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Sélection jurisprudentielle : divorce, droit pénal de la famille/DIP, filiation/nationalité, régimes matrimoniaux, successions

23/06/2023

Jurisprudence3Quelques arrêts à assimiler avant, pendant, ou après le week-end !

  • divorce
  • droit pénal de la famille
  • filiation/nationalité
  • régimes matrimoniaux
  • successions

 

  • Divorce

Capitalisation de la rente (attribuée avant le 1er juillet 2000) au décès du débiteur en l’absence d’accord des héritiers du défunt pour la maintenir : plus aucune révision possible (Civ. 1re, 21 juin 2023, n° 21-17.077, 439 F-B)  Il résulte de la combinaison de l’article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et de l’article 276-3 du code civil, issu de cette loi, que la révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qu’elles aient été fixées par le juge ou par convention des époux, peut être demandée par le débiteur ou ses héritiers, soit lorsque leur maintien procure au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères définis à l’article 276 du code civil, soit en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties.

Selon l’article 33, X, de la loi précitée, les dispositions des articles 280 (conversion en capital payable sur la succession) et 280-1 (maintien conventionnel de la rente) du code civil, issus de la même loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif à cette date.

Pour supprimer la prestation compensatoire versée sous forme de rente à l’ex-épouse, une cour d’appel retient que les articles 280 à 280-2 du code civil sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 en l’absence de partage définitif intervenu entre les différents héritiers, sauf en ce qui concerne la révision, suspension ou suppression des prestations compensatoires sous forme de rente viagère fixées par le juge ou par convention avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000.

En statuant ainsi, alors que les articles 280 et 280-1 du code civil étaient applicables à la prestation compensatoire allouée sous forme de rente avant le 1er juillet 2000, de sorte qu’en l’absence d’accord des héritiers du défunt pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, celle-ci était capitalisée en raison du décès du débiteur, ce dont il se déduisait que l’action en révision engagée par les enfants d’un second lit  était irrecevable, la cour d’appel a violé les articles 276-3, 280 et 280-1 du code civil et l’article 33 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004.

NB – V.  Civ. 1re, 4 nov. 2015, n° 14-20.383, AJ fam. 2016. 51, obs. J. Casey. – Cette décision sera prochainement commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Chloé Gossart.

 

Divorce pour acceptation et appel du chef de la prestation compensatoire : la Cour ne donnera pas son avis (Civ. 1re, avis, 14 juin 2023, n° 23-70.005, 15006 D) – La Cour de cassation a reçu, le 24 mars 2023, une demande d’avis de la cour d’appel de Montpellier (COJ, art. L. 441-1 s. et C. pr. civ., art. 1031-1 s.)  dans le cadre d’une procédure de divorce pour acceptation et plus précisément s’agissant de la date à laquelle la cour d’appel doit se placer pour évaluer la disparité lui permettant de fixer la prestation compensatoire. Voici la demande :

1°/ Lorsque le divorce des époux a été prononcé sur le fondement de l’article 233 du code civil, à quelle date la cour d’appel régulièrement saisie du chef de la prestation compensatoire doit-elle se placer pour évaluer la disparité et éventuellement en fixer le montant ?

2°/ L’avis du 20 avril 2022 impose-t-il de faire une distinction notamment entre les appels antérieurs et postérieurs à cette date ?

La Cour de cassation finalement dit n’y avoir lieu à avis : 

La première question n’est pas nouvelle dès lors que, par un arrêt du 9 juin 2022 (1re Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-22.793, publié), la Cour de cassation, après avoir énoncé qu’il résulte des articles 260 et 270 du code civil que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée et que, selon l’article 909 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident, a jugé qu’il s’en déduit que, lorsque ni l’appel principal ni, le cas échéant, l’appel incident ne portent sur le prononcé du divorce, celui-ci acquiert force de chose jugée à la date du dépôt des conclusions de l’intimé mentionnées à l’article 909 du code de procédure civile, cette décision concernant tous les divorces contentieux.

La seconde question n’entre pas dans les prévisions de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire.

