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Sélection jurisprudentielle : assistance éducative, autorité parentale, divorce, filiation, indivision et mariage

25/11/2022

Jurisprudence3De beaux arrêts cette semaine :

  • assistance éducative
  • autorité parentale
  • divorce
  • filiation
  • indivision
  • mariage

  • Assistance éducative

Appréciation de la minorité par la cour d’appel (Civ. 1re, 16 nov. 2022, n° 20-20.853, 802 F-D) – Selon  l’article 561 du code de procédure civile, l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

Pour placer un jeune à l’aide sociale à l’enfance jusqu’à sa majorité, une cour d’appel retient qu’il ne peut être opposé à celui-ci qu’il a atteint l’âge de la majorité dès lors qu’il soutient qu’il était mineur à la date du jugement. En statuant ainsi, alors qu’il lui incombait de se placer au moment où elle statuait pour apprécier les faits, la cour d’appel, qui a méconnu l’étendue de ses pouvoirs, a violé l’article 561 du code de procédure civile.

NB – V. égal. arrêt du même jour, n° 20-21.916 (803 F-D).

  • Autorité parentale

Exacerbation du conflit parental par la mère : l’exercice de l’autorité parentale est confié au père (Civ. 1re, 16 nov. 2022, n° 21-15.002, 798 F-D) – Ayant établi une escalade dans le conflit parental, alimenté par la mère, au détriment de l’enfant une cour d’appel, qui a visé dans les motifs de son arrêt les pièces sur lesquelles elle fondait sa conviction, a fait ressortir l’existence de motifs graves tenant à l’intérêt de l’enfant et justifiant que l’exercice de l’autorité parentale soit confié au père.

En l’occurrence, après avoir relevé que le conflit parental sur la résidence de l’enfant avait été exacerbé par la décision de la mère, résultant d’un choix strictement personnel, de partir s’installer en Allemagne, la cour d’appel a constaté que, depuis le jugement fixant cette résidence chez le père, les deux parents exerçant en commun l’autorité parentale, la mère avait multiplié les procédures judiciaires et les démarches non concertées à propos de la scolarisation de l’enfant. Elle a souverainement estimé que ces demandes incessantes avaient créé pour l’enfant un état d’insécurité permanente ayant conduit la mère à la désigner comme « l’enfant de la guerre », sans mesurer la responsabilité qui était la sienne dans cette situation et le conflit de loyauté ainsi généré chez l’enfant. Elle a relevé que la mère avait, à plusieurs reprises, retardé unilatéralement le retour de l’enfant auprès de son père, qu’elle n’avait eu de cesse de dénigrer, n’hésitant pas à alerter sans raison sérieuse les forces de l’ordre et le procureur de la République, et que les difficultés apparues avaient entraîné une défiance constante du père quant au respect par la mère des décisions de justice et des engagements passés entre eux.

NB – Une décision que les avocats devraient montrer à leurs clients en attirant leur attention sur les conséquences non seulement de leurs actions multiples engagées à l’égard de l’autre parent mais également des mots et expressions utilisées devant l’enfant.

Père privé de contacts avec son enfant : non-violation de l’article 8 de la Convention EDH par les autorités lituaniennes (CEDH, 22 nov. 2022, Baškys c/ Lituanie, n° 47410/20) – Les autorités lituaniennes, auxquelles on ne peut reprocher d’avoir manqué à leur devoir d’assistance au père empêché d’entretenir des contacts appropriés avec l’enfant, malgré le manque de coopération de la mère, n’ont pas violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans les faits, la Cour reconnaît que, malgré plus d’une centaine de visites du requérant en Lituanie, ses contacts avec l’enfant ont été très limités. Tout en regrettant ce fait, elle note qu’à aucun stade de la procédure judiciaire le requérant n’a été interdit de contact avec son fils. Et bien que cela puisse être peu rassurant pour le requérant, sur réquisition d’un huissier, la mère a été condamnée à deux reprises à une amende pour non-respect de l’ordonnance de contact. L’État n’est donc pas resté un spectateur passif.

La relaxe d’une mère des faits de non-représentation d’enfant et de dénonciation calomnieuse exclut que le père puisse agir en réparation de son prétendu préjudice sur le fondement de la dénonciation téméraire (Civ. 2e, 24 nov. 2022, n° 21-17.167, 1207 F-B) – Selon l’article 1351, devenu 1355, du code civil l’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe.

