Covid-19 : deuxième rapport d’étape de la mission sénatoriale qui déplore le silence de la chancellerie
Poursuivant les travaux qu’elle avait entamés dès la promulgation de la loi d’urgence du 23 mars 2020 avec son premier rapport (v. brève du 3 avril 2020), la commission des lois du Sénat a procédé à une évaluation concrète des mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face à l’épidémie de Covid-19, tant au niveau national qu’au niveau local.
Elle constate plusieurs difficultés sur le terrain, notamment en ce qui concerne l’accès à la justice, le contrôle du confinement par les forces de l’ordre et le traçage numérique.
- Situation de la justice
« La mission relève que les plans de continuité de l’activité (PCA) ont privilégié dans un premier temps, à juste titre, une réduction de la présence physique dans les locaux judiciaires au minimum, mais que l’inadéquation du télétravail à l’accomplissement d’un grand nombre des tâches incombant aux greffes et la dématérialisation inaboutie des procédures, en particulier civiles ont conduit à une limitation drastique de l’activité juridictionnelle. Les aménagements apportés aux règles de procédure par les ordonnances du 25 mars 2020, destinées à assurer la poursuite du travail de la justice dans des conditions simplifiées permettraient d’accroître l’activité juridictionnelle, sous réserve du respect des droits fondamentaux, mais la mission regrette, qu’à sa connaissance, des instructions n’aient pas été adressées aux chefs de juridictions par la Chancellerie pour revoir à la hausse les plans de continuité sur cette base ».
- Contrôle du confinement par les forces de sécurité intérieure
La mission relève deux séries de difficultés dans le contrôle des règles de confinement, qui a donné lieu, au 23 avril, à 15,5 millions de contrôles et 915.000 procès-verbaux.
« Tout d’abord, pour constater des infractions aux règles du confinement, le ministère a utilisé le fichier des infractions au code de la route, dénommé ADOC, sans s’assurer de la régularité de l’élargissement des finalités de ce fichier à ce type d’utilisation. La situation a depuis lors été régularisée, mais cette erreur est de nature à fragiliser certaines procédures judiciaires engagées pour violation réitérée du confinement. Ensuite, il est apparu, en particulier au cours des premières semaines de confinement, une appréciation parfois hétérogène du bien-fondé des attestations de dérogation. Cette situation est d’autant moins acceptable que les agents et officiers de police judiciaire peuvent, dans ce cadre, prononcer des amendes forfaitaires pour des contraventions de la cinquième classe, jusqu’alors soumises à l’appréciation du tribunal de police. Pour prévenir les risques contentieux, le ministère de l’intérieur doit donc continuer à diffuser régulièrement des instructions précises, nécessaires pour uniformiser les pratiques de ses propres services ».
Sur ce point, on relèvera que plusieurs avocats ont créé une plateforme de contestations des contraventions : pvconfinement.fr.
- Traçage numérique
La mission s’est également penchée sur la configuration du dispositif de traçage numérique envisagé par le Gouvernement pour permettre l’information rétrospective de chaque citoyen sur son exposition à un risque particulier de contamination du fait des personnes rencontrées. Elle a pris connaissance des garanties que le Gouvernement s’est engagé à respecter et des observations présentées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). « Ces garanties ne répondent qu’en partie aux préoccupations qui se sont exprimées dans le débat public pour la protection de données sensibles relatives à la santé. De nombreuses réserves doivent encore être levées. Subsistent également de sérieux obstacles à l’efficacité réelle du dispositif numérique de traçage proposé, eu égard au nombre de porteurs du virus asymptomatiques et à l’importance de la population qui ne détient pas de smartphone adapté ou n’est pas à même de l’utiliser, du fait de la « fracture numérique ». En outre, dans le cadre de la « stratégie de déconfinement » annoncée par le Premier ministre, la solution numérique envisagée ne pourrait intervenir qu’en complément d’autres actions, en accompagnement d’une infrastructure sanitaire puissamment dimensionnée pour conseiller, évaluer, tester et traiter les utilisateurs que l’application signalerait comme à risque.
Les conditions d’une mise en place de ce dispositif à la fois pleinement respectueuse de la protection de la vie privée et pleinement efficiente seront pratiquement impossibles à réunir dans le délai rapproché que le Gouvernement s’est imposé lui-même pour la fin du confinement généralisé ».
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