  • Droit pénal de la famille

Le lieu de commission du délit de non-représentation d’enfant est celui du domicile du parent chez lequel la résidence habituelle avait été fixée et qui était en droit de le réclamer (Crim. 21 juin 2023, 23-80.031, 816 F-B) – La Cour de cassation juge que le lieu de commission du délit de non-représentation d’enfant est celui où l’enfant doit être remis, et qu’en l’absence de précision sur ce point dans la décision fixant l’obligation de représentation, ce lieu est le domicile du parent en droit de le réclamer (Crim., 14 avril 1999, n° 98-82.853, Bull. crim. 1999, n° 85).

En conséquence, le juge français est compétent lorsque le lieu de remise de l’enfant, ou à défaut de précision le domicile du parent en droit de le réclamer, se situe sur le territoire national, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le domicile du prévenu, ou l’endroit où est indûment retenu l’enfant se trouve, ou non, sur le territoire national, cette circonstance étant sans effet sur la détermination du lieu de commission de l’infraction.

Fait une exacte application des articles 113-2 et 227-5 du code pénal une cour d’appel qui, pour écarter l’exception d’incompétence de la juridiction française, énonce que, dès lors que l’enfant mineur résidait en France et que la décision fixant le droit de visite et d’hébergement du père ne précisait pas expressément que ce droit devait s’exercer à l’étranger, le tribunal compétent pour connaître du délit de non-représentation d’enfant était celui du lieu où devait être effectuée la remise du mineur et en conclut que le lieu de commission de l’infraction était celui du domicile du parent chez lequel la résidence habituelle du mineur avait été fixée et qui était en droit de le réclamer, et que l’infraction, commise sur le territoire de la République, était soumise à la loi française.

Pas d’immunité familiale lorsque l’infraction commise porte sur des moyens de paiement (Crim., 14 juin 2023, n° 22-84.591, 761 F-D)  – En matière d’escroquerie le législateur a entendu exclure le bénéfice de l’immunité familiale, par renvoi à l’alinéa 2 de l’article 311-12 du code pénal, lorsque l’infraction commise porte, notamment, sur des moyens de paiement, comme une carte bancaire, ce qui couvre le cas où ces moyens de paiement constituent l’objet du délit d’escroquerie ainsi que celui où ils servent à le commettre.

NB – V. not. Crim., 23 mars 2016, n° 15-80.214.

  • Filiation/Nationalité

La Cour de cassation rejette la QPC d’un homme qui avait en vain engagé une action déclaratoire de nationalité  (Civ. 1re, QPC, 15 juin 2023, n° 22-21.643, 494 F-D) – Un homme, qui  avait engagé une action déclaratoire de nationalité en se prévalant de la qualité d’admis à la qualité de citoyen français de son arrière grand-père paternel, a vu sa demande rejetée par un cour d’appel au  motif qu’il ne pouvait se prévaloir de l’autorité de chose jugée attachée aux décisions ayant reconnu la nationalité française à d’autres membres de sa famille en considération de ce même ascendant commun.

A l’occasion du pourvoi qu’il a formé contre cette décision, il a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

La portée effective donnée aux articles 29-5 et 1355 du code civil par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, dont il résulte que seules les personnes bénéficiant de décisions judiciaires définitives reconnaissant leur filiation à l’égard d’un ancêtre commun sont admises à se prévaloir de l’autorité de ces décisions quant à la chaîne de filiation de leurs ascendants, est-elle conforme aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi et du droit à une vie privée et familiale normale ?

La Cour de cassation refuse. La question n’était ni nouvelle ni ne présentait un caractère sérieux. La jurisprudence constante selon laquelle, à l’égard des tiers, l’autorité de chose jugée d’une décision rendue en matière de nationalité française par le juge de droit commun ne s’applique qu’à la déclaration de nationalité, sans pouvoir être étendue aux motifs pris en eux-mêmes et isolément, ne met pas, en soi, en cause le droit au respect à la vie privée et familiale normale de la personne à laquelle un refus a été opposé, notamment pour ce motif. En outre, il n’y a pas de rupture d’égalité à imposer à celui qui revendique la nationalité française de justifier, au cours d’une procédure judiciaire contradictoire, d’une chaîne de filiation avec un ascendant français, indépendamment des décisions judiciaires qui ont pu être rendues antérieurement en faveur d’autres membres de sa famille se prévalant du même auteur commun dans des litiges auxquels il n’était pas partie.

