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Actualité jurisprudentielle : aliments, assistance éducative autorité parentale, bioéthique, divorce, majeurs protégés, pacte civil de solidarité/procédure familiale, prestations familiales, régimes matrimoniaux, successions/procédure familiale

24/06/2022

Jurisprudence3Comme je n’ai pas eu le temps de vous livrer l’actualité jurisprudentielle la semaine dernière, elle est particulièrement dense ce vendredi autour de plusieurs thèmes :

  • aliments
  • assistance éducative
  • autorité parentale
  • bioéthique
  • divorce
  • majeurs protégés
  • pacte civil de solidarité/procédure familiale
  • prestations familiales
  • régimes matrimoniaux
  • successions/procédure familiale

  • ALIMENTS

En présence d’un enfant commun, le veuf reste tenu d’une obligation alimentaire à l’égard de sa belle-mère (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-13.386, 460 F-D) – Viole l’article 206 du code civil une cour d’appel qui, pour fixer la contribution alimentaire mensuelle du gendre due à sa belle-mère (bénéficiaire d’une mesure de tutelle confiée à l’UDAF de l’Indre), en sa qualité d’administrateur légal des biens de sa fille mineure (en d’autres termes la petite-fille de la créancière), le condamner en tant que de besoin, avec ses coobligés alimentaires, à régler une certaine somme mensuelle à l’UDAF de l’Indre et mettre un arriéré à sa charge, retient que celui-ci ne peut plus être tenu personnellement d’une telle obligation, en raison du décès de son épouse, qui produisait le lien d’alliance avec sa belle-mère, mais qu’il est tenu en sa qualité de représentant de sa fille mineure. Tout simplement parce que l’enfant issue de son mariage avec la fille de la créancière d’aliments n’étant pas décédée, le gendre était personnellement tenu d’une obligation alimentaire à l’égard de sa belle-mère.

NB – Pour faire le point sur les obligations alimentaires en général et celles entre alliés en particulier, je vous invite à lire la fiche d’orientation “Aliments” qui est en accès libre.

 

Le maintien du père dans un bien appartenant à son fils malgré un jugement d’expulsion n’est pas constitutif d’un manquement grave à ses obligations justifiant une décharge de ce dernier de tout ou partie de la dette alimentaire  (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-16.817, 455 F-D) – Après avoir retenu qu’il ne pouvait être reproché au père d’avoir, dans un premier temps, occupé, avec toute sa famille, le bien immobilier appartenant à son fils et que son maintien dans les lieux et le blocage de la situation procédaient tant de données économiques que de profondes dissensions d’ordre personnel avec celui-ci, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a estimé que l’attitude du père ne revêtait pas le caractère de gravité exigé par l’article 207, alinéa 2, du code civil pour permettre de décharger le fils de tout ou partie de son obligation alimentaire.

NB – Sur l’appréciation souveraine des manquements, v. not. Civ. 1re, 3 avr. 1990, n° 88-18.927.

  • ASSISTANCE ÉDUCATIVE

La vie de l’enfant dans une tribu ne le met pas en danger (Civ. 1re, 6 juin 2022, n° 20-20.509, 461 F-D) – Après avoir relevé que, pour décider de retirer l’enfant au clan [K] et le confier à sa mère biologique, le juge des enfants s’était essentiellement interrogé sur la validité de l’adoption coutumière et que ce débat, qui n’avait pas encore été tranché, était insuffisant pour affirmer que l’enfant serait en danger au sein de la tribu Témela ou que les conditions de son éducation y seraient gravement compromises, c’est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’ordonner une mesure d’investigation, a retenu qu’il n’était pas autrement démontré que l’enfant se trouvait en situation de danger au sens de l’article 375 du code civil.

  • AUTORITÉ PARENTALE

Le juge doit rechercher si l’intérêt de l’enfant commande de fixer sa résidence au domicile de la mère ou du père (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-22.354, 462 F-D) – Il résulte des articles 373-2-6 et 373-2-11 du code civil que, lorsqu’il statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d’appel qui, pour rejeter la demande de la mère tendant à ce que la résidence habituelle de son fils soit fixée auprès d’elle, retient que le premier juge avait fait observer que, pour justifier son départ avec sa seule fille, celle-ci invoquait le comportement agressif du père, sans apporter d’autre preuve qu’un avis à victime, et que, en appel, elle ne produit aucun autre document à l’appui de ses allégations. Il lui incombait de rechercher si l’intérêt de l’enfant commandait de fixer sa résidence au domicile de la mère ou du père.

