Violences conjugales : un rapport parlementaire en faveur d’une évolution de la législation pénale
Si les avancées sont nombreuses depuis 2010 en matière de prévention et de lutte contre les violences envers les femmes, des interrogations sont apparues récemment sur la nécessité d’adapter le droit pénal pour mieux prendre en compte la spécificité des violences de genre. De surcroît, les actions volontaristes engagées par les pouvoirs publics doivent être poursuivies et complétées, notamment pour mieux accompagner et protéger les victimes.
« Peut-on entendre qu’une femme ait pu tuer pour ne pas mourir ? Peut-on modifier le régime de la légitime défense sans courir le risque de légitimer la vengeance et de rendre la sphère familiale plus dangereuse encore ? Faut-il reconnaitre en droit le « féminicide » ou au moins développer l’usage de ce terme pour rendre plus visibles les violences de genre ? Peut-on envisager d’instituer des circonstances aggravantes lorsque des meurtres sont commis à raison du sexe ? Est-il cohérent de modifier la loi sans d’abord chercher à évaluer et, le cas échéant, améliorer la mise en œuvre des textes existants ? Et s’il est important d’apporter une réponse pénale juste et adaptée dans les cas les plus tragiques, lorsque des meurtres sont commis suite à des violences de genre, la priorité n’est-elle pas, en amont, d’assurer la protection et l’accompagnement des victimes de violences et veiller à la mise en œuvre de toutes les mesures susceptibles de prévenir ce type de drames ? » Autant de questions que la délégation aux droit des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale a été amenée à se poser pour la rédaction de son rapport sur les violences faites aux femmes du 17 février 2016.
Voici la liste des propositions adoptées :
1 – Encourager l’usage du terme de « féminicide » dans le vocabulaire courant et administratif.
2 – Réaliser une étude de droit comparé sur les meurtres et violences commis à raison du sexe et les dispositions normatives adoptées dans certains pays en matière de féminicide.
3 – Préciser le droit en vigueur pour mieux prendre en compte la notion d’emprise des victimes de violences, notamment des femmes victimes de violences conjugales pérennes :
– sans créer un régime de légitime défense différée, qui ouvrirait la porte à un « permis de tuer » en établissant une présomption d’irresponsabilité pénale ;
– en interrogeant la définition de la légitime défense pour que soit mieux appréciée l’absence de disproportion entre l’agression et les moyens de défense employés, compte tenu de l’existence de violences antérieures répétées, de menaces d’une particulière gravité et d’un danger de mort.
Pour étayer cette recommandation, la Délégation demande la remise, par la Chancellerie et dans les meilleurs délais, d’une étude approfondie, chiffrée et sexuée sur l’état de la jurisprudence en matière de légitime défense (nombre de cas concernant les femmes et les hommes, interprétation jurisprudentielle des critères légaux, éléments de droit comparé, etc…)
4 – Améliorer l’application de l’ordonnance de protection, en raccourcissant ses délais de délivrance, et en favorisant son usage en adressant une nouvelle circulaire ministérielle aux juges aux affaires familiales, et procéder à une étude quantitative et qualitative du recours à l’ordonnance de protection sur l’ensemble du territoire et par ressort de TGI.
5 – Exclure le recours à la médiation familiale en cas de violences conjugales.
6 – En matière de formation :
– poursuivre et amplifier l’effort de formation de tous les professionnels confrontés à la problématique des violences faites aux femmes, s’agissant en particulier de la formation continue.
– publier chaque année dans les feuilles de route ministérielles pour l’égalité des statistiques détaillées sur la proportion de professionnel.le.s en exercice ayant suivi une formation sur les violences (en particulier les magistrats, policiers et gendarmes) avec des objectifs chiffrés pour l’année à venir.
7 – Mettre en œuvre des politiques de juridictions volontaristes pour renforcer le dialogue entre les différents acteurs judiciaires, avec une clarification des circuits de signalement et de communication des faits de violence conjugales sous l’impulsion du procureur.
8 –Recenser les données sur les peines prononcées à l’encontre des hommes et des femmes auteurs de violences et leur exécution.
9 – Créer les outils pour mieux identifier les phénomènes de correctionnalisation des crimes, s’agissant en particulier des viols, et veiller à ce que les décisions de classement de suite prononcées par les procureurs de la République fassent l’objet d’une motivation détaillée.
10 – Renforcer les moyens des unités médico-judiciaires (UMJ) et faciliter l’accès pour les personnes victimes de violences en urgence.
11 – Améliorer la formation et l’évaluation des expert.e.s et examiner les possibilités de faciliter le recours à une seconde expertise dans le cadre d’une procédure judiciaire.
12 – Poursuivre les efforts engagés en matière de prévention des violences et d’accompagnement des victimes :
– en organisant des campagnes régulières d’information sur les violences au sein des couples, en rappelant les mesures de protection existantes et les dispositifs d’accompagnement ;
– en veillant aux moyens des principaux acteurs, en particulier le service central des droits des femmes et de l’égalité, les services déconcentrés et les associations intervenant auprès des femmes victimes de violences.
13 Évaluer les dispositions en matière de droit au séjour pour les femmes étrangères victimes de violences conjugales.
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