  • Régimes matrimoniaux

Recevabilité d’une demande en réévaluation d’une récompense ou créance entre époux : tout dépend si la date de jouissance divise avait ou non été fixée (Civ. 1re, 21 juin 2023, n° 21-24.851, 430 FS-B) – La décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant ou sur une créance d’un époux à l’encontre de l’indivision au titre de dépenses de conservation sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l’autorité de chose jugée sur l’évaluation définitive de cette récompense ou créance.

Viole  les articles 829, 1469, alinéas 1 et  3, 815-13, alinéa 1er, et 1351, devenu 1355, du code civil la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable la demande de l’époux tendant à la réévaluation, d’un côté, d’une récompense et, de l’autre, d’une créance à son profit envers l’indivision post-communautaire au titre du remboursement d’un emprunt afférent à un immeuble commun, retient que le jugement du 26 août 2011 a définitivement statué sur la valeur de cette récompense, alors que ce jugement n’avait pas fixé la date de la jouissance divise.

  • Succession

Nécessité pour le légataire particulier de demander la délivrance du legs et prescription (Civ. 1re, 21 juin 2023, n° 21-20.396, 429 FS-B) – Il résulte de l’article 1014 du code civil que, si le légataire particulier devient, dès l’ouverture de la succession, propriétaire de la chose léguée, il est néanmoins tenu, pour faire reconnaître son droit, de demander la délivrance du legs, peu important qu’il ait été mis en possession de cette chose par le testateur avant son décès.

Viole ce texte la cour d’appel qui, pour rejeter les demandes des héritiers réservataires tendant à voir constater la prescription de la délivrance du legs de l’appartement et à voir condamner la légataire au paiement d’une indemnité d’occupation, retient qu’il ressort des dispositions de l’article 1014, alinéa 2, du code civil que le légataire qui est mis en possession du bien légué par le testateur avant le décès de celui-ci et qui se maintient en possession après ce décès n’est pas tenu de demander la délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien légué et qu’en conséquence, c’est en vain que les premiers soulèvent le moyen tiré de la prescription de l’action en délivrance.

Lorsque l’action en délivrance du légataire particulier est atteinte par la prescription, celui-ci, qui ne peut plus se prévaloir de son legs, ne peut prétendre aux fruits de la chose léguée.

Viole encore les articles 1014, alinéa 2 , et 2219 du code civil la cour d’appel qui, après avoir dit que l’action en délivrance du legs portant sur le local commercial était prescrite, retient que la légataire est créancière des loyers nets produits par le local commercial à compter du 29 septembre 2017, date de ses conclusions devant le premier juge valant demande de délivrance des legs.

NB – Cette décision sera prochainement commentée dans les colonnes de l’AJ famille par Natalie Levillain.

Le conjoint survivant ne peut être indemnisé deux fois du préjudice économique subi du fait du décès de la victime directe (Civ. 2e, 15  juin 2023, n° 22-13.882, 650 F-D) – Pour évaluer le préjudice économique subi par le conjoint survivant du fait du décès de la victime directe, une cour d’appel, après avoir fixé à une certaine somme la perte de revenus subie pour la période échue du décès à sa décision, intervenue en janvier 2022, a déterminé cette perte, pour la période à échoir à compter de cette date, en capitalisant la perte annuelle de revenus du conjoint survivant après le décès par référence à l’euro de rente pour un homme de 51 ans, soit l’âge de la victime au jour de son décès (survenu en 2014).

En statuant ainsi, alors qu’en janvier 2022, la victime directe aurait été âgée de 59 ans et que la perte de revenus subie par le conjoint survivant pour la période échue jusqu’à l’arrêt était indemnisée par ailleurs, la cour d’appel, qui a indemnisé pour partie deux fois le même préjudice, a violé le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

 

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