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Sélection jurisprudentielle de la semaine : famille, libéralités, mineurs, procédure familiale et succession

16/09/2022

Jurisprudence3L’activité judiciaire reprend progressivement en matière familiale. Au menu cette semaine :

  • famille
  • libéralités
  • mineurs
  • procédure familiale/succession

 

  • FAMILLE

Notion d’« autre membre de la famille faisant partie du ménage du citoyen de l’Union » (CJUE, 15 sept. 2022, n° C-22/21) – Au sens de l’article 3, § 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38/CE  du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, la notion  de « tout autre membre de la famille qui fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal », visée à cette disposition, désigne les personnes qui entretiennent avec ce citoyen une relation de dépendance, fondée sur des liens personnels étroits et stables, tissés au sein d’un même foyer, dans le cadre d’une communauté de vie domestique allant au-delà d’une simple cohabitation temporaire, déterminée par des raisons de pure convenance.

  • LIBÉRALITÉS

Saisie du bien donné : une transaction peut-elle rendre inopposable la donation postérieure ? (Civ. 1re, 14 sept. 2022, n° 17-15.388, 707 FS-B) – En l’occurrence les consorts [I] doivent aux consorts [F] une certaine somme au titre du protocole transactionnel conclu le 30 avril 2007 par lequel ils ont accepté de rembourser aux seconds le compte courant détenu par ces derniers dans un une SCI dont ils étaient les associés en contrepartie de la cession de la totalité de leurs parts sociales au prix d’un euro. En octobre 2008, M. [E] [I] consentait à ses trois enfants mineurs une donation portant sur la propriété indivise d’un appartement, avec réserve d’usufruit au profit de son épouse. Un an plus tard, le TGI de Paris donnait force exécutoire au protocole. Invoquant la défaillance de M. [E] [I], les consorts [F] ont vainement diligenté diverses mesures d’exécution à son encontre. Si bien que le 2 juillet 2013, ils ont assigné les consorts [I] en inopposabilité de l’acte de donation aux fins de pouvoir notamment procéder à la saisie de l’appartement ; de leurs côtés, les consorts [I] ont opposé la nullité du protocole en l’absence de concessions réciproques, invoqué une clause léonine et contesté leur insolvabilité. Finalement, la Cour casse l’arrêt d’appel qui avait déclaré l’acte de donation inopposable aux consorts [F] sans pour autant que les consorts [I] obtiennent satisfaction.

Pour casser l’arrêt, la Cour relève qu’il résulte de l’article 2052 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et de l’article 1441-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, que, lorsque le président du TGI statue sur une demande tendant à conférer force exécutoire à une transaction, son contrôle ne porte que sur la nature de la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l’ordre public et aux bonnes moeurs et n’exclut pas celui opéré par le juge du fond saisi d’une contestation de la validité de la transaction. 

Pour accueillir la demande en inopposabilité de la donation faite par un père à ses trois enfants mineurs portant sur la propriété indivise d’un appartement, avec réserve d’usufruit au profit de son épouse, après avoir constaté que M. [E] [I] et Mme [O] invoquaient la nullité de la transaction litigieuse en raison de son caractère frauduleux et de l’absence de concessions réciproques, la cour d’appel retient que le principe de créance des consorts [F] est certain, dès lors que celle-ci trouve son origine dans la transaction à laquelle l’arrêt du 5 avril 2011 a conféré force exécutoire et dont la validité ne peut plus être remise en cause.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les article 2052 du code civil et 1441-4 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure.

Cependant, faisant application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, la Cour statue au fond. Or non seulement en application de l’article 2052, alinéa 2, ancien du code civil, les transactions ne peuvent être attaquées pour cause de lésion, mais il résulte des termes de la transaction litigieuse que, conformément à l’article 2044 ancien du même code, elle renferme des concessions réciproques et que les consorts [I] se bornent à alléguer sans l’établir l’existence d’une fraude à la loi et d’un passif de la SCI lors de la transaction. L’exception de nullité du protocole devait donc être écartée. En conséquence, toutes les conditions de l’action paulienne étant réunies, il y avait lieu d’accueillir la demande en inopposabilité de la donation formée par les consorts [F] et d’autoriser ceux-ci à procéder à la saisie de l’appartement dans la limite de leurs créances en application de la transaction du 30 avril 2007.