La liberté d’expression est un droit dont l’exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi. Il s’ensuit que, hors restriction légalement prévue, l’exercice du droit à la liberté d’expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou de services, être sanctionné sur le fondement du second de ces textes.

La dénonciation téméraire constitutive d’un abus de la liberté d’expression est régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale qui, en cas de décision définitive de non-lieu ou de relaxe, et sans préjudice d’une poursuite pour dénonciation calomnieuse, ouvrent à la personne mise en examen ou au prévenu la possibilité de former une demande de dommages-intérêts, à l’encontre de la partie civile, à la condition que cette dernière ait elle-même mis en mouvement l’action publique.

En dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l’autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, seraient-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive.  Il n’en va autrement que s’il est établi que son auteur avait connaissance de l’inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé par l’article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé.

Pour condamner une mère à payer au père une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour une période courant de janvier 2012 à décembre 2014, une cour d’appel, après avoir rejeté la demande du père fondée sur une dénonciation téméraire, retient que, même si les agissements de la mère n’ont pas été considérés par le juge pénal à deux reprises comme constituant les délits de non-représentation d’enfant et de dénonciation calomnieuse, la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s’opposer à l’exercice du droit de visite et d’hébergement d’un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation. En statuant ainsi, alors que l’autorité de chose jugée attachée aux décisions de relaxe de la mère du chef de dénonciation calomnieuse, reposant sur l’absence de preuve de sa connaissance de la fausseté des déclarations de l’enfant qu’elle avait rapportées, ne permettait pas de retenir l’existence d’une dénonciation calomnieuse pour les périodes de janvier 2012 au 31 décembre 2012 et à compter du 19 décembre 2014, et qu’il résultait de ses propres énonciations que le père ne pouvait agir sur le fondement de la dénonciation téméraire, la cour d’appel a violé les les articles 1351, devenu 1355, et 1382, devenu 1240, du code civil.

  • Divorce

Fixation de la prestation compensatoire (Civ. 1re, 16 nov. 2022, n° 21-13.348, 800 F-D) – Prive sa décision de base légale au regard de l’article 271 du code civil une cour d’appel qui fixe à 85 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par l’époux à son épouse, sans se prononcer sur la situation de concubinage de l’époux invoquée par l’épouse et sans s’expliquer, comme il le lui était demandé, sur le montant prévisible des pensions de retraite des parties.

NB – V. égal. l’arrêt du même jour (n° 21-14.185, 801 F-D).

 

  • Filiation

Action en constatation de la possession d’état : avis de la Cour de cassation (Civ. 1re, avis, 23 nov. 2022, n° 22-70.013, 15015 P+B) – La Cour de cassation a été saisie de la demande d’avis suivante : « Dans la mesure où l’article 311-1 du code civil prévoit que la réunion suffisante de faits caractérisant la possession d’état est censée « révéler » le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir, une filiation à l’égard d’un demandeur dont il est constant qu’il n’est pas le père biologique de l’enfant peut-elle être établie dans le cadre de l’action en constatation de la possession d’état prévue à l’article 330 du code civil ? »

La Cour est d’avis que : 

  • la circonstance que le demandeur à l’action en constatation de la possession d’état ne soit pas le père biologique de l’enfant ne représente pas, en soi, un obstacle au succès de sa prétention,
  • il appartient au juge, en considération des éléments de l’espèce, d’apprécier si les conditions de la possession d’état posées par les articles 311-1 et 311-2 du code civil sont remplies.

Promotion de la GPA sur internet : confirmation de la condamnation de la société OVH (Civ. 1re, 23 nov. 2022, n° 21-10.220, 829 FS-B) – Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société Subrogalia y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site, une cour d’appel en a exactement déduit que le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu’il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d’ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu’il avait vocation à permettre à des ressortissants français d’avoir accès à une pratique illicite en France. Elle a ainsi caractérisé l’existence d’un dommage subi par l’association Juristes pour l’enfance sur le territoire français au regard de la loi s’y appliquant et justement retenu que la société OVH, qui n’avait pas promptement réagi pour rendre inaccessible en France le site litigieux, avait manqué aux obligations prévues à l’article 6. I. 2, de la loi du 21 juin 2004. Elle a enfin souverainement apprécié, par une décision motivée, le préjudice qui en était résulté. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

NB – Sur la décision d’appel, v. Versailles, 13 oct. 2020, n° 19/02573, AJ fam. 2020. 673, obs. E. Derieux et sur la décision de première instance, v. TGI Versailles, 26 févr. 2019, AJ fam. 2019. 217, obs. M. Saulier.