  • BIOÉTHIQUE

Les gamètes ne sont pas des biens (Civ. 1re, 15 juin 2022, n° 21-17.654, 492 FS-B) – Des gamètes humains ne constituent pas des biens au sens de l’article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, eu égard à la portée économique et patrimoniale attachée à ce texte (CEDH, arrêt du 27 août 2015, n° 46470/11, [GC], § 215) et seule la personne peut en disposer.

  • DIVORCE

Divorce : à quelle date se placer pour apprécier la demande de prestation compensatoire ? (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-22.793 (n° 471 FS-B) – Il résulte des articles 260 et 270 du code civil que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée. Selon l’article 909 du même code, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident.

Il s’en déduit que, lorsque ni l’appel principal ni, le cas échéant, l’appel incident ne portent sur le prononcé du divorce, celui-ci acquiert force de chose jugée à la date du dépôt des conclusions de l’intimé mentionnées à l’article 909 du code de procédure civile.

Ayant constaté que l’épouse n’avait pas relevé appel du prononcé du divorce et que les conclusions déposées par l’époux, intimé, dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile n’avaient pas étendu sa saisine, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le chef du jugement prononçant le divorce avait acquis force de chose jugée à la date de ces conclusions et que c’est à cette date que devait être appréciée la demande de prestation compensatoire.

NB – V. l’arrêt du même jour : Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-23.695 – Comp : Civ. 1re, 15 nov. 2017, n° 16-26.523. Dominique D’Ambra la commentera dans le numéro de juillet/août de l’AJ famille

 

Dommages-intérêts dans le cadre d’un divorce pour faute : il convient de ne pas se tromper de fondement (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-22.746, 456 F-D) –  Les dommages-intérêts prévus par l’article 266 du code civil réparent le préjudice causé par la rupture du lien conjugal, tandis que ceux prévus par l’article 1240 indemnisent celui résultant de toute autre circonstance.

Viole le premier par fausse application et le second par refus d’application une cour d’appel qui, pour condamner l’époux à payer à l’épouse des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil, retient que celle-ci a été contrainte de fuir les agressions physiques de son conjoint, qui l’ont obligée à quitter son lieu de vie habituel pour se réfugier dans un foyer d’urgence, source de difficultés matérielles et psychologiques, alors qu’elle statue  par des motifs impropres à caractériser les conséquences d’une particulière gravité subies par l’épouse du fait de la dissolution du mariage.

Le JAF n’a pas à vérifier la réalité des formalités accomplies par la juridiction marocaine et mentionnées dans la décision dont l’opposabilité était invoquée (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 21-15.791, 458 F-D) – Il résulte de la combinaison des articles 16 et 19 de la Convention franco-marocaine d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957 que le juge saisi d’une demande de reconnaissance d’un jugement marocain vérifie si elle émane d’une juridiction compétente, si les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes, si elle est, d’après la loi marocaine, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution, si elle ne contient rien de contraire à l’ordre public français et n’est pas contraire à une décision judiciaire française et possédant à son égard l’autorité de la chose jugée.

Pour déclarer recevable la requête en divorce, l’arrêt retient que, si le jugement marocain mentionne un domicile commun au Maroc et la représentation de l’épouse par un avocat, l’épouse était absente à l’audience de conciliation du 13 décembre 2017, qu’il résulte de son passeport qu’elle est rentrée en France en octobre 2017 et n’est pas retournée au Maroc, et qu’elle n’a donc pas été convoquée à son adresse réelle en France, de sorte que la procédure suivie devant le juge marocain n’était pas contradictoire. En statuant ainsi, alors qu’il n’entrait pas dans ses attributions de vérifier la réalité des formalités accomplies par la juridiction marocaine et mentionnées dans la décision dont l’opposabilité était invoquée, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

  • MAJEURS PROTÉGÉS

La personne protégée doit être régulièrement convoquée à l’audience pour y être entendue (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 21-10.372, 465 F-D) –  Selon les articles 1244, 1244-1 et 1245 du code de procédure civile, en cas d’appel d’une décision du juge des tutelles, le greffe de la cour convoque, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les personnes auxquelles la décision a été notifiée et, à l’audience, la cour entend le majeur à protéger ou protégé, sauf application des dispositions du second alinéa de l’article 432 du code civil.

