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Le divorce par consentement mutuel retouché par le Sénat

29/09/2016

Le Sénat a adopté hier en nouvelle lecture le projet de loi modernisation de la justice du XXIe siècle. Mercredi 12 octobre, le texte repassera devant l’Assemblée qui aura alors le dernier mot…

Sur la question du divorce par consentement mutuel, le Sénat a exclu les couples avec enfant de la procédure conventionnelle. Dans la version adoptée par l’Assemblée, la procédure ne resterait judiciaire que si un enfant mineur demande à être entendu par le juge. Or, a relevé Yves Détraigne, dans son rapport fait au nom de la commission des lois, le 21 septembre 2016, « les enfants seront traités différemment selon qu’ils seront concrètement en mesure ou pas de réclamer d’être entendus par le juge : ceci sera juridiquement impossible pour les jeunes enfants et pour ceux n’ayant pas encore un discernement suffisant ou pratiquement impossible pour ceux dont l’abstention sera motivée par le souci de ne pas s’opposer à leurs parents. Cette rupture d’égalité entre les uns et les autres, dans la protection à laquelle ils ont droit, ne trouve aucune justification, ce qui fait douter de sa constitutionnalité ».

Les sénateurs ont également rendu la procédure conventionnelle optionnelle. Les époux auraient ainsi le choix : divorcer devant le juge ou pas !

S’agissant du coût du divorce, les réflexions du rapporteur Yves Détraigne sont assez intéressantes.

En voici un extrait :

Une économie faible pour la justice, un coût important pour les justiciables

Interrogé par votre rapporteur sur l’impact financier de la mesure, le Gouvernement a seulement pu chiffrer l’économie susceptible d’être réalisée par l’État : elle s’élèverait à un gain de 12,7 emplois de magistrats et 93 emplois de greffiers. En tenant compte du coût moyen annuel d’un emploi de magistrat et d’un emploi de greffier78(*), l’économie serait de 4,25 millions d’euros.

Votre rapporteur a souhaité disposer d’une évaluation correspondant au coût supplémentaire pour les ménages. En effet, dans 80 % des cas, comme on l’a vu précédemment, les époux ne font appel qu’à un seul avocat. Avec la réforme, ils devront en rémunérer deux : le coût de leur divorce est renchéri.

Le Gouvernement a indiqué ne pas disposer d’une telle évaluation. Est-il possible qu’il ait engagé la réforme sans en mesurer les conséquences pour les principaux intéressés ?

Cette réponse du Gouvernement est d’autant plus surprenante qu’il est aisé de procéder à une telle évaluation, au moins approximativement. En effet, en 2014, on a compté 66 234 divorces par consentement mutuel. Si la réforme est adoptée, 80 % des ménages qui jusqu’à présent recouraient aux services d’un seul avocat devront en rémunérer un de plus. Si l’on prend une base de rémunération faible, de 1 000 euros, qui correspond à la rémunération d’aide juridictionnelle pour un divorce par consentement mutuel, en incluant la TVA, la dépense supplémentaire potentielle pour les ménages s’élève alors à 53 millions d’euros. Pour une rémunération moyenne de 1 500 euros, plus conforme aux forfaits habituellement pratiqués par les avocats en la matière, la dépense serait de presque 80 millions d’euros.

Il y aura donc un rapport de 1 à 10, voire de 1 à 15 entre l’économie pour l’État et le surcoût pour les ménages. S’agit-il là d’un progrès ou d’une mesure économiquement rationnelle ?

Certes, le Gouvernement pourrait faire valoir que les époux pourront bénéficier de l’aide juridictionnelle. Toutefois, ceci ne concernera qu’environ un tiers des ménages79(*). Le coût pour les justiciables demeurerait significatif (entre 35 et 53 millions d’euros) et l’économie pour l’État serait elle, totalement annulée, puisque la réforme lui coûterait alors un peu plus de 10 millions d’euros.

Le seul moyen d’abaisser ce coût serait que les avocats consentent à une diminution de leurs honoraires de moitié. M. Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux, s’est engagé en ce sens, lors de son audition par votre commission, estimant qu’il serait logique que chaque avocat ne facture que pour le temps passé. Or ce temps serait, selon lui, réduit, puisque les avocats partageraient le travail.

Toutefois ce raisonnement semble largement contredit par la pratique observée actuellement. Comme Mme Céline Bessière, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine, l’a observé lors de la même audition : « Nous avons assisté au travail des avocats : les procédures collaboratives sont fort intéressantes, mais aussi fort coûteuses pour les justiciables. Quand chaque avocat devra négocier ce nouveau consentement mutuel, le coût sera peut-être doublé, voire plus. Dans les cas actuels à deux avocats, les coûts sont bien plus élevés ; cela ne concerne d’ailleurs que des couples fortunés. »

D’ailleurs, votre rapporteur note qu’il ne serait pas logique de faire reposer toutes les garanties de la procédure sur la présence de deux avocats et de défendre, en même temps, que ces avocats seront chacun moins investis que lorsqu’ils représentent, seuls, les deux époux.

 

 

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