L’absence en droit suisse, jusqu’en 2018, de modes alternatifs de reconnaissance, pour les couples de même sexe, d’un enfant né d’une gestation pour autrui a violé le droit à la vie privée d’un enfant (CEDH, 22 nov. 2022, n° 58817/15 et 58252/15, D. B. et a. c/ Suisse) – Dans cette affaire un couple d’hommes (les deux premiers requérants), uni par un partenariat enregistré, a conclu un contrat de gestation pour autrui aux États-Unis, contraire à l’ordre public suisse. Une fois la grossesse confirmée, un tribunal américain déclara que les deux hommes étaient les parents légaux de l’enfant à naître. L’enfant (troisième requérant) naquit en 2011 et un certificat de naissance conforme au jugement fut établi. Fin avril 2011, les requérants demandèrent en Suisse la reconnaissance de la décision américaine et la transcription du certificat dans le registre de l’état civil. Ce que l’office d’État cantonal refusa. En mai 2015, le Tribunal fédéral reconnut l’arrêt américain en ce qui concerne le lien de filiation entre l’enfant et son père génétique (le deuxième requérant), mais refusa la reconnaissance du lien constaté par la justice américaine entre l’enfant et le premier requérant. En novembre 2015, les requérants saisirent la Cour. En janvier 2018, une modification du code civil autorisant l’adoption de l’enfant du partenaire enregistré entra en vigueur et en décembre 2018, les autorités cantonales prononcèrent l’adoption.

Durant presque 7 ans et 8 mois, les requérants n’ont aucune possibilité de faire reconnaître le lien de filiation de manière définitive. Pour la Cour, “ le refus de reconnaître l’acte de naissance établi légalement à l’étranger concernant le lien de filiation entre le père d’intention (le premier requérant) et l’enfant, né aux États-Unis d’une gestation pour autrui, sans prévoir de modes alternatifs de reconnaissance dudit lien, ne poursuivait pas l’intérêt supérieur de l’enfant. En d’autres termes, l’impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre l’enfant et le premier requérant pendant un laps de temps significatif constitue une ingérence disproportionnée dans le droit du troisième requérant au respect de sa vie privée protégée par l’article 8. Il s’ensuit que la Suisse, dans les circonstances de la cause, a excédé sa marge d’appréciation en n’ayant pas prévu à temps, dans sa législation, une telle possibilité”.

NB – V. aussi CEDH, 26 juin 2014,  Labassee c/ France, 65941/1 ; 26 juin 2014,  Mennesson c/ France, 65192/11 ; CEDH, avis consultatif, 10 avr. 2019,  P16-2018-001 ; CEDH, 16 juill. 2020, D. c/ France, 11288/18.

 

Établissement tardif de la vérité concernant la filiation biologique d’un enfant né d’une relation extra-conjugale : indemnisation du mari (Civ. 1re, 16 nov. 2022, n° 21-15.936, 799 F-D) – Ayant retenu qu’un mère et son nouveau mari avaient sciemment laissé s’appliquer la présomption de paternité qui attribuait à l’enfant une filiation à l’égard de l’ex-mari, une cour d’appel a pu en déduire, sans introduire aucun élément qui ne soit déjà dans le débat, une inertie fautive à l’origine de l’établissement tardif de la vérité concernant la filiation biologique.

  • Indivision

Le juge ne peut se dessaisir et déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur (Civ. 1re, 16 nov. 2022, n° 21-12.269, 793 F-D) – Méconnaît son office et viole l’article 4 du code civil une cour d’appel qui, en réponse à la demande de l’une des héritiers en reconnaissance d’une créance d’un certain montant au titre du règlement de cotisations d’assurances incombant à l’indivision, retient que le notaire devra intégrer dans le compte de l’indivision les dépenses faites pour le compte de celle-ci, selon les justificatifs qui lui seront produits.

 

  • Mariage

Action en nullité du mariage : l’avis écrit du ministère public doit être mis à la disposition des parties (Civ. 1re, 16 nov. 2022, n° 21-13.051,  797 F-D) – Il résulte des articles 16 et 431 du code de procédure civile que, lorsqu’il est partie jointe, le ministère public peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience.

Viole ces textes une cour d’appel qui énonce que, dans son avis écrit du 27 janvier 2020, le ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris, alors qu’il ne ressort ni de ses énonciations ni des pièces de la procédure que l’avis écrit du ministère public, intervenu en qualité de partie jointe et n’ayant pas assisté à l’audience, ait été mis à la disposition des parties.

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