Viole ces texte une cour d’appel qui décharge un tuteur de ses fonctions et désigne pour le remplacer une association, après avoir constaté que la personne protégée n’était ni présente, ni représentée à l’audience, alors qu’il ressort des pièces de la procédure que la personne protégée n’avait pas été régulièrement convoquée à l’audience pour y être entendue.

  • PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ/PROCÉDURE FAMILIALE

Partage : en appel sont irrecevables les prétentions qui ne sont pas mentionnées dans le dispositif des premières conclusions (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 19-24.368, 468 F-B) – Aux termes de l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. En application du l’alinéa 2 de ce texte, l’irrecevabilité prévue par l’alinéa 1 ne s’applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses. Tel est le cas en matière de partage où, les parties (partenaires pacsés en l’occurrence) étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

Pour déclarer irrecevables la demande de la femme visant à ce qu’il soit dit et jugé qu’il ne peut être mis à sa charge une somme correspondant au surcoût de travaux dirigés par son ex-partenaire, sa demande relative à une estimation immobilière et sa demande visant à voir dire et juger qu’elle dispose d’une créance à son encontre au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, l’arrêt, après avoir rappelé les termes des articles 910-4, alinéa 1er, et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, relève que, par ses premières conclusions, elle demandait à voir débouter sont ex-partenaire de l’ensemble de ses moyens, demandes et fins, de rejeter des débats une pièce communiquée par ce dernier, de lui attribuer un immeuble indivis moyennant le versement d’une soulte à déterminer en fonction de sa valorisation et des droits respectifs, de fixer une contribution mensuelle du père à l’entretien et à l’éducation de leur enfant, de dire que celui-ci devrait abandonner une partie de sa soulte sur l’immeuble en usufruit pour l’entretien et l’éducation de leur enfant et de le condamner au paiement de dommages-intérêts et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’arrêt précise que la femme sollicitait enfin la confirmation du jugement déféré pour le surplus.

L’arrêt en déduit que le dispositif de ces conclusions ne comportait ni demande relative à la créance de l’ex-partenaire telle qu’elle avait été fixée en première instance, ni demande relative à l’estimation immobilière, de sorte que, par ces conclusions, la femme avait restreint la saisine de la cour d’appel à ce qui était expressément demandé dans le dispositif de celles-ci et qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ces demandes, qui ne constituaient pas davantage une défense à une prétention adverse.

En statuant ainsi, alors que ses dernières conclusions d’appel comportaient, selon les constatations de la cour d’appel, ces trois prétentions, lesquelles avaient trait au partage de l’indivision liant les parties, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

NB – Cette décision sera commentée par Dominique D’Ambra dans le prochain numéro de l’AJ famille et est à rapprocher de celle du même jour (n° 20-20.688, v. ci-dessous).

  • PRESTATIONS FAMILIALES

Précisions sur la notion de « prestations familiales » au sens du Règlement (CE) 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale  (CJUE, 16 juin 2022, Commission c/ Autriche, C‑328/20) – 

Saisie par la Commission européenne d’un recours en manquement à l’encontre de la législation de l’Autriche, la CJUE précise que les allocations familiales et le crédit d’impôt pour enfant à charge dont il est question constituent des prestations familiales qui ne peuvent faire l’objet d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice. Or, la législation autrichienne ne peut prévoir un mécanisme d’adaptation, applicable uniquement en cas de résidence de l’enfant en dehors du territoire autrichien et qui affecte essentiellement les travailleurs migrants. 

