Précarité, délinquance : deux rapports sur l’enfance en danger
Deux rapports se penchent sur l’enfant en danger, l’un pour prévenir la délinquance juvénile, l’autre pour nous sensibiliser aux conséquences de la précarité sur l’enfant. Le premier a été rendu public le 3 nov. 2010 par l’ex-secrétaire d’État à la Justice, Jean-Marie Bockel, le second, le 15 novembre, dernier par la défenseure des enfants, Dominique Versini.
► Parce qu’elle s’est progressivement construite en réponse aux évolutions de la famille, le rapport de Jean-Marie Bockel sur la prévention de la délinquance juvénile souligne que « l’autorité parentale reflète aussi les fragilités et, par là même, les difficultés à se faire respecter des adultes comme des enfants ». La crise de la parentalité cacherait en réalité une crise de confiance dans l’adulte, avec notamment pour conséquence une déscolarisation précoce. Aussi, le rapport énumère-t-il des pistes d’actions destinées à renforcer l’autorité parentale, à responsabiliser les familles à l’égard de l’obligation scolaire et à restaurer de façon générale la citoyenneté sur l’ensemble du territoire :
. réformer le contenu et la méthode des stages parentaux : imposer ces stages dans un cadre contraint à toute famille, dont les manquements sont avérés ; aboutir, à l’instar de l’expérience menée par le TGI de Paris, à des engagements écrits pris par les parents consacrés par un protocole d’intervention, un rapport étant adressé au parquet mandant ; assortir ces stages, en cas de non-respect des convocations et de mise en échec volontaire, de sanctions et de poursuites systématiques sur la base des dispositions de l’art. 227-17 c. pén. ; remise aux familles d’un livret de la parentalité républicaine à l’issue de ces stages ;
. développer un véritable programme de coaching parental en s’appuyant sur les réseaux d’accompagnement des parents (désormais les « carrefours des parents ») ;
. replacer le père au coeur de l’autorité et, pour les familles recomposées, relancer le débat sur un statut du beau-parent
. responsabiliser les parents par rapport à l’école, notamment en rendant obligatoire la participation des parents signalés à une mise à niveau linguistique et républicaine ;
. généraliser les Conseils pour les droits et devoirs des familles (instances municipales permettant d’entendre la famille pour l’informer de la situation, de ses droits et devoirs envers l’enfant et d’examiner les mesures d’aide à l’exercice de la fonction parentale susceptibles d’être proposées) dans toutes les communes de plus de 10.000 habitants ;
. généraliser le contrat de responsabilité parentale qui ne se réduit pas à la suspension des allocations familiales ;
. faciliter le recours aux poursuites pénales pour les parents défaillants dans l’exercice de l’autorité parentale par l’abrogation des notions « de motif légitime » ou « d’excuse valable » prévues par les art. 227-17 et 227-17-1 c. pén. ;
. lutter plus efficacement contre le décrochage scolaire en généralisant les dispositifs innovants (dispositifs », « ateliers » ou « modules relais », micro-lycées, établissements de réinsertion scolaire, etc.) ;
. repérage précoce des enfants en souffrance (dès deux ou trois ans)
. élaborer une charte de qualité visant à la réduction des délais d’exécution des mesures éducatives judiciaires (à Paris, délai moyen de prise en charge de 60 jours après la notification de la décision !)
. faire revenir l’éducateur de rue dans l’espace public.
Tout en s’interrogeant sur les modalités de financement de l’ensemble des propositions, l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) a accueilli ce rapport de façon plutôt positive. Comme en 2006, en revanche, l’idée d’un repérage des troubles du comportement dès 2-3 ans a suscité davantage de réactions.
► Le rapport thématique « Précarité et protection des droits de l’enfant » de la défenseure des enfants pour 2010 part d’un constat alarmant. 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté (950 euros par mois). Ces enfants cumulent des inégalités au regard de leur logement (600 0000 enfants mal logés, 10 000 enfants vivant en CHRS, et 6 000 enfants de moins de 3 ans en centres maternels …), de la prise en charge de leur santé (à titre d’exemple, de plus en plus de médecins refusent les personnes bénéficiant de la CMU), de leur parcours scolaire (150 000 jeunes sortent sans qualification du système scolaire chaque année) et du maintien des liens familiaux (143 800 enfants placés). Au titre de ses recommandations, nous retiendrons :
. la lutte contre les inégalités d’accès aux soins des enfants en mettant en place un « plan santé enfant et adolescent » (recommandation III) ;
. la création de modes de garde d’enfants adaptés à tous les besoins des parents (horaires, revenus…) et accessibles aux familles précaires (recommandation IV) ;
. le refus des conséquences de la précarité et du déterminisme social sur le parcours scolaire des enfants : faire des établissements scolaires des « lieux ressources », développer le travail en équipes et en réseaux pluridisciplinaires, individualiser l’enseignement, développer le tutorat et le parrainage étudiant, développer la mixité sociale… (recommandation V) ;
. la priorité absolue donnée à la prévention et à l’accompagnement des familles avec pour objectif la réduction des placements d’enfant pour cause de précarité et le développement des placements alternatifs : décloisonner le fonctionnement des différentes institutions pour mutualiser les actions en direction des familles, former les professionnels à « aller vers » les familles, créer partout des maisons des familles accessibles à tous (recommandation VI).
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