d’indivision en jouissance entre les époux nus-propriétaires, de sorte qu’aucune indemnité d’occupation n’était due par l’époux envers l’indivision, la cour d’appel a violé les articles 815-9 et 582 du code civil.

  • Mineurs 

Enlèvement international d’enfants vers l’Équateur : compétence du juge français sur le fondement de l’article 7, § 1, de la Convention de La Haye de 1996 (Civ. 1er juin 2023, n° 21-21.169, 374 FS-D) –  En l’occurrence, la cour d’appel a relevé qu’au jour de l’introduction de l’instance relative à l’exercice de l’autorité parentale, les enfants avaient leur résidence habituelle en France. Après avoir retenu qu’il n’était pas établi que le départ et le maintien des enfants en Équateur aient fait l’objet d’un accord des parents qui exerçaient en commun l’autorité parentale, elle a constaté que le père avait engagé, dans le délai d’un an, une procédure, toujours en cours, de retour immédiat sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Il en résulte que le juge français était demeuré compétent sur le fondement de l’article 7, § 1, de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996.

Déplacement illicite d’enfant sans mise en oeuvre de la procédure de retour prévue par la Convention de La Haye (CEDH, 8 juin 2023, n° 44684/14, P. N. c/ République tchèque) – De l’avis de la Cour, il ne peut pas être reproché à l’Office tchèque pour la protection internationale des enfants, agissant également en qualité de tuteur des enfants, de ne pas avoir engagé la procédure de retour de sa propre initiative et d’avoir laissé à la sagesse des tribunaux la question de savoir s’il était dans l’intérêt des enfants d’effectuer un séjour d’études aux États-Unis.  Dans ces circonstances, et compte tenu de l’absence de demande tendant au retour des enfants en vertu de la Convention de La Haye, les tribunaux tchèques n’étaient pas appelés à tirer des conséquences du comportement de la mère des enfants mais devaient se limiter à statuer sur la demande de celle-ci en fonction de l’intérêt supérieur des enfants.

  • Régimes matrimoniaux

Séparation de biens : l’apport en capital personnel n’affecte pas la contribution aux charges du mariage, sauf convention contraire (Civ. 1re, 1er juin 2023, n° 21-21.925, 381 F-D) – Il résulte de l’article 214 du code civil que, sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l’acquisition d’un bien personnel appartenant à l’autre et affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

Après avoir constaté que le prix de vente des parcelles acquises par l’épouse avait été payé comptant, au moyen de versements de fonds provenant d’un compte ouvert au seul nom de l’époux, la cour d’appel a relevé que le versement de ces sommes ne pouvait correspondre à la participation de celui-ci aux charges du mariage. La cour d’appel, devant qui n’était invoquée aucune convention entre les époux prévoyant l’exécution par l’époux de sa contribution aux charges du mariage sous la forme d’un apport en capital et qui n’avait pas à effectuer des recherches inopérantes, a, ainsi, légalement justifié sa décision de ce chef.

NB – V. dernièrement Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-22.296, 233 FS-B.

  • Succession

Libéralités rapportables : l’intention libérale doit être constatée (Civ. 1re, 1er juin 2023, n° 21-22.840, 375 F-D) – Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 843, alinéa 1er, du code civil une cour d’appel qui, pour dire que le fils du défunt a bénéficié d’une libéralité de son père lors de l’acquisition d’un immeuble, qui doit être rapportée à la succession, retient, sans constater l’intention libérale, que les fonds paternels ont servi à financer en partie ce bien.

NB – V. déjà Civ. 1re, 21 oct. 2015, no 14-24.847, AJ fam. 2015. 686, obs. Casey.

Constitutionnalité des pénalités pour dépôt tardif d’une déclaration de succession (Cons. const., 1er juin 2023, n° 2023-1051 QPC) – Les articles 724 du code civil, 641 et 1701 du CGI obligent les héritiers réservataires à s’acquitter de droits de succession alors même qu’ils n’auraient pas encore perçu les sommes imposables. Or selon les requérantes, dans le cas où un légataire universel du défunt a également la qualité d’héritier légal et est ainsi tenu de verser aux héritiers réservataires une indemnité correspondant à la portion du legs excédant leur réserve, le versement de cette somme dépend de la seule diligence du légataire universel. Ainsi, les héritiers réservataires ne seraient pas toujours en mesure d’en disposer au moment où ils doivent s’acquitter des droits de succession.

La question prioritaire de constitutionnalité portait donc sur les mots « les héritiers » figurant au premier alinéa de l’article 641 du code général des impôts.

Pour le Conseil, de jurisprudence constante, les héritiers réservataires disposent, en vertu de la loi, d’une créance à l’égard du légataire universel qui consiste en une indemnité de réduction égale à la fraction du legs portant atteinte à leur réserve. Ainsi, dès l’ouverture de la succession, l’héritier réservataire dispose d’une créance certaine. Le retard éventuel dans le versement de l’indemnité à l’héritier réservataire du fait du comportement du légataire universel n’a pas d’incidence sur l’appréciation des capacités contributives de l’héritier, puisque la créance est certaine. De plus, les héritiers peuvent mettre en œuvre les procédures de droit commun pour garantir et recouvrer leur créance et peuvent demander la désignation d’un mandataire successoral pour administrer provisoirement la succession. Les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant les charges publiques.

NB – Cette décision sera commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Jérôme Casey.

 

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