  • RÉGIMES MATRIMONIAUX

Contribution aux charges du mariage : exclusion de l’apport en capital de fonds personnels (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-21.277, 467 F-B) – Il résulte de l’article 214 du code civil que, sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de l’autre lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

Viole ce texte la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de créance de l’époux marié sous le régime de la séparation de biens au titre de l’acquisition d’un appartement, après avoir constaté que l’immeuble avait été financé pour partie au moyen d’un apport en capital provenant d’un compte courant d’associé de celui-ci, relève que le contrat de mariage des époux stipule que chacun sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, que l’importante disparité de revenus entre eux devait conduire l’époux à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage, que l’épouse alimentait aussi le compte commun par le versement de ses allocations chômage et familiales, que l’immeuble avait constitué le domicile conjugal et qu’ainsi les paiements effectués par l’époux participaient de son obligation de contribuer aux charges du mariage, sans dépasser une contribution normale.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille (V. déjà Civ. 1re, 3 oct. 2019 n° 18-20.828, AJ fam. 2019. 604, obs. J. Casey et Civ. 1re, 17 mars 2021, n° 19-21.463, AJ fam. 2021. 314, obs. J. Casey ; 9 févr. 2022, n° 20-14.272, D. 2022. 764, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau).

  • SUCCESSIONS/PROCÉDURE FAMILIALE

Calcul de l’indemnité de réduction (Civ. 1re, 22 juin 2022, n°  21-10.570, 608 FS-B) – Aux termes de l’art. 924-2 c. civ., le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet.

En l’absence d’indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l’héritier réservataire et, par conséquent, en l’absence de partage, le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié. Viole cet article 924-2, alors que l’indemnité de réduction devait être calculée conformément à ce texte, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de l’un des fils du défunt tendant à voir incluse, dans la mission de l’expert désigné, la détermination de la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l’indemnité de réduction en application de cet article, retient que, en l’absence d’indivision et donc de partage, le légataire universel détient la propriété des biens légués à la date du décès, qui est celle de la jouissance divise, de sorte que c’est à cette date que l’indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Nathalie Levillain dans les colonnes de l’AJ famille.

Remplacement du notaire initialement désigné pour les opérations de partage (Civ. 1re, 22 juin 2022, n° 20-22.712, 534 F-B) – Il résulte de la combinaison des articles 1364 et 1371, alinéa 2, du code de procédure civile que, si les copartageants peuvent choisir d’un commun accord le remplaçant du notaire initialement désigné, celui-ci ne peut poursuivre les opérations de partage sans être désigné par le tribunal ou le juge commis.

Pour rejeter la demande d’une des filles des défunts tendant à la désignation d’un nouveau notaire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage des successions de ses parents, l’arrêt retient, d’une part, que, par arrêté du garde des sceaux du 9 novembre 2011, publié le 23 novembre 2011, deux personnes ont été nommées notaires associés en remplacement du premier notaire désigné par jugement et qu’elles ont prêté serment en cette qualité devant le tribunal le 7 décembre 2011, d’autre part, qu’aucune partie n’a sollicité la désignation d’un nouveau notaire en novembre 2011 et qu’il apparaît que les héritières ont considéré que l’un des deux notaires, successeur du premier, poursuivrait les opérations de partage avec tous les documents dont disposait celui-ci.

En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’il résultait de ses propres constatations qu’il n’avait pas été pourvu au remplacement du notaire initialement désigné par une décision du tribunal ou du juge commis à la surveillance des opérations de partage, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille.

Ne peut être déclarée parfaite l’acceptation à concurrence de l’actif net qui ne comporte ni élection de domicile ni la qualité en vertu de laquelle les déclarants sont appelés à la succession (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-17.776, 463 F-D) – Viole l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis une cour d’appel qui, pour déclarer parfaite l’acceptation à concurrence de l’actif net de la succession par l’épouse et la fille du défunt, retient que les déclarations établies par celles-ci comportent l’ensemble des mentions légales, alors que ces déclarations ne comportaient ni élection de domicile ni mention de la qualité en vertu de laquelle les déclarantes étaient appelées à la succession.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Nathalie Levillain dans les colonnes de l’AJ famille.

