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Congrès des notaires : ingénierie notariale ou ingénierie de pacification

13/10/2022

Photo congrèsLa séance d’ouverture du 118e congrès des notaires, dédié à l’ingénierie notariale, s’est tenue aujourd’hui sous le soleil marseillais. Les 3 700 notaires présents ont applaudi aux interventions successives de Thierry Delesalle, président du Congrès, de Gilles Finchelstein, directeur de la fondation Jean Jaurès, d’Alexandre Thurel, rapporteur général du 118e congrès, de David Ambrosiano, président du Conseil supérieur du notariat, de Rémi Decout-Paolini, directeur des affaires civiles et du sceau et d’Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux (présent uniquement en vidéo).

Ce matin, il a beaucoup été question de confiance pour inciter les notaires à repenser leurs pratiques. Thierry Delesalle a identifié trois menaces qui doivent contraindre les notaires au changement :

  • d’abord un recul prévisible du marché immobilier à plus ou moins long terme, en raison, dans un premier temps, de la remontée des taux d’intérêt et, dans un temps plus lointain, de la démarche ZAN (Zéro Artificialisation Nette) qui s’est fixée comme objectif pour 2050 de contenir l’extension des villes en limitant les constructions sur des espaces naturels ou agricoles ;
  • ensuite, la méconnaissance des qualités substantielles de l’acte authentique qui peut faire douter de sa pérennité, comme en atteste la récente réforme qui est venue dotée de la force exécutoire les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe (C. pr. exéc., art. L. 111-3) ; et ce, quand bien même les avocats ne se seraient pas encore réellement emparés de leur nouvel outil ;
  • enfin, la baisse du tarif des notaires.

La profession doit donc se réinventer et délaisser le prêt à porter, qui peut devenir source de contentieux lorsque certaines clauses-types et certaines formules sont reprises sans discernement. Elle doit davantage être à l’écoute de ses clients – de tous et pas seulement des plus nantis – pour faire du sur-mesure, voire de la haute couture à la faveur du temps gagné grâce à l’intelligence artificielle. Les notaires comptent sur leurs atouts : une solide formation qui leur permet d’être les chefs d’orchestre dans les transmissions d’actifs complexes ; leur pédagogie qui contribue à une démocratisation et une meilleure compréhension du droit ; leur désintéressement et leur impartialité ; leur solidarité.

Dans un climat général de méfiance et de défiance, le notaire est présenté comme le seul à même de réparer les fractures. Le Baromètre Ipsos sur les fractures françaises, réalisé en partenariat avec la fondation Jean Jaurès notamment, fait, en effet, état d’une défiance généralisée : envers les institutions, envers les autres, envers l’avenir… 77 % des Français se méfient spontanément de leurs concitoyens. Or, selon Gilles Finchelstein, près de 60 % de nos concitoyens disent avoir confiance dans les notaires. Un petit bémol toutefois : selon qu’on se perçoit dans un classe plutôt favorisée ou non, il y a un écart de 20 points dans la confiance octroyée… De son côté, Alexandre Thurel, citant le sondage Harris interactive rendu public en mars 2018, souligne que 87 % des Français estiment que le notaire est un acteur indispensable aux grandes étapes de la vie et que plus de 70 % se déclarent favorables à l’élargissement de leur domaine de compétences et d’intervention.

Tous les facteurs sont donc réunis pour que les notaires assument pleinement leur mission d’ingénieurs de pacification. En tout cas, ils semblent avoir toute la confiance de la chancellerie et entendent bien profiter du vent de déjudiciarisation qui souffle depuis plusieurs années, et sans doute encore un peu plus fort ces derniers temps, pour conforter leur rôle d’artisan de la paix sociale, un rôle que les avocats souhaitent de plus en plus assumer également.

Ils sont tout aussi déterminés à peser lourdement dans les réformes à venir et à rester force de propositions. Le tout récent rapport d’évaluation des 5 années de pratique du divorce par consentement mutuel (v. S. David, AJ fam. 2022. 480 et A. Lebel, AJ fam. 2022. 482) sera du reste bientôt suivi, selon David Ambrosiano, d’un rapport sur le mandat de protection future avec des propositions innovantes d’amélioration.

 

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