NB – L’article 2052 du code civil dispose désormais que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

On relèvera par ailleurs que l’anonymisation de l’arrêt en rend bien difficile la compréhension en ce qu’elle entretient une confusion sur l’adresse du bien saisi : tantôt adresse 5, tantôt adresse 6…

  • MINEURS

La France serait-elle contrainte à rapatrier les femmes djihadistes et leurs enfants de Syrie (CEDH, 14 sept. 2022, H.F. et autres c/ France, n° 24384/19 et n° 44234/20) – Si les ressortissantes françaises et leurs enfants ne bénéficient pas d’un droit général au rapatriement au titre du droit d’entrée sur le territoire national garanti par l’article 3, § 2, du Protocole n° 4 à la Conv. EDH, la protection qu’offre cette disposition peut cependant faire naître des obligations positives à la charge de l’État en cas de circonstances exceptionnelles tenant à l’existence d’éléments extraterritoriaux tels que, par exemple, ceux qui mettent en péril l’intégrité physique et la vie des nationaux retenus dans les camps, en particulier celles des enfants. Lorsque la demande de retour est faite au nom de mineurs, le contrôle de la légalité du rejet de la demande implique une vérification de la prise en compte par les autorités compétentes de l’intérêt supérieur des enfants, de leur particulière vulnérabilité et de leurs besoins spécifiques.

En l’occurrence, par quatorze voix contre trois, il est jugé que la France doit procéder au réexamen des demandes d’entrer sur le territoire national en l’entourant de garanties appropriées contre l’arbitraire ; qu’elle doit verser aux requérants, dans les trois mois, 18 000 € au premier couple de grands-parents requérants, et 13 200 € au second, plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d’impôt, pour frais et dépens ; qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

NB : “La Défenseure des droits rappelle, comme l’a fait la Cour, qu’en février dernier, le Comité des droits de l’enfant a affirmé que la France devait assumer sa responsabilité concernant la protection des enfants français retenus en Syrie et que son refus de les rapatrier viole le droit à la vie ainsi que le droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants. Elle était intervenue devant le Comité (décisions 2021-201 et 2019-129).

Selon la Défenseure des droits, la France se doit de prendre toutes les mesures pour mettre fin à de tels traitements dans les meilleurs délais et de protéger les enfants. L’une d’entre elles – conforme à l’intérêt supérieur de ces enfants – est à l’évidence l’organisation de leur retour sur le sol français et leur prise en charge par les services compétents, mesure réalisable au vu des rapatriements d’enfants précédemment opérés.”

  •  PROCÉDURE FAMILIALE/SUCCESSION

Le litige successoral étant indivisible, l’interruption de l’instance et du délai de péremption bénéficie à toutes les parties (Civ. 2e, 8 sept. 2022, n° 20-23.217, 847 F-D) – Il résulte des  articles 370, 373, 376 et 392 du code de procédure civile que, dans le cas où l’action est transmissible, le décès d’une partie n’interrompt l’instance et le délai de péremption qu’au profit de ses ayants droit, qui peuvent seuls s’en prévaloir, sauf indivisibilité et que, en cas d’interruption de l’instance, seule la reprise de celle-ci fait courir de nouveau le délai de péremption. Dans le cadre d’une affaire en liquidation et partage de la communauté ayant existé entre un père décédé et une mère, décédée en cours d’instance, une cour d’appel retient, pour constater que l’instance en liquidation est périmée depuis le 13 avril 2019 (incident de péremption soulevé par leur fille), que le décès de l’épouse a été notifié aux avocats de leurs fils et fille le 13 avril 2017, ce qui constituait un motif valable d’interruption de l’instance, mais que, entre cette notification et la saisine du conseiller de la mise en état le 19 septembre 2019, le fils n’avait accompli aucun acte de procédure, ne faisant que répondre à des questions du magistrat sans manifester une quelconque impulsion personnelle et que les pourparlers dont il se prévalait ne s’étaient traduits par aucune démarche concrète de nature à faire progresser l’affaire.

En statuant ainsi, alors que, d’une part, le litige successoral étant indivisible, l’interruption de l’instance et du délai de péremption bénéficiait à toutes les parties, parmi lesquelles figurait le fils en qualité d’ayant droit de sa mère, et que, d’autre part, l’absence de reprise de l’instance n’avait pas fait courir le délai de péremption, la cour d’appel a violé les les articles 370, 373, 376 et 392 du code de procédure civile.

NB – v. Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 11-17.873.

 

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