Recevabilité d’une demande d’augmentation du quantum des demandes de rapport qui s’analyse en une défense aux prétentions adverses (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-20.688, 473 FS-B) – En application de l’alinéa 2 de l’article 910-4 du code de procédure civile, l’irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s’applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.  Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

Viole ce texte la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par l’un des trois enfants des défunts au titre des rapports dus par les deux autres héritiers dans ses conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, retient que, en l’absence de survenance ou de révélation d’un fait postérieur à leurs écritures déposées dans les délais des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile, ne sont recevables que les prétentions formées par lui dans ses conclusions du 26 novembre 2018 formant appel incident et que les prétentions contenues dans les conclusions postérieures se heurtent à l’irrecevabilité édictée par l’article 910-4 du même code,  alors que les prétentions formées par dans les dernières conclusions portaient sur de nouvelles demandes de rapports dus par les deux autres héritiers  et avaient donc trait au partage de l’indivision successorale, de sorte qu’elles devaient s’analyser en une défense aux prétentions adverses, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

NB – Cette décision, qui sera prochainement commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille, est à rapprocher de l’arrêt du même jour (n°19-24.368, supra).

L’héritier ne peut invoquer le manquement contractuel à l’égard du défunt qui aurait pu être effacé (Com. 15 juin 2022, n° 19-25.750, 398 F-B) –  Il résulte de l’article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et de l’article 1382, devenu 1240, de ce code que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Un héritier ne peut agir sur ce fondement en invoquant un manquement contractuel commis envers son auteur qu’en réparation d’un préjudice qui lui est personnel. N’est pas un préjudice personnel subi par l’héritier celui qui aurait pu être effacé, du vivant de son auteur, par une action en indemnisation exercée par ce dernier ou qui peut l’être, après son décès, par une action exercée au profit de la succession en application de l’article 724 du code civil.

En l’occurrence, sur les conseils de deux établissements financiers, une femme avait souscrit auprès du premier un prêt remboursable in fine d’un montant de 1 143 367,63 euros, arrivant à échéance en 2008, et versé le capital ainsi prêté sur un contrat d’assurance vie, souscrit par l’intermédiaire du second, dont le rachat devait permettre le remboursement du prêt à son terme. Seulement le rachat n’a pas permis le remboursement du prêt dans son intégralité. Les 684 982,56 euros restant ont été remboursés au moyen d’une ouverture de crédit utilisable par découvert en compte consentie par le premier établissement. Au décès de l’emprunteuse, ses enfants et héritiers, ont assigné les deux établissements en indemnisation de préjudices résultant de manquements à leurs obligations d’information et de conseil envers leur mère ayant aggravé le passif de la succession de leur mère et les contraignant à payer sur leurs deniers personnels le reliquat des sommes dues au titre des prêts accordés. En vain, en appel comme en cassation :

  • d’une part, ayant retenu que les héritiers invoquaient un préjudice, causé par les manquements des établissements financiers, correspondant à la somme qu’avait dû emprunter la défunte pour rembourser le solde du prêt non couvert par le rachat du contrat d’assurance-vie, augmentée des intérêts payés par celle-ci au titre du prêt in fine et du crédit souscrit pour son remboursement, la cour d’appel en a exactement déduit qu’ils se prévalaient ainsi, non d’un préjudice qu’ils auraient personnellement subi, mais d’un préjudice subi par leur mère dont la réparation ne pouvait être poursuivie que sur un fondement contractuel ;
  • d’autre part, en faisant valoir que, en cas de rejet de leurs demandes de réparation des préjudices causés par les manquements reprochés, ils seraient tenus de payer sur leurs deniers personnels les sommes restant dues au titre du crédit souscrit par leur mère pour rembourser le prêt in fine à son terme, les héritiers ne se prévalaient d’aucun préjudice qui n’aurait pu être effacé par une action en indemnisation exercée par leur mère, de son vivant, ou, après le décès de celle-ci, par un de ses héritiers en application de l’article 724 du code civil.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille.

