Sélection jurisprudentielle : successions
La semaine dernière, j’ai relevé trois arrêts en matière successorale :
La société civile bailleresse est tenue de garantir le locataire du trouble causé à sa jouissance par les ayants-droits d’un associé (Civ. 3e, 9 mars 2023, n° 21-21.698, 184 FS-B) – Aux termes de l’article 1725 du code civil, le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.
Aux termes de l’article 1870, alinéas 1 et 2, du code civil, la société n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu’ils doivent être agréés par les associés. Il peut, toutefois, être convenu que ce décès entraînera la dissolution de la société ou que celle-ci continuera avec les seuls associés survivants.
Aux termes de l’article 1315, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
D’une part, il résulte du deuxième de ces textes que le bailleur, constitué en société civile, est tenu de garantir le locataire des troubles que ses associés, qui ne sont pas des tiers à son égard au sens de l’article 1725 du code civil, ont apporté à sa jouissance par voie de fait.
D’autre part, il résulte des autres textes qu’une société civile étant présumée continuer avec les héritiers d’un associé décédé, il incombe à celui qui dénie la qualité d’associé à l’héritier d’un associé d’établir l’existence d’une stipulation contraire des statuts.
Pour rejeter la demande en condamnation de la société bailleresse, l’arrêt constate que l’accès au parking de l’immeuble loué a été bloqué par les agissements d’ayants droit de l’associé décédé de la société bailleresse. Puis, il énonce que l’analyse selon laquelle les ayants droit d’un associé ne sont pas des tiers se heurte, d’une part, à l’absence de justification de ce qu’ils seraient automatiquement devenus associés de la société bailleresse à son décès, sans démontrer que les statuts le prévoyaient ou que leur application avait conduit à une telle décision, d’autre part, à l’autonomie de la personnalité juridique de celle-ci, propriétaire et bailleresse, à laquelle ni le gérant ni les associés ne peuvent être assimilés. Il en déduit que les responsables du trouble de jouissance sont des tiers au contrat de bail entre la société bailleresse et la locataire au sens de l’article 1725 du code civil.
En statuant ainsi, alors qu’une société civile est présumée continuer avec les héritiers d’un associé décédé, et que la société bailleresse, qui n’établissait pas l’existence d’une stipulation contraire des statuts, devait garantir la locataire du trouble causé à sa jouissance, la cour d’appel a violé l’article 1315, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 1725 et 1870, alinéas 1 et 2, du code civil applicables en Polynésie française.
Les héritiers ne sont tenus des dettes successorales qu’au prorata de leurs droits respectifs (Civ. 3e, 1er mars 2023, n° 21-21.096, 157 F-D) – Il résulte de l’article 1220 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que les dettes d’une succession se divisent entre les héritiers qui n’en sont tenus personnellement qu’au prorata de leurs droits respectifs.
NB – Le principe est désormais posé à l’article 1309 du code civil.
De l’effet du certificat successoral européen (CJUE, 9 mars 2023, n° C-354/21) – La demande d’inscription d’un bien immobilier dans le registre foncier d’un État membre peut être rejetée lorsque le seul document présenté à l’appui de cette demande est un certificat successoral européen qui n’identifie pas ce bien immobilier. Ce qui, cependant, ne remet pas en cause la validité de ce certificat, en tant que tel, en ce qui concerne les autres éléments qu’il certifie, tels que le statut d’héritier.
NB – Cette décision sera commentée dans le numéro d’avril de l’AJ famille par Hubert WATIN-AUGOUARD, notaire à Paris.
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