Intérêt direct et légitime d’une agence immobilière à identifier les héritiers du défunt (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-14.227, 466 F-D) – Vu l’article 36 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 dispose : « Hormis le cas des successions soumises au régime de la vacance ou de la déshérence, nul ne peut se livrer ou prêter son concours à la recherche d’héritier dans une succession ouverte ou dont un actif a été omis lors du règlement de la succession s’il n’est porteur d’un mandat donné à cette fin. Le mandat peut être donné par toute personne qui a un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession./ Aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n’est dû aux personnes qui ont entrepris ou se sont prêtées aux opérations susvisées sans avoir été préalablement mandatées à cette fin dans les conditions du premier alinéa. »

En l’occurrence, une agence immobilière, qui avait reçu mandat d’un client de rechercher un bien, avait, une fois celui-ci trouvé – un appartement appartenant à une femme décédée -, mandaté une société de généalogie (la société) de rechercher les héritiers de la propriétaire, laquelle, à son tour, a fait signer à la nièce de la défunte un contrat de révélation de succession et un mandat de représentation en vue du règlement de celle-ci, moyennant le versement d’une quotité de l’actif devant lui revenir. C’est alors que la société lui a révélé qu’elle était héritière de sa tante. Seulement, la nièce l’a finalement assignée en nullité du contrat de révélation. Avec succès, si bien que la Société s’est pourvue en cassation.

Pour rejeter l’ensemble des demandes formées par la société de généalogie sur le fondement du contrat de révélation de succession et la condamner à payer à la nièce de la défunte la somme totale de 126 171 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2014, l’arrêt retient qu’il n’est pas justifié que l’agence immobilière (qui l’aurait mandatée) ait eu un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession de la tante, dès lors qu’il n’est pas établi qu’un mandat de vente (de la part de la défunte) ait été confié à cette agence préalablement au prétendu mandat confié à la société, de sorte qu’aucun mandat de recherche conforme aux dispositions légales n’a pu être donné à celle-ci.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’agence immobilière ayant prétendument mandaté la société n’avait pas un intérêt direct et légitime à identifier les héritiers de la défunte en ce que des clients entendant acquérir un appartement dépendant de la succession lui auraient confié un mandat de recherche, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Nathalie Levillain dans les colonnes de lAJ famille.

Les libéralités faites en usufruit s’imputent en assiette (Civ. 1re, 22 juin 2022, n° 20-23.215, 522 FS-B) – Il résulte de l’article  913 du code civil qu’aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi. Aux termes de l’article 919-2 du même code, la libéralité faite hors part successorale s’impute sur la quotité disponible. L’excédent est sujet à réduction.  Il s’en déduit que les libéralités faites en usufruit s’imputent en assiette.

Viole ces textes une cour d’appel qui, pour rejeter la demande en réduction du legs formée par la fille de la défunte, retient que la valeur de l’usufruit du bien immobilier légué par sa mère à sa compagne, estimé à soixante pour cent de sa valeur en pleine propriété, est inférieure au montant de la quotité disponible,  alors que l’atteinte à la réserve devait s’apprécier en imputant le legs en usufruit sur la quotité disponible, non après conversion en valeur pleine propriété, mais en assiette.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Nathalie Levillain dans les colonnes de l’AJ famille.

Appréciation distincte des créances réclamées au titre de l’acquisition et au titre de l’amélioration du bien de l’autre époux séparé de biens (Civ. 1re, 22 juin 2022, n° 20-20.202, 533 F-B) – Il résulte de la combinaison des articles 1543, 1479, alinéa 2, 1469, alinéa 3 du code civil , d’une part, que, lorsque les fonds d’un époux séparé de biens ont servi à acquérir et/ou à améliorer un bien personnel de l’autre, sa créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite, d’autre part, que le profit subsistant, qui représente l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l’époux appauvri ont contribué au financement de l’acquisition ou de l’amélioration du bien personnel de son conjoint.

Mais la créance réclamée par un époux au titre des dépenses d’acquisition du bien de l’époux doit être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d’amélioration, le calcul du profit subsistant s’effectuant en établissant la proportion de sa contribution au paiement du coût global de l’acquisition puis en l’appliquant à la valeur du bien au jour de la liquidation de la créance selon son état lors de l’acquisition. Et, réciproquement, la créance réclamée au titre des dépenses d’amélioration du bien de l’autre doit être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d’acquisition, le calcul du profit subsistant s’effectuant en établissant la proportion de sa contribution au paiement des travaux puis en l’appliquant à la différence existant entre la valeur au jour de la liquidation du bien amélioré et celle qui aurait été la sienne sans les travaux.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Jérôme Casey dans les colonnes de l’AJ famille.

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